A-169-73
Le navire Capricorn (alias le navire Alliance)
(Appelant)
c.
Antares Shipping Corporation (Intimée)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, les ler et 2 novembre
1977; Ottawa, le 24 février 1978.
Compétence — Droit maritime — Appel d'une ordonnance
de la Division de première instance sur une requête en annula-
tion de la déclaration — Action en exécution d'un acte de vente
d'un navire — Vente du navire par la Delmar à l'Antares,
inexécution de l'accord et vente simulée subséquemment con-
clue avec la Portland alléguées — Conclusion de la Division de
première instance que la compétence de la Cour fédérale est
fondée sur le pouvoir fédéral de la Cour en ce qui concerne «La
navigation et les bâtiments ou navires» — Seconde conclusion
selon laquelle le redressement demandé ne peut être obtenu
par une action in rem — La Cour est-elle compétente pour
connaître de la présente action? — L'action in rem pour un
redressement semblable révèle-t-elle une cause valable d'ac-
tion? — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c.
10, art. 2, 22, 42.
Appel est interjeté contre une ordonnance de la Division de
première instance rendue sur une requête en annulation de la
déclaration, ordonnance où ladite division a conclu à la compé-
tence de la Cour fédérale à connaître d'une action en exécution
d'un acte de vente du navire appelant. L'intimée Antares a
intenté une action in rem contre le Capricorn; elle allègue que
la Delmar a convenu de vendre le Capricorn à l'Antares, que la
Delmar a refusé d'exécuter les obligations nées dudit accord, et
que, subséquemment, la Delmar a procédé à une vente simulée
du Capricorn à la Portland, dans l'intention de frauder l'Anta-
res. La Division de première instance a conclu à la compétence
de la Cour au motif que la matière relevait de la compétence
législative du Parlement en ce qui concerne «La navigation et
les bâtiments ou navires». La Cour a également conclu que le
redressement demandé ne pouvait être obtenu par une action in
rem. Elle a ordonné d'ajouter la Delmar et la Portland comme
défenderesses et d'annuler la déclaration et la saisie du navire si
l'ordonnance n'était pas notifiée. La signification a, par après,
été effectuée. Le litige consiste à déterminer si la Cour est
compétente pour connaître d'une action contenant ces conclu
sions et si une action in rem pour un redressement semblable
révèle une cause valable d'action qui peut être rendue effective
par la jonction de la Delmar et de la Portland comme
défenderesses.
Arrêt: l'appel est accueilli. Dans l'ensemble, l'action n'est pas
une demande pour faire reconnaître le droit de propriété ou le
titre du navire; il s'agit d'une action en exécution de l'accord
intervenu entre la Delmar et l'Antares. La Cour n'a trouvé
aucune décision, et on ne lui en a cité aucune, où une action en
exécution intégrale du contrat de vente d'un navire aurait été
reconnue, même implicitement, comme tombant dans la juris
diction d'amirauté. Même si la Cour fédérale a le pouvoir
d'ordonner l'exécution intégrale et de faire observer des droits
d'équité, il ne s'ensuit pas, du seul fait de l'existence de ce
pouvoir dans des cas appropriés, qu'une action en exécution
intégrale d'une promesse de vente, où l'intention est clairement
exprimée de transférer le droit de propriété par un contrat de
vente subséquent, doive être considérée comme une réclamation
du droit de propriété au sens de l'article 22(2)a) de la Loi sur
la Cour fédérale. La demande d'exécution intégrale du contrat
de vente, la demande connexe et subordonnée d'annulation de
la vente faite par la Delmar à la Portland, la demande de
déclaration de la qualité de propriétaire de la Delmar, et la
réclamation de dommages-intérêts ne relèvent pas de la Cour
fédérale en vertu de l'article 22(2)a). De plus, il ne faut pas
considérer cette action comme une matière maritime, ce qui la
ferait tomber dans la règle générale d'attribution de compé-
tence de l'article 22(1). Si le législateur avait voulu insérer dans
l'article 22(2) des réclamations pour rupture de contrat de
vente de navire, il l'aurait évidemment fait de façon expresse,
comme ce fut le cas pour d'autres genres de contrats.
APPEL.
AVOCATS:
G. de Billy, c.r., pour l'appelant.
G. Vaillancourt pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gagnon, de Billy, Cantin, Dionne, Martin,
Beaudoin & Lesage, Québec, pour l'appelant.
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau-
dreau, Québec, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit d'un appel interjeté
contre une ordonnance rendue par la Division de
première instance le l er octobre 1973 [[1973] F.C.
955] sur une requête en annulation de la déclara-
tion, ordonnance où ladite Division a conclu à la
compétence de la Cour fédérale à connaître d'une
action en exécution d'un acte de vente du navire
appelant et où elle décidait d'accueillir comme
défenderesses conjointes la Delmar Shipping Co.
Ltd. (ci-après appelée la «Delmar»), et la Portland
Shipping Company Inc. (ci-après appelée la
«Portland»).
L'intimée, ci-après appelée l'«Antares» pour des
raisons de commodité, a intenté une action in rem
contre le Capricorn; elle allègue que la Delmar a
convenu de vendre le Capricorn à l'Antares, que la
Delmar a refusé d'exécuter les obligations nées
dudit accord, et que, subséquemment, la Delmar a
procédé à une vente simulée du Capricorn à la
Portland, dans l'intention de frauder l'Antares.
L'action conclut en ces termes:
[TRADUCTION] POUR CES MOTIFS LA DEMANDERESSE SOLLI-
CITE DE LA COUR UNE ORDONNANCE:
DÉCLARANT QUE la vente du NAVIRE DÉFENDEUR à la PORT-
LAND SHIPPING COMPANY INC., vente enregistrée le 5 juin
1973 auprès du Liberian Registrar of Shipping à New York, est
nulle et non avenue, et QUE ledit NAVIRE DÉFENDEUR appar-
tient à la DELMAR SHIPPING CO. LTD.;
DÉCLARANT QUE la vente du NAVIRE DÉFENDEUR à la
DEMANDERESSE a été conclue conformément au contrat type
dit NORWEGIAN SALEFORM (révisé en 1966) émis à Londres le
3 mai 1973 et modifié entre la DELMAR SHIPPING CO. LTD.
comme VENDERESSE et SEBASTIANO RUSSOTTI comme ache-
teur pour le compte de la DEMANDERESSE;
DÉCLARANT que la DEMANDERESSE a bien et complètement
versé le dépôt de 10% du prix d'achat, ou RENDANT toute autre
ordonnance relative au paiement que la Cour jugera équitable
en l'espèce;
— ORDONNANT QUE les propriétaires du NAVIRE DÉFENDEUR
DELMAR SHIPPING CO. LTD. délivrent en duplicata une copie
de l'accord modifié et dûment signé, délivrent le NAVIRE
DÉFENDEUR à la DEMANDERESSE dans les huit (8) jours de
l'ordonnance et, en contrepartie du versement du prix d'achat
par la DEMANDERESSE, lui remettent l'acte légal de vente du
LIBERIAN MOTOR TANKER CAPRICORN, enregistré à Monro-
via, RÉPUBLIQUE DU LIBÉRIA, avec un certificat de radiation
délivré par le registraire du navire, faute de quoi le jugement
à rendre tiendra lieu d'acte de vente dudit NAVIRE DÉFEN-
DEUR à la DEMANDERESSE, franc et quitte de toute charge
après versement à la Cour par la DEMANDERESSE du prix
d'achat diminué de tout montant requis pour la libération des
charges enregistrées.
— CONDAMNANT LE DÉFENDEUR à verser à la DEMANDE-
RESSE la somme de 40,000 DOLLARS DES ÉTATS-UNIS par
mois ou une partie de ladite somme, du 30 juin 1973 la
date de la livraison et du transfert de propriété du NAVIRE
DÉFENDEUR, plus 1,000,000 DOLLARS DES ÉTATS-UNIS à
titre de dommages-intérêts payables aux affréteurs, lequel
montant étant l'estimation présente des dommages, avec
intérêts, sous réserve des droits de la DEMANDERESSE de
réclamer des dommages-intérêts supplémentaires et des
dédommagements, le cas échéant;
— ET, Si le NAVIRE DÉFENDEUR n'est pas livré et la propriété
n'est pas transférée, comme on l'a dit, dans les trente (30)
jours de l'ordonnance pour toute cause échappant au contrôle
de la DEMANDERESSE et nonobstant le fait que le jugement à
rendre tient lieu d'acte de vente, ANNULANT la vente et
CONDAMNANT LE DÉFENDEUR à payer à la DEMANDERESSE
la somme de 3,494,156.10 DOLLARS DES ÉTATS-UNIS avec
intérêts;
— ET LES DÉPENS
Le navire défendeur et la Portland ont requis
l'annulation de la déclaration et de la saisie du
navire au motif que la Cour était incompétente à
connaître d'un tel recours.
La Division de première instance a conclu à la
compétence de la Cour au motif que la matière
relevait de la compétence législative du Parlement
du Canada prévue par l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867 à l'article 91(10) «La
navigation et les bâtiments ou navires». La Cour a,
cependant, ajouté que le redressement demandé ne
pouvait être obtenu par une action in rem. Elle a
ordonné d'ajouter la Delmar et la Portland comme
défenderesses, d'annuler la déclaration et la saisie
du navire si l'ordonnance n'était pas notifiée à ces
deux compagnies dans les soixante jours.
A la suite de cette ordonnance, l'Antares a
demandé à la Division de première instance la
permission de procéder à la notification à Delmar
et à Portland en dehors de la juridiction, mais la
demande a été rejetée. L'ordonnance a été confir-
mée par la Cour d'appel. Sur appel devant la Cour
suprême du Canada, les jugements rendus par la
Division de première instance et par la Cour d'ap-
pel ont été infirmés et la Cour suprême a ordonné
que soit rendue une ordonnance de notification ex
juris. La Division de première instance a rendu
l'ordonnance, et notification en a été faite à la
Delmar et à la Portland. Ces dernières ont com-
paru et ont participé à l'action qui est maintenant
à la fois in personam et in rem.
Dans le présent appel, le litige consiste à déter-
miner si la Cour est compétente pour connaître
d'une action contenant les conclusions précitées et
si une action in rem pour un redressement sembla-
ble révèle une cause valable d'action qui peut être
rendue effective par la jonction de la Delmar et de
la Portland comme défenderesses.
L'intimée a soutenu que le jugement de la Cour
suprême du Canada sur la question de notification
ex juris' a nécessairement réglé les points litigieux
du présent appel. Je dirai avec déférence qu'à mon
avis tel n'est pas le cas. L'avis de la majorité et
celui de la minorité de la Cour suprême du Canada
indiquent que la Cour s'est fondée sur le principe
que le jugement de la Division de première ins
tance dont est appel doit être considéré, aux fias de
la notification ex juris, comme ayant réglé les
points litigieux de compétence et de jonction des
recours in personam.
' Antares Shipping Corporation c. Le «Capricorn» [1977] 2
R.C.S. 422.
Le raisonnement du savant juge de première
instance sur la question de compétence est contenu
dans le passage suivant pris dans les motifs du
jugement [à la page 9581:
A supposer que la réclamation de la demanderesse, comme
l'affirme l'avocat, ne relève d'aucune catégorie de l'article
22(2) et qu'elle ne constitue pas une réclamation faite en vertu
du «droit maritime canadien», j'estime néanmoins que cette
Cour est compétente en l'espèce car, à mon avis, la demande-
resse cherche à obtenir un redressement en vertu d'une loi du
Canada en matière de marine marchande.
A mon avis, une réclamation qui a trait à «la navigation et à
la marine marchande», sujet qui, en vertu de l'article 91(10) de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, relève de la
compétence législative exclusive du Parlement, est une réclama-
tion faite en vue d'une loi du Canada en matière de navigation
ou de marine marchande. Autrement dit, en matière maritime,
la compétence de la Cour en vertu de l'article 22(1) va de pair
avec le pouvoir législatif du Parlement relatif à «la navigation et
les bâtiments ou navires»; cette compétence de la Cour ne se
limite pas aux sujets de cette catégorie à l'égard desquels le
Parlement a déjà légiféré.
A la suite des arrêts de la Cour suprême du
Canada Quebec North Shore Paper Company 2 et
McNamara Construction 3 , les conclusions de la
Division de première instance ne peuvent plus se
fonder sur les motifs invoqués par le savant juge
précité, à savoir que la matière faisant l'objet de
l'action relève de la compétence législative du Par-
lement du Canada. Dans les arrêts ci-dessus, la
Cour suprême a conclu que la Cour fédérale n'est
compétente que dans les cas impliquant l'«exis-
tence d'une législation fédérale applicable, que ce
soit une loi, un règlement ou la common law».
Dans l'exercice de sa compétence d'amirauté en
vertu de l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale,
la Cour applique le «droit maritime canadien» tel
que celui-ci a été défini à l'article 2 de la Loi et
confirmé comme continuant le droit positif défini à
l'article 42:
Voici le libellé de l'article 22(1):
22. (1) La Division de première instance a compétence con-
currente en première instance, tant entre sujets qu'autrement,
dans tous les cas où une demande de redressement est faite en
vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada
en matière de navigation ou de marine marchande, sauf dans la
mesure où cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une
attribution spéciale.
2 Quebec North Shore Paper Co. c. Canadien Pacifique Ltée
[1977] 2 R.C.S. 1054.
3 McNamara Construction (Western) Limited c. La Reine
[1977] 2 R.C.S. 654.
Et voici comment l'article 2 définit le «droit
maritime canadien»:
2....
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application
relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic-
tion d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de
quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait
eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en
matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifica
tions apportées à ce droit par la présente loi ou par toute
autre loi du Parlement du Canada;
L'article 42 est libellé ainsi qu'il suit:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le le' juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi
cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute
autre loi.
Le droit maritime canadien est aussi reconnu
comme législation fédérale applicable dans l'exer-
cice de la compétence d'amirauté de la Cour. Il
n'est pas nécessaire de reproduire ici l'évolution
historique évoquée dans des décisions récentes ana-
lysant la nature du droit maritime canadien et
déterminant à quel moment ledit droit est devenu
partie intégrante du droit du Canada 4 . En l'espèce,
le problème consiste à déterminer si cette législa-
tion reconnaît le genre de réclamation faite par
l'Antares dans son action. On n'a pas invoqué à
l'appui de la demande toute «autre loi du Canada
en matière de navigation ou de marine mar-
chande».
L'article 22(2) de la Loi sur la Cour fédérale
énonce les réclamations relevant de la Cour en
application de l'article 22(1) et le droit maritime
canadien les reconnaît implicitement. A l'article 2,
ledit droit est défini comme un ensemble se compo-
sant de deux parties: a) le droit dont l'application
relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada en sa
juridiction d'amirauté et b) le droit qui en aurait
relevé si cette cour avait eu, en sa juridiction
d'amirauté, compétence illimitée en matière mari
time et d'amirauté. Suivant mon interprétation,
cette définition vise en déterminant le champ d'ap-
plication de l'article 22(1), conférer compétence
à la Cour fédérale pour examiner toute matière
maritime et d'amirauté, et, lorsqu'on la lit de
concert avec l'article 42, la définition a pour effet
4 Voir Associated Metals & Minerals Corporation c. L'..Evie
W» [1978] 2 C.F. 710 et les décisions de la Division de
première instance y citées.
de faire de toute loi applicable par la Cour dans
l'exercice de sa compétence une partie intégrante
du droit maritime canadien.
La présente espèce relève des dispositions de
l'article 22(2)a) dont voici le libellé:
22....
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
a) toute demande portant sur le titre, la possession ou la
propriété d'un navire ou d'un droit de propriété partiel y
afférent ou relative au produit de la vente d'un navire ou d'un
droit de propriété partiel y afférent;
Comme on peut le voir dans les conclusions
précitées de la présente action, l'Antares réclame
les mesures de redressement suivantes:
a) une déclaration que la vente faite par la
Delmar à la Portland est nulle et non avenue, et
que la Delmar est propriétaire du navire;
b) une déclaration qu'un contrat de vente a été
conclu entre l'Antares et la Delmar et que l'An-
tares a exécuté ses obligations relatives au dépôt
nécessaire;
c) l'exécution intégrale du contrat de vente
conclu entre la Delmar et l'Antares par la livrai-
son du navire à l'Antares et le transfert du titre
légal à celle-ci conformément à l'acte de vente;
d) des dommages-intérêts pour rupture de con-
trat, à calculer jusqu'au jour de la livraison du
navire et du transfert de propriété de celui-ci;
e) des dommages-intérêts tenant lieu d'exécu-
tion intégrale.
Ainsi que le montrent les conclusions de l'ac-
tion, le contrat de vente établi selon la formule
type Norwegian saleform n'est pas destiné à opérer
le transfert de propriété du navire. Il ne s'agit pas
d'une vente, mais d'une promesse de ventes. L'An-
tares cherche à établir le droit de propriété de la
Delmar pour que celle-ci puisse lui transférer le
titre légal par un acte de vente.
La question de compétence consiste à détermi-
ner si ces réclamations, ou l'une quelconque d'en-
tre elles, peuvent être considérées comme des
«demandes portant sur le titre, la possession ou la
5 Voir British Shipping Laws, vol. 13, pages 52 et 53, 58
et 59.
propriété». De façon générale, l'Antares, en récla-
mant l'exécution intégrale, cherche à obtenir la
propriété et la possession du navire. Ainsi, elle peut
sembler revendiquer la propriété et la possession
au sens de l'article 22(2)a). Suivant mon interpré-
tation, le litige consiste à déterminer s'il faut
entendre l'article 22(2)a) comme envisageant des
actions pétitoires et possessoires, au sens strict de
ces expressions, ou comme englobant une action
pour l'exécution intégrale d'un contrat de vente.
Depuis longtemps, les cours d'amirauté des
États-Unis ont confirmé leur compétence relative-
ment aux actions pétitoires et possessoires, définies
par le juge Story, dans Le «Tilton» 6 , de la façon
suivante [à la page 1278]:
[TRADUCTION] Les poursuites en matière d'amirauté, concer-
nant la propriété des navires, sont de deux sortes: d'un côté, des
actions «pétitoires» où seul le titre de propriété fait l'objet de
contestation et de mesures d'exécution, indépendamment de
toute possession ayant, antérieurement, accompagné ou sanc-
tionné ledit titre; et de l'autre, des actions «possessoires», cher-
chant à rendre au propriétaire la possession dont il a été
injustement privé, lorsque cette possession a fait suite à un titre
légal, ou, suivant l'expression parfois employée, lorsqu'il y a eu
possession en vertu d'une réclamation de titre légal accompa-
gnée d'un constat de propriété.
En même temps, il est bien établi que les cours
d'amirauté des États-Unis n'ont pas le pouvoir
d'ordonner l'exécution intégrale d'un contrat ou de
donner effet à des droits légitimes'. Il a aussi été
statué que le contrat de vente d'un navire n'est pas
une matière maritime relevant de la compétence
d'amirauté 8 , et cette doctrine a été appliquée pour
soustraire à ladite compétence des actions en dom-
mages-intérêts pour rupture de contrat 9 . La doc
trine s'appuie, au moins en partie, sur l'analogie
entre un contrat de vente de navire et un contrat
de construction de navire, et sur l'idée qu'aucun
desdits contrats [TRADUCTION] «n'est suffisam-
6 (1830) 5 Mason 465, (1830) 23 Fed. Cas. 1277, n° 14,054
(C.C. Me 1855).
L'«Eclipse» 135 U.S. 599; Le «Guayaquil», Le «Buenaven-
tura» 29 F. Supp. 578.
8 D'après l'article 2, section III de la constitution des États-
Unis, le pouvoir judiciaire en ce pays s'étend à [TRADUCTION]
«tous les cas d'amirauté et de juridiction maritime». L'article 9
du Judiciary Act du 24 septembre 1789, en application de cette
attribution de pouvoir, prévoit que les cours de district auront
[TRADUCTION] «compétence initiale exclusive en toutes causes
civiles d'amirauté et de juridiction maritime».
9 L'«Ada», 250 Fed. 194; Grand Banks Fishing Co., Inc. c.
Styron 114 F. Supp. 1.
ment lié à des droits et des devoirs relatifs au
commerce et à la navigation» 10 . Cette doctrine a
fait l'objet de critiques" mais, pour autant que j'ai
pu le vérifier, elle a été confirmée comme faisant
partie du droit positif' 2 . En conséquence de cette
jurisprudence, aux États-Unis les actions pétitoires
et possessoires ont été définies comme excluant les
actions en exécution intégrale d'un contrat de
vente ou en application d'autres droits d'équité,
ainsi qu'il appert du passage suivant extrait [à la
page 191] de Silver c. Le «Silver Cloud» 13 :
[TRADUCTION] On définit l'action pétitoire comme celle
cherchant à vérifier le titre à un navire indépendamment de la
possession. 1 Benedict, Admiralty §73, la page 153 (6° éd.
1940). II n'y a d'action pétitoire que lorsque le demandeur
affirme son titre légal à un navire; la seule affirmation d'un
droit d'équité ne suffit pas. L'Amelia, 23 F. 406
(C.C.S.D.N.Y.1877); Stathos c. Le Maro, 134 F. Supp. 330,
332 (E.D.Va.1955). Il faut remarquer que, dans cette action, le
demandeur ne revendique pas dans sa requête un titre légal,
mais seulement la possession en attendant la suite réservée à
son action, ce qui parait éliminer une action pétitoire.
L'action possessoire est celle où une partie ayant droit à la
possession d'un navire cherche à recouvrer celui-ci. Elle est
intentée pour remettre en possession un propriétaire de navire
qui allègue en avoir été dépossédé de façon illicite. 1 Benedict,
supra §73, la page 154. Cet énoncé montre qu'il s'agit d'une
action en recouvrement de possession, plutôt qu'en obtention de
la possession initiale. Stathos c. Le Maro, supra à la page 332;
voir Le Guayaquil, 29 F.Supp. 578 (E.D.N.Y. 1939). Le
demandeur cite Le Tietjen & Lang n° 2, 53 F.Supp. 459
(D.N.J.1944) à l'appui du principe voulant qu'un propriétaire
puisse recouvrer la possession d'un navire en vertu de la compé-
tence maritime de la Cour. Ceci est exact, mais la décision le
Tietjen ne s'applique pas en l'espèce. Dans cette décision, le
demandeur avait eu la possession, et il cherchait à la recouvrer.
Dans la présente espèce, rien ne prouve que le demandeur ait
jamais eu cette possession. Les autres décisions citées par le
demandeur n'appuient pas la proposition voulant qu'une per-
sonne qui n'a jamais été en possession puisse intenter une action
possessoire.
10 Comparer L'«Eclipse», supra à la page 608, et Thames
Towboat Co. c. Le «Francis McDonald» 254 U.S. 242, la
page 244, où il a été dit à propos de contrats de construction de
navire entièrement neufs [TRADUCTION] «qu'en aucun sens
valable ils ne peuvent être considérés comme directement et
immédiatement reliés à la navigation et au commerce par voie
d'eau».
" «Admiralty Jurisdiction and Ship -Sale Contracts» (1954)
6 Stanford Law Review 540; Flota Maritime Browning de
Cuba, Sociadad Anonima c. Le «Ciudad de la Habana» 181 F.
Supp. 301.
12 Gilmore & Black, The Law of Admiralty, 2° éd., page 26.
13 259 F. Supp. 187, 1967 A.M.C. 737 (S.D.N.Y. 1966).
Voir aussi Benedict on Admiralty, 7° éd. (révisée), tome 1, page
202.
A mon avis, la question consiste à déterminer si
quelque élément de l'histoire et du contenu du
droit maritime canadien, du texte ou du contexte
statutaire de l'article 22(2)a) exige que soit donné
un sens plus large aux réclamations spécifiées dans
cette rubrique de compétence, de façon à englober
la réclamation d'exécution intégrale introduite
dans la présente espèce.
Les actions en possession faisaient partie inté-
grante de la compétence inhérente des cours
d'amirauté, et l'un de leurs buts est de rétablir
dans la possession d'un navire celui qui en a été
illicitement privé 14 . Le pouvoir de la Cour de
trancher, dans les actions en possession, les ques
tions de propriété ou de titre a été contesté par les
tribunaux de common law, mais confirmé par
l'article 4 de l'Admiralty Court Act, 1840 (3 & 4
Vict., c. 65). La Cour avait compétence pour
déterminer toutes [TRADUCTION] «contestations
concernant le titre à un navire ou le droit de
propriété d'un navire, ou le produit de la vente
d'un navire restant au greffe d'amirauté, et décou-
lant d'une action en possession, indemnité de sau-
vetage, dommage, salaires ou emprunt à la grosse».
Cette disposition relative à la juridiction a été
remplacée par l'article 22(1)a)(i) du Supreme
Court of Judicature (Consolidation) Act, 1925, 15
& 16 Geo. 5, c. 49, qui, dans un libellé différent,
mais n'entraînant pas de modification importante,
s'exprime ainsi:
[TRADUCTION] 22. (1) La Haute Cour possède, en matière
d'amirauté, la juridiction suivante (nommée dans la présente loi
«juridiction d'amirauté»), savoir—
a) juridiction pour entendre et décider l'une quelconque des
contestations ou réclamations suivantes:—
(i) contestations concernant le titre à un navire ou le droit
de propriété d'un navire, ou le produit de la vente d'un
navire restant au greffe d'amirauté, et découlant d'une
action en possession, indemnité de sauvetage, dommage,
approvisionnements nécessaires, salaires ou emprunt à la
grosse;
Cette juridiction était exercée par la Cour de
l'Échiquier du Canada en vertu de la Loi d'ami-
rauté, 1934 (S.C. 1934, c. 31, art. 18(2) et Annexe
A). En fait, la compétence relative aux actions en
possession était encore dérivée de la compétence
inhérente de la Cour de l'Amirauté, avec pouvoir
4 Roscoe's Admiralty Practice, 5' éd. 1931, pages 37 et
suivantes; Mayers, Admiralty Law and Practice in Canada, 1te
éd. 1916, page 67; Halsbury's Laws of England, 4' éd., vol. 1,
parag. 313, pages 219 et 220.
statutaire spécifique pour statuer sur les questions
de titre ou de droit de propriété découlant d'ac-
tions semblables.
L'article 1(1)a) de l'Administration of Justice
Act, 1956, 4 & 5 Eliz. 2, c. 46, (R.-U.) a étendu
cette compétence de la Haute Cour d'Angleterre
en matière d'amirauté à [TRADUCTION] «toute
réclamation relative à la possession ou au droit de
propriété d'un navire ou de toute partie d'un
navire». Il est vraisemblable que l'article 22(2)a) a
été inspiré par cette modification. Par suite des
modifications introduites par ces dispositions, il est
évident qu'une réclamation relative au droit de
propriété ou au titre peut maintenant être intentée
indépendamment d'une réclamation de la posses
sion. A part cela, je ne considère pas l'expression
«toute demande portant sur le titre, la possession
ou la propriété d'un navire» de l'article 22(2)a)
comme destinée à élargir la juridiction d'amirauté
qui était reconnue relativement aux questions de
droit de propriété et de possession.
D'une façon générale, les précédents relatifs à
des actions en possession auxquels nous renvoie
l'avocat à titre d'illustration de l'exercice de cette
juridiction, tels que L'«Empress» i5 , Le «Margaret
Mitchell» 16 , Le «Victor» 17 , Robillard c. Le «St.
Roch» 18 , sont des cas où les demandeurs, qui à un
moment donné ont été en possession du navire à
titre de propriétaires, ont cherché à recouvrer la
possession contre des défendeurs qui leur oppo-
saient une demande reconventionnelle de propriété
ou de titre. En tout cas, il s'agit d'affaires où le
droit à la possession était fondé sur un droit de
propriété ou un titre allégués. Dans Le «Rose» 19 ,
décision sur laquelle a spécialement insisté l'avocat
de l'Antares, on a refusé, à l'acquéreur d'un navire
l'ayant acheté à des créanciers hypothécaires, l'en-
registrement de son acte de vente et ledit acqué-
reur a intenté une action in rem. Les conclusions
suivantes de la requête ont été accueillies [à la
page 8]: [TRADUCTION] «... déclarer ledit Wil-
liam Winship propriétaire légal des soixante-qua-
tre soixante quatrièmes des actions dudit navire
Rose, et décréter que la possession dudit navire, de
15 (1856) Swab. 160.
16 (1858) Swab. 382.
" (1866) E.R.A. 3095; 167 E.R. 38.
18 (1921) 21 R.C.É. 132.
19 (1873) L.R. 4 A.&E. 6.
ses agrès, apparaux et grément sera attribuée audit
William Winship à titre de propriétaire légal, que
toute chose pourra être faite pour compléter son
titre audit navire et qu'autrement le droit et la
justice pourront être mis à exécution dans les
lieux». Il faut remarquer que l'action, fondée sur
un contrat de vente, visait à obtenir une déclara-
tion de propriété et s'appuyait en partie sur la
compétence en matière d'hypothèques. Robillard
c. Le «St. Roch», supra, décision sur laquelle s'est
surtout appuyé l'avocat d'Antares, concernait une
action in rem en réclamation du droit de propriété
et de la possession du navire défendeur, et la
radiation du transfert dudit navire à l'intervenant
au greffe de l'amirauté. Le demandeur estait à
titre de propriétaire réel du navire en vertu d'un
titre détenu pour son compte par d'autres person-
nes comme prête-noms, et conformément auquel il
avait été en possession du navire. L'intervenant
réclamait le titre en vertu d'un contrat de vente
enregistré. La Cour de l'Échiquier a considéré
comme nul et non avenu le contrat de vente au
bénéfice de l'intervenant, pour infraction au Mer
chant Shipping Act, 1894, 57 & 58 Vict., c. 60,
(Imp.), a déclaré le demandeur propriétaire du
navire et ayant droit à être enregistré comme tel,
et a ordonné le transfert de la possession en sa
faveur. Il faut remarquer que, dans Le «Rose» et
Robillard, les demandeurs cherchaient à obtenir
une déclaration les reconnaissant comme proprié-
taires du navire et un jugement leur attribuant la
possession en conséquence. Je reconnais que l'on
peut considérer l'Antares comme revendiquant un
droit légitime au navire, droit découlant de la
promesse de vente, mais compte tenu de l'intention
évidente de transférer le droit de propriété par
contrat, cette compagnie n'aurait pas droit à une
déclaration de propriété. Elle cherche à obtenir
une ordonnance de livraison du navire et de trans-
fert du droit de propriété par contrat de vente, ou,
à défaut, un jugement tenant lieu d'acte de vente.
A mon avis, toute réclamation du droit de pro-
priété ou du titre constitue une demande pour faire
reconnaître ou confirmer par la Cour ledit droit de
propriété ou titre. Tel est bien le cas en l'espèce,
lorsqu'on demande que la Delmar soit déclarée
propriétaire du navire, mais ce n'est pas là la base
de l'action; l'action ne peut être intentée qu'en
vertu des droits découlant de l'accord conclu entre
la Delmar et l'Antares. Dans l'ensemble, il s'agit
d'une action en exécution dudit accord.
On ne nous a cité aucune décision, et je n'en ai
pas trouvé non plus, où une action en exécution
intégrale du contrat de vente d'un navire aurait été
reconnue, même implicitement, comme tombant
dans la juridiction d'amirauté. Dans Behnke c.
Bede Shipping Company, Limited 20 , la Division du
banc du Roi, après avoir remarqué [à la page 660]
[TRADUCTION] «qu'il existe curieusement très peu
de directives générales sur la question consistant à
déterminer s'il faut accorder l'exécution intégrale
pour un contrat de vente de navire», a exercé le
pouvoir d'accorder l'exécution intégrale, conféré
par l'article 52 du Sale of Goods Act, 1893, 56 &
57 Vict., c. 71, mais il ne s'agit pas là de l'exercice
de la juridiction d'amirauté relativement à des
actions pétitoires ou possessoires. La Cour a pris
note de la décision rendue dans Hart c. Herwig 21
où, dans une poursuite devant la Chancellerie pour
l'exécution intégrale d'un contrat de vente d'un
navire étranger, la Cour a accordé une injonction
pour interdire aux défendeurs de déplacer le navire
en attendant le résultat du procès. La Cour s'est
référée à elle-même comme [TRADUCTION] «le
seul tribunal qui puisse contraindre à l'exécution
intégrale véritable du contrat». Dans Roscoe's
Admiralty Practice, 5e éd. 1931, à la page 37, note
b), a été exprimé l'avis qu'une injonction de ce
genre pourrait être accordée par l'amirauté dans
une action possessoire. Bien entendu, l'Admiralty
Court en Angleterre et la Cour fédérale 22 ont le
pouvoir d'ordonner l'exécution intégrale et de faire
observer des droits d'équité, et ceci peut suffire
pour distinguer avec le droit des États-Unis relati-
vement aux points litigieux du présent appel, mais,
du seul fait de l'existence de ce pouvoir dans des
cas appropriés, il ne s'ensuit pas qu'une action en
exécution intégrale d'une promesse de vente, où
l'intention est clairement exprimée de transférer le
droit de propriété par un contrat de vente subsé-
quent, doive être considérée comme une réclama-
tion du droit de propriété au sens de l'article
22(2)a) 23 .
20 [1927] 1 K.B. 649.
21 (1873) 8 Ch. App. 860, la page 866.
22 Loi sur la Cour fédérale, art. 44.
23 I1 faut remarquer que la décision Hart c. Herwig n'a
évidemment pas été influencée par les exigences des lois sur la
navigation en ce qui concerne le transfert et l'enregistrement.
Comparer Fry, Specific Performance, 6 0 éd., parag. 1557, page
705, et Batthyany c. Bouch (1881) 50 L.J.—Q.B. 421.
Je suis parvenu finalement à la conclusion que la
demande d'exécution intégrale du contrat de vente,
la demande connexe et subordonnée d'annulation
de la vente faite par la Delmar à la Portland, la
demande de déclaration de la qualité de proprié-
taire de la Delmar, et la réclamation de domma-
ges-intérêts ne relèvent pas de la Cour fédérale en
vertu de l'article 22(2)a). Je ne pense pas non plus
qu'il faut considérer cette action, qui, dans son
ensemble, est une action pour rupture de contrat,
comme une matière maritime, ce qui la ferait
tomber dans la règle générale d'attribution de
compétence de l'article 22(1). L'article 22(2) pré-
voit expressément des réclamations découlant d'un
certain nombre de contrats spécifiques, dont «toute
contestation découlant d'un contrat relatif à la
construction, à la réparation ou à l'équipement
d'un navire». Si le législateur avait voulu y insérer
des réclamations pour rupture de contrat de vente
de navire, il l'aurait évidemment fait de façon
expresse, comme ce fut le cas pour d'autres genres
de contrats. Il peut être important de remarquer, à
l'article 22(2)a), la brève référence à la vente,
dans le membre de phrase «ou relative au produit
de la vente d'un navire». En dépit des critiques
faites par la doctrine américaine selon laquelle un
contrat de vente de navire n'est pas une matière
maritime, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des
raisons impérieuses d'adopter une vue contraire.
Avoir compétence pour déterminer des questions
de titre, de droit de propriété et de possession, dont
des questions découlant de la loi sur la navigation
en ce qui concerne l'enregistrement et le transfert,
est une chose; c'en est une autre d'avoir compé-
tence en matière de ruptures de contrat.
En formulant cette conclusion, j'ai tenu compte
du fait que l'avis de la majorité et celui de la
minorité de la Cour suprême du Canada sur la
question de notification ex juris ont évoqué la
présente action comme une action en possession.
Avec la plus grande déférence, j'ai, cependant, pris
pour hypothèse que, les points litigieux de cet
appel n'étant pas soulevés devant la Cour, il n'était
pas nécessaire d'exprimer un avis définitif sur la
nature de l'action.
Tenant compte de la conclusion élaborée sur la
question de compétence, je ne suis pas tenu d'ex-
primer mon avis sur le second motif de l'appel,
mais je crois devoir le faire à cause de l'importance
de la matière. Selon ce second motif, l'intimée ne
pourrait pas atteindre son but par une action in
rem, il n'y aurait donc pas de cause d'action contre
le navire, et la jonction de Delmar et de Portland
comme défenderesses en vertu de la Règle 1716 ne
pourrait pas pallier cette déficience de la procé-
dure initiale de saisie du navire. Si j'étais d'avis
qu'il s'agit d'une contestation relative au droit de
propriété ou à la possession au sens de l'article
22(2)a), j'en conclurais que le second motif d'ap-
pel n'est pas fondé. La jurisprudence précitée, qui
comporte des actions en possession, montre que
l'action in rem est une procédure appropriée en
matière de possession ou de droit de propriété.
Voir aussi Halsbury's Laws of England, 4e éd., vol.
1, parag. 310, note 3. Il a été soutenu qu'une
conclusion visant l'exécution intégrale peut être
faite dans une action in rem. Mais on n'a pas dit si
le tribunal ordonnerait l'exécution intégrale au cas
où la personne contre laquelle l'exécution est solli-
citée n'aurait pas comparu (Le «Conoco
Britannia») 24 . Supposant alors que l'action in rem
fasse valoir une réclamation relative au droit de
propriété ou à la possession au sens de l'article
22(2)a), je conclurais de cette jurisprudence
qu'elle révèle une bonne cause d'action contre le
navire, et que la jonction de la Delmar et de la
Portland comme défenderesses est une procédure
pertinente susceptible de rendre le redressement
cherché exécutoire à leur égard.
Au motif que la Cour fédérale n'a pas compé-
tence pour connaître de l'action de l'intimée, j'ac-
cueille l'appel, j'annule l'ordonnance rendue par la
Division de première instance le ler octobre 1973 et
je radie la déclaration, le tout avec dépens devant
cette cour et devant la Division de première
instance.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: J'y souscris.
24 [1972] 2 A11 E.R. 238.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.