T-4796-77
Transportaide Inc. (Requérante)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail et
l'Union des chauffeurs de camions, hommes d'en-
trepôts et autres ouvriers, local 106 (Intimés)
et
Le procureur général du Canada (Mis-en-cause)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 7 février; Ottawa, le 13 février 1978.
Brefs de prérogative — Certiorari et prohibition —
Camionneurs travaillant pour une compagnie mais non recon-
nus comme étant au service de celle-ci La requérante
prétend qu'elle fournit simplement des employés et qu'elle
n'exploite pas une entreprise de transport comme l'allègue le
syndicat — Ordonnance rendue par le Conseil enjoignant à la
requérante de fournir des détails à l'enquêteur — Compétence
du Conseil mise en doute — Un bref de prohibition est-il
recevable à l'encontre des procédures du Conseil, et un bref de
certiorari doit-il être délivré relativement à l'ordonnance? —
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 108, 118,
122 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
art. 18.
La requérante sollicite l'émission d'un bref de certiorari en
vue d'annuler l'ordonnance du Conseil canadien des relations
du travail ainsi qu'un bref de prohibition afin que celui-ci
suspende toute autre procédure relative à une demande d'accré-
ditation de la part de l'Union intimée. On convient que seule-
ment cinq camionneurs sont en cause, et que tous travaillent
pour la Sanborn's Motor Express, cependant, on a pas admis
qu'ils sont au service de ladite compagnie. L'affidavit qui
accompagne la requête allègue que la requérante n'exploite pas
une entreprise de transport, mais fournit simplement des
employés, et ce uniquement à l'intérieur des limites géographi-
ques de la province de Québec. La demande de l'Union indique
toutefois la nature de l'entreprise de l'employeur comme étant
le «transport général à l'intérieur et à l'extérieur du Québec».
Le Conseil a donc rendu l'ordonnance en question qui enjoint à
la requérante de fournir aux enquêteurs les divers détails
relatifs à son organisation; la requérante met en doute la
compétence du Conseil à entendre la cause. Le Conseil intimé
prétend que la Cour n'a pas compétence pour entendre une
demande présentée en vertu de l'article 18, étant donné la
clause restrictive du Code canadien du travail (article 122(1)),
et il insiste pour qu'on permette au Conseil de se prononcer sur
sa propre compétence, sous réserve d'examen ultérieur.
Arrêt: la demande est accueillie. La prétention selon laquelle
la Cour n'a pas compétence pour entendre la présente demande
présentée conformément à l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale en raison de la clause restrictive de l'article 122 du
Code canadien du travail est rejetée. Étant donné que l'ordon-
nance du Conseil est d'ordre administratif et de nature interlo-
cutoire, une demande présentée en vertu de l'article 28 n'est pas
recevable en l'espèce. Le fait de fournir des chauffeurs de
camions à une ou des compagnies de camionnage qui peuvent
ou non exploiter une entreprise au-delà des limites de la
province ne constitue pas en soi un ouvrage ou une entreprise
relevant de la compétence du Code canadien du travail. Il
existe une preuve suffisante pour conclure que le Conseil
canadien des relations du travail n'a pas compétence à l'égard
des requérantes. Un bref de prohibition doit donc être émis
contre l'intimé pour lui enjoindre de suspendre les procédures
relatives à la demande d'accréditation. Il n'est pas nécessaire
d'examiner la question de savoir si un bref de certiorari doit
être émis contre l'ordonnance.
Arrêts appliqués: British Columbia Packers Ltd. c. Le
Conseil canadien des relations du travail [1974] 2 C.F.
913; Bell c. The Ontario Human Rights Commission
[1971] R.C.S. 756; Distinction faite avec les arrêts: Mari
time Telegraph & Telephone Co. Ltd. c. Le Conseil
canadien des relations du travail [1976] 2 C.F. 343;
Northern Telecom Ltd. c. Les Travailleurs en communi
cations du Canada [1977] 2 C.F. 406. Arrêts mentionnés:
Voyageur Inc. c. Syndicat des chauffeurs de Voyageur
Inc. (CSN) [1975] C.F. 533; R. c. Tottenham and District
Rent Tribunal. Ex p. Northfield (Highgate) Ltd. [1957] 1
Q.B. 103.
DEMANDE.
AVOCATS:
G. Dussault pour la requérante.
G. F. Henderson, c.r., pour l'intimé.
R. Castiglio pour le mis-en-cause.
PROCUREURS:
Flynn, Rivard, Cimon, Lessard & Lemay,
Québec, pour la requérante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé.
Décary, Jasmin, Rivest, Laurin & Castiglio,
Montréal, pour le mis-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La présente demande porte
sur l'émission d'un bref de certiorari et d'un bref
de prohibition contre le Conseil canadien des rela
tions du travail afin qu'il abandonne toute procé-
dure dans son dossier numéro 555-860 et suspende
l'exécution de l'ordonnance rendue le 30 novembre
1977 par Marc Lapointe, c.r.; le bref de certiorari
a pour but d'annuler cette ordonnance et le bref de
prohibition de suspendre toute autre procédure du
dossier numéro 555-860 du Conseil canadien des
relations du travail relative à une demande d'ac-
créditation déposée par l'Union des chauffeurs de
camions, hommes d'entrepôts et autres ouvriers,
local 106, qui cherche à représenter les employés
de Transportaide Inc.
Une demande semblable a été versée au dossier
T-4791-77, Wanima Management Inc. c. Le Con-
seil canadien des relations du travail et l'Union
des chauffeurs de camions, hommes d'entrepôts et
autres ouvriers, local 106 et le procureur général
du Canada relativement au dossier numéro 555-
861 du Conseil canadien des relations du travail.
Les deux demandes ont été entendues en même
temps et portent sur les mêmes faits; les présents
motifs s'appliqueront donc aux deux demandes.
Au début de l'audition, il a été admis que seule-
ment cinq personnes, toutes des chauffeurs de
camions, étaient touchées par les deux demandes
et qu'elles travaillaient pour la Sanborn's Motor
Express. Cependant, il n'a pas été admis qu'elles
étaient employées de cette compagnie. Ii a égale-
ment été révélé qu'une troisième demande d'accré-
ditation dont l'intimée est la Sanborn's Motor
Express avait été déposée devant le Conseil cana-
dien des relations du travail, mais qu'aucune
demande de certiorari ou de prohibition n'avait été
présentée à la Cour dans ce dossier. Mis à part
l'admission qui a été faite, la preuve soumise à la
Cour consiste en un affidavit produit en même
temps que la requête, auquel étaient annexées la
demande d'accréditation de l'Union et l'ordon-
nance du Conseil canadien des relations du travail.
Il est allégué dans l'affidavit que la requérante
n'exploite pas une entreprise de transport, mais
fournit simplement des employés, et ce unique-
ment à l'intérieur des limites géographiques de la
province de Québec. Aucun contre-interrogatoire
portant sur cet affidavit n'a eu lieu et aucune autre
partie n'a déposé, en réponse, un affidavit. La
demande d'accréditation de l'Union, qui indique la
nature de l'entreprise de l'employeur comme étant
le «transport général à l'intérieur et à l'extérieur
du Québec» n'est donc pas étayée.
En vertu de l'article 118 de la Loi', l'ordon-
nance du Conseil enjoint à la requérante de donner
aux enquêteurs des détails concernant ses lettres
patentes, les noms de ses actionnaires et le nombre
d'actions qu'ils détiennent, les noms et adresses de
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié.
ses directeurs et de ses administrateurs, son statut,
c'est-à-dire préciser si elle est une filiale d'une
autre compagnie et dans l'affirmative, donner le
nom et l'adresse de celle-ci ainsi que ceux de toute
autre compagnie affiliée, les noms et adresses de
tous ses employés, une explication des relations qui
existent entre elle, la Wanima Management Inc. et
la Sanborn's Motor Express Inc., ainsi que des
copies de tous les contrats conclus entre elles rela-
tivement aux offres de service et à leur paiement,
une description des services offerts par Transpor-
taide Inc., une liste de ses clients et un diagramme
de son organisation internationale montrant les
différents niveaux et les relations de ses employés.
Il était également ordonné d'afficher un «Avis aux
employés» conformément à l'article 118g) de la
Loi qui prévoit:
118. Le Conseil a, relativement à toute procédure engagée
devant lui, pouvoir
g) d'exiger d'un employeur qu'il affiche et tienne affiché aux
endroits appropriés tout avis que le Conseil estime nécessaire
pour porter à l'attention d'employés toute question relative à
la procédure;
Bien qu'il aurait été utile et probablement néces-
saire que le Conseil connaisse ces renseignements
pour décider si l'accréditation demandée par
l'Union devait être accordée ou non ou si le Con-
seil était compétent à l'égard de la requérante,
cette dernière soutenait que, puisque le Conseil
n'avait pas compétence, il n'avait pas le droit de
rendre une telle ordonnance qui devait donc être
annulée par certiorari et qu'on devait lui interdire
de continuer à procéder dans ce dossier.
L'imprimé utilisé par la requérante Transpor-
taide Inc. pour dresser les factures de ses clients a
été déposé en preuve. L'en-tête indique en ces
termes la nature de l'entreprise de ladite requé-
rante: [TRADUCTION] «Camionneurs profession-
nels et aide industrielle». Au recto de la facture
sont inscrits le nom et l'adresse de la compagnie
cliente ainsi que les mentions suivantes [TRADUC-
TION] «Ne pas faire d'avances d'argent à nos
employés» et [TRADUCTION] «Minimum de quatre
heures par jour par homme». Un espace est prévu
pour décrire le travail, le lieu de travail et le nom
de l'employé. Il y est indiqué que les conditions
d'emploi se trouvent au verso. Ces conditions pré-
voient que le personnel fourni par Transportaide
Inc. ne devra pas manipuler de sommes d'argent,
etc., sauf si le client en accepte le risque, assure
tous les véhicules et fait en sorte que les [TRADUC-
TION] «personnes fournies et Transportaide Inc.»
soient entièrement protégées par cette assurance.
Le client doit lui-même s'assurer que la personne a
les qualités requises pour conduire le véhicule et
assumer tout risque. Transportaide Inc. ne peut
être tenue responsable des déficits ou des pertes
découlant de la négligence des employés fournis ou
de vols commis par eux. La lecture de ces condi
tions montre clairement que les employés en cause
sont les employés de Transportaide Inc. et non
ceux du ou des clients, c'est-à-dire des firmes de
camionnage à qui ils sont fournis. Transportaide
Inc. semble être une compagnie qui fournit simple-
ment du personnel spécialisé, c'est-à-dire des per-
sonnes capables de faire du camionnage et des
travaux industriels, tout comme Office Overload
fournit du personnel de bureau.
Selon l'affidavit non contesté, la Wanima
Management Inc. s'occupait de fournir des servi
ces de gestion et l'avocat de la requérante a
affirmé qu'elle n'employait aucun camionneur.
Bien que l'intimé, le Conseil canadien des relations
du travail, ait pu espérer obtenir, à la suite de son
ordonnance, quelques renseignements établissant
l'existence d'une interrelation ou d'un contrôle
unifié entre Transportaide Inc. et la Wanima
Management Inc., et possiblement la Sanborn's
Motor Express, rien dans la preuve soumise à la
Cour n'établit cette relation, sauf que les affidavits
déposés avec les deux requêtes étaient signés, dans
chaque cas, par William R. G. Abbott, à titre de
président des deux compagnies. La Partie V du
Code canadien du travail en vertu de laquelle
l'accréditation est demandée définit à son article
108 les personnes auxquelles elle s'applique. Voici
le libellé de cet article:
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le
cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés
dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux organisations
patronales groupant ces patrons et aux syndicats groupant ces
employés.
Aux termes de l'article 2 de la Loi, «entreprise,
affaire ou ouvrage de compétence fédérale» signifie
«tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant au
pouvoir législatif du Parlement du Canada». L'ar-
ticle 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni-
que, 1867 où sont énumérés les sujets exclusive-
ment soumis à la législation provinciale prévoit au
paragraphe (10):
92. Dans chaque province, la législature pourra exclusive-
ment légiférer relativement aux matières entrant dans les caté-
gories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:
10. Les ouvrages et entreprises d'une nature locale, autres
que ceux qui sont énumérés dans les catégories suivantes:
a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres navires, chemins
de fer, canaux, télégraphes et autres ouvrages et entrepri-
ses reliant la province à une autre ou à d'autres provinces,
ou s'étendant au-delà des limites de la province:
.Selon la preuve qui m'est soumise, il est clair que
le fait de fournir des chauffeurs de camions à une
ou des compagnies de camionnage qui peuvent ou
non exploiter une entreprise reliant la province à
d'autres provinces ou s'étendant au-delà des limi-
tes de la province ne constitue pas en soi une telle
entreprise et n'est donc pas une «entreprise, affaire
ou ouvrage de compétence fédérale» relevant du
Code canadien du travail. La situation semble
identique à celle qui est relatée dans l'arrêt Avis
Transport of Canada Ltd. c. Cartage and Miscel
laneous Employees Union, Local 931 et Janine
Théorêt 2 où l'on a jugé qu'une entreprise de loca
tion d'automobiles ou de wagonnettes exploitée à
un aéroport ne constituait pas une partie inté-
grante d'un voyage par avion et que, même si dans
certains cas les automobiles en question pouvaient
être conduites à l'extérieur de la province, on ne
pouvait considérer cette entreprise comme une
entreprise interprovinciale. On a procédé dans cet
arrêt à une étude approfondie de nombreuses déci-
sions et on a dit (à la page 264):
La preuve démontre que la compagnie loue des voitures au
Québec qui peuvent à l'occasion (5 ou 6% des cas, selon le
témoignage de monsieur Neil Mills) se retrouver à l'extérieur
du Québec. La Compagnie Avis fait de la location de voitures
et non du transport.
L'intimé évoque deux arguments principaux:
1. La présente cour, à la suite d'une demande
présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale ne peut intervenir pour émettre un
bref de prohibition ou de certiorari contre le
Conseil.
2 [1971] T.T. 260.
2. En tout état de cause, on doit permettre au
Conseil de déterminer sa propre compétence après
lui avoir divulgué tous les renseignements perti-
nents.
Le premier argument est fondé sur les dispositions
de l'article 122 du Code canadien du travail qui se
lit ainsi:
122. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente
Partie, toute ordonnance ou décision du Conseil est définitive et
ne peut être mise en question devant un tribunal ni revisée par
un tribunal, si ce n'est conformément à l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale.
(2) Sous réserve du paragraphe (1), aucune ordonnance ne
peut être rendue, aucun bref ne peut être décerné ni aucune
procédure ne peut être engagée, par ou devant un tribunal, soit
sous forme d'injonction, certiorari, prohibition ou quo war-
ranto, soit autrement, pour mettre en question, reviser, inter-
dire ou restreindre une activité exercée en vertu de la présente
Partie par le Conseil.
Le juge Addy a disposé de cet argument dans
l'arrêt British Columbia Packers Limited c. Le
Conseil canadien des relations du travail 3 , aux
pages 921 et 922, où après avoir cité l'article
122(2) du Code canadien du travail il dit:
A mon avis, il n'y a rien d'extraordinaire dans cette clause
restrictive du Code canadien du travail.
Les plus hautes instances de common law ont rendu par le
passé nombre de décisions portant que les tribunaux d'instance
supérieure qui ont le pouvoir d'émettre des brefs de prohibition
et qui doivent exercer une surveillance sur les tribunaux d'ins-
tance inférieure, ont non seulement la compétence, mais le
devoir d'exercer ces pouvoirs nonobstant les clauses restrictives
de cette nature si la demande est fondée sur l'absence complète
de compétence du tribunal d'instance inférieure pour examiner
l'affaire qui lui a été soumise. Ces décisions se fondent très
logiquement sur le raisonnement suivant: lorsque le Parlement
a établi un tribunal ayant compétence sur certaines questions, il
est tout à fait illogique de penser que, par la simple insertion
d'une clause restrictive dans la loi constitutive délimitant sa
compétence, le législateur se proposait aussi d'autoriser le
tribunal à traiter certaines questions qu'il n'avait pas jugé
approprié de lui confier, ou à exercer sa compétence sur des
personnes qui ne sont pas visées par ladite loi du Parlement ou
à tenir une audience illégale et illicite.
A fortiori, le principe s'appliquerait aux cas où le tribunal
prétendrait traiter de questions que le Parlement lui-même
n'avait pas le pouvoir de lui confier. C'est précisément la
situation en l'espèce si nous en croyons les requérantes (les
fabricants), qui prétendent que le pouvoir de légiférer en la
matière, dans les circonstances de l'affaire présente, ressortit
exclusivement aux provinces en vertu de l'article 92(13) de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le motif subsidiaire
de la requête, savoir, le fait que la loi elle-même n'est pas
censée donner au conseil intimé de compétence sur les requé-
3 [1974] 2 C.F. 913.
rantes, dans les circonstances de l'espèce, conduirait nécessaire-
ment, s'il était accueilli, à la conclusion que le Conseil a tenté
d'exercer sa compétence dans des circonstances non prévues par
le législateur dans le Code canadien du travail, ce qui confére-
rait aussi à la Cour la compétence pour intervenir.
Enfin, je tiens à rappeler qu'il importe peu que le pouvoir ou
le devoir de surveillance soit un pouvoir général (comme c'est le
cas pour les cours supérieures des provinces) découlant de la
coutume et de la common law anglaise, en vertu desquelles les
tribunaux d'instance supérieure l'ont traditionnellement exercé,
ou que ce pouvoir soit entièrement fondé sur une disposition
expresse de la loi telle que l'article 18a) de la Loi sur la Cour
fédérale, comme c'est le cas pour cette cour.
Je conclus donc à ma compétence pour examiner les deux
motifs soulevés dans la présente demande.
Dans l'arrêt Maritime Telegraph & Telephone
Company Limited c. Le Conseil canadien des
relations du travail 4 , le juge en chef adjoint Thur -
low a discuté de cette décision aux pages 345 347
ainsi que de la décision rendue par la Cour d'appel
dans cette cause, ([1973] C.F. 1194) et d'une
décision non encore publiée rendue par le juge
Dubé dans Montreal Boatman Limited c. Le Con-
seil canadien des relations du travail, numéro du
greffe T-3556-75, et il a ensuite affirmé aux pages
346 et 347:
Pour au moins deux raisons, il me semble possible d'affirmer
que dans une affaire de cette nature le paragraphe 122(2) ne
prive pas la Division de première instance de la compétence que
lui accorde l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. La
première de ces raisons est que le paragraphe 122(2), par son
libellé, est restreint aux procédures engagées devant le Conseil
en vertu de la Partie V du Code canadien du travail laquelle,
conformément à l'article 108, ne s'applique qu'aux personnes
qui y sont mentionnées dans le cadre d'une entreprise fédérale.
En conséquence, à moins que l'entreprise en question ne soit
une entreprise fédérale, les procédures engagées devant le
Conseil ne sont pas les procédures autorisées par la Partie V, il
ne s'agit pas non plus de procédures engagées en vertu de la
Partie V, et le paragraphe 122(2), par ses termes mêmes, ne
s'applique pas.
La seconde raison est la suivante: si l'entreprise en question
ne ressortit pas au pouvoir législatif du Parlement, le paragra-
phe 122(2) ne s'applique pas davantage et ne peut servir à
empêcher la Cour d'exercer son pouvoir de surveillance en
l'espèce.
Je suis donc d'avis que le paragraphe 122(2) du Code
canadien du travail ne prive pas la Division de première
instance de sa compétence pour juger la présente demande.
Il semble en tout cas qu'à ce stade des procédu-
res, les requérantes ne pouvaient présenter une
demande aux termes de l'article 28 de la Loi sur la
4 [1976] 2 C.F. 343.
Cour fédérale. Dans British Columbia Packers
Limited c. Le Conseil canadien des relations du
travail, (précité), le juge Thurlow, (tel était alors
son titre) a dit en rendant le jugement de la Cour
d'appel (aux pages 1195 et 1196):
Une discussion s'ensuivit au cours de laquelle le Conseil a
apparemment proposé d'entendre, soit tout de suite, soit lors
d'une audience ultérieure où il traiterait des demandes, les
plaidoiries sur le problème d'ordre constitutionnel soulevé par
l'avocat des compagnies mettant en cause la compétence du
Conseil. Il semble donc que, même quant à lui, le Conseil n'a
pas jugé la question de sa compétence définitivement tranchée,
et qu'il était prêt à examiner à nouveau cette question à un
stade ultérieur si l'on soulevait une objection sérieuse à cet
égard.
(et aux pages 1196 et 1197):
A notre avis, l'affirmation ou l'opinion du Conseil quant à sa
compétence ne constitue pas une «décision» au sens de l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale et ne peut être examinée par
cette Cour en vertu dudit article. Il n'appartient pas au Conseil
de se prononcer sur l'étendue de sa propre compétence de
manière à lier quiconque. Le Conseil peut seulement décider
d'accréditer ou non un syndicat et, quand il le fait, cette
décision seule peut faire l'objet d'un examen en vertu de
l'article 28. Il est évident que certaines questions soulevées au
cours des procédures devant le Conseil peuvent faire l'objet
d'un examen en vertu de l'article 28, à savoir, par exemple, des
ordonnances enjoignant les parties de faire quelque chose qu'il
est dans la compétence du Conseil d'ordonner. Mais l'affirma-
tion en cause n'a pas ce caractère et, à notre avis, elle est
comparable à celle que la Cour, dans l'affaire Le procureur
général du Canada c. Cylien,* a jugée ne pas relever de
l'article 28.
* Il faut signaler que l'affaire Cylien portait sur le sens du
mot «décision» à l'article 28(1) et ne portait aucunement sur le
sens du mot «ordonnance» au même paragraphe.
Est également digne d'intérêt la décision rendue
par la Cour d'appel dans Voyageur Inc. c. Syndi-
cat des chauffeurs de Voyageur Inc. (CSN) 5 , où le
juge Pratte a déclaré à la page 535:
En effet, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, la Cour d'appel n'a pas le pouvoir de reviser ou
d'annuler une «décision ou ordonnance d'une nature adminis
trative qui n'est pas légalement soumise à un processus judi-
ciaire ou quasi judiciaire». A notre avis, la décision d'ordonner
un scrutin de représentation peut être valablement prise sans
que les parties aient eu l'occasion de se faire entendre et elle ne
possède aucun des autres attributs des décisions judiciaires. En
conséquence, c'est une décision qui échappe à notre pouvoir de
contrôle en vertu de l'article 28.
On peut citer également le jugement majoritaire
de la Cour suprême rendu dans Bell c. The
5 [1975] C.F. 533.
Ontario Human Rights Commission 6 et résumé en
partie en ces termes [à la page 757]:
Les pouvoirs conférés à un comité d'enquête ont pour but de
déterminer s'il y a eu de la discrimination en ce qui a trait à des
domaines prévus par la Loi. Il n'a pas le pouvoir de se pronon-
cer lorsque la discrimination dont on se plaint tombe dans un
domaine non prévu par la Loi, et il ne peut faire de recomman-
dations à cet égard. Que le Code s'applique à ce logement est
un point qui soulève une question de droit relativement au
champ d'application de la Loi; de la réponse à cette question
dépend toute l'autorité du comité d'enquête sur la plainte
déclarant qu'il y a eu de la discrimination. La Loi ne prétend
nullement placer cette question sous la compétence exclusive du
comité; une décision erronée sur ce point ne permettrait pas à
celui-ci de poursuivre l'enquête. L'appelant n'était pas tenu
d'attendre la décision du comité d'enquête sur ce point avant de
chercher, au moyen d'une demande d'ordonnance de prohibi
tion, à le faire décider par une cour de justice.
En prononçant le jugement, le juge Martland a
mentionné la décision rendue par lord Goddard,
J.C., dans R. c. Tottenham and District Rent
Tribunal. Ex p. Northfield (Highgate) Ltd.' où le
savant juge en chef a dit (aux pages 107 et 108):
[TRADUCTION] Mais M. Winn nous a demandé de dire si, à
notre avis, les requérants étaient fondés à demander une ordon-
nance de prohibition à cette cour et s'ils n'auraient pas dû
plutôt s'adresser au tribunal et soulever la question devant lui.
Bien sûr, ils auraient pu soulever la question devant le tribunal
et si ce dernier leur avait donné raison, tant mieux. Si toutefois,
il leur avait donné tort, ils auraient été obligés de saisir cette
cour-ci de l'affaire et de demander une ordonnance de certio-
rari plutôt que de prohibition; mais à mon sens, il serait
impossible et tout à fait inopportun d'établir une règle précise
pour déterminer quand une personne qui conteste la compé-
tence d'un tribunal doit s'adresser à celui-ci ou demander une
ordonnance de prohibition en cette cour. Lorsque se pose,
comme en l'espèce, une question de droit parfaitement simple,
brève et claire, il me semble tout indiqué, et certainement
possible pour les requérants, de demander à cette cour-ci de
rendre une ordonnance de prohibition. Cela n'empêcherait pas
le tribunal en question de poursuivre l'audition de l'affaire, s'il
le désire, durant le délai accordé pour demander l'ordonnance
de prohibition et pendant l'audition de la requête; bien entendu,
si une ordonnance de prohibition est décernée, il ne lui sera pas
possible de rendre une décision et si aucune ordonnance de
prohibition n'est décernée, il pourra faire connaître sa décision.
Pour ma part, je dirais que lorsque se pose une question de droit
manifeste qui ne dépend pas de faits particuliers—car aucun
fait n'est en litige en l'espèce—rien n'empêche les requérants de
s'adresser directement à cette cour-ci pour obtenir une ordon-
nance de prohibition plutôt que d'attendre de voir si la décision
leur sera défavorable, éventualité qui les obligerait à demander
une ordonnance de certiorari. Pour ces motifs, je crois qu'une
ordonnance de prohibition doit être décernée.
6 [1971] R.C.S. 756.
[1957] 1 Q.B. 103.
Les intimés accordent beaucoup d'importance à
l'arrêt rendu par la Cour suprême dans Sanders c.
La Reine 8 , affaire criminelle où les juges ont
conclu à cinq contre quatre que l'article 682b) du
Code criminel ne permet pas d'utiliser le certiorari
pour renverser l'ordonnance d'un magistrat. Le
juge Martland a dit, en rendant le jugement de la
majorité (à la page 141):
A mon avis, on a voulu que l'article s'applique, et il s'appli-
que de fait à cause de ses termes, aux cas où, s'il n'existait pas,
la compétence du tribunal pourrait être contestée par voie de
certiorari. Si le prévenu a comparu devant un tribunal infé-
rieur, s'il a enregistré un plaidoyer, si le tribunal a ensuite jugé
au fond l'affaire mise en cause par le plaidoyer, et que le
prévenu veuille faire renverser le jugement du tribunal, il doit,
si la loi lui donne le droit d'en appeler, tenter de faire réformer
le jugement par voie d'appel seulement. L'article vise, là où il
s'applique, à empêcher la coexistence de deux recours et à
limiter le pourvoi à la procédure d'appel lorsque l'appel est
permis.
C'était là un cas assez particulier et au mieux, il ne
peut servir qu'à étayer la proposition voulant qu'on
ne peut avoir recours au certiorari lorsqu'il est
possible d'interjeter appel. En l'espèce, la Loi ne
prévoit pas d'appel, mais un recours plus limité
fondé sur l'article 28. Toutefois, comme je l'ai
souligné, les requérantes ne peuvent se prévaloir de
ce recours à ce stade des procédures puisque l'or-
donnance du Conseil enjoignant de produire des
documents est une ordonnance administrative de
nature interlocutoire et non définitive. Si tous ces
documents étaient produits conformément à l'or-
donnance, il est possible que le Conseil conclurait
lui-même qu'il n'a pas compétence et le litige
prendrait fin. S'il jugeait au contraire qu'il est
compétent, une demande pourrait être présentée
en vertu de l'article 28 pour contester cette conclu
sion. Si le Conseil entretenait des doutes à ce sujet,
il pourrait se prévaloir de la procédure prévue à
l'article 28(4) dont voici le libellé:
2s....
(4) Un office, une commission ou un autre tribunal fédéral
auxquels s'applique le paragraphe (1) peut, à tout stade de ses
procédures, renvoyer devant la Cour d'appel pour audition et
jugement, toute question de droit, de compétence ou de prati-
que et procédure.
Rien cependant ne nous indique qu'il le ferait. La
Cour d'appel a évoqué cette possibilité dans l'arrêt
B.C. Packers (précité) où il a été dit (à la page
1198):
8 [1970] R.C.S. 109.
Toutes les parties conviennent qu'il est souhaitable que la
question constitutionnelle soit tranchée de façon définitive; à ce
stade des procédures, le meilleur moyen de le faire serait que le
Conseil l'énonce et la renvoie devant cette Cour en conformité
de l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, la
décision de renvoyer la question est laissée à l'exercice du
pouvoir discrétionnaire du Conseil à cet égard, et n'appartient
ni à la Cour, ni aux avocats. Subsidiairement, il serait possible
de soulever cette question à l'occasion d'une demande fondée
sur l'article 28 à l'encontre d'une ordonnance précise du Con-
seil exigeant qu'une des parties à ladite demande s'y conforme
ou par des procédures de prohibition devant la Division de
première instance; aucune de ces deux méthodes ne présente les
avantages du renvoi, ni en ce qui concerne la possibilité de
soulever la question précise qu'on veut faire trancher, ni en ce
qui concerne les délais qui seraient alors nécessaires pour que la
question soit déterminée par la Cour.
de crois que les remarques formulées par lord
Goddard dans l'arrêt Tottenham and District Rent
Tribunal (précité) s'appliquent particulièrement
en l'espèce, car si la Cour peut conclure dans ce
cas-ci qu'une simple question de droit est en jeu, il
convient d'accorder le bref de prohibition demandé
plutôt que d'obliger la requérante à attendre que le
Conseil des relations du travail se prononce sur
une question de sa compétence, et à intenter éven-
tuellement des procédures en vertu de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale pour faire annuler
cette décision.
Il est donc nécessaire d'examiner si la preuve
soumise à la Cour permet à cette dernière de
conclure que le Conseil canadien des relations du
travail n'a pas compétence à l'égard des requéran-
tes. La décision du juge en chef adjoint Thurlow
dans Maritime Telegraph & Telephone (précité)
soulève un intérêt particulier parce que cet arrêt
ressemble beaucoup à la présente cause; le savant
juge a conclu que la question de compétence devait
être tranchée par le Conseil. Il a déclaré (aux
pages 354 et 355):
Par conséquent, il ne ressort aucunement des documents
soumis à la Cour que le mémoire du syndicat, objet ou pas
d'observations de la demanderesse, ait convaincu le Conseil
qu'il a compétence pour donner suite à la demande de la
F.I.O.E. ni qu'à ce stade, il ait résolu de revendiquer sa
compétence relativement à la demanderesse. Cette dernière
ayant soulevé l'objection, il me semble que le Conseil a simple-
ment cherché les renseignements nécessaires pour décider s'il
doit assumer et revendiquer sa compétence en la matière ou la
décliner. Voilà où en étaient les choses à l'introduction de cette
demande, et d'après les documents soumis à la Cour, depuis le
2 avril 1975 le Conseil n'a jamais menacé la demanderesse
d'exercer à son endroit une compétence illégitime. En se fon
dant sur les documents soumis à la Cour, le Conseil peut juger
préférable de ne pas revendiquer sa compétence en la matière; il
peut également décider d'examiner la question plus en profon-
deur avant de prendre une décision. Quoi qu'il en soit, le
Conseil ne prétend pas actuellement exercer sa compétence à
l'endroit de la demanderesse et, selon moi, la Cour doit en tenir
compte lorsque, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui
lui est conféré, elle décide d'accepter ou de refuser à ce stade de
décerner un bref de prohibition contre le Conseil.
Tout bien considéré, je conclus que dans l'exercice du pouvoir
discrétionnaire qui lui est conféré, la Cour doit refuser la
demande; par conséquent elle sera rejetée avec dépens.
Il est important de noter que, sur le plan de la
procédure, le juge ne s'est pas opposé au fait que
des procédures soient instituées en vertu de l'arti-
cle 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour obtenir
un bref de prohibition, mais, exerçant le pouvoir
discrétionnaire accordé à la Cour, il a jugé que ce
bref devait être refusé. Je crois cependant que les
faits sont différents ici. Dans l'arrêt précité, un
seul affidavit avait été déposé devant la Cour,
comme en l'espèce, par le président et directeur
général de la demanderesse et il n'a fait l'objet
d'aucun contre-interrogatoire, l'Union n'a présenté
aucune preuve et aucune preuve importante n'a été
déposée au nom du Conseil. Après avoir examiné
la preuve, le savant juge en chef adjoint a déclaré
(aux pages 348 et 349):
Par conséquent, à mon avis, la preuve ne serait pas nécessaire-
ment incompatible avec une entreprise qui comprendrait l'offre
de services d'un caractère extra-provincial.
Sans doute ne faut-il pas présumer qu'en assurant d'une
certaine façon les services téléphoniques et télégraphiques de
ses usagers à l'extérieur de la province, la demanderesse le fait
en exploitant une entreprise extra-provinciale, donc fédérale.
Mais, bien qu'on ne doive rien supposer de semblable, il
incombe cependant à la demanderesse d'établir clairement les
faits devant la Cour et de ne laisser subsister aucun doute quant
à la nature précise de l'entreprise exercée lorsqu'elle prie cette
cour de décerner un bref de prohibition dans le but d'empêcher
le Conseil des relations du travail d'exercer ses fonctions statu-
taires qui consistent au moins à examiner sinon à trancher de
façon définitive la question de sa compétence à traiter de
l'affaire pour laquelle on a invoqué son autorité.
(et aux pages 349 et 350):
La demande d'un bref de prohibition est -une procédure
appropriée pour faire trancher une question de compétence à un
stade initial lorsque des faits non contestés soulèvent une
question de droit. * Mais lorsque les faits, même s'ils ne sont pas
nécessairement contestés ni susceptibles de l'être sérieusement,
n'ont pas convaincu cette cour du manque de compétence, on
comprend sa répugnance à conclure définitivement à l'absence
de compétence et à statuer que le Conseil n'a même pas le droit
d'examiner les faits au sujet desquels on met en doute sa
compétence.
* Voir l'affaire Bell c. Ontario Human Rights Commission
[1971] R.C.S. 756 et l'extrait qu'on y cite de la décision du
juge en chef lord Goddard, dans l'affaire Ex parte Northfield
(Highgate) Ltd. [1957] 1 Q.B. 103 la page 107.
La situation était beaucoup plus confuse dans cette
affaire que dans les présentes procédures où la
preuve non contredite montre que la requérante
fournit simplement des chauffeurs de camions et
n'exploite pas une entreprise de camionnage intra
ou interprovinciale. On peut également citer l'arrêt
Northern Telecom Limitée c. Les Travailleurs en
communications du Canada 9 où la Cour d'appel a
confirmé l'ordonnance d'accréditation émise par le
Conseil. Cette décision est maintenant en appel
devant la Cour suprême. Le juge en chef Jackett a
dit (à la page 408):
Cette prétention avait pour base l'hypothèse que, comme
condition préalable à l'exercice de sa compétence à accorder
une demande d'accréditation, le Conseil doit disposer de preu-
ves démontrant que les faits sont tels qu'ils lui permettent de
conclure qu'il a compétence pour accorder la demande. Je
n'accepte pas cette hypothèse. A mon avis, la question de savoir
si une décision demeure dans les limites de la compétence d'un
tribunal, en l'absence d'un pouvoir spécial accordé pour déter-
miner les faits lui donnant compétence, ne dépend pas de ce que
le tribunal constate relativement aux faits déterminant la com-
pétence ni de la preuve soumise au tribunal, s'il y a lieu, des
faits déterminant la compétence. Si les faits, tels qu'ils sont
présentés à une cour de révision, sont tels qu'ils donnent
compétence au tribunal, une décision rendue dans les limites de
cette compétence doit être jugée valide même s'il n'y avait
aucune preuve de ces faits devant le tribunal au moment où il a
rendu sa décision. Inversement, si les faits, tels qu'ils sont
présentés à une cour de révision, sont tels qu'ils montrent que le
tribunal n'a pas compétence pour rendre une décision, on doit
annuler cette décision même si, au moment où le tribunal a
rendu sa décision, on lui avait soumis une preuve qui semblait
établir des faits qui lui auraient donné compétence pour rendre
la décision.
La Cour a conclu qu'il incombait à la requérante
de veiller à ce que la preuve des faits nécessaire
pour étayer la demande soit soumise à la Cour.
Dans cette affaire, la requérante n'avait pas cher-
ché à produire devant la Cour une preuve de la
compétence et elle s'est abstenue de soulever cette
question devant la Cour. La Cour était donc d'avis
qu'elle ne pouvait se fonder sur aucune preuve
pour juger que le Conseil avait outrepassé sa com-
pétence. En disposant d'un argument fondé sur
9 [1977] 2 C.F. 406.
l'article 118(1)p) du Code canadien du travail qui
accorde au Conseil le pouvoir de trancher toute
question qui se pose à l'occasion d'une procédure
«engagée devant lui», la Cour estimait que cela ne
donnait pas au Conseil le pouvoir de décider si une
affaire donnée était légalement «engagée devant
lui». Il est évident que les faits de cette cause
diffèrent de ceux actuellement soumis à la Cour
puisque ici, la demande est étayée par une preuve.
Je crois donc qu'en l'espèce un bref de prohibi
tion doit être émis contre l'intimé, le Conseil cana-
dien des relations du travail, lui enjoignant de
suspendre toute procédure dans son dossier
numéro 555-860 qui porte sur la demande d'accré-
ditation déposée par l'Union des chauffeurs de
camions, hommes d'entrepôts et autres ouvriers,
local 106, et qu'un bref semblable doit être émis
dans le cas de Wanima Management Inc. au sujet
de la demande d'accréditation objet du dossier
numéro 555-861 du Conseil.
Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas
nécessaire d'examiner la question plus difficile de
savoir si un bref de certiorari doit être émis à
l'encontre des ordonnances rendues le 30 novembre
1977, enjoignant aux requérantes de produire des
documents et d'accomplir certains actes qui étaient
énumérés; le Conseil ne pouvant procéder plus
avant dans ce dossier en raison de son incompé-
tence, il ne peut exiger que les requérantes se
conforment à ces ordonnances. Les requérantes
auront droit à leurs dépens, les dépens d'une seule
demande étant cependant accordés pour l'audition
des requêtes qui ont été entendues en même temps.
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