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A-99-78
Syndicat des postiers du Canada (Requérant) c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Intimée)
et
Pierre P. Montreuil et la Reine pour le Conseil du Trésor (Mis-en-cause)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 8 et 9 juin; Ottawa, le 21 juin 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Approbation du syndicat requise pour présenter un grief ayant trait à l'inter- prétation d'une convention collective La Commission des relations de travail dans la Fonction publique a conclu que le syndicat a refusé d'examiner le grief uniquement parce que son auteur était un employé occasionnel Y a-t-il eu violation de l'art. 8(2)b) ou c) de manière à donner compétence à la Commission? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 8(2)b),c), 90(2).
Cette demande en vertu de l'article 28 cherche à faire annuler une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique au motif qu'elle n'avait pas compé- tence pour entendre l'affaire. Le plaignant, Montreuil, un employé occasionnel représenté par le requérant, voulait pré- senter un grief relatif à l'application à son égard de la conven tion collective régissant ses conditions de travail, ce qu'il ne pouvait faire sans l'approbation du requérant. Le plaignant reprochait au syndicat d'avoir refusé de considérer son grief pour le seul motif qu'il était un employé occasionnel plutôt qu'un employé permanent ou à temps partiel. La Commission a conclu que sa plainte était fondée. Il s'agit uniquement de savoir si la plainte de M. Montreuil se rapporte à une violation de l'article 8(2)b) ou c) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. La compétence de la Commission en l'espèce dépend de cette violation.
Arrêt: la demande est accueillie. La décision de la Commis sion est mal fondée. Il est impossible de prétendre que ces conditions aient été imposées «dans un contrat de travail» ou «relativement à une nomination». Même si on donne à la plainte l'interprétation que lui a donnée la Commission--que le syndi- cat a cherché à imposer des conditions de ce genre—on ne peut prétendre qu'il s'agisse d'une plainte relative à la violation de l'article 8(2)b). La plainte suivant laquelle le syndicat a tenté de priver le plaignant du droit de demeurer employé occasion- nel ne se rapporte pas à une violation de l'article 8(2)c). Même si le syndicat s'était rendu coupable de pareils agissements, il n'aurait pas violé cet article puisque ce droit n'en est pas un qu'accorde la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. La plainte suivant laquelle le syndicat, en refusant de considérer son grief, cherchait à le priver du droit de présenter un grief, ne se rapporte pas à une violation de l'article 8(2)c). En refusant d'approuver ce grief, le syndicat n'a pas utilisé un
moyen pour empêcher le plaignant d'exercer un droit; il a tout simplement agi de telle façon que ce droit n'existe pas.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
P. Lesage pour le requérant.
Personne n'a comparu pour l'intimée.
P. Montreuil mis-en-cause pour son propre compte.
Personne n'a comparu pour la mise-en-cause la Reine pour le Conseil du Trésor.
PROCUREURS:
Trudel, Nadeau, Létourneau, Lesage & Cleary, Montréal, pour le requérant.
Commission des relations de travail dans la Fonction publique, Ottawa, pour l'intimée.
Pierre Montreuil, Québec, mis-en-cause pour son propre compte.
Le sous-procureur général du Canada pour la mise-en-cause la Reine pour le Conseil du Trésor.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE PRATTE: Le requérant attaque la vali- dité d'une décision de la Commission des relations de travail dans la Fonction publique prononcée suite à une plainte faite par un monsieur Montreuil.
Le plaignant Montreuil disait être un employé du ministère des Postes et faire partie de l'unité de négociation dont le syndicat requérant était l'agent négociateur accrédité. Il affirmait avoir voulu pré- senter un grief relatif à l'application à son égard de la convention collective régissant ses conditions de travail, ce qu'il ne pouvait faire sans l'approbation
du syndicat requérant. Il reprochait au syndicat d'avoir refusé de considérer son grief et, ce, pour le seul motif que le plaignant était un employé occa- sionnel plutôt qu'un employé permanent ou à temps partiel. La Commission en est venue à la conclusion que cette plainte était fondée. Le dispo- sitif de sa décision se lit comme suit:
En conséquence, la Commission déclare que la partie défende- resse a manqué à son obligation de représentation équitable à l'égard du plaignant. Elle lui ordonne de considérer le grief fait par le plaignant en date du 16 février 1976 et d'exercer sa discrétion à cet égard en accord avec les principes juridiques de la représentation équitable.
C'est cette décision qu'attaque le syndicat requérant au motif que la Commission n'avait pas juridiction en l'espèce.
La Commission a jugé qu'elle était compétente à instruire la plainte en vertu de l'article 20(1)a) de la Loi [S.R.C. 1970, c. P-35]. Suivant cette dispo sition, la Commission doit enquêter sur toute plainte portant qu'aune association d'employés .. . a omis d'observer les interdictions prévues par les articles 8, 9 ou 10 ....0 Or, d'après la Commis sion, la plainte de monsieur Montreuil se rappor- tait à la violation de l'article 8(2)b). Monsieur Montreuil, quant à lui, a soutenu à l'audience que sa plainte se rapportait à la violation de l'article 8(2)c).
Il est constant que la Commission a juridiction, suivant l'article 20(1), pour instruire une plainte relative à la violation des prohibitions contenues dans les alinéas b) et c) de l'article 8(2). La seule question est celle de savoir si la plainte de mon sieur Montreuil se rapportait à la violation de l'une ou l'autre de ces dispositions. Dans la négative, il faudrait conclure à l'absence de juridiction de la Commission puisqu'il n'existe, à ma connaissance, aucun autre texte susceptible de lui accorder juri- diction en l'espèce.
' L'article 90(2) de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique se lit comme suit:
90. ...
(2) Un employé n'a droit de présenter ni un grief relatif à l'interprétation ou à l'application à son égard d'une disposi tion d'une convention collective ou d'une décision arbitrale sauf s'il a l'approbation de l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle s'applique la convention collective ou la décision arbitrale et s'il est représenté par cet agent négociateur, ni un grief relatif à quelque mesure prise en vertu d'une instruction, directive ou règlement édicté selon l'article 112.
L'article 8(2)b) se lit comme suit:
8. ...
(2) Nul ne peut
b) ni imposer ni proposer d'imposer, relativement à une nomination ou dans un contrat de travail, quelque condition tendant à empêcher un employé ou une personne en quête d'un emploi de devenir membre d'une association d'employés ou d'exercer un droit quelconque que la présente loi lui accorde;
D'après la décision de la Commission, monsieur Montreuil se plaignait de ce que le syndicat requé- rant ait refusé d'approuver son grief aussi long- temps qu'il demeurerait employé occasionnel et ne deviendrait pas employé à temps plein ou à temps partiel. La plainte reprochait donc au syndicat, toujours suivant la Commission, d'avoir violé l'ar- ticle 8(2)b) en tentant d'imposer à un employé une condition (celle de devenir employé permanent ou à temps partiel) tendant à l'empêcher d'exercer un droit que lui reconnaît la Loi (celui de présenter un grief).
Cette partie de la décision de la Commission est, à mon sens, mal fondée. L'article 8(2)b) interdit seulement d'imposer «relativement à une nomina tion ou dans un contrat de travail» des conditions tendant à empêcher un employé d'exercer un droit que lui accorde la Loi. Or, même si on suppose que la Commission ait eu raison de dire que la plainte reprochait au syndicat d'avoir tenté d'imposer des conditions de cette sorte, il est impossible de pré- tendre que ces conditions aient été imposées «dans un contrat de travail)) ou «relativement à une nomi nation». Même si on donne à la plainte de mon sieur Montreuil l'interprétation que lui a donnée la Commission, on ne peut donc prétendre qu'il s'agisse d'une plainte relative à la violation de l'article 8(2)b).
Mais s'agit-il, comme l'a soutenu monsieur
Montreuil, d'une plainte relative à la violation de
l'article 8(2)c)?
L'article 8(2)c) se lit en partie comme suit:
s. ...
(2) Nul ne peut
c) ni chercher, par intimidation, par menace de destitution ou par d'autres représailles, par l'imposition d'une sanction pécuniaire ou autre ou par tout autre moyen, à obliger un employé
à s'abstenir d'exercer tout autre droit que la présente loi lui accorde;
Monsieur Montreuil a d'abord prétendu que sa plainte se rapportait à la violation de l'article 8(2)c) parce qu'elle devait être interprétée comme reprochant au syndicat d'avoir tenté, en refusant d'approuver son grief, de l'inciter à renoncer à son droit de demeurer employé occasionnel. Cette pré- tention doit être rejetée. Même si le syndicat s'était rendu coupable de pareils agissements, il n'aurait pas violé l'article 8(2)c) puisque le droit que possède monsieur Montreuil de demeurer employé occasionnel n'en est pas un que lui accorde la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique.
Monsieur Montreuil a ensuite soutenu que sa plainte devait être interprétée comme reprochant au syndicat de tenter, en refusant de considérer son grief, de le priver du droit de présenter ce grief. Si la plainte devait recevoir pareille interpré- tation, on ne pourrait conclure, comme le fait monsieur Montreuil, qu'elle se rapporte à la viola tion de l'article 8(2)c). Cette disposition interdit qu'une personne exerce une pression sur un employé dans le but de l'inciter à ne pas exercer un droit que la Loi lui accorde. Or, ce n'est pas ce que la plainte reproche au syndicat. Suivant l'article 90(2), le plaignant n'avait le droit de présenter son grief qu'à la condition d'avoir obtenu préalable- ment l'approbation du syndicat. Le droit du plai- gnant de présenter un grief était conditionnel; son existence dépendait de l'approbation du syndicat. En refusant d'approuver le grief, le syndicat n'a pas utilisé un moyen pour empêcher le plaignant d'exercer un droit, il a tout simplement agi de telle façon que ce droit n'existe pas.
En réalité, ce que monsieur Montreuil a repro- ché au syndicat, c'est tout simplement d'avoir manqué à ses obligations envers les employés qu'il est chargé de représenter. Cette plainte était peut- être fondée, mais ce n'en est pas une que la Commission avait le pouvoir d'instruire.
Pour ces motifs, je ferais droit à la demande et casserais la décision attaquée.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
* * * LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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