A-577-77
In re Collavino Brothers Construction Company
Limited
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 21 décembre
1977 et le 13 janvier 1978.
Examen judiciaire — Ordonnance autorisant à entrer et
chercher des preuves se rapportant à une infraction à la Loi de
l'impôt sur le revenu ou à tout règlement — L'ordonnance ne
comporte aucune restriction relative au caractère spécifique
des documents, aucune précision quant à la période de temps
qu'ils couvrent, aux relations entre lesdits documents et une ou
des opérations spéciales, et à une ou des infractions spécifiques
à la Loi ou aux Règlements — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 231(4),(5) — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande, faite en vertu de l'article 28, pour le
compte d'une firme d'experts comptables, aux fins de faire
réviser et annuler la décision du Directeur général de la Direc
tion des enquêtes spéciales du ministère du Revenu national,
Impôt, et l'ordonnance d'un juge de comté autorisant des
personnes à entrer et chercher dans les bureaux et locaux
d'archives de la requérante, afin de découvrir les documents,
livres, registres, pièces etc, se rapportant à la Collavino Broth
ers Construction Company Limited qui pourraient servir de
preuve d'une infraction à toute disposition de la Loi de l'impôt
sur le revenu ou à tout règlement. La requérante se plaint de ce
que l'autorisation ne comporte aucune restriction relative au
caractère spécifique des documents, aucune précision quant à la
période de temps qu'ils concernent, aux relations entre lesdits
documents et une ou des opérations spéciales, et à une ou des
infractions spécifiques de la Loi ou des Règlements.
Arrêt (le juge suppléant MacKay dissident): la demande est
accueillie.
Le juge Heald: «L'infraction» évoquée à la dernière partie de
l'article 231(4) se rapporte à «une infraction» mentionnée à son
début. Ainsi interprété, le paragraphe limite clairement l'auto-
risation de saisir et d'emporter, etc. à l'infraction que le Minis-
tre a des motifs raisonnables de croire probable, et à une preuve
fournie sous serment et établissant la véracité des faits sur
lesquels est fondée la demande. Comme la preuve déposée par
le Ministre implique ces documents, etc. de la Collavino dans
un seul groupe d'opérations, il s'ensuit que l'autorisation de
saisir et d'emporter doit aussi être limitée aux mêmes docu
ments. Il serait absurde d'interpréter l'article 231(4) de
manière à permettre au ministère du Revenu de saisir tout bout
de papier se rapportant à la Collavino.
Le juge Urie: Comme dans l'établissement des faits nécessai-
res pour obtenir l'approbation du juge à l'autorisation du
Ministre, il faut se référer à une infraction spécifique commise
contre la Loi, il serait contraire à toute logique de dire que
l'autorisation ainsi approuvée permet d'enlever des locaux de la
tierce partie, que celle-ci soit liée ou non à l'infraction alléguée
ou à toute autre, tous documents, livres, etc.; et ce raisonne-
ment n'est pas appuyé par le libellé de l'article 231(4) et
constitue une extension injustifiée du pouvoir statutaire.
Le juge suppléant MacKay dissident: L'article 231(4) doit
être interprété de la façon suivante: la preuve produite devant le
juge dans la demande d'approbation d'une autorisation de
chercher et de saisir peut n'avoir trait qu'à une seule infraction
à la Loi, mais si les préposés procédant à la perquisition relative
à cette infraction découvrent des preuves de toute autre infrac
tion, ils peuvent aussi saisir ces preuves. Les documents et
pièces qui n'établissent aucune preuve d'infraction à la Loi
n'auraient pas dû être saisis car la saisie n'a pas été autorisée.
En l'espèce il s'agit, cependant, d'une demande, faite en vertu
de l'article 28, pour faire annuler une ordonnance approuvant
l'autorisation de chercher et de saisir. L'autorisation elle-même
n'a pas enfreint la loi. La requérante peut exercer d'autres voies
de recours pour obtenir le redressement relatif aux documents
illégalement saisis.
Arrêt examiné: Re United Distillers Ltd. (1964) 88 C.C.C.
338. Distinction faite avec l'arrêt: Canadian Bank of
Commerce c. Le procureur général du Canada [1962] 2
R.C.S. 729.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
R. E. Barnes, c.r., et K. W. Cheung pour
Coopers & Lybrand.
P. Schnier pour le ministre du Revenu
national.
PROCUREURS:
Wilson, Barnes, Walker, Montello, Beach &
Perfect, Windsor, pour Coopers & Lybrand.
Le sous - procureur général du Canada pour le
ministre du Revenu national.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'une demande, faite
en vertu de l'article 28, pour le compte de la firme
d'experts comptables Coopers & Lybrand, aux fins
de faire réviser et annuler la décision du Directeur
général de la Direction des enquêtes spéciales du
ministère du Revenu national, Impôt, et l'ordon-
nance en date du 2 août 1977, rendue à Windsor
par le juge Carl Zalev de la Cour de comté
d'Essex, autorisant G. W. Atkinson et autres, men-
tionnés dans ledit document portant le titre [TRA-
DUCTION] «Autorisation d'entrer et de chercher», à
entrer et chercher dans les bureaux et locaux
d'archives de la requérante, dans la ville de Wind-
sor, afin de découvrir les documents, livres, regis-
tres, pièces et choses appartenant ou se rapportant
à la Collavino Brothers Construction Company
Limited (ci-après appelée la Collavino) qui pour-
raient servir de preuve d'une infraction à toute
disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu ou à
tout règlement, de saisir et emporter tels docu
ments, livres, registres, pièces ou choses et de les
garder jusqu'à leur production devant la Cour.
On a dit que l'ordonnance précitée s'appuyait
sur les paragraphes 231(4) et (5) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, dont
voici le libellé:
231... .
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément d'un
juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément
que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner
sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit
tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que
tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout
autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et
toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à
chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment,
contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres,
registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet
de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un
règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres,
registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la cour.
(5) Une demande faite à un juge en vertu du paragraphe (4)
sera appuyée d'une preuve fournie sous serment et établissant
la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande.
L'autorisation en question se rapporte aussi à
d'autres documents en la possession et sous le
contrôle de personnes autres que la requérante et
situés dans des endroits autres que les locaux de
celle-ci. Mais la présente demande, faite en vertu
de l'article 28, est limitée à l'autorisation relative à
des documents en la possession de la requérante et
gardés dans les endroits y spécifiés, et seulement
dans la mesure où l'autorisation s'applique à elle.
La requérante se plaint surtout de ce que ladite
autorisation ne comporte aucune restriction ou
limitation relative au caractère spécifique des
documents, aucune précision quant à la période de
temps qu'ils concernent, aux relations entre lesdits
documents et une ou des opérations spéciales, et à
une ou des infractions spécifiques de la Loi ou des
Règlements. Le dossier déposé à l'appui de la
demande d'autorisation comporte trois affidavits
établissant que la requérante est une firme d'ex-
perts comptables, qu'elle a, à ce titre, tenu la
comptabilité de la Collavino et préparé les déclara-
tions d'impôt de celle-ci pour les années d'imposi-
tion 1974 et 1975. Il a aussi été établi que la
requérante a en sa possession des papiers de travail
et autres documents se rapportant de façon géné-
rale aux affaires de la Collavino et ne se limitant
pas aux années en question. Les preuves produites
n'ont pas suggéré que la requérante ait pris part à
une quelconque infraction de la Loi de l'impôt sur
le revenu ou des Règlements, pas plus qu'elles
n'ont établi les relations de la Collavino avec toute
opération qui pourrait constituer une infraction à
la Loi ou aux Règlements, sauf en ce qui concerne
des contrats de construction impliquant la Kendan
Manufacturing Limited (ci-après appelée la
Kendan) et un certain Dan Bryan, président,
directeur général et propriétaire d'un tiers des
actions ordinaires de cette dernière compagnie.
Tout en n'admettant pas que les preuves ont établi
[TRADUCTION] «des motifs raisonnables» de croire
à une participation de la Collavino dans des opéra-
tions de la Kendan et de Bryan et qui constitue-
raient une infraction commise par la Collavino, la
requérante attaque l'autorisation en question pour
le motif plus large que, si celle-ci devait s'étendre
aux documents en sa possession, on aurait dû la
limiter à ceux touchant les transactions entre,
d'une part, la Collavino, et, de l'autre, la Kendan
et Bryan. La requérante affirme que l'autorisation
est défectueuse et doit être annulée dans la mesure
où elle l'intéresse parce qu'elle ne comporte aucune
limitation dans son application aux documents de
la Collavino en ce qui concerne le temps, la catégo-
rie, la nature, le contenu et la matière.
Après avoir analysé les termes employés à l'arti-
cle 231(4) de la Loi (supra), je suis convaincu que
le raisonnement de la requérante a du poids. Dès le
commencement du paragraphe (4), la Loi requiert
que le Ministre ait des motifs raisonnables pour
croire qu'«une infraction à cette loi ... a été
commise ou sera probablement commise. ...» [Mis
en italiques par mes soins.] Le dernier membre de
phrase, qui autorise à saisir et emporter des docu
ments, etc., limite l'autorisation à ceux «qui peu-
vent servir de preuve au sujet de l'infraction de
toute disposition de la présente loi....» [Mis en
italiques par mes soins.] Il est évident que «d'in-
fraction» évoquée à la dernière partie du paragra-
phe (4) se rapporte à «une infraction» mentionnée
à son début. Ainsi interprété, le paragraphe limite
clairement l'autorisation de saisir et d'emporter,
etc. à l'infraction que le Ministre a des motifs
raisonnables de croire probable, et dont il est
requis, en vertu du paragraphe (5), d'avoir une
preuve fournie sous serment et établissant la véra-
cité des faits sur lesquels est fondée la demande.
Ainsi, en l'espèce, comme la preuve déposée par le
Ministre implique ces documents, etc. de la Colla -
vino dans les seules opérations intervenues entre
elle et la Kendan et Bryan, il s'ensuit que l'autori-
sation de saisir et d'emporter doit aussi être limitée
aux mêmes documents.
J'admets avec l'avocat de la requérante qu'il
serait ridicule et absurde d'interpréter l'article
231(4) de manière à permettre au ministère du
Revenu de saisir et emporter tout bout de papier se
trouvant sous la garde de la requérante et se
rapportant à la Collavino [TRADUCTION] «à partir
de l'année 1919», comme l'a dit l'avocat, et cou-
vrant tout contrat de maison et tout contrat de
construction intéressant la Collavino et des myria-
des de propriétaires à travers les années, au motif
qu'ils serviront de preuve à toute infraction possi
ble de la Loi durant deux années d'imposition et
relativement à deux propriétaires de maisons. Pour
interpréter ledit paragraphe dans le sens allégué
par l'avocat de l'intimé, il serait nécessaire, à mon
avis, d'y insérer dans sa dernière partie l'adjectif
«toute» avant le mot «infraction». Cette partie du
paragraphe serait alors rédigée comme suit: «qui
peuvent servir de preuve au sujet de toute infrac
tion de toute disposition de la présente loi ...» .
Ainsi, il faudrait biffer l'article «l'» (devant infrac
tion) et le remplacer par «toute». Cependant, puis-
que les mots sont employés dans leur sens gram
matical habituel, et puisqu'il ne faut pas ajouter
d'autres mots à ceux employés par le Parlement, ni
en biffer, on doit nécessairement interpréter le
paragraphe de la manière expliquée par l'avocat de
la requérante.
Je suis aussi d'avis qu'en cas de doute relatif au
libellé d'une loi fiscale, il faut donner au contri-
buable le bénéfice du doute, au motif qu'on pour-
rait présumer que le Parlement, dans de pareils
cas, n'a pas voulu léser des droits privés'. Je n'ai
aucun doute en l'espèce, pour les motifs précités;
mais si j'en avais, j'aurais résolu la question en
faveur du contribuable pour les raisons ci-dessus
The Construction of Statutes, E. A. Driedger, pages 152 et
153.
données par le Dr Driedger.
L'avocat de l'intimé s'est appuyé sur Canadian
Bank of Commerce c. Le procureur général du
Canada 2 . A mon avis, le cas cité est évidemment
différent de la présente espèce. Tout d'abord, il
relève de l'article 126 de la Loi de l'impôt sur le
revenu dans sa version antérieure à celle de la
présente loi. L'article 126 habilite le Ministre à
faire des recherches «Pour toute fin connexe à
l'application ou à l'exécution de la présente loi».
Ladite fin est bien plus large que «[la croyance]
qu'une infraction à cette loi ... a été commise ou
sera probablement commise», suivant le libellé du
présent article. D'autres différences importantes
existent entre l'article 126 et l'article 231(4) de la
présente loi. L'article 231(4) requiert que le
Ministre ait des motifs raisonnables de croire
qu'une infraction a été commise, et le paragraphe
(5) exige que cette croyance soit établie sur une
preuve fournie sous serment. Selon ces deux para-
graphes, manifestement le Parlement reconnaît
que les pouvoirs conférés par l'article 231(4) com-
portant des empiétements graves sur les droits de
propriété et de vie privée, reconnus par la common
law, doivent être soigneusement délimités et com-
porter les dispositions intrinsèques de sauvegarde.
A mon avis, ces différences importantes entre les
libellés respectifs des articles pertinents de la Loi
de l'impôt sur le revenu rendent l'arrêt Canadian
Bank of Commerce inapplicable à notre espèce.
En conséquence, pour les motifs précités, j'ac-
cueille la présente demande faite en vertu de l'arti-
cle 28, j'annule l'ordonnance du Directeur général
de la Direction des enquêtes spéciales du ministère
du Revenu national, Impôt, et du juge Carl Zalev
en date du 2 août 1977, et je renvoie la matière
audit directeur général et audit juge pour qu'ils
délivrent une nouvelle autorisation limitant le droit
de saisir des documents, livres, registres, pièces ou
choses, à ceux en la possession de la requérante et
qui se rapportent aux transactions intervenues
entre la Collavino, Dan Bryan et Kendan, concer-
2 [1962] R.C.S. 729.
nant la construction de la demeure de Bryan et
d'une annexe à l'usine de Kendan.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande faite en
vertu de l'article 28 aux fins de faire réviser et
annuler une «Autorisation d'entrer et de chercher»
délivrée, conformément à l'article 231(4) de la Loi
de l'impôt sur le revenu, par le Directeur général
de la Direction des enquêtes spéciales du ministère
du Revenu national, Impôt, le 28 juin 1977, et
approuvée par le juge Zalev de la Cour de comté
d'Essex, le 2 août 1977. L'autorisation en question
comporte le droit d'entrer et de chercher dans les
locaux de la requérante.
En résumé, voici les faits saillants révélés dans
l'affidavit déposé à l'appui de la requête en
autorisation.
La requérante est une firme d'experts compta-
bles exerçant à deux endroits à Windsor (Ontario),
inter alia. Elle compte, parmi ses clients, la Col-
lavino Brothers Construction Company Limited
(ci-après appelée la Collavino Brothers) que l'on
décrit comme une grande entreprise de construc
tion générale ayant ses locaux à Windsor. Au
cours de ses activités, la Collavino Brothers a
conclu et signé un contrat pour la construction,
sous la surveillance d'un architecte, d'une maison à
Windsor, pour le compte d'un certain Dan Bryan,
pour la somme de $43,000. Le dossier des coûts
révèle, selon les témoignages, que le coût effectif
de construction de la maison, frais généraux com-
pris, se monte à $90,397. Au 9 juin 1977, lorsque
les affidavits ont été déposés, l'entrepreneur avait
effectivement reçu $37,200.
La Collavino Brothers a aussi construit une
annexe à l'usine existante de la Kendan Manufac
turing Limited, dont Dan Bryan est à présent
président. Le total des factures pour ce travail se
monte à $364,500, dont $4,500 ont été défalqués
comme mauvaise créance. Les registres de la Col-
lavino Brothers montrent que le total des frais, y
compris les frais généraux, se monte à $226,827
pour la construction de l'annexe.
L'affidavit de John William Brown, agent du
ministère du Revenu national, Impôt, au district
fiscal de Windsor, énonce les faits précités avec
plus de détails, et déclare que la Collavino Bro
thers a essuyé une perte de $53,197 pour la cons
truction de la maison de Bryan, mais a réalisé un
bénéfice de $133,173 pour la construction de l'an-
nexe à l'usine de la Kendan.
Puis les paragraphes 12 18 inclus énoncent la
base sur laquelle l'intimé demande l'approbation
de l'autorisation d'entrer et de chercher:
[TRADUCTION] 12. Veuillez trouver ci-joint mon affidavit, celui
de David Foy, identifié comme pièce «A». A la suite de mon
examen de ladite pièce «A» et de mon enquête, j'ai des motifs
raisonnables pour croire, et je crois, que la Collavino Brothers
Construction Company Limited et Mario Collavino ont fait des
inscriptions fausses et trompeuses dans les livres de compte de
la compagnie susnommée par l'inclusion, dans les factures de
construction d'une annexe à l'usine de la Kendan Manufactur
ing Limited, d'une somme d'environ $53,197 comme étant
partie du coût de la demeure de Dan Bryan, actionnaire de la
Kendan Manufacturing Limited.
13. A la suite de mon examen de ladite pièce «A» et de mon
enquête, j'ai des motifs raisonnables pour croire et je crois que
la Collavino Brothers Construction Company Limited a
commis une infraction à l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le
revenu modifiée, en faisant des inscriptions fausses et trompeu-
ses dans les livres de compte de ladite Collavino Brothers
Construction Company Limited, au cours des années 1974 et
1975.
14. Veuillez trouver ci-joint mon affidavit et celui de Gregory
Atkinson identifié comme pièce «B». A la suite de mon examen
dudit affidavit et de mon enquête, j'ai des motifs raisonnables
de croire et je crois que la Kendan Manufacturing Limited a
inclus dans son relevé des frais de construction des immobilisa-
tions le coût de construction de l'annexe à son usine comme se
montant à $360,000, dont environ $53,197 correspondant à une
partie du coût de la demeure de Dan Bryan, comme il a été
indiqué au paragraphe 10 de mon affidavit. La Kendan Manu
facturing Limited a réclamé une allocation du coût en capital
de $360,000, dont $53,197 réclamés à tort comme déduction de
son revenu dans sa déclaration T2 pour l'année d'imposition
1975.
15. A la suite de mon examen des déclarations du revenu TI
déposées par Dan Bryan pour les années 1974 et 1975, je sais
que ledit Dan Bryan n'a déclaré comme bénéfice aucune partie
des $53,197 qui constitue une partie du coût de sa demeure
payée par la Kendan Manufacturing Limited dans ses déclara-
tions TI de revenu pour les années 1974 et 1975.
16. A la suite de mon enquête, j'ai des motifs raisonnables pour
croire et je crois que la Kendan Manufacturing Limited et Dan
Bryan ont commis une infraction à l'article 239 de la Loi de
l'impôt sur le revenu modifiée, en faisant des déclarations
fausses et trompeuses dans les déclarations de ladite Kendan
Manufacturing Limited pour les années d'imposition 1974 et
1975.
17. La Collavino Brothers Construction Company Limited pos-
sède un atelier de construction de bureaux et de maisons à
l'angle de la rue Walker et de la route 401 où elle est censée
garder les documents et papiers relatifs à ses opérations pour
les années d'imposition 1974 et 1975.
18. La firme d'experts comptables, Coopers & Lybrand, 500,
avenue Ouellette, à Windsor (Ontario), a préparé les états
financiers et les déclarations de revenu de la Collavino Brothers
Construction Company Limited pour les années 1974 et 1975
et a en sa possession des papiers de travail et autres documents
relatifs aux affaires fiscales de ladite compagnie.
Voici des parties pertinentes de l'autorisation
d'entrer et de chercher donnée par le juge Zalev:
[TRADUCTION] Le Directeur général de la Direction des
enquêtes spéciales du ministère du Revenu national, Impôt,
autorise, par les présentes, G. W. ATKINSON, H. R. JANE ...
agents du ministère du Revenu national, ou l'un quelconque
d'entre eux, avec tels membres de la Gendarmerie royale ou
d'autres agents de la paix qu'ils peuvent, ou que l'un quelcon-
que d'entre eux peut appeler à leur aide pour entrer et chercher,
en usant de la force s'il le faut, les locaux suivants ainsi que
tout contenant et endroit desdits locaux:
a) Les locaux commerciaux de la Collavino Brothers Con
struction Company Limited se trouvant à l'angle de la rue
Walker et de la route 401 Windsor (Ontario).
b) Les locaux commerciaux de la Kendan Manufacturing
Limited au 770, rue Division à Windsor (Ontario).
c) La demeure privée de Dan Bryan, 3790, avenue Hunting-
ton à Windsor (Ontario).
en vue de découvrir des documents, livres, registres, pièces ou
choses qui peuvent servir de preuve au sujet de l'infraction de
toute disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu ou d'un
règlement et de saisir et emporter ces documents, livres, regis-
tres, pièces ou choses et de les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la Cour;
d) Les bureaux de la firme d'experts comptables Coopers &
Lybrand ainsi que dans tous les locaux d'archives occupés ou
contrôlés par elle au 500, avenue Ouellette à Windsor
(Ontario).
e) Les bureaux de la firme d'experts comptables Coopers &
Lybrand ainsi que dans tous les locaux d'archives occupés ou
contrôlés par elle au 201, rue Shepherd est à Windsor
(Ontario).
FAIT par moi-même dans la ville d'Ottawa, province de
l'Ontario, le 28 juin 1977.
« u
Le Directeur général de la Direction des
enquêtes spéciales du ministère
du Revenu national, Impôt.
Après examen de la demande faite par le Directeur général de
la Direction des enquêtes spéciales sur la base d'un affidavit de
John William Brown, j'approuve l'autorisation précitée, ladite
approbation étant indiquée sur la page précédente par l'apposi-
tion de mes initiales.
Windsor, le 2 août 1977.
«Cari Zalev»
CARL ZALEV
Juge de la Cour de comté d'Essex.
L'autorisation a été émise et approuvée confor-
mément à l'article 231(4) et (5) de la Loi de
l'impôt sur le revenu et de l'article 900(5) des
Règlements dont voici le libellé:
231. ...
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément d'un
juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément
que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner
sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit
tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que
tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout
autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et
toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à
chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment,
contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres,
registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet
de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un
règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres,
registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la cour.
(5) Une demande faite à un juge en vertu du paragraphe (4)
sera appuyée d'une preuve fournie sous serment et établissant
la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande.
900. ...
(5) Le Directeur général de la Direction des enquêtes spécia-
les du ministère du Revenu national, Impôt et tout fonction-
naire qui occupe un poste de directeur dans cette Direction
peuvent exercer les pouvoirs et les fonctions que les paragra-
phes 150(2), 231(2), (3) et (4) et 244(4) de la Loi attribuent au
Ministre.
Aucune preuve produite devant nous n'indique
ce qui a été saisi par les agents du ministère du
Revenu national dans les bureaux de Coopers &
Lybrand, mais on nous a informé que toute chose
en la possession de cette firme et se rapportant en
quelque manière que ce soit à la Collavino Broth
ers Construction Company Limited, avait été
saisie, et que rien n'avait été rendu, quoique la
requérante ait eu accès à certaines occasions,
apparemment à l'endroit où lesdits documents sont
gardés par le ministère du Revenu national.
Initialement il a allégué qu'aucune preuve pro-
duite devant le juge Zalev n'aurait pu, pour des
motifs raisonnables, indiquer que la Collavino Bro
thers ait en quoi que ce soit commis une infraction
à la Loi de l'impôt sur le revenu. L'avocat de la
requérante a, cependant, sincèrement admis plus
tard qu'il y avait suffisamment de preuve pour
justifier d'entrer et de chercher non seulement
dans les locaux de cette firme, mais aussi dans
ceux de sa cliente, laquelle n'est, bien entendu,
impliquée dans aucune infraction alléguée. A son
avis, cependant, l'autorisation de saisie et de réten-
tion aurait dû être limitée à ceux des documents,
livres, registres, pièces et choses se rapportant aux
contrats conclus entre la Collavino Brothers, la
Kendan Manufacturing Limited et Daniel Bryan.
L'avocat ayant reconnu cela, je présume qu'il y
avait des motifs raisonnables permettant au Direc-
teur général de conclure qu'une infraction à une
disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu avait
été commise, que la Collavino Brothers y soit ou
non partie, et que ses écritures relatives aux deux
contrats pourraient servir à déterminer s'il y avait
eu en fait infraction.
A mon avis, l'avocat a agi de façon correcte en
admettant qu'il y avait des motifs raisonnables
pour croire qu'une infraction à la Loi de l'impôt
sur le revenu avait été commise. Le Directeur
général et le savant juge avaient nombre de preu-
ves pour conclure en ce sens. Il est plus difficile de
déterminer si l'autorisation, telle qu'elle est libel-
lée, est défectueuse.
A mon avis, pour répondre à cette question, il
faut étudier l'historique de la pratique des recher-
ches et saisies, le contexte statutaire dans lequel le
paragraphe en question figure, et le sens habituel
des termes y employés, lesquels doivent être inter-
prétés dans leur contexte historique et actuel.
C'est une banalité de dire que, dès le début, on a
reconnu que la délivrance d'un mandat de perqui-
sition, en général autorisée par la loi, au moins
dans ce pays, est une mesure extraordinaire incom
patible avec le droit reconnu à l'inviolabilité des
biens appartenant à un individu et de ceux appar-
tenant à d'autres personnes, mais qu'il a légale-
ment en sa possession. C'est pourquoi les tribu-
naux ont cherché avec soin à s'assurer que le
pouvoir statutaire d'entrer, de chercher et de prati-
quer des saisies ne donne pas lieu à des abus. Ce
souci est particulièrement évident concernant les
mandats de perquisition délivrés contre le proprié-
taire ou l'occupant d'un immeuble, ou le posses-
seur légal de marchandises, documents ou registres
appartenant à d'autres, ladite personne étant une
tierce partie sans lien avec l'opération qui donne
lieu à l'exercice du pouvoir statutaire 3 . La plupart
des décisions jurisprudentielles traitent des perqui-
sitions et saisies sur mandats délivrés conformé-
ment aux dispositions correspondantes du Code
criminel, mais on ne voit pas pour quelle raison le
principe fondamental de restriction de la saisie en
stricte conformité avec le pouvoir statutaire ne
serait pas applicable à l'autorisation délivrée con-
formément à l'article 231(4) de la Loi de l'impôt
sur le revenu.
Dans la présente demande, le litige consiste donc
à déterminer si tous les documents saisis dans les
bureaux de la requérante devraient avoir fait l'ob-
jet de saisie et de rétention en vertu de
l'autorisation.
Comme il a été dit ci-dessus, l'autorisation
ordonne aux personnes y désignées d'entrer et de
chercher dans les bureaux de la firme requérante
pour découvrir, inter alla, «des documents, livres,
registres, pièces ou choses appartenant ou se rap-
portant à la Collavino Brothers Construction Com
pany Limited et qui peuvent servir de preuve au
sujet de l'infraction de toute disposition de la Loi
de l'impôt sur le revenu ou d'un règlement, et de
saisir et emporter ces documents, livres, pièces ou
choses et de les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la Cour. ...» [C'est moi qui
souligne.]
L'intimé allègue que les termes employés sont
exactement les mêmes que ceux de la dernière
partie de l'article 231(4), ce qui est évidemment
vrai, et qu'ainsi, par l'intermédiaire de ses prépo-
sés, le Ministre avait le droit de saisir et de retenir,
sans restriction, toute chose trouvée dans les
locaux de Coopers & Lybrand, se rapportant à la
Collavino Brothers et pouvant servir de preuve
d'une infraction à toute disposition de la Loi, que
cette infraction serve ou non de fondement à la
demande d'approbation de l'autorisation du Minis-
tre. L'autorisation n'est pas défectueuse puisque
son libellé est conforme à celui de la Loi, et, de
l'avis de l'avocat, si les agents effectuant les saisies
ont dépassé le pouvoir accordé par l'autorisation, il
faut chercher ailleurs des mesures correctives,
mais on ne peut mettre en doute la validité du
document.
3 Voir Re United Distillers Limited (1964) 88 C.C.C. 338, à
la page 341.
Le paragraphe (5) de l'article 231 exige que la
demande faite à un juge en vertu du paragraphe
(4) soit appuyée d'une preuve fournie sous serment
et établissant la véracité des faits sur lesquels est
fondée ladite demande. On a allégué une infrac
tion à l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le
revenu, ainsi qu'il appert de la partie précitée de
l'affidavit de M. Brown. Ledit affidavit, et d'autres
qui ont été déposés, ont fourni des preuves de
l'infraction «établissant la véracité des faits sur
lesquels est fondée la demande». C'est évidemment
cette infraction qui doit être établie à la satisfac
tion du juge, conformément au premier membre de
phrase du paragraphe (4), à savoir: «Lorsque le
Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a
été commise ...».
Comme dans l'établissement des faits nécessai-
res pour obtenir l'approbation du juge à l'autorisa-
tion du Ministre, il faut se référer à une infraction
spécifique commise contre la Loi, il serait, à mon
avis, contraire à toute logique de dire, ainsi que l'a
fait l'avocat du Ministre, que l'autorisation ainsi
approuvée permet d'enlever des locaux de la tierce
partie, que celle-ci soit liée ou non à l'infraction
alléguée ou à toute autre, tous documents, livres,
registres, pièces ou choses. Non seulement ce rai-
sonnement défie toute logique, mais il n'est pas, à
mon avis, appuyé par le libellé de l'article 231(4)
et il constitue une extension injustifiée du pouvoir
statutaire, lequel, ainsi qu'il a été noté plus haut,
doit être strictement limité à celui accordé par le
Parlement.
Pour permettre de comprendre la position du
Ministre, voici le libellé de l'article 231(4) réduit à
l'essentiel:
Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
... il peut, avec l'agrément d'un juge ... autoriser ... tout
fonctionnaire ... à entrer et à chercher, ... dans tout bâtiment,
... en vue de découvrir les documents, livres, ... qui peuvent
servir de preuve au sujet de l'infraction de toute disposition de
la présente loi ... et à saisir et à emporter ces documents, ... et
à les retenir.... [C'est moi qui souligne.]
L'avocat du Ministre soutient que dès qu'une
infraction a été établie à la satisfaction du juge, on
n'a plus besoin de restreindre l'autorisation à l'in-
fraction citée à l'appui de la demande d'approba-
tion, mais qu'on peut l'étendre à toute infraction à
toute disposition de la Loi, en vertu des mots
soulignés dans la version dépouillée précitée. Par
conséquent, à son avis, tout document appartenant
à la Collavino Brothers et se trouvant en la posses
sion de la requérante peut faire l'objet d'une saisie.
A mon avis, cette allégation n'interprète pas
correctement l'article en question, pour les motifs
que je vais indiquer.
Tout d'abord, lorsque le début de l'article men-
tionne une infraction, il s'agit de l'infraction spéci-
fiée dans la preuve établissant la véracité des faits.
En deuxième lieu, l'infraction évoquée dans la
dernière partie de l'article doit être la même que
celle établie par la preuve. S'il n'en était pas ainsi,
le Parlement, en se référant à l'infraction, aurait
employé l'article indéfini «une» ou le mot «toute».
Cela aurait dispersé tout doute quant à son
intention.
En troisième lieu, le début de l'article est ainsi
rédigé: «une infraction à cette loi ...». Ce libellé
englobe certainement toute disposition de la Loi.
Ainsi, à mon avis, le dernier membre de phrase
de toute disposition de la présente loi»
n'apporte aucun argument en faveur de la thèse de
l'avocat. Les deux membres de phrase se réfèrent
exactement à la même chose. La clé du problème
réside dans l'emploi de l'article indéfini «une» au
début de l'article et de l'article défini «la» vers la
fin de l'article, et non dans l'emploi de «toute»
devant le mot «disposition». A mon avis, l'infrac-
tion en question est celle dont la probabilité est
établie par la preuve sur des fondements
raisonnables.
En quatrième lieu, l'interprétation précitée est
compatible avec l'exigence de preuve mentionnée
dans le paragraphe (5). Ledit paragraphe serait de
peu d'utilité si le point de vue du Ministre devait
prévaloir. En outre, l'interprétation précitée est
mieux en accord avec l'esprit général des disposi
tions relatives à la perquisition et à la saisie, lequel
exige une restriction à l'invasion arbitraire des
droits de propriété d'une personne, et ne permet
son exercice qu'en stricte conformité avec la loi
autorisant cette invasion.
L'autorisation est défectueuse dans la mesure où
elle permet la saisie de tous documents, livres,
registres, pièces ou choses se rapportant à la Colla-
vino Brothers et en la possession de la requérante.
En conséquence, j'annule l'autorisation et ren-
voie la matière au Ministre et au juge Zalev pour
délivrance d'une nouvelle autorisation limitant le
droit de saisie aux documents, livres, registres,
pièces ou choses se trouvant en la possession de la
requérante et se rapportant aux transactions inter-
venues entre la Collavino Brothers Construction
Company Limited, Dan Bryan et la Kendan
Manufacturing Limited, relativement à la cons
truction de la demeure de Bryan et à celle de
l'annexe à l'usine de la Kendan Manufacturing
Limited.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY (dissident): Les
faits donnant lieu à cette demande, faite en vertu
de l'article 28, ne sont pas contestés et ont été
pleinement énoncés dans les motifs du jugement de
mes collègues Heald et Urie. Il me suffira de les
mentionner brièvement.
La requérante Coopers & Lybrand est une firme
d'experts comptables. L'une de ses clientes est la
Collavino Brothers Construction Company Lim
ited, entreprise de construction.
Censés agir en vertu d'une autorisation de per-
quisition et de saisie signée, pour le ministre du
Revenu national, par le Directeur général de la
Direction des enquêtes spéciales du Ministère,
autorisation approuvée par le juge Zalev, des pré-
posés du Ministère ont saisi tous les documents et
pièces en la possession de la requérante et faisant
partie des affaires de sa cliente la Collavino Bro
thers ou se référant auxdites affaires.
L'autorisation de chercher et de saisir et son
approbation par le juge Zalev ont été délivrées
conformément aux paragraphes 231(4) et (5) de la
Loi de l'impôt sur le revenu dont voici le libellé:
231...
(4) Lorsque le Ministre a des motifs raisonnables pour croire
qu'une infraction à cette loi ou à un règlement a été commise
ou sera probablement commise, il peut, avec l'agrément d'un
juge d'une cour supérieure ou d'une cour de comté, agrément
que le juge est investi par ce paragraphe du pouvoir de donner
sur la présentation d'une demande ex parte, autoriser par écrit
tout fonctionnaire du ministère du Revenu national ainsi que
tout membre de la Gendarmerie royale du Canada ou tout
autre agent de la paix à l'assistance desquels il fait appel et
toute autre personne qui peut y être nommée, à entrer et à
chercher, usant de la force s'il le faut, dans tout bâtiment,
contenant ou endroit en vue de découvrir les documents, livres,
registres, pièces ou choses qui peuvent servir de preuve au sujet
de l'infraction de toute disposition de la présente loi ou d'un
règlement et à saisir et à emporter ces documents, livres,
registres, pièces ou choses et à les retenir jusqu'à ce qu'ils soient
produits devant la cour.
(5) Une demande faite à un juge en vertu du paragraphe (4)
sera appuyée d'une preuve fournie sous serment et établissant
la véracité des faits sur lesquels est fondée la demande. [C'est
moi qui souligne.]
La demande d'approbation, présentée devant le
juge Zalev, était appuyée par des affidavits se
référant à une seule infraction à la Loi de l'impôt
sur le revenu. Il s'agit d'une opération impliquant
la Collavino Brothers, un certain Dan Bryan et la
Kendan Manufacturing Limited.
L'autorisation de chercher et de saisir, en partie
reproduite ci-après, dans la mesure oit elle inté-
resse le présent procès, a donné pouvoir à un
certain nombre de personnes nommément dési-
gnées d'entrer et de chercher dans:
[TRADUCTION] d) Les bureaux de la firme d'experts compta-
bles Coopers & Lybrand ainsi que dans tous les locaux
d'archives occupés ou contrôlés par elle au 500, avenue
Ouellette à Windsor (Ontario).
e) Les bureaux de la firme d'experts comptables Coopers &
Lybrand ainsi que dans tous les locaux d'archives occupés ou
contrôlés par elle au 201, rue Shepherd est à Windsor
(Ontario).
en vue de découvrir des documents, livres, registres, pièces ou
choses appartenant ou se rapportant à la Collavino Brothers
Construction Company Limited et qui peuvent servir de preuve
au sujet de l'infraction de toute disposition de la Loi de l'impôt
sur le revenu ou d'un règlement, et de saisir et emporter ces
documents, livres, registres, pièces ou choses et de les retenir
jusqu'à ce qu'ils soient produits devant la Cour, et
L'avocat de la requérante soutient que l'autori-
sation de chercher aurait dû être limitée à la
recherche des documents servant à établir la
preuve de l'infraction à laquelle renvoient les affi
davits produits devant le juge Zalev, et que celui-ci
n'aurait pas dû l'approuver dans son libellé large et
général.
Je ne peux admettre cette argumentation. L'au-
torisation a reproduit exactement le paragraphe
231(4). Le commencement de celui-ci traitant de
l'approbation par le juge, se réfère à une infraction
à la présente loi, etc. La dernière partie, autorisant
des perquisitions et des saisies, habilite les préposés
qui en sont chargés à saisir des livres, documents et
pièces qui peuvent servir de preuve au sujet de
l'infraction de toute disposition de la Loi ou des
Règlements.
La version anglaise de la Loi emploie le terme
«any» que The Shorter Oxford English Dictionary
définit ainsi: [TRADUCTION] «... n'importe lequel,
de tout genre ou nombre.... Dans des phrases
affirmatives: = ... Tout individu d'un genre
nommé.... De toute sorte, en toute quantité....
De toute catégorie... .
A mon avis, le paragraphe 231(4) doit être
interprété de la façon suivante: la preuve produite
devant le juge dans la demande d'approbation
d'une autorisation de chercher et de saisir peut
n'avoir trait qu'à une seule infraction à la Loi,
mais si les préposés procédant à la perquisition
relative à cette infraction découvrent des preuves
de toute autre infraction, ils peuvent aussi saisir
ces preuves.
Il est intéressant de noter que des préposés
agissant en vertu d'un mandat de perquisition
délivré en application des dispositions du Code
criminel ont des pouvoirs semblables pour saisir
des preuves se rapportant à d'autres infractions
que celle pour laquelle leur mandat a été délivré.
Voici le libellé de l'article 445 du Code criminel:
445. Quiconque exécute un mandat décerné en vertu de
l'article 443 peut saisir, outre ce qui est mentionné dans le
mandat, toute chose qu'il croit, pour des motifs raisonnables,
avoir été obtenue au moyen d'une infraction ou avoir été
employée à la perpétration d'une infraction, et peut la transpor
ter devant le juge de paix qui a décerné le mandat ou quelque
autre juge de paix pour la même circonscription territoriale,
afin qu'il en soit disposé conformément à l'article 446.
Les parties admettent que les personnes char
gées en l'espèce de perquisitionner ont saisi beau-
coup de documents et de pièces qui n'établissent
aucune preuve d'infraction à la Loi.
Ces documents et pièces n'auraient pas dû être
saisis. L'autorisation de chercher et de saisir n'a
pas autorisé à procéder à une telle saisie.
En l'espèce il s'agit, cependant, d'une demande,
faite en vertu de l'article 28, pour faire annuler
une ordonnance du juge Zalev approuvant l'autori-
sation de chercher et de saisir. L'autorisation elle-
même n'a pas enfreint la loi. Elle a été rédigée
conformément aux termes autorisés par la loi, et le
juge Zalev n'a commis aucune erreur de droit en
l'approuvant.
L'erreur a été commise par les personnes qui,
subséquemment, ont conduit la perquisition et ont
outrepassé le pouvoir à eux accordé par l'autorisa-
tion.
Le fait que des exécutants ont excédé le pouvoir
accordé par l'autorisation ne rend pas nulle l'auto-
risation ou son approbation par le juge Zalev. Je
rejette la demande faite en vertu de l'article 28.
Dans son avis de requête, la requérante a égale-
ment demandé ce qu'elle décrit comme des ordon-
nances subsidiaires:
(1) prescrivant que tous les documents saisis
soient confiés à la garde du shérif du comté
d'Essex et retenus par lui jusqu'à l'issue du
procès,
et
(2) enjoignant que tous les documents et pièces
saisis soient retournés à la requérante.
La Cour n'est pas compétente pour rendre des
ordonnances semblables à la suite d'une demande
faite en vertu de l'article 28. La requérante peut
exercer d'autres voies de recours pour obtenir le
redressement relatif aux documents illégalement
saisis.
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