T-2251-74
Atlantic Consolidated Foods Ltd. (Demanderesse)
c.
Le navire Doroty (Défendeur)
T-2252-74
Star-Kist Caribe Incorporated (Demanderesse)
c.
Le navire Doroty (Défendeur)
Division de première instance, le juge Dubé—
Saint-Jean, le 10 avril; Ottawa, le 13 juin 1978.
Droit maritime — Contrat — Connaissements — Règles de
La Haye incorporées aux connaissements en vertu du contrat
— Cargaison endommagée — Obligation contractuelle du
transporteur â l'égard du chargeur et limitation de responsa-
bilité — Effets à donner aux Règles de La Haye incorporées
dans les connaissements ainsi qu'aux termes mêmes des con-
naissements tendant â réduire la responsabilité du transpor-
teur — Règles de La Haye, article III, Paragraphes 1, 2, 8,
article IV, Paragraphe 5.
Ces deux actions ont été intentées par suite de dommages
qu'auraient subis deux cargaisons de thon transportées depuis
Taboga jusqu'à St. Andrews (Nouveau-Brunswick). Aux
termes de la clause 1, les deux connaissements sont soumis aux
Règles de La Haye. L'étendue des obligations contractuelles du
défendeur concernant le transport sûr et efficace de la cargai-
son, et la limite de responsabilité quant aux dommages sont
contestées, et soulèvent le problème de l'application des Règles
de La Haye qui ont été incorporées dans le connaissement en
vertu d'un contrat.
Arrêt: l'action est accueillie. Il était prévu que ce connaisse-
ment serait «soumis» aux Règles de La Haye, cependant, lés
deux documents doivent être interprétés ensemble d'après leur
sens et leur objet. En cas d'ambiguïté évidente, les exceptions
ou clauses introduites en faveur d'une partie doivent être
interprétées très strictement à son encontre, et il faut examiner
l'ensemble des deux documents pour en dégager un sens géné-
ral. On ne voit pas comment, quand et dans quelles circons-
tances le transporteur peut invoquer les exceptions qui lui sont
favorables et qu'il a mises dans le connaissement. Les Règles de
La Haye imposent au transporteur le devoir absolu d'exécuter
son travail «de façon appropriée et soigneuse», c'est-à-dire selon
une méthode sûre et efficace, mais sous réserve toutefois des
exceptions que les Règles prévoient en faveur du transporteur.
Il suffit au chargeur d'établir que les marchandises ont été
chargées à bord en bonne condition, qu'un connaissement a été
émis sans réserve et que les marchandises ont été livrées en
mauvaise condition, pour qu'il incombe au transporteur, en
vertu des Règles, d'établir qu'il a exécuté son travail de façon
appropriée et soigneuse et que les dommages à la cargaison
entrent dans le cadre d'une des exceptions. Le défendeur ne
s'est pas acquitté de cette obligation préférant faire valoir en
vertu d'une clause du connaissement, que la responsabilité du
transporteur se limitait à exercer une diligence raisonnable
pour fournir un bon système de réfrigération. Cependant, cette
clause ne libère pas des autres devoirs imposés par les Règles, y
compris celui de fournir et de maintenir un système sûr pendant
tout le voyage. La signification exacte de ladite clause ou
connaissement est ambiguë et l'auteur du connaissement ne doit
tirer parti d'aucune ambiguïté qu'il a lui-même créée. En raison
d'une autre ambiguïté créée par l'auteur du connaissement et
qui a trait à la limitation de responsabilité, l'interprétation
pertinente consiste à tenir compte, dans le connaissement, de la
seule limitation imposée par les Règles relativement aux unités,
à savoir une responsabilité de 100£ par unité. La réclamation
de la demanderesse est tout à fait conforme à cette limite.
ACTION.
AVOCATS:
Levi E. Clain pour la demanderesse.
M. Robert Jette pour le défendeur.
PROCUREURS:
McKelvey, Macaulay, Machum & Fairwea-
ther, Saint-Jean, pour la demanderesse.
Clark, Drummie & Company, Saint-Jean,
pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DUBÉ: Ces deux actions contre le
navire Doroty ont été entendues ensemble sur
preuve commune. Elles ont été intentées par suite
de dommages qu'auraient subis deux cargaisons de
thon transportées par le Doroty du Taboga, une île
située dans l'océan Pacifique, au large des côtes de
Panama, à St. Andrews dans la province du
Nouveau-Brunswick.
Les cargaisons étaient couvertes par deux con-
naissements délivrés pour le compte du navire.
Le connaissement TG/St. A-1 a été délivré à la
demanderesse Atlantic Consolidated Foods Ltd.
(sous le nom de Canadian Tuna Fishing Co.) pour
couvrir la cargaison ci-après appelée «Ocean
Maid». La cargaison Ocean Maid comprend du
poisson provenant des navires de pêche Atlantic
Jag et Atlantic Ocean Maid (ce dernier navire
transportait aussi du poisson provenant du navire
Atlantic Paton). St. Andrews était le port de
déchargement.
Le connaissement TG/MY-2 a été délivré à la
demanderesse Star-Kist Caribe Inc. («Star-Kist»)
pour couvrir une cargaison de thon transbordée du
navire de pêche Jasna. Ce connaissement men-
tionne comme port de déchargement Mayaguez,
dans le Porto Rico. Par suite d'un arrangement
entre Ocean Maid et Star-Kist pour un échange de
cargaison, le thon transporté pour le compte de
Star-Kist et initialement expédié à Mayaguez a été
laissé à bord du Doroty et transporté à St.
Andrews. Aucune des parties à ces deux actions ne
conteste cet arrangement.
La cargaison Ocean Maid se composait de 880
tonnes de thon et celle du Star-Kist de 191 tonnes.
Le thon a été pêché dans l'océan Pacifique par
plusieurs navires de pêche et a été transbordé à
bord du Doroty à l'île de Taboga au début d'avril
1974. Le Doroty a traversé le canal de Panama et
a jeté l'ancre à Mayaguez où on a débarqué une
partie de la cargaison, qui ne fait pas l'objet du
présent pourvoi. C'est là que l'on a constaté que la
cargaison Star-Kist, destinée à Mayaguez, était
emmagasinée dans la cale de fond, au-dessous de
la cargaison Ocean Maid. On a alors décidé de
transporter tout le chargement de thon à St.
Andrews (Nouveau-Brunswick) où le navire est
arrivé le 2 mai 1974.
Il a été établi que le thon déchargé des cales
supérieures du navire, pendant les quatre premiers
jours à St. Andrews, était en bonne condition.
Cependant, le 6 mai, comme l'équipage de déchar-
gement approchait du fond de la cale inférieure n°
1, il y a trouvé de l'eau. On a demandé à l'officier
en second du Doroty s'il était possible de pomper
pour évacuer cette eau, et il a répondu par la
négative. Mais, très peu de temps après, on a vu de
l'eau rejetée à la mer, et le niveau d'eau descendait
graduellement dans la cale.
Dans l'après-midi, on a constaté que l'eau, pro-
venant d'un tuyau cassé, envahissait la cale infé-
rieure n° 4. On a arrêté cet écoulement en fermant
une valve sur le pont. Le matin suivant, les
hommes s'approchant du fond de cette cale, ont
encore vu de l'eau. Ils ont demandé à l'officier en
second de la pomper, sans recevoir aucune réponse.
Mais peu de temps après, le niveau de l'eau
descendait.
On n'a pas trouvé d'eau au fond des deux autres
cales inférieures (n° 2 et n° 3), mais là, tout comme
dans les cales n° 1 et n° 4, le poisson était mou et
gâché, et on a constaté la marque du niveau d'eau
sur les cloisons de ces deux cales inférieures.
On a alors décidé d'essayer, à l'usine locale de
poisson Ocean Maid à St. Andrews, de tirer le
meilleur parti possible du poisson avarié. Habituel-
lement, le thon congelé apporté à l'usine est mis
dans un entrepôt frigorifique pour être traité plus
tard en temps utile. Il fallait, cependant, traiter
tout de suite le poisson avarié en question, et on a
immédiatement utilisé toute la capacité de l'usine
pour cette opération.
Les propriétaires des deux cargaisons de thon
réclament contre le Doroty des dommages-intérêts
calculés sur la base de la valeur marchande du
poisson vendu, plus les frais de l'opération de
sauvetage et le fret. La réclamation se monte à
$88,279.27 pour la cargaison Ocean Maid et à
$34,481 pour la cargaison Star-Kist.
A l'audience, les demanderesses ont établi clai-
rement que la cargaison a été livrée à St. Andrews
en état d'avarie. La prépondérance des preuves
montre aussi qu'au chargement du Doroty à
Taboga, le thon était en bonne condition.
Le connaissement relatif à la cargaison Ocean
Maid décrit le «thon congelé» comme [TRADUC-
TION] «reçu à bord du navire en état de congéla-
tion le 6 avril 1974». Le connaissement relatif à la
cargaison Star-Kist décrit le «thon congelé» comme
[TRADUCTION] «reçu en état de congélation à une
température moyenne variant entre —5° C et — 8°
CO.
Roberto Carillo, qui surveillait le chargement
pour le compte de Star-Kist à Taboga, a déclaré
que le renseignement était inexact. Il a pris la
température dorsale du poisson à l'arrivée, et il a
déclaré fermement à l'audience que la température
restait fixe entre 13° F ( —10.5 ° C) et 14° F
(-10° C). Il a confirmé sa constatation dans un
rapport à son surveillant le jour même où le char-
gement était achevé et il a déposé ce rapport à
l'audience comme pièce à conviction.
Bruce Chatwin, qui surveillait le chargement du
poisson Ocean Maid, a aussi constaté que le pois-
son était en bonne condition et l'a confirmé auprès
de ses surveillants. Sa déposition est appuyée par
deux attestations signées par le capitaine du
Doroty le 4 avril 1974 certifiant que la tempéra-
ture du poisson était entre 10.4° F (-12° C) et
6.8° F (-14° C).
A Mayaguez, deux autres témoins ont constaté
que le thon était congelé et à une température
convenable.
Ces dépositions ont été contredites seulement
par Nunzio Libro, chef mécanicien du Doroty, qui
a examiné une partie du poisson pendant que le
capitaine et l'officier faisaient un peu de pêche
sportive sur le pont, à Mayaguez. Le capitaine
était responsable pour la réception du thon, pas le
chef mécanicien. Et il a été établi que le thermo-
mètre du Doroty était faussé et ne convenait pas
pour mesurer la température du poisson congelé,
étant en verre et non en métal, donc trop fragile et
cassable.
Les preuves produites établissent que le poisson
a été reçu à bord en bonne condition et qu'à
l'arrivée à St. Andrews la majeure partie du pois-
son était en bonne condition, sauf celui emmaga-
siné au fond des cales inférieures.
Je suis aussi d'avis que l'eau a envahi le fond des
cales inférieures par suite de la mauvaise méthode
employée pour déglacer le système de transmission
du froid. Il paraît que la méthode de déglaçage la
plus appropriée et la plus efficace consiste à faire
passer du gaz chaud à travers la tuyauterie pour
faire fondre la glace accumulée sur le serpentin.
On n'a pas appliqué cette méthode à bord du
Doroty mais plutôt celle, plus rudimentaire, consis-
tant à diriger un jet d'eau sur le serpentin. On a
employé à cet effet un boyau d'arrosage, du genre
habituellement utilisé dans les jardins, que l'on a
raccordé à un tuyau d'incendie sur le pont, fait
passer par une porte et descendu jusqu'au niveau
des serpentins. L'eau du boyau coulait sur les
serpentins et tombait dans le bassin inférieur.
Lorsque les trous de drainage au fond du bassin
étaient bouchés (par la glace ou, délibérément à la
main), l'eau débordait et coulait à travers le gril-
lage pour atteindre la cargaison du dessous.
L'eau coulant à travers les trous de drainage
ouverts du bassin atteignait le conduit de dalot et
lorsqu'on ouvrait le dalot, comme ce fut évidem-
ment le cas à St. Andrews pour la cale inférieure
n° 4, l'eau se déversait directement sur la
cargaison.
Il est établi qu'alors que le navire était en mer,
les trous de drainage du bassin étaient bouchés et
l'on a vidé l'eau à la main avec un seau. Le chef
mécanicien, ou un matelot, descendait au niveau
des serpentins pour puiser l'eau et passer le seau à
un autre matelot sur le pont, à travers une porte
ouverte. Évidemment, même en temps calme, la
méthode est rudimentaire. Par mer forte, l'opéra-
tion est très risquée. D'après le journal de bord et
les preuves produites, le Doroty a essuyé des tem-
pêtes pendant son passage de Panama à Mayaguez
et a beaucoup roulé et tangué. A un certain
moment, presque tout l'équipage avait le mal de
mer. Le Doroty a aussi essuyé des vents violents
pendant son voyage de Mayaguez à St. Andrews et
une tempête violente lorsque le navire s'approchait
de St. Andrews.
Il appert également que l'équipage du Doroty
n'a pas utilisé les pompes de cale du navire si ce
n'est lorsqu'on lui a demandé de le faire à St.
Andrews. On ne sait pas si les pompes ne fonction-
naient pas pendant le voyage, ou si l'équipage ne
savait pas les utiliser ou autrement ne voulait pas
les faire fonctionner. Le fait qu'à St. Andrews, les
pompes ont mis à sec au moins deux des cales
inférieures, et peut-être les quatre, montre que leur
utilisation aurait réduit les dommages ou même les
aurait évités.
Le défendeur a cité deux témoins experts pour
présenter des explications théoriques différentes
sur les causes possibles d'avarie du poisson.
Le capitaine Paul Hansell, expert maritime, a
suggéré que les mouvements du navire auraient
fait glisser graduellement le petit poisson vers le
fond des cales, ce qui aurait empêché l'écoulement
normal de l'air frais. Aucun fait n'a été, cepen-
dant, établi à l'appui de cette théorie. En réalité, le
thon emmagasiné au fond des cales supérieures n'a
subi aucune avarie, et rien ne prouve qu'il y avait
plus de petit poisson dans le fond qu'à la partie
supérieure des cales.
Le Dr David G. Doust, architecte et ingénieur
maritime, a déclaré non satisfaisante la méthode
San Diego de pêche du thon, utilisée par les navi-
res fournissant le thon au Doroty. A son avis, les
clippers pêchent le thon à des profondeurs de plus
de cent brasses et le ramènent rapidement à la
surface de l'eau, ce qui fait exploser les entrailles
du poisson. Il a décrit l'arrivée du poisson sur le
pont comme un spectacle affreux d'agonie et de
sang. Suivant la déposition du Dr Doust, on con-
gèle de manière inappropriée le poisson à bord des
navires de pêche; il n'est donc pas possible de le
transporter de manière appropriée à destination.
Le témoin propose énergiquement une nouvelle
méthode de congélation, le système Confreeze, et
voudrait que l'industrie de pêche du thon l'adopte.
Bien entendu, cette cour n'est pas un forum
pertinent pour présenter des raisonnements sur la
valeur des différentes méthodes de pêche du thon,
quelque compétent et dévoué que le promoteur de
ces méthodes puisse être. Le rôle de la Cour
consiste simplement à déterminer, de la meilleure
façon possible, la responsabilité des dommages à la
cargaison de thon transportée par le Doroty.
A mon avis, d'après les faits établis devant la
Cour, c'est la présence de l'eau dans les cales
inférieures qui a causé l'avarie du thon à bord du
Doroty, et cette présence est due à la méthode
inepte utilisée par l'équipage pour déglacer le ser-
pentin de transmission du froid et à son défaut
d'utiliser de façon appropriée les pompes de cale.
Je reprends l'examen des connaissements.
Les deux connaissements ont été faits d'après
des formules imprimées identiques, au recto
comme au verso, mais les détails dactylographiés
au recto sont différents. Voici la description dans
le cas d'Ocean Maid:
[TRADUCTION]
Un lot de thon congelé de
l'«Atlantic Jag» 80 tonnes courtes
Un lot de thon congelé de
l'«Atlantic Ocean Maid» 800 tonnes courtes
880 tonnes courtes
Reçu à bord en état de congélation le 6 avril 1974.
Voici la description dans le cas de Star-Kist:
[TRADUCTION]
Un lot de thon congelé du
.Jasna» 191.210 tonnes courtes
Reçu à bord en état de congélation, le 6 avril 1974,
température moyenne entre —5 à —8 degrés Celsius.
Le navire n'est pas responsable de la condition physi
que de la cargaison, ni des dommages externes causés
au poisson pendant le chargement et le déchargement.
Voici le libellé de la clause 1 au verso des deux
documents:
[TRADUCTION] 1. En cas de transport de marchandises en
provenance ou à destination d'un port des Etats-Unis, l'exécu-
tion du présent connaissement est et sera faite sous réserve des
dispositions du Carriage of Goods by Sea Act, 46 U.S.C. #1300
et suiv., lesquelles sont incorporées au présent titre. Dans le cas
contraire, le présent connaissement est soumis à la «Convention
internationale pour l'unification de certaines règles en matière
de connaissement, signée à Bruxelles, le 25 août 1924, dans la
forme adoptée par la localité d'où les marchandises sont expé-
diées, ou, à défaut, dans la forme adoptée par la Convention
(ci-après appelée les Règles de la Haye). Rien dans le présent
titre ne doit être interprété comme une renonciation, par le
transporteur, à l'un quelconque de ses droits ou immunités, ou
comme une augmentation de ses responsabilités ou obligations
en vertu de l'une quelconque des lois, statuts ou ordonnances
applicables ou rendues applicables par le présent titre, et toute
disposition y énoncée doit (sauf disposition expresse en sens
contraire prévue dans le présent titre) être en vigueur avant le
chargement et après le déchargement et pendant tout le temps
que les marchandises restent sous la garde du transporteur. Le
transporteur n'est pas responsable en quelque qualité que ce
soit, pour tout délai, non-livraison ou mauvaise livraison, perte
ou avarie de marchandises survenant pendant que les marchan-
dises ne sont pas sous sa garde véritable.
Puisqu'il ne s'agit pas de marchandises embar-
quées ou débarquées à un port des États-Unis, et
puisque les parties sont d'accord que le Panama
n'a pas adopté la Convention internationale de
1924, le connaissement est donc soumis aux Règles
de La Haye', en vertu de la clause 1 précitée.
Les demanderesses ont allégué que, lorsque les
parties à un connaissement sont spécifiquement
convenues que certaines lois doivent s'appliquer à
un chargement ou que les Règles de La Haye,
telles qu'elles sont adoptées par un pays donné,
sont applicables, il faut donner plein effet à cette
convention entre les parties. Elles ont renvoyé à
Vita Food Products Inc. c. Unus Shipping Co.,
Ltd. 2 et Adamastos Shipping Co., Ltd. c. Anglo-
Saxon Petroleum Co., Ltd. 3
Dans ce dernier arrêt, le vicomte Simonds, se
référant à une disposition de ce genre, s'est ainsi
exprimé à la page 729:
[TRADUCTION] Il faut donc interpréter le contrat comme si les
dispositions de la Loi y étaient reproduites et y gagnaient la
rigueur contractuelle qu'admet une bonne interprétation du
document.
Les paragraphes 1 et 2 de l'article III des Règles
de La Haye prescrivent les obligations du trans-
porteur ainsi qu'il suit:
La Convention de Bruxelles-1924.
2 [1939] 1 All E.R. 513.
3 [1958] 1 All E.R. 725.
Article III
1. Le transporteur sera tenu avant et au début du voyage
d'exercer une diligence raisonnable pour:
a) mettre le navire en état de navigabilité;
b) convenablement armer, équiper et approvisionner le
navire;
c) approprier et mettre en bon état les cales, chambres
froides et frigorifiques et toutes autres parties du navire où
des marchandises sont chargées pour leur réception, trans
port et conservation.
2. Le transporteur, sous réserve des dispositions de l'article
IV, procédera de façon appropriée et soigneuse au chargement,
à la manutention, à l'arrimage, au transport, à la garde, aux
soins et au déchargement des marchandises transportées.
L'avocat des demanderesses fait ressortir qu'en
vertu du paragraphe 2 de l'article III, le transpor-
teur a donc l'obligation de procéder «de façon
appropriée et soigneuse» à la manutention, à l'arri-
mage et au transport des marchandises. Ainsi, le
transporteur doit non seulement être soigneux,
mais il doit également transporter les marchandi-
ses «de façon appropriée». Il a cité l'arrêt G.H.
Renton & Co., Ltd. c. Palmyra Trading Corpora
tion of Panama 4 à l'appui de la proposition qu'il
faut interpréter l'expression «de façon appropriée»
comme signifiant selon une méthode sûre et effi-
cace, compte tenu de la nature de la cargaison.
Ainsi, une cargaison de poisson congelé ne serait
pas transportée «de façon appropriée» si le système
de congélation n'est pas sûr et efficace. L'avocat a
allégué que cette obligation est absolue à moins
que le transporteur ne puisse établir que la perte a
été causée par l'une des exceptions prévues au
paragraphe 2 de l'article IV.
L'avocat des demanderesses soutient donc qu'il
suffit au chargeur d'établir que la cargaison a été
embarquée en bon ordre et bonne condition et a
été livrée dans des conditions d'avarie, pour établir
une présomption que le transporteur ne s'est pas
acquitté de l'obligation que lui impose le paragra-
phe 2 de l'article III des Règles de La Haye. Il
incomberait alors au transporteur de montrer que
la cause de l'avarie tombe bien dans les exceptions
prévues par le paragraphe 2 de l'article IV. 5
L'avocat ajoute que les Règles de La Haye ne
permettent pas au transporteur d'étendre sa pro
tection contre la responsabilité au-delà de la pro
tection que lui accordent les Règles. Suivant le
4 [1956] 3 All E.R. 957.
5 Gosse Millerd, Ltd. c. Canadian Government Merchant
Marine, Ltd. The «Canadian Highlander« [1928] All E.R. 97.
paragraphe 8 de l'article III, cette tentative serait
nulle et non avenue et n'aurait aucun effet 6 . En
voici le libellé:
8. Toute clause, convention ou accord dans un contrat de
transport exonérant le transporteur ou le navire de responsabi-
lité pour perte ou dommage concernant des marchandises pro-
venant de négligence, faute ou manquement aux devoirs ou
obligations édictées dans cet article ou atténuant cette respon-
sabilité autrement que ne le prescrit la présente Convention,
sera nulle, non avenue et sans effet. Une clause cédant le
bénéfice de l'assurance au transport ou toute clause semblable
sera considérée comme exonérant le transporteur de sa
responsabilité.
L'avocat du défendeur co,.vient que, lorsque les
Règles de La Haye sont ex proprio vigore, en
vertu de dispositions statutaires obligatoires, elles
prévalent sur toute disposition contractuelle du
connaissement, mais il allègue que, lorsque ces
règles sont adoptées par convention, elles n'ont pas
force de loi et doivent être interprétées et appli-
quées seulement dans les cas non spécifiquement
prévus dans le connaissement.
L'avocat rappelle la citation, faite par les
demanderesses, des observations du vicomte
Simonds dans Adamastos Shipping (supra) et en
a déduit que le vicomte Simonds n'a pas dit que les
dispositions d'une loi (en l'espèce, Carriage of
Goods by Sea Act, 1936, des Etats-Unis adopté
par référence dans la charte-partie) incorporées
dans un contrat ont force de loi; mais plutôt que
l'adoption d'une loi lui donne [TRADUCTION] «la
rigueur contractuelle qu'admet une bonne inter-
prétation du document».
L'avocat fait ressortir que les règles de droit
sont applicables en dépit de l'intention des parties
contractantes, alors que les règles d'interprétation
s'appliquent pour donner effet à l'intention des
parties contractantes. Il a renvoyé à Carver dans
Carriage by Sea' qui, au paragraphe 532, traite
brièvement des documents incorporés dans un con-
trat et de l'arrêt Adamastos (supra):
[TRADUCTION] Documents incorporés. Parfois les modalités
sont incorporées in toto dans un autre. Selon le principe
d'interprétation alors applicable, seules sont considérées comme
incorporées les dispositions du premier document qui sont
compatibles avec le second, les autres dispositions du premier
document devant être écartées.
6 The .Lady Drake». Bayliss c. Canadian National Steam
ships 1935 A.M.C. 427.
'Douzième édition, Tome 1.
Ainsi qu'il appert dans Adamastos c. Anglo-Saxon, la diffi
culté pratique consiste à déterminer l'interprétation des disposi
tions restantes du document incorporé, après radiation des
dispositions incompatibles. Dans l'arrêt cité, le juge Delvin et la
majorité des lords ont pris leurs décisions respectives grâce à
une interprétation des dispositions restantes en elles-mêmes et
non pas (ainsi que l'ont fait les lords de la minorité) en tenant
compte de leur relation avec les dispositions incompatibles.
Le défendeur allègue que seules les dispositions
des Règles de La Haye qui sont compatibles avec
celles du connaissement doivent être incorporées
dans celui-ci. Il renvoie à W.R. Varnish & Co.,
Ltd. c. «Kheti» (Owners) 8 et à Club Coffee Com
pany Limited c. Moore -McCormack Lines, Inc.»
Le défendeur allègue qu'en conséquence, une
interprétation pertinente des documents permet
d'incorporer les Règles de La Haye seulement là
où il n'y a aucune clause du connaissement relative
à l'objet en question, et les Règles ne prévalent pas
du simple fait de leur adoption dans le contrat.
Les demanderesses répondent qu'elles ne font
pas valoir que les principes d'interprétation appli-
cables en l'espèce seraient les mêmes si l'applica-
tion des Règles de La Haye était imposée par la
loi. Elles affirment que, lorsqu'un document est
incorporé dans un autre par référence, il faut
interpréter les deux documents ensemble comme
une pièce unique et ne donner préséance à aucun
d'entre eux. Il faut écarter toute disposition, dans
le document incorporé, qui rendrait l'incorporation
[TRADUCTION] «inintelligible» ou [TRADUCTION]
«inapplicable» 10 .
Évidemment, lorsque la loi soumet un connaisse-
ment aux Règles de La Haye, celles-ci prévalent et
toute clause du connaissement qui est incompatible
avec les Règles sera nulle et non avenue. Mais
lorsque les Règles ont été incorporées dans le
connaissement par une clause contractuelle, il faut
interpréter les deux documents de la manière qui
donnera le mieux effet à l'intention des parties. Il
faut rejeter les dispositions des Règles qui sont
inapplicables à une situation donnée, mais cela ne
veut pas dire que les clauses des Règles qui sont
incompatibles avec celles du connaissement doi-
8 (1949) 82 LI. L. R. 525.
» [1968] 2 R.C.É. 365.
10 Hamilton & Co. c. Mackie & Sons (1889) 5 T.L.R. 677;
Adamastos Shipping Co., Ltd. c. Anglo-Saxon Petroleum Co.,
Ltd. [1958] 1 All E.R. 725.
vent être écartées. On doit toujours se rappeler que
les clauses incompatibles y ont été mises par l'au-
teur du connaissement. Celui-ci peut légitimement
essayer de rédiger un connaissement comportant
toutes les immunités prévues par les Règles en
évitant les responsabilités dans la mesure du possi
ble. L'essai n'est pas, cependant, sans risque.
Dans Marine Cargo Claims, 1965, la page 46,
Tetley a dit que des règles spécifiques relatives à
l'interprétation des connaissements ont évolué.
Voici sa première règle:
[TRADUCTION] 1. En cas de doute, on interprète un contrat à
l'encontre des intérêts de l'auteur du contrat. Donc un connais-
sement imprimé par le transporteur (ce qui est généralement le
cas) sera interprété contre celui-ci. Lorsque le chargeur prépare
sa propre formule de connaissement, l'interprétation sera faite
contre lui.
Les deux documents doivent être interprétés
ensemble d'après leur sens et leur objet. En cas
d'ambiguïté évidente, les exceptions ou clauses
introduites en faveur d'une partie doivent être
interprétées très strictement à son encontre, et il
faut examiner l'ensemble des deux documents pour
en dégager un sens général.
Dans le présent connaissement, la clause para
mount (clause 1 précitée) dispose que le connaisse-
ment est [TRADUCTION] «soumis» aux Règles de
La Haye. Elle est immédiatement suivie par une
exception qui est, de prime abord, favorable au
transporteur: [TRADUCTION] «sauf disposition
expresse en sens contraire prévue dans le présent
titre» (le connaissement). Mais cette exception est
ambiguë. Elle peut signifier que les Règles seront
généralement applicables, à moins que le connais-
sement n'en dispose autrement. Elle peut aussi
signifier qu'il faut appliquer les Règles avant le
chargement, pendant le voyage, et après le déchar-
gement (ce qui constituerait une prorogation du
délai pendant lequel les Règles s'appliquent habi-
tuellement), sauf en cas de disposition contraire du
connaissement. D'après une troisième interpréta-
tion possible, l'exception aux Règles de La Haye
s'appliquerait seulement avant le chargement,
après le déchargement, ou pendant toute période
précédant ou suivant celle où les marchandises
sont sous la garde du transporteur. La dernière
phrase de la clause 1 peut être invoquée à l'appui
de l'une ou l'autre des deux dernières interpréta-
tions: [TRADUCTION] «Le transporteur n'est pas
responsable ... pendant que les marchandises ne
sont pas sous sa garde véritable». Ainsi les Règles
seraient applicables pendant que les marchandises
sont sous sa garde véritable, c'est-à-dire au charge-
ment, pendant le voyage et au déchargement.
En d'autres termes, il est évident que le connais-
sement est «soumis» aux Règles de La Haye, mais
on ne voit pas du tout comment, quand et dans
quelles circonstances le transporteur peut invoquer
les exccptions qui lui sont favorables et qu'il a
mises dans le connaissement.
Dans deux domaines différents, les exceptions
prévues dans le connaissement sont incompatibles
avec les Règles: celui de la responsabilité du trans-
porteur dans le transport des marchandises et celui
des limitations monétaires possibles à sa responsa-
bilité.
En vertu du paragraphe 2 de l'article III, le
transporteur a le devoir absolu d'exécuter son tra
vail «de façon appropriée et soigneuse», c'est-à-dire
selon une méthode sûre, donc de façon efficace. Ce
devoir commence avec le chargement des mar-
chandises. Son devoir consiste à assurer le trans
port, la garde et les soins qui conviennent à la
cargaison visée, ce qui veut dire, en l'espèce, l'em-
magasinage du poisson congelé dans des cales
réfrigérées de façon appropriée et soigneuse. S'il
ne peut pas fournir ce genre spécial de service, le
transporteur ne doit pas accepter ce genre spécial
de cargaison.
Le paragraphe 2 de l'article III prescrit ce
devoir sous réserve de l'article IV qui énonce les
exceptions ou droits et immunités du transporteur.
Ces dispositions ne diminuent en rien le niveau
d'habileté attendu de la part du transporteur, ni ne
le dispensent en aucune manière d'exécuter son
travail de façon appropriée et soigneuse. Il suffit
au chargeur d'établir que les marchandises ont été
chargées à bord en bonne condition, qu'un connais-
sement a été émis sans réserve et que les marchan-
dises ont été livrées en mauvaise condition, pour
qu'il incombe au transporteur, en vertu des Règles,
d'établir qu'il a exécuté son travail de façon appro-
priée et soigneuse et que les dommages à la cargai-
son entrent dans le cadre d'une des exceptions.
Le défendeur n'a pas essayé de prouver que les
dommages subis par le thon proviennent de l'une
quelconque des causes énumérées dans l'article IV.
Il a plutôt essayé de se réfugier derrière le para-
graphe 3 de la clause 20 du connaissement, dont
voici le libellé:
[TRADUCTION] Il est également convenu que, si les proprié-
taires du navire ont exercé toute diligence appropriée pour
rendre le navire, à tous points de vue, navigable, bien armé,
équipé et fourni, ledit navire, ses propriétaires, agents et
employés ne seront en aucun cas responsables des pertes ou
dommages causés à toute cargaison transportée en congélation,
que ces pertes ou dommages aient été ou non causés par des
défauts ou insuffisances, survenus avant ou après le décharge-
ment, dans la coque dudit navire ou dans ses installations
frigorifiques, dans ses chambres, espaces ou appareils ou l'une
quelconque de leurs parties, ou dans toute matière utilisée dans
le processus de congélation, et que ces pertes ou dommages,
survenus de quelque manière que ce soit, aient été ou non
occasionnés par une négligence, une faute ou une erreur de
jugement de la part du pilote, du capitaine, des officiers,
mécaniciens, matelots, ingénieurs en réfrigération ou de tout
préposé des propriétaires du navire ou de toute autre personne
pour les faits desquels ils sont responsables, ou par le mauvais
état de navigabilité. Il est expressément convenu que toute
négligence, faute ou erreur dans l'exploitation desdites installa
tions frigorifiques sera réputée une faute ou erreur dans l'ex-
ploitation du navire, au sens du présent connaissement/charte-
partie, et est expressément reconnue comme telle dans la
présente convention, et non une faute ou manquement dans la
garde, les soins ou le transport des marchandises chargées dans
les cales de congélation.
Le défendeur déclare qu'en vertu de cette
clause, la responsabilité du transporteur, en cas de
cargaison congelée, consiste à exercer une dili
gence raisonnable pour fournir un bon système.
Suivant la déposition du chef mécanicien du
Doroty, il a personnellement vérifié les comparti-
ments réservés à la cargaison et les équipements de
congélation, avant de charger le thon, et il a
constaté que tout était en bon état de fonctionne-
ment. Des certificats délivrés par Lloyds et par
R.I.N.A. et déposés devant la Cour montrent
qu'une enquête faite en février 1974 a établi que le
Doroty était équipé de façon appropriée et était en
bonne condition pour recevoir une cargaison.
Le défendeur allègue qu'il y a donc suffisam-
ment de preuve pour établir que les propriétaires
ont exercé une diligence raisonnable en vertu de la
clause 20 du connaissement. Cela se peut, mais la
clause 20 ne le libère pas des autres devoirs impo-
sés par les Règles, qui consistent non seulement à
fournir un système sûr pendant tout le voyage,
mais aussi à le conserver dans cet état de façon
appropriée et soigneuse.
Le défendeur allègue également qu'en ce qui
concerne la cargaison Star-Kist, la clause dactylo-
graphiée sur le recto du connaissement libère le
navire de toute responsabilité relative à la condi
tion du poisson. On se rappelle qu'en vertu de cette
clause [TRADUCTION] «le navire n'est pas respon-
sable de la condition physique de la cargaison, ni
des dommages externes causés au poisson pendant
le chargement et le déchargement».
La signification exacte, ou résultat net, de cette
clause n'est pas très claire. Tout d'abord, rien
n'établit que le thon a été endommagé «pendant le
chargement et le déchargement». Ensuite, la
phrase dactylographiée n'énonce pas clairement si
l'absence de responsabilité du navire pour la «con-
dition physique» du thon se rapporte seulement au
chargement et au déchargement, ou aussi au trans
port du thon par le navire. En tout cas, il est établi
que le thon n'a pas été livré dans la même «condi-
tion physique» que lorsqu'il a été chargé à bord du
navire. Si la clause dactylographiée prétend libérer
le navire de toute responsabilité relative au trans
port du thon, elle n'est pas compatible avec la
clause 20 du connaissement et, bien entendu, avec
les Règles. Encore une fois, l'auteur du connaisse-
ment ne doit tirer parti d'aucune ambiguïté qu'il a
lui-même créée.
Je suis donc d'avis qu'une interprétation appro-
priée du connaissement dans le contexte des Règles
ne libère pas le défendeur de sa responsabilité pour
les dommages causés au thon. Resté à voir si sa
responsabilité est limitée à quelque montant spéci-
fique, en vertu du connaissement ou des Règles.
Les Règles de La Haye prévoient une limitation
de responsabilité à un maximum de 100/ par colis
ou unité. Voici le texte du paragraphe 5 de l'article
IV:
5. Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun
cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les
concernant pour une somme dépassant 100 liv. sterl. par colis
ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie,
à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient
été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que
cette déclaration ait été insérée au connaissement. [C'est moi
qui souligne.]
La clause 13 du connaissement renvoie aux
Règles et à [TRADUCTION] «une unité de fret
habituelle». En voici le libellé:
[TRADUCTION] 13. Toutes les réclamations en vertu desquel-
les le transporteur peut être responsable doivent être rajustées
et réglées sur la base du coût net de facture du transporteur
plus le fret et les primes d'assurance, si celles-ci sont payées, et
en aucun cas la responsabilité du transporteur ne doit dépasser
le montant des dommages véritablement subis ou des pertes
sous forme de manque à gagner ou des pertes indirectes. Le
transporteur ne doit être tenu d'aucune perte ou d'aucun dom-
mage subi par les marchandises, ou y relatifs, dont le montant
dépasse le minimum convenu permis par colis par les Règles de
La Haye, ou, pour les marchandises non chargées sous forme de
colis, par unité de fret habituelle, à moins que la nature et la
valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par écrit par le
chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration
n'ait été insérée au connaissement, et que le fret supplémentaire
y afférent ait été payé suivant les exigences du tarif applicable
pour pouvoir profiter de cette estimation excédentaire. Le
rajustement doit se faire au pro rata pour les pertes partielles,
sur la base de l'estimation convenue dans le présent connaisse-
ment. En cas de pertes ou dommages tels qu'aucune règle de La
Haye n'est pertinente, la valeur des marchandises sera fixée à
100 livres sterling par colis ou par unité de fret habituelle.
[C'est moi qui souligne.]
Le défendeur soutient avoir le droit de limiter sa
responsabilité à 100£ «par unité de fret habituelle».
Les demanderesses allèguent que le défendeur a
seulement le droit de limiter sa responsabilité à
100£ «par unité», l'unité étant un poisson; et aussi
que la valeur pécuniaire mentionnée dans les
Règles est déterminée par la valeur or de 100£,
laquelle, en 1974, dépassait de beaucoup 400£ en
billets de banque.
Dans Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo
Shipping Limited", la Cour suprême du Canada a
eu l'occasion d'analyser la distinction entre
«l'unité» et «d'unité de fret», et le juge Ritchie a
renvoyé à l'arrêt Anticosti 12 dont il a extrait le
raisonnement suivant fait par le savant juge de
première instance:
[TRADUCTION] Le terme «unité» s'appliquerait normalement,
je crois, à une unité d'expédition, c'est-à-dire, une unité de
marchandise; le terme «colis» et le contexte général semblent
ainsi le restreindre.
Les parties sont d'accord que l'expression «unité
de fret habituelle» désigne la tonne courte ainsi
qu'il a été spécifié sous le titre [TRADUCTION]
«Poids brut» au recto des deux connaissements.
Tout d'abord, la dernière disposition de la clause
13 du connaissement ne s'applique évidemment
pas en l'espèce parce que les pertes décrites plus
haut ne sont pas survenues dans des circonstances
qui éliminent l'application des Règles de La Haye.
" [1974] R.C.S. 933, la page 945.
12 R.C.S. 372.
Les circonstances dans lesquelles le thon a été
endommagé à bord du Doroty sont précisément
parmi celles régies par les Règles.
La première partie de la clause 13 énonce que le
transporteur n'est responsable d'aucun montant
dépassant la valeur minimum convenue permise
par les Règles [TRADUCTION] «par colis ou par
unité de fret habituelle».
En l'espèce, nous n'avons pas à tenir compte des
«colis», et les Règles traitent seulement de l'«unité»,
et non l'«unité de fret habituelle». En raison de
l'ambiguïté créée par le rédacteur du connaisse-
ment, l'interprétation pertinente de ce dernier
«sous réserve des Règles» consiste donc à tenir
compte, dans le connaissement, de la seule limita
tion imposée par les Règles relativement aux
unités, à savoir la limitation de la responsabilité du
transporteur à [TRADUCTION] «100£ par unité».
Aucune disposition du connaissement ne con-
cerne ce montant de 100£, mais l'article IX des
Règles prévoit que «Les unités monétaires dont il
s'agit dans la présente Convention s'entendent
valeur or». Fiat Company c. American Export
Lines, Inc. 13 a établi qu'en 1965, la valeur or de
100£ était 824 $EU. Les demanderesses font valoir
que l'Angleterre suivait le régime de l'étalon-or
lors de l'adoption de la convention en 1924, mais a
mis fin à ce régime en 1925. En conséquence, leurs
réclamations restent bien en deçà de la limitation
fixée par les Règles, qui est la seule applicable en
l'espèce, selon une interprétation appropriée.
Maintenant, les dommages. Le défendeur admet
que, comme la perte véritable ne pouvait être
estimée avant que les demanderesses aient pris les
mesures nécessaires pour minimiser la perte, les
dépenses appropriées faites à cette fin peuvent être
réclamées. Il allègue, cependant, que certains mon-
tants réclamés au titre des frais de sauvetage ne
sont pas des rubriques appropriées de dommages, à
savoir la perte des contributions, les majorations,
les frais de déchargement et la valeur marchande.
Je ne vais pas examiner encore une fois le calcul
des dommages fait par les demanderesses. Je suis
convaincu que M. Gregory Deering, vice-président
responsable de la production à l'usine de St.
Andrews, a appliqué les principes de comptabilité
généralement suivis et n'essaie pas de recouvrer
plus que le montant des pertes subies. Il nous est
13 1965 A.M.C. 384.
apparu bien informé et digne de foi. Il a très bien
répondu au cours d'un interrogatoire complet et
d'un contre-interrogatoire sans pitié. J'ai l'impres-
sion très nette que grâce à sa direction efficace des
opérations de sauvetage, des économies importan-
tes ont été réalisées qui finalement sont au profit
du défendeur. Il aurait été très facile de rejeter le
thon endommagé et d'en réclamer toute la valeur.
Le défendeur n'a produit à l'audience aucune
preuve pour mettre en doute soit l'exactitude soit
l'à-propos des différentes réclamations que les
demanderesses ont décrites en détail devant la
Cour. J'accepte donc ces réclamations in toto
comme établies et dues par le défendeur.
Dans les affaires d'amirauté, il est reconnu que
les intérêts peuvent être alloués comme partie inté-
grante des dommages-intérêts. Suivant la décision
rendue dans Mar- Tirenno 14 , j'ai accordé, en 1976,
un taux de 7 p. 100 comme taux raisonnable, pour
un intérêt à calculer du jour où le dommage est
survenu au jour du jugement 15 .
Dans Dumurra, tout comme en l'espèce, le
demandeur n'avait pas réclamé dans sa déclaration
le taux commercial en vigueur, ni le taux préféren-
tiel bancaire. Il avait simplement réclamé «des
intérêts». En l'espèce, les demanderesses ont aussi
réclamé simplement «des intérêts» mais ont déposé,
comme pièce à conviction, les taux appliqués par la
Banque Toronto-Dominion pour la période, allant
de 8 1 / 4 p. 100à 11 1 / 2 p. 100.
L'allocation des intérêts est discrétionnaire et je
suis d'avis qu'un taux de 8 p. 100 serait juste et
équitable en l'espèce et compte tenu du nombre
d'années en cause.
En conséquence, jugement sera rendu en faveur
de la demanderesse Atlantic Consolidated Foods
Ltd. pour un montant de $88,279.27 et en faveur
de la demanderesse Star-Kist Caribe Inc. pour un
montant de $34,481, plus les intérêts calculés, dans
chaque cas, au taux de 8 p. 100 par an, du 6 mai
1974 à la date du jugement. Les frais sont alloués
à la demanderesse dans chaque cas.
i4 [1974] 1 C.F. 294. Le juge Addy a alloué des intérêts au
taux de 6 p. 100.
15 La Marine Telegraph and Telephone Company, Limited c.
Le «Dumurra,,, n° du greffe T-3315-74, rendu le 1" septembre
1976, confirmé par la Cour d'appel fédérale [1977] 2 C.F. 679,
et requête en autorisation d'appeler à la Cour suprême du
Canada rejetée le 20 juillet 1977.
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