A-198-78
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
R. S. Tucker (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Urie et Ryan—
Ottawa, le 13 septembre et le 19 octobre 1978.
Examen judiciaire — Fonction publique — Convention de
travail — La clause relative à la rémunération des heures
supplémentaires est applicable si l'indemnité payable pour le
«travail supplémentaire prévu» est moins favorable que celle
due en vertu de la clause d'indemnité de rappel au travail —
Sens de l'expression «travail supplémentaire prévu» — Note
manuscrite remise à l'intimé avant la fin de son poste de
travail lui demandant d'accomplir un «travail supplémentaire
prévu» dans la soirée même — Intimé rémunéré en vertu de la
clause relative aux heures supplémentaires plutôt qu'en vertu
de la clause relative à la disponibilité — La Commission des
relations de travail dans la Fonction publique a-t-elle eu tort
de confirmer la sentence arbitrale selon laquelle le travail
accompli par l'intimé n'était pas un «travail supplémentaire
prévu»? — Loi sur les relations de travail dans la Fonction
publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 23, 91 — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Convention
collective signée le 30 avril 1969 entre le Conseil du Trésor et
l'Alliance de la Fonction publique du Canada et relative au
groupe des commis aux écritures et aux règlements (tous les
employés), clauses 27, 30.01.
Il s'agit d'une demande introduite en vertu de l'article 28 en
vue d'annuler une décision de la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique qui a statué sur une question
de droit relative à l'interprétation par l'arbitre en chef d'une
clause de la convention collective signée entre le Conseil du
Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada à
l'égard du groupe des commis aux écritures et aux règlements
(tous les employés). L'intimé, qui était agent des douanes et
dont le poste de travail se terminait à 15 h 30, fut informé par
note manuscrite jointe à sa feuille de présence qu'il était inscrit
pour faire du «travail supplémentaire prévu» dans la soirée de
19 h 55 à 21 h et reçut pour ce travail une indemnité d'heures
supplémentaires conformément à l'article 27 de la convention
collective. Il a soutenu qu'il avait droit en les circonstances à
une indemnité de disponibilité et à une rémunération appro-
priée en faisant valoir que le travail qu'il avait accompli n'était
pas un travail supplémentaire prévu. Il a soumis le litige à
l'arbitre en chef qui a conclu que le travail en question avait été
accompli au titre d'un rappel au travail non prévu, accordant
ainsi à l'intimé le droit d'être rémunéré conformément à la
clause de disponibilité. Cette sentence arbitrale a été confirmée
par la Commission. Il s'agit de déterminer essentiellement si le
terme .prévu» pouvait s'appliquer au travail accompli par
l'intimé.
Arrêt: la demande est accueillie. Le terme «prévu» figurant à
la clause 30.01 implique la nécessité d'un délai de préavis
raisonnable. Ainsi, on peut dire que le rappel au travail d'un
employé est «prévu» si ce dernier en est informé suffisamment à
l'avance pour être en mesure de prendre ses dispositions et
modifier son emploi du temps. Par contre, le minimum garanti
prévu par la clause de disponibilité s'applique bien au rappel au
travail occasionné par une situation pour laquelle préavis rai-
sonnable n'a pas été ou n'a pu être donné. Il n'est pas néces-
saire, aux fins d'interprétation du terme litigieux, de distinguer
entre un horaire, de caractère formel et général et s'appliquant
à plusieurs employés ou à plusieurs tâches, d'une part, et un
avis ordinaire, pourvu que l'intéressé ait été averti raisonnable-
ment à l'avance du travail supplémentaire. La Commission des
relations de travail dans la Fonction publique a commis une
erreur de droit dans la mesure où elle a conclu que le terme
litigieux figurant à la clause 30.01 désignait nécessairement un
horaire de caractère formel et général et s'appliquait donc
uniquement à un rappel au travail prévu aux termes de cet
horaire.
Arrêts mentionnés: Re International Molders & Allied
Workers Union, Local 49 c. Webster Manufacturing
(London) Ltd. (1972) 23 L.A.C. 37; Le procureur général
du Canada c. La Commission des relations de travail dans
la Fonction publique [1976] 2 C.F. 163.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
W. L. Nisbet, c.r. pour le requérant.
M. W. Wright, c.r. pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Pourvoi est formé en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale contre
une décision, rendue le 11 avril 1978 par la Com
mission des relations de travail dans la Fonction
publique, portant sur une question de droit dont
elle avait été saisie par Sa Majesté conformément
à l'article 23, alors en vigueur, de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique',
S.R.C. 1970, c. P-35. L'article 23 prévoyait que:
23. Lorsqu'une question de droit ou de compétence se pose à
propos d'une affaire qui a été renvoyée au tribunal d'arbitrage
ou à un arbitre, en conformité de la présente loi, le tribunal
d'arbitrage ou l'arbitre, selon le cas, ou l'une des parties peut
renvoyer la question à la Commission, pour audition ou décision
conformément aux règlements établis par la Commission à ce
sujet. Toutefois le renvoi d'une question de ce genre à la
Commission n'aura pas pour, effet de suspendre les procédures
relatives à cette matière à moins que le tribunal d'arbitrage ou
' L'article 23 a été abrogé par S.C. 1974-75-76, c. 67, art. 11,
à compter du 11 octobre 1975.
l'arbitre, selon le cas, ne décide que la nature de la question
justifie une suspension des procédures ou que la Commission
n'en ordonne la suspension.
La question de droit en cause se rapportait à
l'interprétation donnée par l'arbitre en chef, M.
Edward B. Joliffe, c.r., d'une clause de la conven
tion collective signée le 30 avril 1969 par le Con-
seil du Trésor et par l'Alliance de la Fonction
publique du Canada à l'égard du groupe des
commis aux écritures et aux règlements (tous les
employés). L'arbitre en chef était saisi de cette
affaire par l'intimé, le sieur Tucker, conformément
à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique 2 .
Les faits à l'origine du grief formé par le sieur
Tucker sont récapitulés pour l'arbitre en chef dans
un mémoire convenu entre les avocats à cette
instance, comme suit:
1. Il est agent principal des douanes à l'aéroport d'Edmonton
et il travaille par équipe.
2. Le 24 ou le 25 juillet 1969, il a été avisé par écrit, au
moyen d'un avis joint à sa feuille de présence, que le 27 juillet à
20 h 10 il devait faire «des heures supplémentaires prévues.»
3. Le 27 juillet, son horaire normal de travail était de 7 h 30
à 15 h 30 (poste de 8 heures avec pause d'une demi-heure pour
le déjeuner) et, conformément à l'avis qui lui avait été donné le
24 ou le 25 juillet, il a fait ensuite ce même soir de 19 h 55 à
21 h les prétendues heures supplémentaires prévues à l'avance;
il a reçu la rémunération des heures supplémentaires prévue à
l'article 27.
En motivant sa sentence, l'arbitre en chef, après
avoir rappelé les faits admis d'accord-parties, a
ajouté:
Selon le grief présenté par M. Tucker le 12 août 1969, il a
fait ses heures supplémentaires le 27 juillet de 19 h 55 21 h à
l'aéroport international d'Edmonton, et il affirme que de ce fait
il avait acquis le droit à l'indemnité de disponibilité et à la
rémunération applicable prévues à l'article 32 de la convention
collective. Dans toutes ses répliques au grief l'employeur sou-
tient qu'on avait «prévu» que M. Tucker devait se présenter au
travail pour faire des heures supplémentaires qui devaient être
exécutées à un moment précis en rapport avec le vol 853 d'Air
2 Voici un extrait de l'article 91 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive-
ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le
concerne, d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale, ...
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Canada. Dans la réplique au deuxième palier il a été expressé-
ment déclaré que l'avis écrit avait été transmis à M. Tucker le
25 juillet.
On a produit une copie de l'avis, copie certifiée conforme par
la signature des avocats. Il s'agit tout simplement d'une note
manuscrite non datée, écrite à la plume ou au crayon sur une
feuille de papier ordinaire et libellée comme il suit:
«Heures supplémentaires prévues
27 juillet
AIR CANADA/853 Heure prévue de l'arrivée: 20 h 10
R. Tucker»
L'arbitre a conclu que, de toute évidence, l'arti-
cle 32, intitulé «INDEMNITÉ DE DISPONIBILITÉ», de
la convention collective n'était pas applicable en
l'espèce. Cette conclusion n'est pas en cause dans
le présent litige.
Le sieur Tucker a fait valoir au premier chef
qu'il avait droit à une «INDEMNITÉ DE RAPPEL AU
TRAVAIL» prévue à l'article 30 de la convention
collective, qui porte:
ARTICLE 30
INDEMNITÉ DE RAPPEL AU TRAVAIL
30.01 Lorsqu'un employé est rappelé à un lieu de travail pour
accomplir un travail spécifique et qu'un tel rappel n'a pas été
prévu, il a droit à la plus élevée des rémunérations suivantes:
a) une rémunération équivalant à quatre (4) heures de son
traitement à taux simple, ou
b) une rémunération au taux supplémentaire applicable dans
ce cas,
à condition que la période supplémentaire en cause ne suive pas
immédiatement sa période normale de travail.
30.02 Quand l'employé rappelé pour travailler en temps sup-
plémentaire, dans les conditions énoncées à la clause 30.01, doit
utiliser un moyen de transport autre que le transport en
commun ordinaire, il recevra une indemnité maximum de trois
dollars ($3) par jour tant pour l'aller que pour le retour, pour:
a) une allocation de parcours en milles au taux normalement
versé par l'Employeur quand l'employé utilise son automobile
personnelle, ou
b) le remboursement des débours occasionnés par l'utilisa-
tion d'autres moyens de transport commercial.
Si le sieur Tucker était dans le vrai, il aurait
droit, pour le travail accompli à la suite du rappel,
à une rémunération équivalant à quatre heures au
moins de son traitement à taux simple, car ce
montant est supérieur à celui qu'il aurait touché au
taux applicable aux heures supplémentaires où il
avait effectivement travaillé. A l'inverse, il n'aurait
pas droit au minimum garanti si son rappel était
«prévu». Il s'agit donc de savoir si le terme «prévu»
pouvait s'appliquer au travail qu'il a accompli à la
suite de la convocation qui lui avait été notifiée de
la manière indiquée.
L'arbitre avait conclu que le travail accompli
par le sieur Tucker faisait suite à un rappel non
prévu et qu'en conséquence, l'intéressé avait droit
à la garantie des quatre heures de traitement à
taux simple. Sa conclusion était fondée sur une
analyse méticuleuse des diverses clauses de la con
vention en matière d'horaire, en particulier celles
figurant aux articles 26 (Heures de travail), 27
(Heures supplémentaires), 28 (Traitement), 30
(Indemnité de rappel au travail) et 32 (Indemnité
de disponibilité). Je vois, à la lecture des motifs de
sa sentence, qu'il a conclu à la suite de son analyse
que la «convocation» ad hoc et peu formaliste
signifiée au sieur Tucker n'avait rien à voir avec
un «horaire» et que le travail accompli par celui-ci
dans la soirée du 27 juillet 1969 ne pouvait être
considéré comme un travail accompli à la suite
d'un rappel «prévu», étant donné qu'en l'espèce, le
rappel n'avait pas été fait au moyen d'un docu
ment formellement prévu à cette fin ou d'un docu
ment utilisable dans d'autres cas de rappel.
La question de droit dont la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique a été
saisie était formulée comme suit:
[TRADUCTION] L'arbitre en chef a-t-il commis une erreur de
droit en concluant que le plaignant pouvait se prévaloir de la
clause 30.01 de la convention collective intervenue entre le
Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du
Canada à l'égard du groupe des commis aux écritures et aux
règlements, code: 503/4/69, et notamment en se référant aux
articles 26 et 27 de cette convention pour interpréter le terme
«prévu» figurant à la clause 30.01?
La Commission a statué 3 :
[TRADUCTION] ... que l'arbitre n'a pas commis d'erreur de
droit en concluant à ce qui suit:
a) la convention collective ne prévoit pas le «travail supplé-
mentaire prévu à l'avance»; peu importe que la convocation
du sieur Tucker soit intitulée: «travail supplémentaire prévu»;
b) le sieur Tucker a été rappelé au travail;
c) le rappel n'avait pas été prévu à l'avance, au sens du
terme «prévu» figurant dans la convention collective (voir le
paragraphe 21 ci-dessus);
d) le sieur Tucker avait donc droit à la rémunération visée à
l'article 30.01a), c'est-à-dire à une rémunération équivalant à
quatre heures de son traitement à taux simple.
3 La décision n'était pas unanime.
Voici un extrait du paragraphe 21 des motifs de
la décision majoritaire:
[TRADUCTION] ... Se fondant sur cette analyse, l'arbitre en
chef conclut que le terme «prévu» employé dans la convention
collective s'applique à un arrangement de portée générale et «ne
vise nullement une mesure ad hoc à l'égard des heures supplé-
mentaires d'un seul employé, avec ou sans préavis.»
Cette conclusion de l'arbitre en chef rappelle celle de l'arbitre
Perry Meyer dans l'affaire A. Yvon Paul (no du greffe: 166-2-
406) où il est démontré qu'un rythme de travail qui se répète
pendant un certain temps, en l'occurrence mois après mois,
constitue un horaire prévu. Dans ce cas, un rappel peut être
prévu à l'avance si un employé est désigné comme étant suscep
tible d'être rappelé pour faire des heures supplémentaires pen
dant certains week-ends. Si l'employeur avait affiché un rôle
spécifiant, par exemple, que l'employé s'estimant lésé devait se
présenter au travail tous les mercredis soir (ou un mercredi soir
sur deux) en dehors de son poste habituel pour accueillir un vol
déterminé, cela aurait constitué un rappel prévu implicitement
visé à l'article 30.01 de la convention collective. Mais tel n'est
pas le cas en l'espèce.
Le requérant ne nie pas que l'intimé ait été
rappelé au travail. Il soutient essentiellement, si je
ne me trompe, que le terme ambigu figurant à la
clause 30.01 pouvait s'appliquer au travail supplé-
mentaire accompli par M. Tucker à la suite de la
convocation qui lui avait été notifiée, c'est-à-dire
qu'un rappel «prévu» pouvait s'entendre également
du rappel d'un employé, par voie de préavis écrit,
en vue d'accomplir un travail déterminé.
De toute évidence, il y a eu en l'espèce, rappel
au travail, bien que l'avis de rappel n'ait été signi-
fié au sieur Tucker que par une note jointe à sa
feuille de présence, et que l'intéressé fût, de ce fait,
au courant du rappel avant de quitter son lieu de
travail. A mon avis, l'article 30 entend par «rappel»
l'ordre donné à un employé de retourner faire un
travail en dehors de son poste habituel à la condi
tion que cette période de travail supplémentaire ne
précède pas immédiatement ni ne prolonge son
poste habituel. Ainsi, on ne peut pas parler de
«rappel au travail» lorsqu'un employé reste ou vient
à son lieu de travail pour faire des heures supplé-
mentaires immédiatement après le poste qu'il vient
de terminer ou avant celui qu'il va commencer. Le
but de la clause 30.01 semblerait être (sous réserve
de l'exception litigieuse) de garantir à l'employé
obligé de faire un déplacement supplémentaire
jusqu'à son lieu de travail, une rémunération équi-
valant à quatre heures au moins de son traitement
à taux simple et ce, afin non seulement de le
rémunérer pour le temps de travail effectif, mais
encore de le dédommager des inconvénients tenant
au bouleversement de ses heures de loisir. La
clause 30.02 prévoit le remboursement des frais de
transport pour un tel déplacement. Il se peut égale-
ment que cette garantie serve à décourager des
rappels au travail lorsqu'il s'agit d'accomplir des
tâches de courte durée.'
Nonobstant les raisons profondes du minimum
garanti, les parties à la convention ont toutefois
prévu une exception: la garantie ne s'applique pas
si le rappel a été «prévu».
Le sens de cette exception est obscur. Je com-
prends que l'arbitre et la Commission aient cher-
ché dans les autres clauses de la convention les
indications qui les auraient aidés à interpréter la
clause 30.01, et bien entendu, aucune règle de
droit ne s'oppose à cette recherche. Toutefois, je ne
vois franchement pas l'utilité particulière d'une
analyse textuelle approfondie des termes tels que
«horaire», «avis» et «prévu» figurant dans d'autres
clauses qui visent des buts entièrement différents.
En fait, j'estime que ce genre d'analyse conduirait
plutôt à une interprétation plutôt artificielle du
terme litigieux.
A mon avis, l'inapplicabilité du minimum
garanti en cas de rappels «prévus» vise essentielle-
ment à distinguer entre les rappels qu'on peut
raisonnablement prévoir et pour lesquels un préa-
vis est possible et indiqué d'une part, et ceux qui
sont imprévisibles et dont il serait impossible d'avi-
ser à l'avance, d'autre part. Cette distinction se
justifierait par le fait que l'inconvénient causé à
l'employé par le bouleversement de ses heures de
loisir serait amorti si celui-ci pouvait le prévoir et
planifier en conséquence. Le terme «prévu» figu-
rant à la clause 30.01 implique la nécessité d'un
délai de préavis raisonnable. Ainsi, on peut dire
que le rappel au travail d'un employé est «prévu» si
ce dernier en est informé suffisamment à l'avance
pour être en mesure de prendre ses dispositions et
modifier son emploi du temps de manière à consi-
dérer sans peine son travail à l'heure indiquée
^ Je me suis inspiré de l'analyse faite par la majorité du
Conseil d'arbitrage dans les motifs de sa décision Re Interna
tional Molders & Allied Workers Union, Local 49 c. Webster
Manufacturing (London) Ltd. (1972) 23 L.A.C. 37, propos
du sens de la clause «Indemnité de rappel au travail».
comme un travail prévu, tout comme il aurait
considéré une visite médicale comme «prévue» s'il
avait pris rendez-vous avec son médecin.
Par contre, le minimum garanti s'applique bien
au rappel au travail occasionné par une situation
d'urgence ou par un événement imprévu, et dont
préavis raisonnable n'a pas été ou n'a pu être
donné. Un tel rappel au travail ne saurait consti-
tuer un rappel au travail «prévu». En toute défé-
rence, je ne vois ni la nécessité ni l'utilité, aux fins
d'interprétation du terme litigieux, de distinguer
entre un horaire, de caractère formel et général et
s'appliquant à plusieurs employés ou à plusieurs
tâches, d'une part, et un avis ordinaire, pourvu que
l'intéressé ait été averti raisonnablement à l'avance
du travail supplémentaire. Même un rappel figu-
rant sur un document de caractère formel et géné-
ral, peut causer aux intéressés des inconvénients et
des frais supplémentaires; or, l'interprétation
donnée par la Commission du terme litigieux pour-
rait avoir pour effet d'exclure de la garantie un tel
rappel en dépit des inconvénients et des frais sup-
plémentaires qu'il peut occasionner.
A mon avis, la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique a commis une
erreur de droit dans la mesure où elle a conclu que
le terme litigieux figurant à la clause 30.01 dési-
gnait nécessairement un horaire de caractère
formel et général et s'appliquait donc uniquement
à un rappel au travail prévu aux termes de cet
horaire. J'accueille par conséquent l'appel et
annule la décision de la Commission. Je renvoie la
cause devant la Commission en lui enjoignant de
répondre à la question de droit qui lui a été
soumise de la manière suivante: elle doit statuer
que l'arbitre a commis une erreur de droit en
concluant que le sieur Tucker peut se prévaloir de
la clause 30.01 de la convention collective, car il a
interprété le terme litigieux de façon à ne l'appli-
quer qu'à un rappel au travail ordonné dans le
cadre d'un horaire caractérisé par une certaine
généralité et formalité, et non au rappel dont a été
l'objet le sieur Tucker.
Je dois cependant ajouter que la question de
savoir si un rappel est «prévu> ou non devrait être
une question de fait et non de droit. Il s'ensuit
donc qu'en l'espèce, une fois l'erreur de droit
rectifiée, il appartiendra à l'arbitre, et non à la
Commission, de statuer si le rappel au travail du
sieur Tucker était vraiment un rappel «prévu».
J'ordonne par conséquent à la Commission de
renvoyer le grief devant l'arbitre pour que celui-ci
statue sur la question de savoir si le rappel du sieur
Tucker tombait sous le coup du terme litigieux
figurant à la clause 30.01 et pouvait être ainsi
exclu de la garantie qui y est prévues.
Avant de terminer, je tiens à faire observer que
l'avocat de l'intimé a invoqué plusieurs arrêts dans
lesquels il a été statué qu'une sentence arbitrale
fondée sur l'interprétation d'une convention collec
tive et assujettie au contrôle judiciaire n'est pas
viciée par une erreur de droit si la sentence est tant
soit peu défendable sur le plan de la logique 6 . Cet
avocat soutient que ces précédents sont applicables
en l'espèce. Je remarque d'autre part que l'avocat
du requérant, si je ne me trompe, n'aurait pas
contesté l'applicabilité de ces précédents dans l'hy-
pothèse où je conclurais que l'interprétation faite
est défendable sur le plan de la logique. Cepen-
dant, eu égard à sa compétence prévue à l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour a
clairement fait savoir qu'elle ne saurait se laisser
influencer par un tel acquiescement.
Bien que, en toute déférence, je ne souscrive pas,
pour les raisons susmentionnées, à l'interprétation
donnée par la Commission du terme litigieux figu-
rant à la clause 30.01 de la convention collective,
j'ai fait remarquer plus haut que le sens de ce
terme était obscur. Il ne s'ensuit toutefois pas que
la jurisprudence invoquée par l'intimé doit s'appli-
quer. D'ailleurs, elle demeurerait inapplicable
même s'il était statué que l'interprétation donnée
par la Commission, quoique erronée, n'était pas
déraisonnable. Il ne s'agit pas pour la Cour de
5 Cf. Le procureur général du Canada c. La Commission des
relations de travail dans la Fonction publique [1976] 2 C.F.
163, aux pp. 167 et 168.
6 Cf. notamment les arrêts suivants de la Cour d'appel de
l'Ontario: Re Canadian Westinghouse Co. Ltd. c. Local 164
Draftsmen's Association of Ontario (1962) 30 D.L.R. (2e) 673;
Regina c. Weatherill, Ex parte Falconbridge Nickel Mines
Ltd. (1969) 10 D.L.R. (3 e ) 533; et Re United Glass and
Ceramic Workers of North America (AFL-CIO-CLC), Local
246 c. Dominion Glass Co. Ltd. (1974) 40 D.L.R. (3') 496. Cf.
également International Association of Machinists and Aero
space Workers, Flin Flon Lodge No. 1848 c. Hudson Bay
Mining and Smelting Co., Limited [1968] R.C.S. 113.
réviser en l'espèce, la décision d'un arbitre 7 , mais
celle de la Commission des relations de travail
dans la Fonction publique à l'égard d'un point de
droit qui lui a été renvoyé. Il appartenait à cette
commission d'apprécier si l'interprétation donnée
par l'arbitre de la convention collective était judi-
cieuse et non pas si elle était défendable. Et il
appartient à la Cour, qui a droit de contrôle sur la
décision de la Commission en vertu de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale, de déterminer si
cette décision n'était entachée d'aucune erreur de
droit.
• * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
En conséquence, je ne vois pas l'utilité de statuer sur
l'applicabilité des précédents invoqués dans l'hypothèse d'un tel
contrôle.
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