A-43-78
Bell Canada (Appelante) (Intimée)
c.
Challenge Communications Limited (Intimée)
(Requérante)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan—
Ottawa, les 11, 12 et 24 avril 1978.
Communications — Compétence — Tarifs téléphoniques de
Bell Canada — Tarif concernant le service de radiotéléphone
mobile automatique (AMTS), réservant à Bell Canada le droit
de fournir le matériel uniquement en vertu d'un contrat de
louage, et excluant l'option COAM, c'est-à-dire le matériel
appartenant au client et entretenu par lui — Allégations de
discrimination injuste formulées par le fournisseur de matériel
COAM — Le CRTC rejette le tarif et ordonne à Bell Canada
de proposer un nouveau tarif permettant l'option COAM, et de
révéler les caractéristiques relatives à la fabrication du maté
riel compatible avec le système AMTS — Appel interjeté sur
des questions de droit et de compétence — Loi sur les chemins
de fer, S.R.C. 1970, c. R-2, art. 320, 321 — Loi nationale sur
les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 45(2), 46(1), 57(1), 58
et 64(2).
Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté sur des questions de
droit et de compétence en vertu de l'article 64(2) de la Loi
nationale sur les transports à l'encontre d'une décision et
ordonnance rendues par le CRTC. Celui-ci avait rejeté certai-
nes dispositions du tarif général de l'appelante concernant le
service AMTS au motif qu'elles créaient une discrimination
injuste ainsi qu'un avantage déraisonnable à l'appelante aux
dépens de l'intimée. En outre, la décision ordonnait à l'appe-
lante de soumettre des propositions en vue d'un nouveau tarif
qui permettrait de nouvelles options concernant le service
AMTS, et aussi de fournir les caractéristiques du matériel
nécessaire à la fabrication d'appareils compatibles avec le
système de Bell Canada. L'appelante, en vertu de son tarif,
s'était réservée le droit exclusif de fournir du matériel AMTS
et ce, uniquement en vertu d'un contrat de louage; quant aux
téléphones mobiles appartenant aux clients, ils ne seraient reliés
à aucun service automatique. L'intimée se spécialise dans la
fourniture et l'entretien du matériel COAM. L'appelante sou-
lève, en l'espèce, les six questions suivantes: (1) Le CRTC
était-il mal fondé en droit à statuer que l'appelante agissait en
violation des alinéas a), b), c) de l'article 321(2) de la Loi sur
les chemins de fer, en stipulant dans son tarif général qu'à
l'égard des AMTS, elle seule fournirait, installerait et entre-
tiendrait le matériel radio? (2) Le CRTC a-t-il commis une
erreur de droit et outrepassé sa compétence en ordonnant à
l'appelante de fournir les caractéristiques nécessaires à la con
ception de matériel compatible avec son système? (3) Le
CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa
compétence en ordonant à l'appelante de présenter des proposi
tions pour un nouveau tarif pour le service de radiotéléphone
mobile comportant l'option COAM? (4) Le CRTC a-t-il
commis une erreur de droit et outrepassé sa compétence en
ordonnant de présenter des propositions en vue d'un nouveau
tarif comportant une option «vagabondage»? (5) Le CRTC
a-t-il commis une erreur de droit en statuant que les alinéas a),
b), c) de l'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer
s'appliquent aux affaires de discrimination injuste? (6) Le
CRTC a-t-il commis une erreur de droit et outrepassé sa
compétence en interprétant l'article 321 de la Loi sur les
chemins de fer comme lui attribuant compétence en matière de
concurrence entre Bell et les autres fournisseurs de matériel et
d'installation téléphoniques?
Arrêt: les appels sont rejetés sauf un. La question 1 reçoit
une réponse négative. Les Règlements généraux n°' 7 et 9
lorsqu'on les lit dans leur contexte, c'est-à-dire avec tous les
Règlements et articles applicables de la Loi sur les chemins de
fer, permettent au CRTC de s'occuper des questions de pro-
priété et d'entretien du service téléphonique ainsi que des
questions portant sur le raccordement du matériel COAM aux
installations de l'appelante, car ce sont IA des composantes des
tarifs que la compagnie Bell doit soumettre à l'approbation du
CRTC. Lorsqu'on interprète les Règlements de cette manière,
il n'y a pas conflit. La question 5 reçoit une réponse négative.
L'article 321(2) de la Loi sur les chemins de fer interdit la
discrimination envers «une personne ou une compagnie». L'ap-
pelante ne peut, en vertu de la Loi, se donner à elle-même
quelque préférence ou avantage indu ou déraisonnable. L'inti-
mée aussi a droit à la protection de l'article 321 lorsqu'on y fait
usage de l'expression «une compagnie», expression claire et sans
ambiguïté. Pris dans son acception ordinaire, cet article s'appli-
que à toute personne, physique ou morale, et non aux seuls
clients de l'entreprise. La question 2 reçoit une réponse néga-
tive. L'ordonnance du CRTC prescrivant la substitution d'un
nouveau tarif permettant l'utilisation de matériel COAM dans
le domaine des AMTS pourrait être contournée, et devenir
inefficace si les caractéristiques étaient gardées secrètes, étant
donné que le matériel COAM-AMTS doit être branché sur le
système téléphonique de l'appelante. Le pouvoir de rendre cette
partie de l'ordonnance relève des articles 45(2), 46(1) et 57(1)
de la Loi nationale sur les transports ainsi que l'article 321(5)
de la Loi sur les chemins de fer, puisque les caractéristiques
techniques du branchement sont nécessairement une question
reliée aux tarifs. La question 3 reçoit une réponse négative pour
les mêmes motifs que ceux invoqués relativement à la question
2. La question 4 reçoit une réponse positive. La question de
«vagabondage» n'était pas en litige au cours des audiences
devant le CRTC. Il n'est pas nécessaire que le présent tribunal
dise si en droit le CRTC détenait le pouvoir de rendre ladite
partie de l'ordonnance, puisqu'on ne peut prétendre que les
parties et l'intervenant aient été entendus à ce sujet. Il n'est pas
nécessaire de répondre à la question 6 puisqu'elle repose sur
une présomption dénuée de fondement. Il se peut que les effets
de l'ordonnance soient l'égalisation de la concurrence; toutefois,
cela n'invalide pas une ordonnance par ailleurs validement
rendue dans l'exercice légitime de la compétence.
APPEL.
AVOCATS:
E. E. Saunders, c.r. et P. J. Knowlton pour
l'appelante.
H. Soloway, c.r. et J. Shields pour l'intimée.
T. G. Heintzman et Peter S. Grant pour le
CRTC.
Gordon F. Henderson, c.r. et Gordon E.
Kaiser pour le Directeur des enquêtes et
recherches, Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions.
PROCUREURS:
Service du contentieux de Bell Canada,
Montréal, pour l'appelante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimée.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour le
CRTC.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le
Directeur des enquêtes et recherches, Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce d'un appel
interjeté sur des questions de droit et de compé-
tence en vertu de l'article 64(2) de la Loi nationale
sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, et de
l'autorisation d'en appeler que cette cour a accor-
dée à l'appelante. Il en est appelé d'une décision et
ordonnance du 23 décembre 1977 du Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications cana-
diennes (CRTC), 3 R.T.C. 489, (la décision Tele-
com CRTC 77-16). Par cette décision, le CRTC a
rejeté certaines dispositions du tarif général de
l'appelante concernant le service de radiotéléphone
mobile automatique (AMTS), au motif qu'elles
créaient une discrimination injuste à l'encontre de
l'intimée, lui causaient un préjudice ou désavan-
tage indu ou déraisonnable et accordaient une
préférence ou un avantage indu ou déraisonnable à
l'appelante aux dépens de l'intimée. Aussi la déci-
sion invitait-elle l'appelante à présenter au CRTC
des propositions en vue de l'instauration, pour le
service de téléphone mobile, d'un nouveau tarif qui
comporterait certaines caractéristiques et permet-
trait certaines options concernant le service de
téléphone automatique que l'on n'y trouvait pas
auparavant; l'appelante devrait fournir au CRTC,
à l'intimée et à toute autre personne qui en ferait
la demande, un exemplaire de tout document expo-
sant les caractéristiques du matériel Accès 450 et
de tout autre matériel ou installation nécessaires à
la conception et à la production de radiotéléphones
à ultra-haute fréquence (UHF). «Accès 450» est le
nom d'un nouveau matériel de radiotéléphone
mobile . introduit par l'appelante au Canada et
destiné au service de radiotéléphone automatique.
En sus, la décision invitait l'appelante et l'intimée
à présenter au CRTC, au plus tard le 13 février
1978, un projet de calendrier pour la mise en place
d'un nouveau tarif concernant les téléphones mobi
les où l'appelante offrirait aux clients l'option
d'avoir et d'entretenir leur propre matériel de
sélection automatique UHF compatible avec le
système de signalisation usité en Amérique du
Nord.
Les faits ne sont pas en cause dans cet appel. Le
29 avril 1977, l'appelante a produit près le CRTC
quatre pages révisées de son tarif général, intitu-
lées: «Service de téléphone mobile» et visant deux
genres de service: le service de téléphone mobile
manuel (MMTS) et le service de téléphone mobile
automatique (AMTS). En ce qui concerne le ser
vice de téléphone mobile pour véhicules automobi
les, on trouve dans le véhicule de l'équipement
dénommé «équipement radio» et du matériel fixe
connu sous le nom de [TRADUCTION] «la base».
L'équipement radio de l'automobile est relié par
radio à la base, elle-même partie intégrante du
réseau téléphonique de l'appelante. Bien qu'il
existe d'autres genres de service téléphonique
mobile, ainsi celui qu'utilisent les bateaux, l'espèce
présente n'est concernée que par le type de service
employé par les propriétaires de véhicules automo
biles. L'équipement situé dans l'automobile se
compose essentiellement de deux appareils: «l'ap-
pareil de commande» et un émetteur-récepteur
radio. L'appareil de commande comporte habituel-
lement un combiné semblable à celui d'un télé-
phone ordinaire pouvant être accroché à un sup
port sur le corps de l'appareil, lequel se trouve
généralement fixé au tableau de bord de la voiture,
à portée du conducteur. L'émetteur-récepteur se
trouve généralement, mais pas toujours, dans le
coffre de l'automobile. L'appareil de commande
permet au conducteur de la voiture d'entrer en
contact avec «la base» et, naturellement, de conver-
ser à l'aide du combiné. L'appareil de commande
est branché sur l'émetteur-récepteur dont la tâche
est généralement facilitée par une antenne
extérieure.
Depuis plusieurs années déjà l'appelante, dans
son tarif général, offre le service de radiotélépho-
nes mobiles manuels (MMTS) mais, et ce
jusqu'au 29 avril 1977, date de dépôt des modifica
tions susmentionnées, le tarif prévoyait aussi que le
client pouvait fournir son propre radiotéléphone
manuel, l'installer dans sa voiture et l'entretenir.
Le client pouvait se le procurer chez n'importe
quel fournisseur. Lorsque le client exerce ce choix,
on identifie le matériel en question par le sigle
«COAM» (Customer Owned and Maintained
equipment—matériel appartenant au client et
entretenu par lui). L'intimée vend et fournit ce
matériel COAM, principalement dans la région
Toronto-Hamilton mais aussi, dans une moindre
mesure, ailleurs en Ontario et au Québec.
Les nouvelles pages du tarif produites par l'ap-
pelante le 29 avril 1977, se réfèrent au matériel
AMTS pour la première fois. Celui-ci a été conçu
pour utiliser les voies UHF plutôt que les voies
VHF qu'emploie le matériel MMTS. De plus le
matériel AMTS permet la commande directe,
c'est-à-dire la capacité de faire et de recevoir des
appels dans la voiture sans l'aide d'un téléphoniste
lorsque le véhicule se trouve dans la localité du
domicile. Il s'agit là d'une nouvelle caractéristique,
le matériel MMTS exigeant que l'on communique
avec le téléphoniste pour chaque appel.
Dans son projet de modification produit le 29
avril 1977, l'appelante notifie au CRTC qu'elle ne
se propose pas de fournir à ses clients propriétaires
de radiotéléphones mobiles ce service automatique,
mais de fournir, installer et entretenir, et ce uni-
quement en vertu d'un contrat de louage, toutes les
unités mobiles de cette sorte. Les nouvelles pages
du tarif ont été approuvées par le CRTC et
devaient prendre effet le 20 juillet 1977. Aussitôt
l'appelante a lancé une campagne publicitaire afin
de promouvoir le louage de son matériel AMTS.
En vertu du tarif modifié, l'appelante se réservait
en effet le droit exclusif de fourniture du matériel
AMTS et ce uniquement selon un contrat de
louage. Par ailleurs, l'appelante continue toujours
d'offrir le service MMTS aux mêmes conditions
qu'auparavant.
L'intimée se spécialise dans la fourniture du
matériel COAM susmentionné. En juillet 1977, la
majorité des clients utilisant le matériel MMTS
étaient des usagers du système COAM.
Le 26 septembre 1977, l'intimée a produit près
le CRTC une requête en contestation du tarif
révisé de l'appelante, alléguant, entre autres, le
caractère injustement discriminatoire de ce tarif,
la création de ce fait, par l'appelante et à son
profit, d'une préférence ou d'un avantage indu et,
donc, infraction à l'article 321 de la Loi sur les
chemins de fer, S.R.C. 1970, c. R-2.
Le CRTC a instruit la demande de l'intimée du
8 au 16 novembre 1977 Ottawa. La preuve faite
en l'instance a établi qu'en juillet 1977 il y avait
dans la région Toronto-Hamilton 1,588 usagers du
système MTS parmi lesquels on trouvait 1,264
usagers du système COAM. La preuve démontre
aussi que, dans les quelques mois qui ont suivi le
25 juillet 1977, date de l'approbation du tarif
révisé de Bell concernant les AMTS, cette société
a acquis quelque 300 clients pour le système
AMTS.
L'appelante soulève six questions de droit ou de
compétence en l'espèce présente et fait valoir que
chacune d'elles devrait recevoir une réponse affir
mative. D'autre part, l'intimée et le Directeur des
enquêtes et recherches, Direction des enquêtes sur
les coalitions (qui est intervenu en l'instance
devant le CRTC en vertu de l'article 27.1 de la Loi
relative aux enquêtes sur les coalitions, S.R.C.
1970, c. C-23, y a participé activement et a com-
paru en l'instance présente en vertu de la Règle
1313) ont tous deux fait valoir que les six questions
devraient toutes recevoir une réponse négative.
L'avocat du Conseil pense de même. Je vais main-
tenant traiter de ces six questions:
Question n° 1
Le Conseil était-il mal fondé en droit à statuer
que l'appelante, agissant sur le fondement des
règlements 7 et 9 de ses Règlements généraux, a
violé les alinéas a), b) et c) du paragraphe
321(2) de la Loi sur les chemins de fer en
stipulant, à la page révisée 410 de son tarif
général, qu'à l'égard des AMTS, elle fournirait,
installerait et entretiendrait le matériel radio
destiné aux unités mobiles automatiques et
qu'elle interdirait à tout autre de le faire?
A l'appui de sa prétention, l'appelante allègue
que le CRTC a commis une erreur de droit en
concluant que l'appelante a contrevenu aux dispo
sitions de l'article 321(2) de la Loi sur les chemins
de fer, S.R.C. 1970, c. R-2 (modifié) car, fait-elle
valoir, elle agissait conformément aux Règlements
2, 7 et 9 de ses Règlements généraux, édictés à sa
demande par l'un des prédécesseurs du CRTC,
comme conditions auxquelles elle pourrait achemi-
ner le trafic. Ces règlements étaient adoptés en
application de l'article prédécesseur du paragraphe
322(3) de la Loi sur les chemins de fer. Subsé-
quemment, avec l'autorisation de la Commission
des transports du Canada, les Règlements ont été
publiés à trois reprises dans la Gazette du Canada
conformément à l'article en vigueur avant l'actuel
article 62 de la Loi nationale sur les transports.
Les dispositions pertinentes se lisent comme suit:
[TRADUCTION]: Règlement 2.—a) Le service et l'équipement
téléphoniques offerts aux termes des Tarifs de la compagnie,
lorsqu'elle les fournit, le seront d'après les clauses et conditions
contenues dans
(i) les présents règlements,
(ii) tous les Tarifs applicables de la compagnie, et
(iii) la demande écrite (le cas échéant) en autant qu'elle soit
compatible avec ces règlements ou lesdits tarifs,
le tout liant et la compagnie et les abonnés.
b) Tout changement dans ces règlements ou dans les Tarifs
de la compagnie modifiera les obligations mutuelles de la
compagnie et de ses abonnés à compter de et y compris la date
de leur mise en vigueur. Un changement de tarifs est applicable
à compter de et y compris la date de sa mise en vigueur
nonobstant le fait que l'abonné aurait été facturé et/ou aurait
payé d'avance aux tarifs précédents.
Règlement 7.—A moins de stipulations contraires dans ses
tarifs ou d'une entente spéciale, la compagnie fournira et
installera tous poteaux, conduits, outillage, fils, circuits, instru
ments, équipement, accessoires et installations requis pour four-
nir le service, et elle en sera et demeurera la propriétaire et
devra payer les frais de l'entretien et des opérations ordinaires.
Règlement 9.—L'équipement et les fils de la compagnie ne
doivent pas être réagencés, déconnectés, enlevés ou dérangés
d'aucune façon. Aucun équipement, dispositif, circuit, ou méca-
nisme non fourni par la compagnie ne peut être branché,
associé physiquement, raccordé ou utilisé de façon à fonction-
ner conjointement avec l'équipement ou les fils de la compagnie
d'aucune façon, que ce soit physiquement, par induction, ou
autrement, sauf lorsqu'il est spécifié autrement dans les Tarifs
de la compagnie ou en vertu d'une entente spéciale. En cas de
contravention à ce règlement, la compagnie peut corriger toute
installation prohibée ou suspendre et/ou mettre fin au service,
tel qu'il est prévu au Règlement 35.
Paragraphe 322(3) de la Loi sur les chemins de
fer:
322. ...
(3) La Commission peut, par règlement, prescrire les moda-
lités selon lesquelles tout transport peut être effectué par la
compagnie.
Article 62 de la Loi nationale sur les transports:
62. Les règles, règlements, ordonnances ou décisions de la
Commission, après publication durant trois semaines dans la
Gazette du Canada, sur ordre ou permis de la Commission, ont
le même effet, tant qu'ils sont en vigueur, que s'ils avaient été
édictés par la présente loi, et tous les tribunaux doivent en
reconnaître l'authenticité juridique.
Ainsi l'appelante fait valoir que le CRTC: [TRA-
DUCTION] «a mal interprété le statut juridique des
Règlements généraux de Bell Canada et n'a pas, à
tort, interprété l'article 321 de la Loi sur les
chemins de fer à la lumière des Règlements 7 et 9
des Règlements généraux de Bell Canada» (factum
de l'appelante, page 41). Et, de nouveau, à la page
42 de son factum, l'appelante fait valoir ce qui
suit:
[TRADUCTION] 101. Le CRTC, dans sa décision, s'est fondé
exclusivement sur l'article 321 pour justifier et ladite décision
et ses ordonnances. Dans les passages de la décision précédem-
ment cités, le CRTC semble considérer les Règlements 2, 7 et 9
des Règlements généraux de Bell Canada comme «des sujets de
deuxième ordre» n'ayant pas véritablement le statut de disposi
tions légales. Plutôt que d'essayer d'interpréter les Règlements
2, 7 et 9 comme des dispositions de la loi, à lire avec les autres
dispositions «de fond» de la Loi sur les chemins de fer, le
Conseil semble les sous-estimer.
L'article 321 de la Loi précitée se lit comme suit:
321. (1) Toutes les taxes doivent être justes et raisonnables
et doivent toujours, dans des circonstances et conditions sensi-
blement analogues, en ce qui concerne tout le trafic du même
type suivant le même parcours, être imposées de la même façon
à toutes personnes au même taux.
(2) Une compagnie ne doit pas, en ce qui concerne les taxes
ou en ce qui concerne tous services ou installations fournis par
elle à titre de compagnie de télégraphe ou de téléphone,
a) établir de discrimination injuste contre une personne ou
une compagnie;
b) instaurer ou accorder une préférence ou un avantage indu
ou déraisonnable à l'égard ou en faveur d'une certaine per-
sonne ou d'une certaine compagnie ou d'un certain type de
trafic, à quelque point de vue que ce soit; ou
c) faire subir à une certaine personne, une certaine compa-
gnie ou un certain type de trafic un désavantage ou préjudice
indu ou déraisonnable, à quelque point de vue que ce soit;
et, lorsqu'il est démontré que la compagnie établit une discrimi
nation ou accorde une préférence ou un avantage, il incombe à
la compagnie de prouver que cette discrimination n'est pas
injuste ou que cette préférence n'est pas indue et déraisonnable.
(3) La Commission peut déterminer, comme questions de
fait, si le trafic se fait ou s'est fait dans des circonstances et
conditions sensiblement analogues et s'il y a eu, dans quelque
cas que ce soit, une discrimination injuste, ou une préférence,
un avantage, un préjudice ou un désavantage indu ou déraison-
nable au sens du présent article ou si, dans quelque cas que ce
soit, la compagnie s'est ou non conformée aux dispositions du
présent article ou de l'article 320.
(4) La Commission peut
a) suspendre ou différer l'application de tout tarif de taxes
ou toute partie de celui-ci qui, à son avis, peut être contraire
aux dispositions de l'article 320 ou du présent article; et
b) rejeter tout tarif de taxes ou toute partie de celui-ci
qu'elle considère être contraire aux dispositions de l'article
320 ou du présent article, et sommer la compagnie d'y
substituer un tarif satisfaisant pour la Commission ou pres-
crire d'autres taxes en remplacement de toutes taxes ainsi
rejetées.
(5) En toute autre manière non expressément prévue par le
présent article, la Commission peut émettre des ordonnances au
sujet de tout ce qui a trait au trafic, aux taxes et aux tarifs, ou
à l'un d'eux.
(6) Dans le présent article et dans l'article 322, les expres
sions «compagnie», «Loi spéciale», «taxes» et «trafic» ont la
signification que leur attribue l'article 320.
La disposition applicable de l'article 320 de la Loi
sur les chemins de fer se lit comme suit:
320. (1) Dans le présent article
«compagnie» signifie une compagnie de chemin de fer ou une
personne autorisée à construire ou à tenir en service un
chemin de fer, qui a le pouvoir de construire ou de tenir en
service une ligne ou un réseau de télégraphe ou de téléphone,
et d'en exiger des taxes; et comprend aussi les compagnies de
télégraphe et de téléphone, et toute compagnie et toute
personne, relevant de l'autorité législative du Parlement du
Canada, qui ont le pouvoir de construire ou de tenir en
service une ligne ou un réseau de télégraphe ou de téléphone
et d'en exiger des taxes;
L'appelante fait valoir que le CRTC a, en fait,
décidé que les dispositions précitées de l'article 321
prévalent sur celles des Règlements 7 et 9 des
Règlements généraux de Bell Canada et qu'en
statuant ainsi le CRTC était mal fondé en droit.
En dépit de l'argument fort judicieux de l'avocat
de l'appelante, je ne suis nullement persuadé que
cette prétention soit valable. Comme l'a dit l'avo-
cat du Conseil: adopter ce point de vue aurait pour
résultat d'accorder à l'appelante l'immunité à
l'égard du processus d'approbation de son tarif,
processus qui relève du Conseil et met en jeu
l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer. Un
coup d'oeil aux Règlements généraux de l'appe-
lante (Dossier conjoint, pp. C101 et suivantes)
montre clairement, à mon avis, qu'elle est régie au
moyen de tarifs approuvés par le CRTC. L'article
1 de l'ordonnance habilitante, par exemple, décrit
les Règlements généraux comme les conditions
sous lesquelles l'appelante «doit fournir au public
les services et l'équipement téléphoniques décrits
dans les tarifs en vigueur périodiquement soumis
au Conseil et approuvés par lui.» [C'est moi qui
souligne.] Le Règlement 2 des Règlements géné-
raux prévoit que les services et l'équipement télé-
phoniques offerts à titre de fournitures par les
Tarifs de la compagnie sont sujets, entre autres,
aux conditions prévues par [TRADUCTION] «(ii)
tous les Tarifs applicables de la compagnie». Le
Règlement 7 emploie les qualificatifs: [TRADUC-
TION] «A moins de stipulations contraires dans ses
tarifs ...». Le Règlement 9 emploie les termes
suivants: [TRADUCTION] «sauf lorsqu'il est spécifié
autrement dans les Tarifs de la compagnie ...u.
[C'est moi qui souligne les citations des Règle-
ments 2, 7 et 9.] Il semble clair, si l'on considère
l'économie générale des Règlements que, lorsqu'il
s'agit de traiter avec un client, l'appelante doit
avoir un tarif et que ce tarif, pour avoir effet, doit
recevoir l'approbation du Conseil. Je partage l'opi-
nion de l'avocat du Conseil: le système prévu par
les Règlements et Règlements généraux de Bell
repose sur des tarifs approuvés. En conséquence, je
suis convaincu que les Règlements et Règlements
généraux adoptés en vertu de ceux-ci ne sont pas,
si l'on considère ces tarifs produits par l'appelante,
destinés à prévaloir sur les dispositions , fondamen-
tales de la Loi sur les chemins de fer, comme par
exemple son article 321, et qu'en conséquence
lesdits règlements n'ont pas l'effet d'un «parapluie'
qui protégerait l'appelante, la dispensant de sou-
mettre ses tarifs à l'approbation du Conseil.
En outre, il faut noter que les Règlements 7 et 9,
sur lesquels l'appelante s'appuie, ont été adoptés
en application de la Loi sur les chemins de fer. En
tant que tels, ils ne peuvent servir à modifier cette
loi'. En cas de conflit entre la loi et un de ses
règlements d'application, on doit considérer que la
loi prévaut et que le règlement doit lui être subor-
donné 2 . Un coup d'oeil à l'affaire Belanger (ci-des-
sus) montre clairement que, selon les cinq juges
saisis, en cas de semblable conflit, les dispositions
légales prévalent sur les dispositions réglementai-
res dans la mesure où ces dernières sont incompati
bles avec les articles de la Loi. Toutefois, le juge
Anglin, dans la même affaire, a ajouté qu'un tel
règlement devrait, si possible, recevoir une inter
' Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, à la p. 268,
le juge en chef Sir Charles Fitzpatrick.
2 Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, la page
276, feu le juge Duff (tel était alors son titre).
prétation permettant d'éviter le conflit avec la loi 3 .
A mon avis, une telle interprétation est possible en
l'espèce. Le Règlement 7 oblige l'appelante à four-
nir, installer et entretenir son propre équipement
dans la mesure nécessaire au service à fournir à ses
clients; il prévoit l'exception susmentionnée soit
que ces questions de propriété et d'entretien doi-
vent expressément être régies par les tarifs soumis
à l'approbation du Conseil. De la même manière,
le Règlement 9 qui, à première vue, interdit d'ap-
porter toute modification à l'équipement et aux fils
de l'appelante, et qui en outre interdit à quiconque
de se raccorder aux installations de celle-ci prévoit
expressément que le raccordement de l'équipement
COAM est une question qui doit être traitée par
les tarifs soumis à l'approbation du Conseil.
Conséquemment, quoique selon moi l'affaire
Belanger (ci-dessus) soit applicable à l'espèce en
dépit des efforts opiniâtres de l'avocat de l'appe-
lante pour l'en distinguer, le libellé des Règlements
7 et 9 prévoit expressément, à mon avis, l'examen
des questions traitées dans les tarifs de l'appelante;
or cet examen met en jeu l'article 321 de la Loi sur
les chemins de fer, vu que d'après les faits jugés
établis par le Conseil, l'appelante a contrevenu aux
dispositions de l'article 321(2)a),6) et c) dans la
mesure où l'intimée est concernée 4 .
Le procureur de l'appelante s'est appuyé sur
l'affaire B.G. Linton Construction Ltd. c. C.N. 5 et,
en particulier, sur les commentaires du juge Rit-
chie à la page 688, à propos de certaines ordonnan-
ces adoptées et publiées dans la Gazette du
Canada en vertu de l'article prédécesseur de l'arti-
cle 62 de la Loi nationale sur les transports. Voici
ces commentaires: «qu'elles ont ensuite eu force de
loi comme si elles avaient été édictées dans la Loi
des chemins de fer elle-même.» A mes yeux toute-
fois, l'affaire Linton (ci-dessus) ne peut aider l'ap-
pelante en l'espèce car dans cette affaire, on ne
3 Voir: Belanger c. Le Roi (1916) 54 R.C.S. 265, à la page
280, le juge Anglin.
4 Il y avait preuve concluante de ces faits; notons particulière-
ment que l'appelante a choisi de ne pas produire de preuve
devant le Conseil.
5 [1975] 2 R.C.S. 678.
demandait pas à la Cour suprême de résoudre un
conflit entre un règlement et un article de la Loi
sur les chemins de fer. Ce qui y a été statué, c'est
qu'une ordonnance de la Commission des trans
ports du Canada avait force de loi en tant que
partie intégrante de la Loi sur les chemins de fer,
après publication en bonne et due forme dans la
Gazette du Canada. Je ne vois pas d'incompatibi-
lité entre l'affaire Linton (précitée) et l'affaire
Belanger (précitée) où, comme en l'espèce pré-
sente, existe une possibilité de conflit entre un
règlement d'application de la Loi sur les chemins
de fer et un article même de la Loi. L'avocat de
l'appelante s'est aussi référé à l'affaire: The Cor
poration of the City of Ottawa c. The Corpora
tions of the Town of Eastview and the Village of
Rockcliffe Park 6 . Cette jurisprudence, à mon avis,
ne s'applique pas en l'espèce car il s'agissait alors
d'un conflit entre une loi de la province de l'Onta-
rio et les Special Acts de l'Assemblée législative
concernant l'aqueduc de la ville d'Ottawa. Il me
semble que c'est là une situation tout à fait diffé-
rente de l'espèce en cause, puisqu'il s'agit ici d'un
conflit possible entre le règlement et un article de
fond de la Loi qu'il applique. En résumé, je con-
clus que les Règlements généraux nos 7 et 9 de Bell
Canada, lorsqu'on les lit dans leur contexte,
c'est-à-dire avec tous les règlements et articles
applicables de la Loi sur les chemins de fer,
permettent au Conseil de s'occuper des questions
de propriété et d'entretien du service téléphonique
ainsi que des questions portant sur le raccordement
du matériel COAM aux installations de l'appe-
lante, car ce sont là des composantes des tarifs que
la compagnie Bell doit soumettre à l'approbation
du Conseil. Lorsqu'on interprète les Règlements de
cette manière, il n'y a pas conflit. Si toutefois il
devait y avoir conflit et que la question de la
primauté se pose, je statuerais, en suivant la juris
prudence Belanger (précitée), que l'article 321 de
la Loi sur les chemins de fer prévaut et que les
Règlements en question deviennent inopérants.
Pour les motifs ci-dessus, la première question
devrait à mon avis recevoir une réponse négative.
Question n° 5
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit en
statuant que les alinéas a), b) et c) du paragra-
phe 321(2) de la Loi sur les chemins de fer
6 [1941] R.C.S. 448, à la page 461.
s'appliquent aux affaires de discrimination
injuste, de préférences ou d'avantages indus ou
déraisonnables et de préjudices ou désavantages
indus ou déraisonnables découlant des agisse-
ments de Bell Canada, quand les parties préten-
dument lésées par ces agissements fournissent
au public du matériel destiné au service télépho-
nique mobile, concurrençant ainsi Bell Canada,
et ne sont lésées qu'en leur qualité de
fournisseurs?
Ici l'appelante fait valoir que le Parlement avait
pour intention, en adoptant les articles 320(1) et
321(2) (ci-dessus), de ne pas permettre à une
compagnie de téléphone comme l'appelante de dis-
criminer injustement ses propres clients; l'article
321(2) est «orienté vers le client», c'est-à-dire qu'il
requiert que tout usager d'une société de télécom-
munication reçoive un traitement équitable et con-
forme aux règles énoncées audit article; il ne s'ap-
pliquerait donc qu'aux clients et non aux
concurrents de l'appelante.
Je ne crois pas que l'article 321(2) doive rece-
voir une interprétation si restrictive. L'article 321
interdit la discrimination envers «une personne ou
une compagnie». Son paragraphe (6) dispose que,
dans l'article, le mot «compagnie» aura le sens que
lui assigne l'article 320. L'article 320(1) précité
définit le mot «compagnie» de façon à ce que
puissent y être assimilées, entre autres, les compa-
gnies téléphoniques ainsi que toute personne physi
que ou morale relevant de l'autorité législative du
Parlement du Canada, et ayant pouvoir de cons-
truire ou d'exploiter un système ou une ligne télé-
phonique et de percevoir des frais pour ce faire. En
conséquence, il est clair que le mot «compagnie»
utilisé à l'article 321(2)b) vise l'appelante même.
Il s'ensuit qu'elle ne peut se donner à elle-même
quelque préférence ou avantage indu ou déraison-
nable. En outre, l'article 28 de la Loi d'interpréta-
tion, S.R.C. 1970, c. I-23, dispose qu'une corpora
tion doit être assimilée à une «personne». Il s'ensuit
que manifestement l'intimée aussi a droit à la
protection de l'article 321 lorsqu'on y fait usage de
l'expression «une compagnie», expression claire et
sans ambiguïté. Je suis d'accord avec l'avocat du
directeur; si l'article 321 (2)a) ne visait que les
clients, il aurait été beaucoup plus approprié d'uti-
liser le mot «parmi» ou «entre» plutôt que le mot
«contre». Si l'on donne à l'article 321 son acception
ordinaire (et on ne nous a indiqué ni doctrine ni
jurisprudence en sens contraire) il me semble qu'il
s'applique à toute personne, physique ou morale, et
non aux seuls clients de l'entreprise. J'en conclus
donc que la question 5 doit recevoir une réponse
négative.
Question n° 2
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou
outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné
que Bell Canada fasse signifier, à lui, à l'intimée
et à toute autre partie qui en ferait la demande,
copie des caractéristiques techniques du matériel
accès 450 et des appareils nécessaires à la con
ception et à la production de matériel pouvant
être intégré au service de téléphone mobile
UHF?
L'appelante fait valoir que la compétence attri-
buée au CRTC par la Loi sur les chemins de fer
est liée au contenu de cette loi. Elle fait valoir en
outre que nulle part on n'y trouve le pouvoir,
supposément attribué au CRTC, de lui ordonner
de fournir à des tiers les renseignements et carac-
téristiques techniques du genre de celles dont on
s'occupe ici. Lorsque dans son ordonnance le Con-
seil vise ces caractéristiques, il ne s'agit pas de la
véritable conception du matériel Accès 450 de
l'appelante, mais seulement des normes minimales
permettant de raccorder le matériel COAM au
système AMTS de l'appelante de façon à permet-
tre les communications téléphoniques.
Le Conseil, après avoir statué, 3 R.T.C. 489, à
la page 502, que les pages révisées du tarif de
l'appelante contreviennent à l'article 321(2) de la
Loi sur les chemins de fer, donne, à la page 502,
les motifs de cette ordonnance contestée ici. Les
voici:
Le Conseil n'a pas l'intention de remplacer le tarif rebuté par
un autre tarif pour l'instant. Il entend plutôt maintenir les tarifs
actuels en vigueur jusqu'au dépôt d'un nouveau tarif relatif au
service de radiotéléphones qui, tout au moins, assurerait la
disponibilité de l'option COAM pour l'ensemble du service de
radiotéléphones ainsi que l'égalité d'accès au réseau téléphoni-
que commuté.
Toutefois, il est clair que le simple fait de déposer un tarif
révisé conforme à ces critères, n'éliminera pas la situation
désavantageuse créée par les pages révisées du tarif. Le tarif
précédant fut en vigueur pour une période d'environ trois mois,
au cours de laquelle Bell Canada a eu un accès exclusif au
marché de l'AMTS. Au cours de la même période, Bell a loué
environ 200 radiotéléphones automatiques tandis qu'au 20 juil-
let 1977, elle n'avait loué que 324 appareils manuels dans la
région de Toronto-Hamilton, ce qui était le résultat de plusieurs
années de concurrence sur le marché des radiotéléphones
manuels mobiles.
La date d'entrée en vigueur du tarif substitué doit donc être
retardée jusqu'à ce que le client puisse acheter des radiotélé-
phones automatiques en choisissant l'option COAM. Pour ce
faire, il faudra donner aux fabricants et aux fournisseurs futurs
du matériel COAM le droit d'examiner les caractéristiques des
systèmes de radiotéléphones automatiques ainsi que suffisam-
ment de temps pour leur permettre de concevoir et de produire
du matériel compatible. A cet égard, le Conseil prend note des
observations de MM. Francis et Deering qui ont affirmé qu'il
leur faudrait environ quatre mois pour adapter leur équipement
au système AMTS. Par contre, le Conseil croit qu'il est impor
tant de voir à ce que le service AMTS reprenne aussitôt que
possible. Durant la période de transition, il serait acceptable de
mettre l'équipement que Martin Marietta et Motorola fournis-
sent actuellement en exclusivité à Bell Canada; à la disposition
des fournisseurs du matériel COAM et à des conditions
raisonnables.
A mon avis, il était raisonnable et logique pour
le Conseil d'aborder la question comme il l'a fait.
Ayant constaté qu'il y avait discrimination au sens
de l'article 321(2), il était en son pouvoir de rejeter
le tarif révisé de l'appelante comme il l'a fait et
d'exiger que lui soit substitué un nouveau tarif qui
le satisfasse. Ce pouvoir implique, à mon avis,
celui d'exiger que le nouveau tarif permette l'utili-
sation de matériel COAM dans le domaine des
AMTS. Étant donné que ce matériel doit être
branché sur le système téléphonique de l'appe-
lante, tant le Conseil que ceux qui désirent fournir
du matériel COAM-AMTS doivent connaître les
caractéristiques générales permettant de se raccor-
der au système AMTS de l'appelante. Si l'on
permettait à l'appelante de garder secrètes ces
caractéristiques, il y aurait moyen alors de tourner
l'ordonnance du Conseil appliquant l'article 321 et
de la rendre inefficace.
Examinant maintenant la question de compé-
tence que lui accorde la loi, il me semble que le
Conseil était amplement habilité à rendre cette
partie de l'ordonnance par les articles 45(2), 46(1)
et 57(1) de la Loi nationale sur les transports' et
7 45. ...
(2) La Commission peut ordonner et prescrire à toute com-
pagnie ou personne de faire immédiatement, ou dans tel délai
ou à telle époque qu'elle fixe, et de telle manière qu'elle
prescrit, en tant qu'il n'y a rien d'incompatible avec la Loi sur
les chemins de fer, toute action ou chose que cette compagnie
(Suite à la page suivante)
en outre, tout particulièrement, par l'article 321(5)
de la Loi sur les chemins de fer (ci-dessus) vu que
les caractéristiques techniques du branchement
sont nécessairement une question reliée aux tarifs.
Ces caractéristiques sont aussi, par définition,
reliées au trafic' vu qu'elles sont conçues pour
permettre la communication des messages à partir
du matériel COAM au moyen du réseau téléphoni-
que de l'appelante. En conséquence, et pour les
motifs ci-dessus, je répondrais par la négative à la
question n° 2.
Question n° 3
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit et
outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné à
Bell Canada de lui présenter un projet de calen-
drier de mise en oeuvre du nouveau tarif MTS
(service de radiotéléphone mobile) devant com-
porter l'option COAM (customer owned and
maintained—matériel appartenant au client et
entretenu par lui)?
(Suite de la page précédente)
ou personne est, ou peut être, tenue de faire sous le régime de la
Loi sur les chemins de fer ou de la loi spéciale. La Commission
peut aussi défendre l'accomplissement ou la continuation de
toute action ou chose contraire à la Loi sur les chemins de fer
ou à la loi spéciale; et elle a, aux fins de la Loi sur les chemins
de fer, pleine juridiction pour entendre et juger toute question
tant de droit que de fait.
46. (1) La Commission peut rendre des ordonnances ou
établir des règlements
a) à l'égard de toute affaire, action ou chose que la Loi sur
les chemins de fer ou la loi spéciale autorise, prescrit ou
défend;
b) en termes généraux, pour assurer l'exécution de la Loi sur
les chemins de fer; et
c) pour exercer toute juridiction qui lui est conférée par toute
autre loi du Parlement du Canada.
57. (1) La Commission peut, dans toute ordonnance, pres-
crire que cette ordonnance ou l'une de ses parties ou disposi
tions, entrera en vigueur à une date ultérieure ou lorsque
surviendront des éventualités, des événements ou des circons-
tances spécifiées dans cette ordonnance, ou lors de l'accomplis-
sement, au gré de la Commission ou d'une personne désignée
par la Commission, des conditions qu'elle impose à quelque
partie intéressée; et elle peut prescrire que la totalité ou quelque
partie de cette ordonnance soit exécutoire durant une période
déterminée, ou jusqu'à ce que se produise un événement
spécifié.
8 L'extrait pertinent de l'article 320(12) se lit comme suit:
320. (12) ...
«transport» ou «trafic» signifie la transmission de messages
télégraphiques et téléphoniques, et les autres opérations se
rattachant à cette transmission.
Comme pour la question n° 2, l'appelante fait ici
valoir que le CRTC a outrepassé sa compétence et
que, par cette portion de l'ordonnance, «il s'est
départi de son rôle de régulateur prévu par la Loi
sur les chemins de fer et a tenté de dire à Bell
Canada comment elle devrait gérer ses affaires.» Il
me semble, toutefois, que la plupart des commen-
taires faits dans le cas de la question n° 2 s'appli-
quent ici. Vu qu'en vertu de l'article 321 le Conseil
détient le pouvoir d'éliminer la discrimination dans
les tarifs et qu'une condition nécessaire à cette
élimination implique un système AMTS compor-
tant l'option COAM, le Conseil doit détenir le
pouvoir connexe qui en découle de rendre, sur le
fondement de l'article 321(5), cette portion de
l'ordonnance contestée par la question n° 3. Étant
donné que l'appelante a offert le service, le Conseil
détient le pouvoir et a le devoir de s'assurer qu'il
soit offert sur une base non discriminatoire. Les
pouvoirs expressément énoncés à l'article 321(5)
de la Loi sur les chemins de fer mis à part, il me
semble que les compétences générales prévues aux
articles 45(2), 46(1), 57(1) (ci-dessus) et à l'arti-
cle 58 9 de la Loi nationale sur les transports
attribuaient au Conseil des pouvoirs largement
suffisants pour rendre cette partie de l'ordonnance,
même en l'absence de l'article 321(5) de la Loi sur
les chemins de fer. Je répondrais donc à la ques
tion n° 3 par la négative.
Question n° 4
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou
outrepassé sa compétence lorsqu'il a ordonné à
Bell Canada de lui présenter un projet de calen-
drier pour la mise en œuvre d'un nouveau tarif
MTS qui comporterait une option «vagabon-
dage» pour matériel de radiotéléphone mobile
UHF automatique (commande directe) COAM
ainsi qu'un service de réseau qui soit compatible
avec le système de signalisation nord américain?
A cet égard, l'appelante fait valoir qu'en rendant
l'ordonnance visant l'option «vagabondage», le
CRTC n'a pas indiqué dans ses motifs le fonde-
9 58. Sur toute requête présentée à la Commission, cette
dernière peut rendre une ordonnance accordant cette requête en
totalité ou en partie seulement, ou accorder un redressement
plus étendu ou tout autre redressement de griefs, en sus ou au
lieu de celui qui a été demandé, selon que la chose lui parait
juste et convenable, aussi amplement à tous égards que si la
requête eût été faite pour obtenir ce redressement partiel,
différent ou plus étendu.
ment de sa compétence. Elle fait valoir en outre
qu'à l'égard de cette option en particulier, le
CRTC n'a pas établi, ni même allégué, l'existence
d'une discrimination injuste au sens de l'article
321(2) et que, dans le cas du «vagabondage», il y a
absence totale de preuve du prérequis nécessaire,
c.-à-d. de l'existence d'une discrimination injusti-
fiée. Quoique ni l'intimée ni les intervenants ne
concèdent l'absence de preuve concernant l'option
«vagabondage», ils reconnaissent que le Conseil n'a
nullement conclu à l'existence d'une discrimination
envers les usagers AMTS qui auraient, en voyage
à l'extérieur des zones desservies par le Bell, désiré
faire usage de leur matériel. Les commentaires du
Conseil sur le «vagabondage» se trouvent à la page
503 et se lisent comme suit:
Une des allégations de la requérante voulait que les actes de
l'intimée constituent un genre de, discrimination contre les
usagers du AMTS qui désirent utiliser leur matériel au cours
de voyages aux États-Unis (»roaming»). Même si le Conseil a
décidé qu'il n'était pas nécessaire de porter un jugement à cet
égard, il a étudié les documents qui s'appliquent à cette ques
tion de «vagabondage» étant donné qu'elle influera sur l'avenir
du service de radiotéléphones au Canada. Même s'il est vrai
que certaines régions des États-Unis ne permettent pas aux
usagers des autres régions d'avoir accès à leurs installations à
cadran, le Conseil estime qu'en principe toutes les installations
MTS introduites sur le marché doivent être compatibles avec le
système de signalisation utilisé en Amérique du Nord. En
conséquence, le Conseil ordonne que l'intimée indu dans l'offre
de tarif MTS qu'elle doit soumettre en vertu de l'alinéa (a)
ci-dessus, une offre de matériel et de service de réseau en option
pour le radiotéléphone mobile automatique (à cadran) COAM
sur la fréquence UHF, offre qui serait compatible avec le
système de signalisation en vigueur en Amérique du Nord.
A mon avis, l'une des difficultés de la position
prise par l'intimée et les intervenants quant à cette
question, c'est qu'elle n'était pas en litige lors des
audiences devant le CRTC, n'ayant pas été invo-
quée par les parties auparavant. Un coup d'oeil au
libellé de la requête de l'intimée (pages B3 et B4
du dossier conjoint) montre clairement que celle-ci
n'a pas demandé réparation à l'égard de l'option
vagabondage; l'appelante n'a pas non plus soulevé
la question dans les pièces qu'elle a produites en
réplique. De même, on n'a pas laissé entendre au
tribunal que l'intervenant aurait soulevé la ques
tion antérieurement aux audiences. Il semble que
quelques-uns des témoins aient parlé de l'option
lors de l'instruction. Le fait demeure toutefois que
l'option vagabondage ne faisait pas partie à stricte-
ment parler de la contestation pour laquelle les
parties comparaissaient à l'audience. Il n'est donc
pas, à mon avis, nécessaire que le présent tribunal
dise si en droit le Conseil détenait le pouvoir, sur le
fondement de l'article 321(5) ou de l'article 5 de la
Loi spéciale concernant la société Bell [S.C.
1967-68, c. 48, art. 6], de rendre ladite partie de
l'ordonnance, puisqu'on ne peut prétendre que les
parties et l'intervenant aient été entendus à ce
sujet. Je crois donc que c'est à tort que le CRTC a
rendu une ordonnance à cet égard et en consé-
quence je répondrais à cette question par
l'affirmative.
Question n° 6
Le Conseil a-t-il commis une erreur de droit ou
outrepassé sa compétence lorsqu'il a interprété
l'article 321 de la Loi sur les chemins de fer
comme lui attribuant compétence en matière
d'égalisation de la concurrence entre Bell
Canada et les autres fournisseurs de matériel et
d'installation téléphoniques?
Sur ce point, je suis en désaccord avec ceux qui
présument que, dans sa décision, le CRTC s'est
servi des pouvoirs que lui attribuent l'article 321
pour égaliser la concurrence que se font l'appe-
lante et les autres fournisseurs d'installations et de
matériel téléphoniques. A mon avis, la décision du
CRTC a consisté à dire que les pages révisées du
tarif de l'appelante contrevenaient à l'article
321(2) et que pour ce motif, elles devaient être
rejetées. En statuant ainsi, le CRTC n'outrepassait
nullement la compétence que lui attribue l'article
321. Il se peut que l'un des effets de cette ordon-
nance soit l'égalisation de la concurrence. Toute-
fois cela n'invalide pas une ordonnance par ailleurs
validement rendue dans l'exercice légitime de la
compétence que la loi attribue au CRTC. En
conséquence, je propose de ne pas répondre à la
question n° 6 vu qu'à mon avis elle repose sur une
présomption dénuée de fondement.
Je rejetterais en conséquence l'appel pour ce qui
est des différentes ordonnances rendues par le
CRTC et énoncées aux pages 503, 505, 506 et 507
[3 R.T.C. 489], mais non pour l'ordonnance n° 2
apparaissant à la page 503. Dans celle-ci, je sup-
primerais les mots suivants à la page 503: «et
l'option 'Roaming' (vagabondage) tel qu'élaboré
au paragraphe b) ci-dessous.» L'article 52c)(i) de
la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, autorise le présent tribunal à réviser
les ordonnances du CRTC 10 .
Quant aux dépens, vu qu'aucune raison spéciale
de les accorder n'a été établie, je ne rends aucune
ordonnance à leur égard ".
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris aussi.
' 0 52.
e) dans le cas d'un appel qui n'est pas un appel d'une
décision de la Division de première instance,
(i) rejeter l'appel ou rendre la décision qui aurait dû être
rendue, ou
(ii) à sa discrétion, renvoyer la question pour jugement
conformément aux directives qu'elle estime appropriées; et,
" Règle 1312. Il n'y aura pas de dépens entre parties à un
appel interjeté sous le régime du présent Chapitre, à moins que
la Cour, à sa discrétion, ne l'ordonne pour une raison spéciale.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.