T-4085-78
Irving Oil Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, le 17 janvier et le 14 février 1979.
Couronne — Indemnité d'importation du pétrole — La
demanderesse, «importateur admissible» de pétrole, cherche à
recouvrer des indemnités retenues pour cause de trop-payé —
Pétrole fourni comme carburant à des navires britanniques se
livrant légalement au cabotage au Canada — Les règlements
antérieurs ne prévoyaient une indemnité qu'à l'égard du carbu-
rant fourni aux navires immatriculés au Canada — Il s'agit de
savoir si les quantités de pétrole fournies, avant la modifica
tion des règlements, comme carburant à des navires immatri-
culés au Royaume-Uni, non au Canada, mais qui s'y livraient
légalement au cabotage, auraient dû également donner lieu à
une indemnité payable à la demanderesse — Loi d'urgence sur
les approvisionnements d'énergie, S.C. 1973-74, c. 52, art. 3
Loi sur l'administration du pétrole, S.C. 1974-75-76, c. 47,
art. 72(1), (2), 78 — Règlement sur l'indemnité d'importation
du pétrole, DORS/74-627 — Règlement sur les indemnités
d'importation du pétrole et des produits pétroliers, DORS/74-
232, art. 3(1), 5(2)b), 6(2)b) — Règlement n° 1 de 1975 sur
l'indemnité d'importation du pétrole, DORS/75-140, art.
6(2)b)(1) — Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût
d'importation du pétrole, DORS/75-384, art. 9(2)b)(i).
Il s'agit d'un mémoire spécial soumis au jugement par les
parties, conformément à une ordonnance de la Cour. La
demanderesse, «importateur admissible» de pétrole et de pro-
duits pétroliers, a déposé des demandes d'indemnités à l'égard
de quantités de pétrole importées avant l'entrée en vigueur, le
12 mars 1975, du Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité
d'importation du pétrole, indemnités qu'elle a reçues. Par suite
du trop-payé allégué, l'Office de répartition des approvisionne-
ments d'énergie, en instruisant des demandes d'indemnité sub-
séquentes de la demanderesse, a retenu $2,005,073 sur les
indemnités payables. La demanderesse prétend que cette
somme a été retenue à tort. La Cour doit se prononcer sur la
question de savoir si les quantités de pétrole importées avant le
12 mars 1975 et fournies comme carburant à des navires non
immatriculés au Canada et s'y livrant légalement au cabotage
auraient dû également donner lieu à une indemnité payable à la
demanderesse. Le libellé du Règlement en vigueur avant cette
date ne prévoyait une indemnité qu'à l'égard du carburant
importé et consommé par des navires immatriculés au Canada,
mais le Règlement en vigueur après cette date étend l'indem-
nité au carburant consommé par des navires immatriculés au
Royaume-Uni mais se livrant légalement au cabotage au
Canada.
Arrêt: l'action est rejetée. La législation et la réglementation
antérieures au 12 mars 1975 disent clairement que tout le
pétrole vendu ou fourni comme carburant à des navires «non
immatriculés au Canada» ne donne pas lieu à indemnité. Le
Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du
pétrole, DORS/75-140, entré en vigueur à cette date, prévoit le
paiement d'une indemnité pour le carburant fourni à un navire
«non immatriculé au Canada» mais que la loi autorise à se livrer
au cabotage au Canada. La Cour ne créera pas un casus
omissus en interprétant la restriction de l'indemnité au carbu-
rant fourni aux navires canadiens comme une erreur au motif
que les navires britanniques se livrant au cabotage doivent
également être approvisionnés. Le simple fait qu'il aurait peut-
être été préférable d'étendre la loi ou le règlement à d'autres
cas, ou que l'on peut concevoir la probabilité d'une telle inten
tion, ne suffit pas à justifier une interprétation d'une loi ou d'un
règlement qui obligerait à y lire les mots qui n'y figurent pas.
L'article 12 du Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité d'im-
portation du pétrole, DORS/75-140, et l'article 78 de la Loi
sur l'administration du pétrole ne constituent pas une ratifica
tion du bien-fondé du paiement des indemnités vu l'admissibi-
lité à l'indemnité prévue par les règlements subséquents. L'arti-
cle 12 ne vient pas en aide à la demanderesse. Celui qui se
fonde sur ce règlement pour solliciter une indemnité pour du
pétrole importé entre le 1e" janvier 1974 et le 11 mars 1975
doit, pour y avoir droit, remplir les conditions prévues par les
règlements en vigueur au cours de cette période, s'agissant du
pétrole fourni comme carburant à des navires immatriculés au
Canada. Lorsque l'article 78 dispose que les paiements faits ou
autorisés en vertu des règlements antérieurs en matière d'im-
portation de pétrole seront réputés faits ou autorisés à titre
d'indemnité d'importation de pétrole pour les fins de la Loi sur
l'administration du pétrole, il ne modifie pas la façon d'appli-
quer ces règlements antérieurs pour déterminer la quantité de
pétrole donnant lieu à indemnité ainsi que le montant de cette
dernière. La Loi ne permet pas le paiement d'une indemnité
supérieure à celle prévue par les règlements antérieurs, non plus
que pour du pétrole ne donnant pas lieu à indemnité en vertu
desdits règlements antérieurs.
ACTION.
AVOCATS:
E. Neil McKelvey, c.r. et Robert G. Vincent
pour la demanderesse.
Eric Bowie et Robert P. Hynes pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
McKelvey, Macaulay, Machum, Saint - Jean,
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: La contestation étant
liée en l'espèce, les parties, par avis de requête en
date du 26 octobre 1978, ont demandé sur le
fondement de la Règle 475 de la Cour fédérale,
que la Cour connaisse du mémoire spécial qu'elles
présentaient.
Par ordonnance du 31 octobre 1978, le juge en
chef adjoint a ordonné que ledit mémoire spécial
soit débattu.
Voici le texte de ce mémoire sur lequel la Cour a
à se prononcer:
[TRADUCTION] EXPOSE DES FAITS
1. La demanderesse est une compagnie constituée en vertu des
lois du Nouveau-Brunswick; elle a son siège social en la ville de
Saint-Jean, dans ladite province et elle était, aux époques qui
nous occupent, un «importateur admissible» au sens des lois,
décrets et règlements cités ci-après.
2. La demanderesse a présenté au ministre de l'Énergie, des
Mines et des Ressources entre le 1e' janvier et le 31 mars 1974
six (6) demandes d'indemnisation, sur le fondement du Règle-
ment sur les indemnités d'importation du pétrole et des pro-
duits pétroliers, DORS/74-232 (C.P. 1974-806, du 9 avril
1974), modifié, établi en application du crédit n° 11b du poste
Énergie, Mines et Ressources de la Loi n° 1 de 1974 portant
affectation de crédits.
3. Aux présentes est annexée une table dont la partie «A» porte
sur six (6) demandes numérotées de 001 006 et évoquées au
paragraphe 2. Dans cette table, on trouve:
colonne 1 la quantité totale, en barils, du pétrole importé
au Canada;
colonne 2a) les montants d'argent énumérés dans les six
demandes susdites et relatifs au pétrole importé
au Canada, vendu ou fourni, peu importe à qui,
pour être utilisé comme carburant dans des
aéronefs ou navires non immatriculés au
Canada;
colonne 2b) le volume du pétrole importé au Canada et
réexporté ou vendu pour l'exportation;
colonne 2c) le nombre total de barils formé par la somme
des colonnes 2a) et 2b);
colonne 3 le nombre de barils net importés au Canada et
pour lesquels la demanderesse a demandé
indemnisation (colonne 1 moins colonne 2c));
colonne 4 le montant de l'indemnité versée à la demande-
resse;
colonne 5 les sommes non comprises dans les exclusions
figurant à la colonne 2a) et relatives au pétrole
importé au Canada et vendu ou fourni, peu
importe à qui, comme carburant dans les aéro-
nefs ou navires non immatriculés au Canada,
mais, en ce qui concerne les navires, qui se
livraient légalement au cabotage au Canada;
colonne 6 le nombre net révisé de barils de pétrole impor
tés au Canada constituant, de l'avis de l'Office
de répartition des approvisionnements d'éner-
gie, la quantité de pétrole donnant droit à
indemnisation (colonne 3 moins colonne 5);
colonne 7 le montant total révisé d'indemnisation qui, de
l'avis de l'Office de répartition des approvision-
nements d'énergie, est payable à la demande-
resse;
colonne 8 les sommes d'argent qui, de l'avis de l'Office de
répartition des approvisionnements d'énergie,
constituent le trop-payé à la demanderesse et
pour lesquelles on a opéré compensation.
4. La demanderesse a présenté dix-huit (18) demandes au
ministre de l'Énergie, des Mines et Ressources entre le 1°" avril
et le 31 octobre 1974, conformément aux arrangements interve-
nus entre l'industrie et le gouvernement en matière d'importa-
tion d'hydrocarbures au Canada. Ces indemnités ont été versées
à la demanderesse en vertu de mandats spéciaux délivrés par le
gouverneur en conseil en application de l'article 23 de la Loi
sur l'administration financière: a) le C.P. 1974-1176 du 22 mai
1974, b) le C.P. 1974-1519 du 27 juin 1974, c) le C.P.
1974-1697 du 25 juillet 1974, d) le C.P. 1974-1943 du 28 août
1974 et e) le C.P. 1974-1973 du 4 septembre 1974.
5. La partie «B» de la table en annexe traite des dix-huit (18)
demandes numérotées de 007 024 et mentionnées au paragra-
phe 4 ci-dessus. Les colonnes de la partie «B» de la table
correspondent à celles décrites au paragraphe 3.
6. La demanderesse a présenté quatorze (14) demandes d'in-
demnisation à l'Office de répartition des approvisionnements
d'énergie entre le 1" novembre 1974 et le 11 mars 1975, sur le
fondement du Règlement sur l'indemnité d'importation du
pétrole, DORS/74-627 (C.P. 1974-2149 du 5 novembre 1974),
modifié, établi en application du crédit n° 52a du poste Office
de répartition des approvisionnements d'énergie de la Loi n° 3
de 1974 portant affectation de crédits.
7. La partie «C» de la table de l'annexe traite de quatorze (14)
demandes numérotées de 025 038 et mentionnées au paragra-
phe 6 ci-dessus; les colonnes de la partie «C» de la table
correspondent à celles décrites au paragraphe 3.
8. Subséquemment ont été rédigés et adoptés:
Le Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité d'importation du
pétrole, DORS/75-140 (C.P. 1975-545, du 11 mars 1975),
établi en application du crédit n° 53c du poste Office de
répartition des approvisionnements d'énergie de la Loi n° 5 de
1974 portant affectation de crédits;
La Loi sur l'administration du pétrole, S.C. 1974-1975, c. 47;
Le Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût d'impor-
tation du pétrole, DORS/75-384 (C.P. 1975-1487 du 30 juin
1975), en application de la Loi sur l'administration du pétrole.
9. Par suite du trop-payé d'indemnité allégué, (voir colonne 8
des trois tables de l'annexe) l'Office de répartition des approvi-
sionnements d'énergie, lorsqu'il a eu à connaître des demandes
subséquentes d'indemnisation d'importation de la demande-
resse, a retenu $2,005,073 sur l'indemnité payable.
10. La demanderesse prétend que lesdits $2,005,073 ont été
retenus à tort.
11. L'avis de la Cour est demandé pour savoir si les quantités
de pétrole énumérées à la colonne 5 des parties «A», «B» et «C»
de l'annexe auraient dû également donner lieu à une indemnité
payable à la demanderesse.
12. (1) Si l'avis de la Cour est affirmatif, alors jugement sera
rendu en faveur de la demanderesse pour la somme de
$2,005,073 que la défenderesse paiera à la demanderesse
avec les dépens de l'action, qui seront taxés;
(2) Si l'avis de la Cour est négatif, alors jugement sera
rendu pour la défenderesse et les dépens de l'action seront
taxés.
Une table, divisée en parties A, B et C, est
attachée au mémoire spécial; je ne l'ai pas repro-
duite, car je crois que ce qu'il en ressort et les
portions qui nous intéressent peuvent mieux s'ex-
poser sous forme narrative.
La table comprend trente-huit demandes d'in-
demnisation que la demanderesse a présentées à
Sa Majesté pour le pétrole brut ou les hydrocarbu-
res expédiés entre le ler janvier 1974 et le 11 mars
1975.
La partie A de la table renseigne sur le détail de
six des demandes faites entre le ler janvier et le 31
mars 1974 (cette dernière date ayant probable-
ment été choisie parce qu'elle correspondait à la
fin de l'exercice financier 1974).
L'indemnisation demandée dans les six deman-
des couvrant cette période du ler janvier au 31
mars 1974 s'appuyait sur le Règlement sur les
indemnités d'importation du pétrole et des pro-
duits pétroliers, DORS/74-232 (C.P. 1974-806 du
9 avril 1974), modifié, établi en application du
crédit n° 11 b du poste Énergie, Mines et Ressour-
ces de la Loi n° 1 de 1974 portant affectation de
crédits. Ce règlement, comme l'indique son long
titre, prévoit le versement d'une indemnité à cer-
tains raffineurs et importateurs de pétrole brut et
de produits pétroliers destinés à la consommation
au Canada. Manifestement, si ce pétrole et ces
produits ne sont pas consommés au Canada, alors
aucune indemnité n'est payable.
Les articles 3(1), 5(2)b) et 6(2)b) du Règlement
DORS/74-232 nous importent seuls en l'espèce.
Voici le libellé de l'article 3(1):
3. (1) Sur demande présentée au Ministre par un importa-
teur admissible qui prouve qu'il remplit les conditions pour
recevoir une indemnité d'importation du fait qu'il a acheté une
quantité de pétrole, le Ministre peut, sous réserve des autres
dispositions du présent règlement, autoriser le versement à cet
importateur, en application du présent règlement, d'une indem-
nité d'importation s'élevant à la somme que le Ministre fixe
pour cet achat.
Il a été admis que la demanderesse est un
importateur admissible.
Voici le libellé de l'article 5(2)b):
5....
(2) Dans le calcul du montant de l'indemnité d'importation
conformément au paragraphe (1), sont exclues de la quantité
de pétrole en cause
b) la quantité de tout produit pétrolier tiré dudit pétrole et
vendue ou fournie à une personne pour utilisation comme
combustible dans un aéronef ou un navire non immatriculés
au Canada;
Voici le libellé de l'article 6(2)b):
6....
(2) Dans le calcul du montant de l'indemnité d'importation
aux termes du paragraphe (1) sont exclues de la quantité de
produit pétrolier en cause
b) toute partie dudit produit vendue ou fournie à une per-
sonne pour utilisation comme combustible dans un aéronef
ou un navire non immatriculés au Canada.
L'article 5 traite de l'indemnisation pour le
pétrole brut importé et l'article 6 de celle relative
aux produits pétroliers importés.
La partie B de la table énumère 18 demandes
d'indemnité pour les importations de la demande-
resse entre le 1 °r avril et le 31 octobre 1974. Les
indemnités versées à la demanderesse ont été prises
sur des fonds rendus disponibles en vertu de man-
dats spéciaux délivrés par le gouverneur en conseil,
sûrement parce que les crédits prévus par la loi
d'affectation étaient épuisés.
Toutefois l'admissibilité à l'indemnisation était
toujours régie par les dispositions du Règlement
DORS/74-232.
Les 14 demandes d'indemnisation restantes sur
38, présentées par la demanderesse sont énumérées
à la partie C et ont été soumises entre le 1°r
novembre 1974 et le 11 mars 1975, sur le fonde-
ment du Règlement sur l'indemnité d'importation
du pétrole, DORS/74-627 (C.P. 1974-2419, du 5
novembre 1974), établi en application du crédit n°
52a du poste Office de répartition des approvision-
nements d'énergie de la Loi n° 3 de 1974 portant
affectation de crédits.
En vertu de l'article 4 de ce règlement,
DORS/74-627, l'indemnité payable au requérant
est fixée et autorisée par un office appelé Office de
répartition des approvisionnements d'énergie,
établi par l'article 3 de la Loi d'urgence sur les
approvisionnements d'énergie, S.C. 1973-74, c. 52;
sa composition, ses fonctions etc. sont prévues aux
articles 4 à 10. Par là on s'écartait des règlements
antérieurs où les demandes d'indemnisation étaient
présentées au Ministre.
L'article du Règlement particulièrement appli
cable en l'espèce est l'article 6 notamment le para-
graphe (1) et l'alinéa (2)b).
En vertu de l'article 6(1), l'indemnité est accor-
dée pour le pétrole importé à des fins de consom-
mation interne et aucune distinction n'est faite
entre le pétrole brut et les produits pétroliers
comme c'était le cas dans DORS/74-232.
Voici le libellé de l'article 6(2)b):
6....
(2) Dans le calcul du montant de l'indemnité d'importatioi.
conformément au paragraphe (1) sont exclues de la quantité de
pétrole
b) toute quantité dudit pétrole vendue ou fournie à une
personne pour utilisation comme combustible dans un aéro-
nef ou un navire non immatriculés au Canada; ..
Il ne fait aucun doute qu'en vertu de ce règle-
ment, qui s'appliquait entre le 1" janvier 1974 et le
11 mars 1975, toute quantité de pétrole vendue ou
fournie à un navire «non immatriculé au Canada»
doit être exclue du calcul de l'indemnité d'importa-
tion. Les avocats des parties sont tombés d'accord
là-dessus.
A la colonne 5, intitulée «Navires ou aéronefs
non rapportés», des diverses parties A, B et C de la
table annexée au mémoire spécial, on trouve des
totaux respectifs de 49,991, 196,094 et 104,923
barils, ce qui donne un total général, d'après mon
calcul, de 351,008 barils.
Au paragraphe 3 du mémoire spécial, on expli-
que que la colonne 5 énonce les quantités de
pétrole que la demanderesse a importées au
Canada et vendues ou fournies comme carburant à
des navires non immatriculés au Canada.
Le paragraphe 3 dit ensuite que cette quantité
de pétrole, quoique vendue comme carburant à des
navires non immatriculés au Canada, l'a été en fait
à des navires, immatriculés à l'étranger certes,
mais qui se livraient légalement au cabotage au
Canada.
Avec franchise, la demanderesse admet que
cette quantité de pétrole n'a pas été exclue de celle
pour laquelle elle a réclamé et reçu indemnisation.
Plus tard, révisant la chose, l'Office a conclu
que la demanderesse n'avait pas droit à l'indemnité
qu'elle avait demandée et obtenue pour le mazout
qu'elle avait vendu ou fourni comme carburant
aux navires non immatriculés au Canada entre le
1" janvier 1974 et le 11 mars 1975, alors que les
Règlements DORS/74-232 et DORS/74-627
étaient en vigueur; en conséquence l'Office a
recouvré ou cherche à recouvrer la somme de
$2,005,073 versée à titre d'indemnité, et ce, tout
simplement en la déduisant des indemnités d'im-
portation demandées par la demanderesse depuis
le 11 mars 1975. L'Office a le droit d'agir ainsi en
vertu de la Loi sur l'administration financière et
de l'article 76 de la Loi sur l'administration du
pétrole.
C'est un organisme fédéral qui a statué que les
$2,005,073 payés à la demanderesse pour le
pétrole vendu ou fourni comme carburant à des
navires non immatriculés au Canada avaient été
payés à tort, car la législation en vigueur antérieu-
rement au 11 mars 1975 ne faisait aucune excep
tion pour les navires autorisés par la loi à faire du
cabotage au Canada, d'où il s'ensuivait que les
sommes payées l'avaient été par erreur et pou-
vaient être recouvrées par l'Office. C'est pourquoi
j'ai invité les avocats à me dire si, à leur avis,
l'espèce pourrait faire l'objet d'une demande,
devant la Division d'appel, e,n examen et annula-
tion de la décision de l'Office, conformément à
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, car en
ce cas, la Division de première instance n'a pas
compétence.
Après avoir entendu leurs observations, j'ai
conclu que la décision de l'Office était purement
administrative et non quasi judiciaire et donc que
l'article 28 précité ne s'appliquait pas.
La question posée à la Cour est, comme le
souligne le paragraphe 11 du mémoire spécial,
celle de savoir si le pétrole que la demanderesse a
fourni comme carburant pour des navires non
immatriculés au Canada doit être inclus dans celui
pour lequel une indemnité est payable à la deman-
deresse, en dépit du fait que le pétrole en question
a été fourni comme carburant non pas à des
navires immatriculés au Canada, mais à des navi-
res immatriculés à l'étranger faisant du cabotage
au Canada, c'est-à-dire du transport de marchan-
dises entre des ports canadiens.
En vertu de l'article 663 de la Loi sur la marine
marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, seuls
les navires britanniques, en sus des navires cana-
diens, peuvent faire du cabotage au Canada sauf
que, de par le paragraphe (3) de l'article 663, le
cabotage sur les Grands. Lacs et le fleuve Saint-
Laurent est réservé aux navires canadiens exclusi-
vement.
Manifestement un caboteur britannique con-
sommerait du carburant au Canada et donc le
carburant acheté au Canada à cette fin le serait
pour consommation au Canada.
On peut dire la même chose de tout navire
immatriculé à l'étranger autorisé par la loi à se
livrer au cabotage.
Comme il est dit précédemment, la législation et
la réglementation antérieures au 12 mars 1975
disent clairement et sans équivoque que tout le
pétrole vendu ou fourni comme carburant à des
navires «non immatriculés au Canada», ne donne
pas lieu à indemnité.
Les avocats des parties s'accordent à dire que le
pétrole fourni par la demanderesse entre le ler
janvier 1974 et le 11 mars 1975 devait être utilisé
comme carburant par des navires d'immatricula-
tion britannique (lesquels sont des navires imma-
triculés à l'étranger et non au Canada) et peut-être
par des navires autres que britanniques, immatri-
culés aussi à l'étranger. Au cours de la discussion,
on m'a expliqué que la demanderesse est proprié-
taire (soit directement, soit indirectement) d'une
flotte dont les unités sont immatriculées aux Ber-
mudes et sont conséquemment des navires d'imma-
triculation britannique; c'est à ces navires que la
demanderesse a fourni comme carburant les
hydrocarbures importés pour lesquels le droit à
indemnité est en cause.
Toutefois le Règlement n° 1 de 1975 sur l'in-
demnité d'importation du pétrole, DORS/75-140
(C.P. 1975-545 du 11 mars 1975), établi en appli
cation du crédit n° 53c, poste Office de répartition
des approvisionnements d'énergie, de la Loi n° 5 de
1974 portant affectation de crédits, est entré en
vigueur le 12 mars 1975.
L'article 6(2)b)(1) de ce règlement, intitulé
«Indemnité versée pour le pétrole brut», se lit
comme suit:
6....
(2) Dans le calcul du montant de l'indemnité d'importation
conformément au paragraphe (1), sont exclus de la quantité de
pétrole brut
b) tout produit pétrolier tiré dudit pétrole brut et utilisé par
l'importateur admissible ou vendu ou fourni à une personne
pour utilisation comme carburant
(i) dans un navire non immatriculé au Canada, à moins
que ce navire ne soit légalement autorisé à se livrer au
cabotage au Canada ou à y exercer toute autre activité
maritime connexe et qu'il ne s'y livre effectivement, ..
L'article 7(2)b)(i) prévoit la même indemnité
pour les produits pétroliers.
Ainsi, pour la première fois, une disposition, en
vigueur le 12 mars 1975, prévoit le paiement d'une
indemnité pour le pétrole brut ou les produits
pétroliers vendus ou fournis, par un importateur
admissible, comme carburant dans un navire non
immatriculé au Canada mais que la loi autorise à
se livrer au cabotage au Canada et qui s'y livre
effectivement. Il n'est pas contesté que les navires
étrangers auxquels la demanderesse a fourni du
pétrole comme carburant entre le l er janvier 1974
et le 11 mars 1975 étaient autorisés à se livrer au
cabotage avant que le Règlement n'entre en
vigueur.
A un moment donné l'avocat de la demande-
resse a fait valoir que la limitation aux navires
exclusivement canadiens de la fourniture de carbu-
rant comme condition d'obtention de l'indemnité
d'importation à l'égard de ce carburant était une
erreur compte tenu de l'article 663 de la Loi sur la
marine marchande du Canada susmentionnée,
selon lequel les navires britanniques peuvent faire
du cabotage au Canada, sauf dans les Grands Lacs
et sur le fleuve Saint-Laurent, et qu'on devrait
remédier à l'omission de signaler ce cas par une
interprétation appropriée.
Je ne pense pas qu'un tribunal doive créer un
casus omissus par interprétation, si ce n'est dans
les cas où la chose est vraiment nécessaire, où
l'omission est manifeste et où il faut y remédier
pour que les mots employés produisent effet et
aient un sens. -
Le simple fait qu'il aurait peut-être été préféra-
ble d'étendre la loi ou le règlement à d'autres cas,
ou que l'on peut concevoir la probabilité d'une telle
intention, ne suffit pas, à mon avis, à justifier une
interprétation d'une loi ou d'un règlement qui
obligerait à y lire des mots qui n'y sont pas. Les
termes employés ne peuvent être étendus au-delà
de leur sens ordinaire en vue de couvrir des cas
particuliers.
Selon moi, c'est au législateur qu'il appartient
d'introduire dans la loi une disposition applicable à
tous les navires se livrant au cabotage au Canada
plutôt qu'une disposition réservant le cabotage aux
navires canadiens seulement; de la part du tribu
nal, introduire une telle disposition par suite d'une
déduction, ce n'est pas interpréter la loi, mais la
modifier.
Je ne pense pas non plus que la règle fréquem-
ment citée, dégagée dans l'arrêt Heydon's (1584)
3 Co. 7a, 76 E.R. 637, s'applique à la demande-
resse. Cette règle, si je comprends bien, consiste à
dire que pour s'assurer de l'intention du législa-
teur, il faut rechercher le mal ou le vice contre
lequel on cherchait à se prémunir, le remède choisi
et la raison de ce choix.
Ici, dans l'état antérieur du droit, aucune indem-
nité n'était payable pour les hydrocarbures impor
tés, vendus ou fournis comme carburant à un
navire non immatriculé au Canada.
Le 12 mars 1975, la loi change et prévoit l'in-
demnisation du pétrole fourni comme carburant à
tous les navires qui se livrent au cabotage au
Canada et y sont autorisés.
La législation subséquente n'a pas cherché à
supprimer le mal qui s'était produit ni à y
remédier.
Elle est, à mon avis, une simple modification de
la loi antérieurement en vigueur. Le Règlement
postérieur équivaut à une modification ou abroga
tion du Règlement antérieur. Il ne peut être inter-
prété comme déclarant que la disposition anté-
rieure était différente de ce qu'elle était ni comme
déclarant ce qu'était ou signifiait cette disposition
antérieure en l'absence de termes vraiment explici-
tes de sens contraire.
Cela suffirait à clore le débat si ce n'était de
l'article 12 du Règlement n° 1 de 1975 sur l'in-
demnité d'importation du pétrole, DORS/75-140,
intitulé «Dispositions transitoires», ainsi que la
législation et la réglementation qui en découlent.
Voici l'article 12:
12. Lorsqu'une personne remplit les conditions voulues pour
recevoir une indemnité d'importation d'une certaine quantité de
pétrole chargée au cours de la période commençant le 1"
janvier 1974 et se terminant la veille de l'entrée en vigueur du
présent règlement, l'Office peut autoriser le versement, à cette
personne, pour cette quantité de pétrole, d'une indemnité d'im-
portation s'élevant au montant de celle qu'elle aurait reçue si le
versement d'une indemnité d'importation avait été autorisé
avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement.
La Loi sur l'administration du pétrole, S.C.
1974-75-76, c. 47, adoptée par le Parlement, a
reçu la sanction royale le 19 juin 1975, date par
conséquent de son entrée en vigueur.
Le long titre de la Loi donne une idée de son but
et de son objet:
Loi imposant des redevances sur les exportations de pétrole
brut et de certains produits pétroliers, prévoyant une indem-
nité au titre de certains coûts du pétrole et réglementant le
prix du pétrole brut et du gaz naturel canadiens dans le
commerce interprovincial et le commerce d'exportation.
Je pense qu'il peut être présumé sans risque que
le gouvernement de l'époque a trouvé bon dans une
situation d'urgence de dégager des fonds par des
lois d'affectation de crédits et de réglementer l'in-
demnisation conformément auxdites lois pour régir
l'attribution des fonds ainsi fournis, plutôt que
d'adopter une loi, difficile à modifier advenant des
circonstances imprévues.
Cet arrangement avait la souplesse qu'une loi ne
pouvait avoir pendant la période d'essai nécessaire
avant qu'on puisse se permettre d'inscrire cette
mesure expérimentale dans une loi.
C'est ce que fait, je crois, la Loi sur l'adminis-
tration du pétrole. La Section I de la Partie IV de
la Loi s'intitule «Indemnité compensatrice du coût
d'importation du pétrole». Les articles de la loi
reproduits ici sont rangés sous cette rubrique.
Voici l'article 72(1) et (2) intitulé «Importation
du pétrole».
72. (1) Sur demande présentée à l'Office par un importa-
teur admissible qui prouve qu'il remplit les conditions pour
recevoir une indemnité d'importation du fait qu'il a acheté du
pétrole, l'Office peut, sous réserve de la présente Section et de
ses règlements d'application, autoriser le versement à cet
importateur, en application de la présente Section, d'une
indemnité d'importation s'élevant à la somme que l'Office fixe
pour cet achat.
(2) Toute personne qui importe du pétrole au Canada en vue
de le traiter, de le consommer, de le vendre ou d'en faire un
autre usage au Canada est admissible aux indemnités d'impor-
tation prévues par la présente Section à la condition que,
pendant la période écoulée entre le 1°" janvier 1974 et la date de
la demande prévue au paragraphe (1), elle-même, ou la per-
sonne pour laquelle elle a importé du pétrole, ait volontaire-
ment maintenu les prix des produits pétroliers tirés du pétrole
importé au niveau proposé en temps utile par les règlements,
lesquels peuvent, pour l'année civile 1974 et le premier semestre
de l'année civile 1975 avoir un effet rétroactif, et à la condition
qu'elle ait donné l'assurance qu'elle maintiendrait au niveau
proposé le prix des produits tirés du pétrole pour lequel elle a
reçu une indemnité en vertu de la présente Section.
Voici le libellé de l'article 78 intitulé «Disposi-
tions transitoires»:
78. (1) Tout paiement au titre de l'importation de pétrole
fait ou autorisé par un règlement établi en application du crédit
n° 1 lb du poste Énergie, Mines et Ressources de la Loi n° 1 de
1974 portant affectation de crédits, est réputé avoir été fait ou
autorisé à titre d'indemnité d'importation de ce pétrole et la
présente Section s'y applique mutatis mutandis.
(2) Tout versement fait ou autorisé en vertu des critères ou
des règlements respectivement établis
a) aux fins des mandats spéciaux du gouverneur en conseil
prévoyant l'affectation
(i) de $200,000,000 le 22 mai 1974 en vertu du décret
C.P. 1974-1176,
(ii) de $80,000,000 le 27 juin 1974 en vertu du décret C.P.
1974-1519,
(iii) de $50,000,000 le 25 juillet 1974 en vertu du décret
C.P. 1974-1697,
(iv) de $70,000,000 le 28 août 1974 en vertu du décret
C.P. 1974-1943, ou
(v) de $70,000,000 le 4 septembre 1974 en vertu du décret
C.P. 1974-1973;
b) en application du crédit n° 52a de l'Office de répartition
des approvisionnements d'énergie prévu à la Loi n° 3 de 1974
portant affectation de crédits, Statuts du Canada de
1974-75;
c) en application du crédit n° 53c de l'Office de répartition
des approvisionnements d'énergie prévu à la Loi n° 5 de 1974
portant affectation de crédits, Statuts du Canada 1974-75;
ou
d) en application du crédit n° 65 de l'Office de répartition
des approvisionnements d'énergie prévu à la Loi n° 2 de 1975
portant affectation de crédits, Statuts du Canada, 1974-75
au titre de l'importation d'une quantité de pétrole est réputé
avoir été fait ou autorisé à titre d'indemnité d'importation de
cette quantité et la présente Section s'y applique mutatis
mutandis.
(3) Lorsqu'un importateur admissible remplit les conditions
voulues pour une indemnité d'importation d'une certaine quan-
tité de pétrole chargée au cours de la période commençant le ler
janvier 1974 et se terminant la veille de l'entrée en vigueur de
la présente Partie qui lui est livrée au Canada ou à un point
d'entrée à destination du Canada après le 31 décembre 1974,
l'Office peut autoriser le versement à l'importateur, pour cette
quantité de pétrole, d'une indemnité d'importation s'élevant au
montant de celle qu'il aurait reçue si le pétrole lui avait été livré
et le versement de l'indemnité d'importation, autorisée, avant
cette date.
La réglementation établie en application de la
Loi n° 1 de 1974 portant affectation de crédits
évoquée à l'article 78(1) ci-dessus est intitulée
Règlement sur les indemnités d'importation du
pétrole et des produits pétroliers, DORS/74-232,
et c'est sur son fondement que la demanderesse a
présenté ses six premières demandes d'indemnité,
reproduites à la partie A de la table annexée au
mémoire spécial.
Les indemnités faisant l'objet des 18 demandes
de la partie B de la table annexée au mémoire
spécial ont été versées à la demanderes , c sur des
fonds rendus disponibles en vertu des mandats
spéciaux mentionnés à l'article 78(2)a) ci-dessus,
et les 14 indemnités restantes (demandes de la
partie C de la table du mémoire spécial) ont été
versées à la demanderesse conformément au
DORS/74-627 établi en application de la Loi n° 3
de 1974 portant affectation de crédits évoquée à
l'article 78(2)b) ci-dessus.
C'est dans DORS/75-140, établi en application
de la Loi n° 5 de 1974 portant affectation de
crédits évoquée à l'article 75(2)c), qu'il est prévu
pour la première fois, avec effet à compter du 12
mars 1975, que le pétrole fourni comme carburant
par un importateur pour un navire non immatri-
culé au Canada peut donner lieu à une indemnité
d'importation si la loi autorise le navire à se livrer
au cabotage au Canada et si tel est bien le cas.
L'article 9(2)b)(1) du Règlement sur l'indemnité
compensatrice du coût d'importation du pétrole,
DORS/75-384 du 30 juin 1975, établi en applica
tion de la Loi sur l'administration du pétrole,
dispose que:
9....
(2) Dans le calcul de la quantité de pétrole qui peut donner
droit à une indemnité d'importation, sont exclues
b) les quantités de pétrole et des produits pétroliers tirés de
ladite quantité et utilisées comme carburant par l'importa-
teur admissible, ou vendues ou fournies à une personne qui se
propose de les utiliser ou qui les a utilisées comme carburant
(i) d'un navire non immatriculé au Canada, à moins qu'il
ne soit légalement engagé dans des opérations de cabotage
ou autres opérations maritimes au Canada, ...
Ce règlement a pour effet de perpétuer le droit à
indemnité de l'importateur pour le pétrole importé
et fourni comme carburant à un navire non imma-
triculé au Canada et légalement engagé dans des
opérations de cabotage au Canada, autorisation
accordée pour la première fois par le DORS/75-
140, en vigueur le 12 mars 1975.
Voici la position de chacune des parties:
[TRADUCTION] (1) Thèse de la demanderesse; il résulte de
l'article 12 du DORS/75-140, de l'adoption successive de la
Loi sur l'administration du pétrole et de son règlement d'appli-
cation (Règlement sur l'indemnité compensatrice du coût
d'importation du pétrole), que la demanderesse, sur leur fonde-
ment, a acquis le droit à une indemnité d'importation de
$2,005,073, antérieurement, réclamée par les 38 demandes
déposées à cet effet pour la période allant du 1" janvier 1974 au
11 mars 1975 et fondées sur DORS/74-232, des mandats
spéciaux et DORS/74-627. Cette somme a été versée à la
demanderesse par erreur par le Ministre et l'Office, relative-
ment au pétrole vendu pour consommation par des navires non
immatriculés au Canada mais que la loi autorisait à s'y livrer
au cabotage;
(2) Réponse de la défenderesse: l'article 12 du DORS/75-140,
la Loi sur l'administration du pétrole et ses règlements d'appli-
cation n'ont pas d'effet rétroactif justifiant le versement des
$2,005,073 reçus par la demanderesse, laquelle n'a pas droit de
retenir cette somme. L'Office est en conséquence habilité à la
défalquer des indemnités d'importation subséquentes auxquel-
les la demanderesse pourrait avoir droit.
Il n'est pas contesté que si la demanderesse
n'était pas habilitée à recevoir lesdits $2,005,073,
c'est à bon droit que pareil montant lui a été
retenu par l'Office, en vertu de l'article 76 de la
Loi sur l'administration du pétrole.
Quoique je souscrive à la prétention de la défen-
deresse voulant que les articles 12 du DORS/75-
140 et 78 de la Loi sur l'administration du pétrole
ne soient pas rétroactifs, il reste quand même la
prétention de la demanderesse voulant que les
articles précités constituent une ratification du
bien-fondé du paiement de $2,005,073, vu l'admis-
sibilité du pétrole fourni pour ces navires à l'in-
demnité prévue par les règlements subséquents.
Cette prétention à mon avis doit être examinée
en fonction du sens ordinaire des articles.
Un examen attentif de l'article 12 m'amène à
conclure qu'il ne vient nullement en aide à la
demanderesse.
Selon cet article, il faut «remplir les conditions
voulues» pour recevoir une indemnité d'importa-
tion d'une certaine quantité de pétrole chargée
entre le ler janvier 1974 et le 12 mars 1975. On a
employé l'expression «remplir les conditions vou-
lues». Pour remplir les conditions voulues pour
obtenir une indemnité d'importation, les exigences
imposées doivent être satisfaites. Or les règlements
en vigueur entre le ler janvier 1974 et le 11 mars
1975 excluaient le pétrole fourni comme carburant
aux navires non immatriculés au Canada du droit
à l'indemnité d'importation.
La demanderesse ne satisfait donc pas aux con
ditions voulues pour le pétrole en question et en
conséquence, pour ce qui est de ce pétrole, elle
n'est pas une «personne [qui] remplit les conditions
voulues pour recevoir une indemnité d'importa-
tion» au sens de l'article 12.
L'article dispose ensuite que l'Office peut auto-
riser le versement à une personne pour une quan-
tité de pétrole d'une indemnité d'importation s'éle-
vant au montant de celle qu'elle aurait reçue si le
versement d'une indemnité d'importation avait été
autorisé par des règlements antérieurs.
Ce texte à mon avis envisage le cas d'un impor-
tateur qui n'aurait pas présenté de demande d'in-
demnité avant le 12 mars 1975; l'Office pourrait
alors autoriser le paiement de l'indemnité sur
demande à cet effet, mais le montant de l'indem-
nité serait régi par les règlements antérieurs et non
par le Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité
d'importation du pétrole qui peut prévoir un mon-
tant différent.
Autrement dit, celui qui, sur le fondement du
Règlement DORS/75-140, sollicite une indemnité
d'importation pour du pétrole importé entre le ler
janvier 1974 et le 11 mars 1975, doit pour y avoir
droit remplir les conditions prévues par les règle-
ments en vigueur au cours de cette période (s'agis-
sant des hydrocarbures fournis comme carburant à
des navires immatriculés au Canada) et l'importa-
teur a droit à l'indemnité prévue par les règlements
antérieurs.
Les mots «si le versement d'une indemnité ..
avait été autorisé» avant que ne prenne effet le
DORS/75-140, peuvent recevoir deux interpréta-
tions.
Ils peuvent vouloir dire que l'indemnité avait été
autorisée par le Ministre ou par l'Office, ou que
pour «autoriser» l'indemnité, il faut qu'aient été
remplies les «conditions voulues» prévues par les
règlements antérieurs.
Toutefois vu la conclusion à laquelle je suis
arrivé sur le sens de l'expression «remplit les condi
tions voulues pour recevoir une indemnité d'impor-
tation», je n'ai pas à choisir entre ces interpréta-
tions mais, si cela s'était avéré nécessaire, j'y
aurais vu un des cas où on peut, à bon droit,
insérer le terme «légalement» immédiatement
avant le terme «autorisé»; et en ce cas le résultat
aurait été le même, vu l'interprétation donnée à
l'expression «remplit les conditions voulues pour
recevoir une indemnité d'importation».
Pour ces motifs, j'en suis venu à la conclusion
que l'article 12 du Règlement n° 1 de 1975 sur
l'indemnité d'importation du pétrole ne vient pas
en aide à la demanderesse.
On peut faire le même raisonnement pour l'arti-
cle 78 de la Loi sur l'administration du pétrole.
La demanderesse a présenté entre le 1 e janvier
et le 31 mars 1974 ses six premières demandes
d'indemnité fondées sur le Règlement sur les
indemnités d'importation du pétrole et des pro-
duits pétroliers, DORS/74-232.
L'article 78(1) de la Loi sur l'administration du
pétrole traite spécifiquement de ces paiements.
Les 18 demandes d'indemnité que la demande-
resse a présentées entre le 1 er avril et le 31 octobre
1974, sur le fondement des mandats spéciaux sont
expressément régies par l'article 78(2)a); et les 14
demandes restantes, faites par la demanderesse
entre le 1 °r novembre 1974 et le 11 mars 1975, sur
le fondement du Règlement sur l'indemnité d'im-
portation du pétrole, DORS/74-627, sont régies
par l'article 78(2)b).
L'article 78 est transitoire, comme l'indique son
titre.
Si je comprends bien l'esprit et la lettre de
l'article 78, tout paiement fait ou autorisé en vertu
d'un règlement antérieur en matière d'importation
de pétrole est présumé avoir été fait ou autorisé à
titre d'indemnité d'importation et les dispositions
de la Section I de la Partie IV de la Loi sur
l'administration du pétrole s'appliquent mutatis
mutandis à leur égard.
Pour une certaine quantité de pétrole les paie-
ments doivent avoir été effectués ou autorisés par
les règlements antérieurs. Cela ressort manifeste-
ment de la disposition liminaire de l'article 78(1)
que voici:
78. (1) Tout paiement au titre de l'importation de pétrole
fait ou autorisé par un règlement établi ....
La disposition liminaire de l'article 78(2) va
dans le même sens:
78....
(2) Tout versement fait ou autorisé en vertu des critères ou
des règlements ... établis
Lorsque des paiements ont été effectués ou auto-
risés sur le fondement de ces règlements anté-
rieurs, ils sont, pour les fins de la Loi sur l'admi-
nistration du pétrole, réputés avoir été faits à titre
d'indemnité d'importation et donc ressortir des
dispositions applicables de cette loi. C'est le cas
par exemple de l'article 76 qu'un des avocats
prétend applicable aux paiements faits à la deman-
deresse. L'avocat prétend aussi que c'est en vertu
de cet article que le trop-payé prétendument versé
à la demanderesse conformément à la réglementa-
tion antérieure, doit être soustrait de l'indemnité
subséquemment payable à celle-ci en vertu de la
Loi sur l'administration du pétrole et de ses règle-
ments d'application.
Soit dit en passant, le Règlement sur l'indemnité
compensatrice du coût d'importation du pétrole,
DORS/75-384, établi en application de l'article 77
de la Loi sur l'administration du pétrole, main-
tient par son article 9(2)b)(1) la disposition du
Règlement n° 1 de 1975 sur l'indemnité d'impor-
tation du pétrole, DORS/75-140, en vigueur le 12
mars 1975; et les taux payables en vertu de l'an-
nexe III du Règlement sur l'indemnité compensa-
trice du coût d'importation du pétrole, établi en
application de cette loi, sont inférieurs à ceux faits
ou autorisés en application des règlements
antérieurs.
Lorsque l'article 78 dispose que les paiements
faits ou autorisés en vertu des règlements anté-
rieurs en matière d'importation de pétrole seront
réputés faits ou autorisés à titre d'indemnité d'im-
portation de pétrole pour les fins de la Loi sur
l'administration du pétrole, il ne modifie pas, à
mon avis, la façon d'appliquer ces règlements anté-
rieurs pour déterminer la quantité de pétrole don-
nant lieu à indemnité ainsi que le montant de cette
dernière.
Cette conclusion découle nécessairement des
expressions «fait par un règlement» et «autorisé par
un règlement». Il découle de leur contexte qu'il
s'agit de règlements «antérieurs».
Cette conclusion est renforcée par l'article
78(3), en vertu duquel, en matière de pétrole
chargé entre le 1" janvier 1974 et le 18 juin 1975
(jour précédant l'entrée en vigueur de la Loi sur
l'administration du pétrole),
78....
(3) ... l'Office peut autoriser le versement à l'importateur,
pour cette quantité de pétrole, d'une indemnité d'importation
s'élevant au montant de celle qu'il aurait reçue ... et le
versement de l'indemnité d'importation, autorisée ... .
A mon avis, il est clair que ce libellé ne permet
pas le paiement d'une indemnité supérieure à celle
prévue par les règlements antérieurs, non plus que
pour du pétrole ne donnant pas lieu à indemnité en
vertu desdits règlements antérieurs.
Voici le texte du paragraphe 11 du mémoire
spécial:
[TRADUCTION] 11. L'avis de la Cour est demandé pour savoir
si les quantités de pétrole énumérées à la colonne 5 des parties
«A», «B» et «C» de l'annexe auraient dû également donner lieu à
une indemnité payable à la demanderesse.
Pour les motifs qui précèdent, je réponds par la
négative à la question posée.
En conséquence, la demanderesse ne peut obte-
nir la réparation demandée dans sa déclaration et
l'action est rejetée. Sa Majesté a droit à ses dépens
taxables.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.