A-728-77
Mario Paradis (Appelant)
c.
Verreault Navigation Inc. (Intimée)
et
Le Conseil canadien des relations du travail
(Mis-en-cause)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, le 17 mars; Ottawa, le
22 mars 1978.
Pratique — Requête pour obtenir l'autorisation de déposer
une décision prononcée par le Conseil canadien des relations
du travail, conformément à l'art. 123 du Code canadien du
travail — Requête rejetée par la Division de première instance
— La décision et les documents produits à l'appui doivent-ils
être révisés par le juge antérieurement à l'enregistrement et au
dépôt? — Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art.
123 — Règle 2(1)h) de la Cour fédérale.
Ce pourvoi est dirigé contre le jugement de la Division de
première instance rejetant la requête que l'appelant avait pré-
sentée pour obtenir l'autcirisation de déposer à la Cour confor-
mément à l'article 123 du Code canadien du travail, une copie
de la décision prononcée par le Conseil canadien des relations
du travail.
Arrêt: l'appel est accueilli. Il n'est pas nécessaire d'obtenir la
permission de la Cour pour déposer une copie d'une décision du
Conseil suivant l'article 123 car un document est déposé devant
la Cour par le fait même qu'il est déposé au greffe (voir Règle
2(1)h)). Il est vrai que, suivant l'article 123, le dépôt n'est
possible que si certaines conditions existent, mais on ne peut
déduire de cette exigence que le dépôt doive être précédé d'un
jugement constatant l'existence de ces circonstances. Celui qui
veut déposer une décision du Conseil devra, cependant, satis-
faire le fonctionnaire en charge du greffe (en produisant, par
exemple, un affidavit) que cette décision en est bien une dont
l'article 123 permet le dépôt. Si le créancier, qui a déposé une
décision à la Cour et l'a fait enregistrer, se prévaut ensuite de
l'article 123(2), soit pour forcer l'exécution de la décision, soit
pour obtenir que le défaut de s'y conformer soit puni, la Cour
pourra être appelée à déterminer si la décision a été exécutée et,
dans le cas où elle ne l'a pas été, si le défaut de s'y conformer
est excusable.
APPEL.
AVOCATS:
Joseph R. Nuss, c.r., et Gary H. Waxman
pour l'appelant.
Rémi Chartier pour l'intimée.
Personne ne s'est présentée pour le mis-en-
cause.
PROCUREURS:
Ahern, Nuss & Drymer, Montréal, pour
l'appelant.
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau-
dreau, Québec, pour l'intimée.
Conseil canadien des relations du travail,
Ottawa, pour le mis-en-cause.
Voici les motifs de la décision rendus en fran-
çais par
LE JUGE PRATTE: Ce pourvoi est dirigé contre le
jugement de la Division de première instance reje-
tant la requête que l'appelant avait présentée pour
obtenir l'autorisation de déposer à la Cour, confor-
mément à l'article 123 du Code canadien du tra
vail', une copie de la décision prononcée par le
Conseil canadien des relations du travail le 15
juillet 1977.
Le texte de l'article 123 est le suivant:
123. (1) Lorsqu'une personne, un employeur, une associa
tion patronale, un syndicat, un conseil de syndicats ou un
employé a omis de se conformer à une ordonnance ou une
décision du Conseil, toute personne ou association concernée
par l'ordonnance ou la décision peut, passé un délai de quatorze
jours à partir de la date de l'ordonnance bu de la décision ou de
la date d'exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure,
déposer à la Cour fédérale du Canada une copie du dispositif de
l'ordonnance ou de la décision.
(2) Dès son dépôt à la Cour fédérale du Canada effectué en
vertu du paragraphe (1), une ordonnance ou une décision du
Conseil doit être enregistrée à la Cour et cet enregistrement lui
confère la même force et le même effet que s'il s'agissait d'un
jugement émanant de cette Cour, et, sous réserve de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale, toutes les procédures lui faisant
suite peuvent dès lors être engagées en conséquence.
Le 15 janvier 1977, le Conseil, faisant droit à
une plainte que l'appelant avait portée contre l'in-
timée, décidait que celle-ci avait violé l'article
184(3)a)(i) du Codez en refusant de continuer à
employer l'appelant et ordonnait la réintégration
de l'appelant dans ses anciennes fonctions. Le dis-
positif de cette décision se lit comme suit:
S.R.C. 1970, c. L-1, modifié par S.C. 1972, c. 18.
2 Le texte de cette disposition est le suivant:
184....
(3) Nul employeur et nulle personne agissant pour le
compte d'un employeur ne doit
a) refuser d'embaucher ou de continuer à employer une
personne, ni autrement prendre contre une personne des
mesures discriminatoires en ce qui concerne un emploi ou
une condition d'emploi, parce que cette personne
(il est membre d'un svndirat
EN CONSÉQUENCE, le Conseil canadien des relations du travail,
par les présentes,
(1) Ordonne, en vertu de l'article 189 du Code canadien du
travail, que l'intimée, Verreault Navigation Inc., réintègre
immédiatement Mario Paradis dans le poste qu'il occupait à la
fin de la saison maritime de 1976, sans perte de taux de salaire
ni des droits et privilèges dont il aurait bénéficié n'eût été le
défaut de l'intimée de se conformer aux dispositions du Code
canadien du travail (Partie V—Relations industrielles); et
(2) Avec le consentement des parties, réserve sa juridiction
de déterminer le montant de l'indemnité exigible en vertu des
dispositions de l'article 189(b)(ii) du Code canadien du travail
au cas où les parties ne pourraient en venir à une entente.
C'est une copie de cette décision que l'appelant
voulait déposer à la Cour suivant l'article 123. S'il
a cru nécessaire de demander à la Division de
première instance la permission d'effectuer ce
dépôt, c'est que, peu de temps auparavant, il avait
été jugé qu'une décision du Conseil ne pouvait être
déposée suivant l'article 123 si ce dépôt n'avait été
préalablement autorisé par la Cour sur requête
signifiée à la partie adverse et appuyée d'un affida
vit établissant l'existence des conditions auxquelles
l'article 123(1) subordonne la possibilité d'effec-
tuer le dépôt.' Si, d'autre part, le premier juge a
rejeté la requête de l'appelant, c'est que, se fon
dant sur cette même jurisprudence, il a estimé que
l'appelant n'avait pas prouvé l'existence de ces
conditions.
Il n'est pas nécessaire, pour décider cet appel,
d'examiner et d'apprécier la motivation du juge-
ment attaqué. En effet, il m'apparaît que la
requête de l'appelant devait être rejetée pour un
motif autre que ceux qu'a invoqués le premier
juge. A mon avis, celui qui veut déposer une copie
d'une décision du Conseil suivant l'article 123 n'a
pas besoin d'obtenir la permission du tribunal pour
ce faire. La requête de l'appelant devait donc être
rejetée parce qu'elle était inutile.
L'article 123 édicte que, aux conditions qu'il
précise, une décision du Conseil peut être déposée
à la Cour. On dépose un document à la Cour en le
déposant au greffe (voir Règle 2(1)h)). Point n'est
besoin pour cela de l'intervention du juge. Il est
Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section
locale 529 c. Central Broadcasting Company Ltd. [1977] 2
C.F. 78 (Cattanach J.); et aussi, la décision du juge Walsh dans
Le Syndicat canadien de la Fonction publique, Local 660 c. La
Société Radio-Canada [1976] 2 C.F. 151.
vrai que, suivant l'article 123, ce dépôt n'est possi
ble que si certaines conditions existent. Mais on ne
peut déduire de cette exigence,. à mon avis, que k
dépôt doive être précédé d'un jugement constatant
l'existence de ces circonstances. Celui qui veut
déposer une décision du Conseil devra, bien sûr,
satisfaire le fonctionnaire en charge du greffe (er
produisant, par exemple, un affidavit prouvant
l'existence des circonstances décrites à l'article
123(1)) que cette décision en est bien une dont
l'article 123 permet le dépôt. Le fonctionnaire
prendra alors la décision purement administrative
d'accepter ou de refuser le document.
Le simple dépôt à la Cour d'une décision du
Conseil ne m'apparaît pas être, en lui-même, lourd
de conséquences. Je ne vois pas de raisons de k
subordonner à l'obtention préalable d'un jugement
de la Cour. Si le créancier qui a déposé une
décision à la Cour et l'a fait enregistrer se prévaut
ensuite de l'article 123(2), soit pour forcer l'exécu-
tion de la décision, soit pour obtenir que le défaut
de s'y conformer soit puni, la Cour, alors, pourra
être appelée à déterminer si la décision a été
exécutée et, dans le cas où elle ne l'a pas été, si k
défaut de s'y conformer est excusable. C'est à ce
moment-là, non auparavant, qu'il convient que ces
questions soient décidées.
Pour ces motifs, je rejetterais l'appel sans frais.
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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