A-247-78
In re une décision rendue le 3 mai 1978 par la
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique (Dossier 166-2-3077)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Heald et Ryan—Ottawa, les 28 et 30 novembre
1978.
Examen judiciaire — Fonction publique — La Cour d'ap-
pel, à l'issue d'une demande introduite en vertu de l'article 28,
a renvoyé l'affaire à l'arbitre pour qu'il l'examine à nouveau et
qu'il rende une décision à partir de certaines directives —
Décision de l'arbitre de se retirer de l'affaire — Demande
visant à faire annuler cette décision — Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art.
90, 91, 92 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 » Supp.).
c. 10, art. 28.
Postérieurement à un jugement de la Cour d'appel rendu
conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
jugement aux termes duquel la décision d'un membre de la
Commission des relations de travail dans la Fonction publique,
agissant en qualité d'arbitre, a été annulée et renvoyée pour
être entendue et examinée de nouveau, et tranchée à partir de
certaines directives, l'arbitre a rendu une «décision» selon
laquelle il décidait de se retirer de l'affaire et exposait les
motifs à l'appui de cette décision. La présente demande vise à
faire annuler cette «décision».
Arrêt: la demande est rejetée. La décision de M. O'Shea en
date du 3 mai 1978 ne constitue pas une «décision» au sens de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Elle n'a pas pour
effet de trancher quoi que ce soit qui peut l'être par un membre
d'une commission agissant en qualité d'arbitre et, par consé-
quent, M. O'Shea, en tant qu'arbitre, ne «refuse pas d'exercer»
la compétence conférée aux arbitres par la Loi sur les relations
de travail dans la Fonction publique. La décision ne fait
qu'indiquer le choix personnel de M. O'Shea de ne pas agir en
qualité d'«arbitre» dans cette affaire et préciser clairement qu'à
son avis, «il vaut mieux qu'un autre arbitre règle cette affaire».
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Maurice W. Wright, c.r. pour Sant P. Singh.
Walter Nisbet, c.r. et Michael A. Kelen pour
le sous-procureur général du Canada.
Personne n'a comparu au nom de la Commis
sion des relations de travail dans la Fonction
publique.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady & Morin, Ottawa, pour Sant P.
Singh.
Le sous-procureur général du Canada pour le
sous-procureur général du Canada.
J. D. McCormick, la Commission des rela
tions de travail dans la Fonction publique,
Ottawa, pour la Commission des relations de
travail dans la Fonction publique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'une
demande introduite en vertu de l'article 28 visant à
faire annuler une «décision» d'un membre de la
Commission des relations de travail dans la Fonc-
tion publique agissant en qualité d'arbitre.
Les faits relatifs à cette demande se résument
comme suit:
a) le 2 février 1977, le requérant présentait un
grief en vertu de l'article 90(1) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-35'. Il alléguait que la con
vention collective pertinente [TRADUCTION]
«avait été erronément appliquée relativement» à
son traitement;
b) en vertu de la convention collective en cause,
un employé dont le poste correspond à celui
auquel a été nommé le requérant, le ler janvier
1970, a le droit d'être rémunéré selon une
échelle de taux déterminé mais, en vertu d'une
certaine partie de la convention ci-après appelée
«note 5», une augmentation du cinquième au
sixième taux de rémunération se fait «sur la
recommandation d'un comité ministériel ... et
sur l'approbation du sous-chef», et aux termes de
la «note 6», «un comité ministériel ... examine le
rendement» d'un tel employé dans un délai de
Le paragraphe 90(1) est libellé comme suit:
90. (1) Lorsqu'un employé s'estime lésé
a) par l'interprétation ou l'application à son égard
(i) de quelque disposition d'une loi, d'un règlement,
d'une instruction ou d'un autre instrument établi ou
émis par l'employeur, concernant des conditions d'em-
ploi, ou
(ii) d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale; ou
b) par suite d'un événement ou d'une question qui vise ses
conditions d'emploi, sauf une disposition indiquée au sous-
alinéa a)(i) ou (ii),
relativement à laquelle ou auquel aucune procédure adminis
trative de réparation n'est prévue en vertu d'une loi du
Parlement, il a le droit, sous réserve du paragraphe (2), de
présenter ce grief à chacun des paliers, y compris le dernier
palier, que prévoit la procédure applicable aux griefs établie
par la présente loi.
deux ans après la date de nomination à l'échelle
de taux applicable et, en outre, si son taux n'est
pas alors augmenté, son rendement est de nou-
veau examiné chaque année jusqu'au moment
où sa rémunération est augmentée «conformé-
ment [à la note] ... (5)»;
c) en mai 1977, ce grief n'ayant pas été réglé à
la satisfaction du requérant, ce dernier l'a ren-
voyé à l'arbitrage conformément à l'article
91(1) de la Loi 2 ;
d) le 8 août 1977, J. D. O'Shea, c.r., membre de
la Commission et arbitre, a rendu une «décision»
aux termes de laquelle il déclarait avoir compé-
tence en vertu de l'article 91(1)b) étant donné
certains faits qui, selon lui «pourraient à bon
droit être considérés comme mesure discipli-
naire» et par suite desquels le requérant «a subi
une peine pécuniaire». Il a donc ordonné au
sous-chef «d'approuver l'avancement de l'em-
ployé s'estimant lésé au-delà de la barrière sala-
riale avec effet rétroactif au 1" janvier 1975
conformément à la recommandation du premier
comité d'évaluation»;
e) le 7 janvier 1978, la présente cour, statuant
sur une demande introduite en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, infirmait cette
décision et renvoyait l'affaire à la Commission
pour qu'elle l'entende et l'examine de nouveau
en se fondant sur ce qui suit:
a) La note 6 qui figure à l'appendice de la convention
collective pertinente n'a jamais été respectée en ce qui a
trait à l'intimé;
b) l'arbitre ne peut pas jouer le rôle du comité ou du
sous-chef dont il est question à la note 5 dudit appendice;
c) l'arbitre devra se prononcer sur la réparation à laquelle
l'intimé a droit, après avoir entendu la preuve que les
parties présenteront à cet égard le cas échéant.
f) le 3 mai 1978, M. O'Shea rendait une «déci-
sion» aux termes de laquelle il faisait part de son
2 Le paragraphe 91(1) se lit comme suit:
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusive-
ment, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le
concerne, d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement,
la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
intention de «se retirer de cette affaire» et expo-
sait les motifs à l'appui de cette décision.
La présente demande introduite en vertu de
l'article 28 vise à faire annuler ladite «décision» du
3 mai 1978.
A mon avis, la décision susmentionnée ne consti-
tue pas une «décision» au sens de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale. Elle n'a pas pour effet de
trancher quoi que ce soit qui peut l'être par un
membre d'une commission agissant en qualité
d'arbitre; par conséquent, M. O'Shea, en tant
qu'arbitre, ne «refuse pas d'exercer» la compétence
conférée aux arbitres par la Loi sur les relations
de travail dans la Fonction publique. La «décision»
ne fait qu'indiquer le choix personnel de M.
O'Shea de ne pas agir en qualité d'«arbitre» dans
cette affaire et préciser clairement qu'à son avis «il
vaut mieux qu'un autre arbitre règle cette affaire».
Par conséquent, je suis d'avis de rejeter la présente
demande.
Cela dit, je tiens à souligner que je partage le
point de vue que semble avoir M. O'Shea selon
lequel tout membre de la Commission que cette
dernière «a affecté» à titre d'arbitre à l'affaire en
cause, conformément à l'article 92 de la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique
modifié par S.C. 1974-75-76, c. 67, art. 24 3 peut
donner suite au renvoi ordonné par cette cour le 17
janvier 1978 en vertu de l'article 52d) de la Loi
sur la Cour fédérale (Le procureur général c. Sant
P. Singh). Nous espérons qu'après mûre réflexion,
M. O'Shea changera d'avis. Je suis convaincu qu'il
est beaucoup plus en mesure que tout autre
membre de la Commission de mener le dossier à
terme.
Avant de terminer, je désire faire quelques com-
mentaires sur la décision rendue par la Cour le 17
janvier 1978, décision qui semble obscure à M.
O'Shea.
En premier lieu, je n'ai, à l'heure actuelle, aucun
souvenir de cette décision. Il s'agirait d'un des
nombreux jugements rendus par la Cour—notam-
ment ceux réglant des demandes introduites en
vertu de l'article 28—où, après un échange de vues
3 L'article 92 se lit comme suit dans sa forme modifiée:
92. La Commission affecte les membres en nombre suffi-
sant pour entendre et trancher les griefs renvoyés à l'arbi-
trage en vertu de la présente loi.
complet entre le tribunal et les avocats, les conclu
sions de la Cour et le raisonnement appliqué pour
y parvenir apparaissent clairement à chacun. Dans
ces cas où n'entre en jeu aucun nouveau principe
de droit, non seulement il est superflu de prendre
le temps de préparer des motifs détaillés mais cela
empêcherait la Cour de statuer rapidement sur
l'ensemble des demandes présentées en vertu de
l'article 28, ce qui serait contraire à l'article 28(5)
de la Loi sur la Cour fédérale.'
Je ne puis qu'ajouter qu'après lecture du dossier,
il me paraît clair que par son jugement en date du
17 janvier dernier, la présente cour a statué:
a) que l'arbitre ne peut, par sa décision, jouer le
rôle du comité ou du sous-chef dont il est ques
tion à la note 5 et que, par conséquent, la
décision aux termes de laquelle il prétendait
exercer le pouvoir discrétionnaire du sous-chef
doit être rejetée; et
b) que certaines clauses de la convention collec
tive n'ont pas été respectées (c'est ce qui se
dégage du rapprochement de la note 6 et de la
note 5) en ce sens que, dans le cas du requérant,
le comité ministériel n'a pas présenté de rapport
aux différentes dates prévues à la note 6, rap
port qui aurait recommandé inconditionnelle-
ment que lui soit accordé ou non le taux de
rémunération le plus élevé.
Ayant conclu ainsi, la Cour a renvoyé l'affaire
pour qu'il soit décidé quel redressement devait être
accordé au requérant en raison de ces manque-
ments.
Comme je l'ai déjà indiqué, je suis d'avis de
rejeter la demande introduite en vertu de
l'article 28.
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
' Le paragraphe 28(5) se lit comme suit:
28. ...
(5) Les demandes ou renvois à la Cour d'appel faits en
vertu du présent article doivent être entendus et jugés sans
délai et d'une manière sommaire.
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