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A-490-77
Western Caissons (Quebec) Limited (Appelante) c.
McNamara Corporation of Newfoundland Co. Limited, The J. P. Porter Company Limited et Canadian Dredge & Dock Company Limited (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Heald et le juge suppléant MacKay—Toronto, le 12 septembre 1978.
Compétence Appel d'une décision radiant la déclaration au motif d'incompétence Appelante agissant comme sous- traitant et intimées comme entrepreneur de la Couronne Demande de redressement fondée sur contrat de sous-traitance et faits se rapportant à son exécution L'appelante prétend que si elle avait pu continuer son action, les intimées auraient probablement procédé contre la Couronne par voie de mise en cause, créant ainsi la compétence requise parce qu'il existerait alors une demande de redressement contre la Couronne La décision emportant radiation au motif d'incompétence est-elle prématurée?
Le pourvoi est à l'encontre d'un jugement de la Division de première instance radiant la déclaration au moyen de laquelle une action a été intentée, au motif que la Cour fédérale n'a pas compétence pour connaître des réclamations de l'appelante. Les intimées constituent une «entreprise en coparticipation» qui ont conclu avec la Couronne fédérale un contrat relatif à la cons truction et en vertu duquel l'appelante est un sous-traitant. L'appelante avait fait valoir qu'elle avait droit à un redresse- ment, compte tenu du contrat qu'elle avait conclu avec les intimées et des faits se rapportant à son exécution. L'appelante prétend maintenant que le jugement de la Division de première instance était prématuré parce que si elle avait pu continuer son action, les intimées auraient probablement procédé contre la Couronne par voie de mise en cause, et dans ce cas, la Division de première instance aurait eu compétence pour entendre l'ac- tion de l'appelante étant donné que l'on aurait alors «demandé contre la Couronne un redressement».
Arrêt: l'appel est rejeté. Même si les intimées avaient pré- senté, par voie de mise en cause, une réclamation contre la Couronne (fondée sur leur contrat avec la Couronne) qui relèverait de la compétence de la Cour fédérale, cette procédure de mise en cause serait distincte de l'action que l'appelante a intentée contre les intimées et ne modifierait pas la nature de cette action de manière à la faire ressortir à la Cour fédérale.
Arrêt appliqué: McNamara Construction (Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654. Distinction faite avec l'arrêt: Le Roi c. La Banque de Montréal [1933] R.C.S. 311.
APPEL.
AVOCATS:
D. Laidlaw, c.r. et R. J. McComb pour l'appelante.
D. A. Brown pour les intimées. PROCUREURS:
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour l'appelante.
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Le pourvoi est à l'encontre d'un jugement de la Division de pre- mière instance radiant la déclaration au moyen de
laquelle une action a été intentée, au motif que la Cour fédérale n'a pas compétence pour connaître des réclamations de l'appelante.
Les faits tels qu'ils sont allégués dans la déclara- tion s'énoncent comme suit:
a) les intimées constituent une «entreprise en coparticipation» et, à ce titre, elles ont conclu un contrat avec Sa Majesté du chef du Canada
pour la construction d'un ouvrage public,
b) l'appelante, en vertu d'un contrat conclu avec les intimées, était un «sous-traitant» qui devait accomplir une partie de ce que les intimées, aux termes du contrat avec Sa Majesté, s'étaient engagées à faire, et
c) en vertu du contrat conclu entre l'appelante et les intimées, et des faits se rapportant à son
exécution, l'appelante a droit à un certain redressement contre les intimées.
Sur présentation d'une requête en radiation de la déclaration auprès du juge suppléant Campbell Grant, un jugement a été rendu dont voici un extrait:
[TRADUCTION] Pour les motifs exposés dans Quebec North Shore Company et al c. Canadien Pacifique Limitée et al, prononcés par la Cour suprême du Canada le 29 juin 1976, dans McNamara Construction (Western) Limited et al c. Sa Majesté la Reine et al c. J. Stephenson & Associates et al, prononcés par la Cour suprême du Canada le 27 juin 1977, je conclus que la Cour fédérale du Canada n'a pas compétence pour connaître des réclamations de la présente demanderesse, et en conséquence une ordonnance sera rendue annulant et radiant la déclaration en l'espèce.
L'affaire McNamara 1 , à laquelle le savant juge se réfère, met en cause une action intentée par Sa Majesté, portant sur un contrat relatif à la cons truction d'un ouvrage public, et d'autres procédu- res résultant de cette action. En concluant que la Cour fédérale n'avait pas compétence en ce qui a trait à ces procédures, le juge en chef du Canada Laskin (en prononçant le jugement de la Cour suprême) dit (aux pages 658 à 660):
En bref, la principale question en litige dans ces pourvois est de savoir si la Cour fédérale du Canada a compétence sur un sujet dans une action en dommages-intérêts intentée par la Couronne du chef du Canada pour inexécution d'un contrat. Cette compétence relèverait de l'art. 101 de l'Acte de l'Améri- que du Nord britannique qui confère notamment au Parlement le pouvoir législatif d'établir des tribunaux «pour la meilleure administration des lois du Canada». Dans l'arrêt Quebec North Shore Paper Company c. Le Canadien Pacifique Limitée ([1977] 2 R.C.S. infra), (arrêt rendu après les jugements de la Cour d'appel fédérale en l'espèce), cette Cour a statué que les dispositions de l'art. 101 posent comme condition préalable à l'exercice par la Cour fédérale de sa compétence, l'existence d'une législation fédérale applicable sur laquelle on puisse fonder les procédures. Il ne suffit pas que le Parlement du Canada puisse légiférer sur un domaine dont relève la question soumise à la Cour fédérale. Comme l'a indiqué cette Cour dans l'arrêt Quebec North Shore Paper Company, la compétence judiciaire en vertu de l'art. 101 ne recouvre pas le même domaine que la compétence législative fédérale. Il s'ensuit qu'il ne suffit pas que la compétence exclusive du Parlement s'exerce dans les domaines de «la dette et la propriété publiques» en vertu de l'art. 91(1A) de l'Acte de l'Amérique du Nord britan- nique et à l'égard de «l'établissement, du maintien, et de l'administration des pénitenciers» en vertu de l'art. 91(28) et que l'objet du contrat de construction en l'espèce puisse relever de l'un ou l'autre de ces domaines législatifs, ou des deux, pour fonder la compétence de la Cour fédérale à l'égard de la présente action en dommages-intérêts.
Le paragraphe (4) de l'art. 17 de la Loi sur la Cour fédérale est invoqué comme fondement de la compétence pour connaître de l'action intentée par la Couronne. Les paragraphes (1) et (2) confèrent à la Division de première instance de la Cour fédérale la compétence pour connaître des actions intentées par la Couronne et leur validité n'est pas contestée. Il n'est pas non plus question de la validité du par. (3) qui donne compétence dans certains cas à la Cour fédérale pour connaître d'un litige opposant la Couronne et une personne, si elles en ont convenu par écrit, et des procédures en vue de trancher des réclamations contradictoires relativement à une prétendue obligation de la Couronne. Le paragraphe (4) se lit comme suit:
(4) La Division de première instance a compétence con- currente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la Couronne ou le procureur général du Canada demande redressement; et
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir un redressement contre une personne en raison d'un acte
' [1977] 2 R.C.S. 654.
ou d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonctions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne.
Ce paragraphe a remplacé l'art. 29d) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, S.R.C. 1952, c. 98, qui conférait compétence à la Cour de l'Échiquier
dans toutes les autres actions et poursuites d'ordre civil, en common law ou en equity, dans lesquelles la Couronne est demanderesse ou requérante.
Dans l'arrêt Quebec North Shore Paper Company, cette Cour a souligné au sujet de cette disposition que pour traduire des personnes devant la Cour de l'Échiquier, la Couronne du chef du Canada doit au préalable établir que son action relève de la législation fédérale applicable, que ce soit une loi, un règlement ou la common law.
Il ne s'agit donc pas de décider en l'espèce si la demande de redressement de la Couronne relève d'un domaine de compé- tence législative fédérale, mais de déterminer si elle est fondée sur la législation fédérale applicable. Je ne pense pas que, pris littéralement, le par. 17(4), qui vise à habiliter la Cour fédérale à connaître de tout genre d'action d'ordre civil du seul fait que la Couronne du chef du Canada fait une réclamation à titre de demanderesse, constitue une législation fédérale valide en vertu de l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. La règle de common law selon laquelle la Couronne peut poursui- vre devant tout tribunal ayant compétence dans le domaine pertinent, élaborée dans le régime unitaire anglais, ne peut s'appliquer intégralement au Canada, un état fédéral, les pouvoirs législatifs et exécutifs sont répartis entre les législatu- res et gouvernements centraux et provinciaux et où, en outre, le pouvoir du Parlement d'établir des tribunaux est limité par la Constitution.
et (aux pages 662 et 663) il dit:
Il reste donc à déterminer, quant à la question de la compé- tence, s'il existe une législation fédérale applicable aux présents pourvois qui donne à la Cour fédérale compétence pour connaî- tre de l'action de la Couronne concernant la demande de dommages-intérêts et la réclamation fondée sur le cautionne- ment. Dans l'affaire Quebec North Shore Paper Company, cette Cour a parlé de ce que j'appellerai pour plus de commo- dité le droit de la Couronne:
... Il est bon de rappeler que le droit relatif à la Couronne a été introduit au Canada comme partie du droit constitution- nel ou du droit public de la Grande-Bretagne; on ne peut donc prétendre que ce droit relève du droit provincial. Dans la mesure la Couronne, en tant que partie à une action, est régie par la common law, il s'agit de droit fédéral pour la Couronne du chef du Canada, au même titre qu'il s'agit de droit provincial pour la Couronne du chef d'une province, qui, dans chaque cas, peut être modifié par le Parlement ou la législature compétente. Il n'est pas question en l'espèce de droit de la Couronne.
On ne peut conclure de cet extrait qu'il suffit à la Couronne d'être partie à un contrat qu'elle invoque dans son action à titre de demanderesse pour que l'exigence relative à la législation fédérale applicable soit remplie. La situation est différente si la responsabilité de la Couronne est en cause car il existe des règles de common law en matière de responsabilité contrac- tuelle et de non-responsabilité délictuelle de la Couronne, règles
cependant considérablement modifiées par la législation. Lors- qu'il ne s'agit pas de la responsabilité de la Couronne mais de celle de l'autre partie à un contrat bilatéral, la situation n'est plus la même quant au droit de la Couronne d'obliger cette personne à agir en défense dans une action intentée en Cour fédérale.
Le procureur général du Canada soutient au nom de la Couronne que, puisque le contrat de construction concerne un ouvrage ou un bien publics, la législation fédérale s'applique. Il n'a toutefois pas précisé quelle loi fédérale. L'action de la Couronne n'est manifestement fondée sur aucune loi et cette dernière n'invoque aucun principe de droit qui lui serait parti- culier en vertu duquel ses réclamations contre les appelants pourraient être entendues ou tranchées. L'avocat représentant le procureur général a été assez franc pour admettre que sa thèse reposait sur la prétention que la Cour fédérale était compétente pour entendre toute réclamation de la Couronne fondée sur un contrat. J'ai déjà indiqué que cette thèse est insoutenable et que le par. 17(4) serait nettement ultra vires si c'était sa portée. Il n'est valide que dans la mesure il reste dans les limites prescrites par l'art. 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Le raisonnement s'applique à la réclamation de la Couronne fondée sur le cautionnement tout comme à sa demande de dommages-intérêts contre McNamara. On a plaidé qu'il exis- tait une différence parce que (1) le par. 16(1) de la Loi sur les travaux publics, maintenant S.R.C. 1970, c. P-38, oblige le ministre responsable à obtenir une garantie suffisante de l'exé- cution régulière d'un contrat visant des travaux publics et que (2) l'arrêt Consolidated Distilleries c. Le Roi, précité, fait jurisprudence sur le droit de la Couronne d'invoquer la compé- tence de la Cour fédérale lorsqu'elle intente une action fondée sur un cautionnement. Aucun de ces arguments n'améliore la situation de la Couronne. Le paragraphe 16(1) de la Loi sur les travaux publics formule une exigence administrative, la néces- sité d'une garantie, mais reste muet sur le droit régissant l'exécution de la garantie. L'arrêt Consolidated Distilleries porte sur une action fondée sur un cautionnement fourni en conformité d'une loi fédérale, la Loi du Revenu de l'intérieur, et, comme l'a souligné le Conseil privé [TRADUCTION] «l'objet des actions découlait directement d'une loi du Parlement por- tant sur l'accise» (voir [1933] A.C. 508 à la p. 521).
Si j'ai bien compris son raisonnement, le prin- cipe de droit qui régit la décision McNamara pose «comme condition préalable à l'exercice par la Cour fédérale de sa compétence, l'existence d'une législation fédérale ... sur laquelle on puisse fonder les procédures» 2 . Les parties reconnaissent
2 La présente cour a appliqué ce principe dans:
a) Associated Metals & Minerals Corporation c. L'«Evie W11 [1978] 2 C.F. 710.
b) Le «Capricorn» c. Antares Shipping Corp. [1978] 2 C.F. 834.
c) Hawker Industries Limited c. Santa Maria Shipowning and Trading Company, S.A. [1979] 1 C.F. 183.
d) Benson Bros. Shipbuilding Co. (1960) Ltd. c. Mark
Shipping Co. Ltd. (1978) 21 N.R. 260.
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qu'il n'existe pas de loi sur laquelle l'appelante fonde son action en exécution de contrat contre les intimées, qui puisse être considérée comme une législation fédérale au sens de l'expression employée dans McNamara.
Cependant l'appelante fait valoir que le juge- ment de la Division de première instance était prématuré, en ce sens que si elle avait pu continuer son action, les intimées auraient probablement procédé contre la Couronne par voie de mise en cause et, dans ce cas, la Division de première instance aurait eu compétence pour entendre l'ac- tion de l'appelante, étant donné que l'on aurait alors «demandé contre la Couronne un redresse- ment». A mon avis, la réponse simple est que même si les intimées avaient présenté, par voie de mise en cause, une réclamation contre la Couronne (fondée sur leur contrat avec la Couronne) qui relèverait de la compétence de la Cour fédérale, cette procédure de mise en cause serait distincte de l'action que l'appelante a intentée contre les inti- mées et ne modifierait pas la nature de cette action de manière à faire ressortir à la Cour fédérale. 3 Je ne formule aucune opinion sur la question de savoir si, n'eût été l'obstacle constitutionnel mis au jour par l'arrêt McNamara, le libellé de la Loi sur la Cour fédérale aurait conféré à la Division de première instance compétence pour entendre l'ac- tion de l'appelante. Cependant, je peux dire qu'à mon avis, l'arrêt MacDougall General Contractors Ltd. c. The Foundation Co. of Ontario Ltd. [1952] 4 D.L.R. 630, sur lequel l'appelante se fonde, ne s'applique pas. Tout ce qu'il signifie à cet égard, si je l'ai bien compris, c'est que si un autre tribunal
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Dans McNamara, la condition n'a pas été respectée étant donné que la Couronne procédait en vertu de la loi provinciale régissant les contrats applicable à des parties civiles. Voir: La Reine c. Murray [1967] R.C.S. 262 le juge Martland (pronon- çant le jugement de la Cour) aux pp. 264 et suiv. Je n'ai pas oublié la distinction faite dans McNamara entre les actions intentées par la Couronne et les actions entamées contre elle. Je présume que la distinction repose sur le fait que Sa Majesté peut s'adresser aux tribunaux pour faire exécuter des contrats tout comme si elle était une partie civile, et ce, en raison de son privilège selon lequel elle ne peut être mise en cause devant ses propres tribunaux, mais une partie civile ne peut faire valoir légalement un droit contre Sa Majesté si aucune loi n'y pour- voit et, dans le cas du gouvernement du Canada, le texte de loi essentiel est une loi fédérale.
3 Voir: Le Roi c. La Banque de Montréal [1933] R.C.S. 311.
avait eu compétence exclusive, la Cour suprême de l'Ontario n'exercerait pas cette même compétence de façon indirecte à l'occasion d'une action visant à obtenir un jugement déclaratoire.
Je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.
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LE JUGE HEALD y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY y a souscrit.
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