A-464-75
Bendix Automotive of Canada Limited (Appe-
lante)
c.
La Reine (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges
Heald et Ryan—Ottawa, le 9 février 1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Estimation des
actions — Accord entre la compagnie-mère et Control Data
Corporation visant l'échange des actions de cette dernière
contre des actions dans Computing Devices of Canada —
Appelante tenue de déclarer un dividende aux termes de
l'accord — Valeur des actions négociées aux fins de la retenue
d'impôt pour les non-résidents — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.R.C. 1952, c. 148, art. 106(1a)a), 109(1), 139(1)a).
Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première
instance rejetant un appel interjeté contre une décision de la
Commission de révision de l'impôt qui déboutait l'appelante de
son pourvoi contre une cotisation qui augmentait la valeur d'un
dividende payé par l'appelante. En 1969, l'appelante a payé à
sa compagnie-mère un dividende aux termes d'un accord
d'échange d'actions conclu entre la compagnie-mère et Control
Data Corporation, à raison d'une action de Control Data contre
cinq actions de Computing Devices dont l'appelante était la
propriétaire. L'appelante fait valoir que la valeur du dividende
d'actions, aux fins de la retenue d'impôt de 15 p. 100, doit être
fondée sur la valeur des actions de Control Data acquises par la
compagnie-mère, assujettie aux restrictions stipulées dans l'of-
fre d'échange. L'intimée a fixé la valeur des actions au prix
auquel a été négociée une tranche d'actions de Computing
Devices à la Bourse de Toronto en août 1969. La question est
de savoir si la Division de première instance aurait dû modifier
la valeur en argent attribuée par le Ministre au dividende
d'actions.
Arrêt: l'appel est accueilli. La valeur est le montant contre
lequel les actions auraient été vendues par un propriétaire
consentant et bien renseigné, agissant sans contrainte, à un
acheteur consentant et agissant, lui aussi, sans contrainte. Il
faut prendre en considération deux éléments de preuve: (1) les
antécédents à la Bourse de la valeur des actions de la tierce
compagnie détenues par des personnes autres que l'appelante et
(2) la contrepartie qu'a reçue la compagnie-mère pour la
tranche d'actions constituant le dividende, de la part d'un
acheteur avec qui elle traitait sans lien de dépendance immédia-
tement après le paiement du dividende. Le juge de première
instance ne s'est pas posé la question qu'il fallait ou alors il s'est
manifestement trompé en concluant que la preuve portant sur
la valeur marchande des actions minoritaires (influencée
comme elle semble l'avoir été par l'offre d'échange consécutif
aux négociations entre l'acheteur et la compagnie-mère) l'em-
portait sur la preuve concernant la valeur de la contrepartie
négociée sans lien de dépendance avec une tierce personne
relativement à la tranche d'actions constituant le dividende à
l'époque considérée.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
H. Stikeman, c.r., et R. Pound pour
l'appelante.
D. Aylen, c.r., et D. Olsen pour l'intimée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel d'un juge-
ment de la Division de première instance [ [ 1976] 1
C.F. 115] rejetant un appel interjeté contre une
décision de la Commission de révision de l'impôt
qui déboutait l'appelante de son pourvoi contre une
cotisation en date du 5 mai 1974, laquelle augmen-
tait, aux fins de la Partie III de la Loi de l'impôt
sur le revenu, la valeur d'un dividende payé par
l'appelante.
En l'espèce, il s'agit de déterminer si la Division
de première instance aurait dû modifier la valeur
en argent que le Ministre a attribuée à un divi-
dende d'actions payé par l'appelante le 7 août
1969 à sa compagnie-mère aux États-Unis, la
Bendix Corporation (ci-après appelée Bendix). Il
est nécessaire de déterminer cette valeur aux fins
du calcul de la retenue d'impôt de 15 p. 100
payable en vertu des articles 106(la)a), 109(1) et
139(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148. Voici le libellé desdits articles:
106. . ..
(la) Chaque personne non résidante
a) doit payer un impôt sur le revenu de 15 p. 100 sur tout
montant qu'une personne résidant au Canada, autre
qu'une personne décrite à l'alinéa b) lui paie ou crédite, ou
est censée en vertu de la Partie I lui payer ou créditer, à
titre, à compte ou au lieu de paiement, ou en acquittement,
d'un dividende autre
(i) qu'un dividende provenant d'une corporation de
placement possédée par des non-résidents si la corpora
tion a, avant le paiement du dividende et à une époque
où elle était imposable d'après l'article 70, acquitté des
dividendes (autres que des dividendes sur lesquels aucun
impôt n'était payable selon la présente Partie), dont le
montant global n'est pas inférieur au surplus de la
corporation, déterminé de la manière prescrite, pour les
années d'imposition à l'égard desquelles elle n'était pas
assujettie à l'impôt aux termes de l'article 70, ou
(ii) qu'un dividende qui ne serait pas compris dans le
calcul du revenu aux termes de la Partie I en raison de
l'article 67; et
109. (1) Lorsqu'une personne paie ou crédite ou est censée
avoir payé ou crédité un montant sur lequel un impôt sur le
revenu est exigible aux termes de la présente Partie, elle doit,
nonobstant toute convention ou toute loi à l'effet contraire, en
déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre
immédiatement au receveur général du Canada au nom de la
personne non résidante à compte sur l'impôt et l'accompagner
d'un état en la forme prescrite.
139. (1) Dans la présente loi,
a) «montant» signifie des sommes d'argent, droits ou choses
exprimés en fonction du montant d'argent, ou la valeur en
argent du droit ou de la chose;
L'appelante est une filiale de Bendix possédée en
propriété exclusive. Bendix est une société résidant
aux États-Unis d'Amérique et non résidante au
Canada. L'appelante était le propriétaire nomina-
tif de 517,313 actions ordinaires de Computing
Devices of Canada, Limited (ci-après appelée
C.D.C.). Ces actions représentaient 66.75 p. 100
des actions émises et en circulation de C.D.C. Le
ler mai 1969, Bendix a conclu un accord avec
Control Data Corporation (ci-après appelée Con
trol Data), une société résidant aux Etats-Unis
avec laquelle elle négociait en toute indépendance;
aux termes de cet accord, Bendix convenait
d'échanger ses actions dans C.D.C. (dont elle était
la propriétaire réelle en détenant la totalité des
actions de l'appelante) à raison d'une action de
Control Data contre cinq actions de C.D.C.
L'offre d'échange de Control Data stipulait
cependant que Bendix ne pourrait vendre plus de
25 p. 100 des actions de Control Data, reçues à la
suite de l'échange, au cours de la première année
de leur acquisition ni plus de 50 p. 100 dans les
deux années suivant la date de leur acquisition.
Un prospectus et une circulaire contenant l'offre
d'achat assortie d'une prise de contrôle, datés du
15 mai 1969, rendirent accessibles à tous les
actionnaires de C.D.C. l'offre d'une action de Con
trol Data pour cinq actions de C.D.C.; toutefois,
pour que l'offre soit valable, il fallait notamment
que Control Data acquière 90 p. 100 des actions en
circulation de C.D.C. Les conditions suspensives
dont dépendait l'offre d'échange avaient été rem-
plies le 31 juillet 1969. Le 7 août 1969, 97.9 p. 100
des actions émises et en circulation de C.D.C.
avaient été offertes conformément aux termes de
l'offre d'échange.
Le 7 août 1969, Bendix entreprit les démarches
nécessaires afin de s'acquitter de son engagement
dans l'accord intervenu le ler mai 1969, à savoir:
a) réunir le conseil d'administration de l'appe-
lante (dont 5 des 6 administrateurs étaient
employés de Bendix);
b) l'amener à déclarer un dividende en nature
des actions de C.D.C.; et
c) offrir immédiatement les actions de C.D.C. à
Control Data.
Les restrictions portant sur le droit d'aliéner les
actions de Control Data diminua leur valeur
au-dessous de celles qui n'y étaient pas soumises.
Le cours de ces dernières actions de Control Data,
le 7 août 1969, était de 149.50 $EU. Selon le
témoignage d'un estimateur expert, le 7 août 1969
la valeur moyenne des actions reçues par Bendix
était de 130 $EU l'unité. Aucune preuve contraire
n'a été présentée.
En ce qui concerne la vente des actions de
C.D.C., personne, à l'exception de Bendix pour les
actions de Control Data reçues en échange des
actions de C.D.C., n'avait à aucun moment été
assujetti à des restrictions. L'appelante elle-même
n'a conclu aucun accord avec Control Data con-
cernant l'aliénation des actions de C.D.C. qu'elle
déclarait et payait à Bendix à titre de dividende.
Les actions de C.D.C. ont fait l'objet de nom-
breuses négociations à la Bourse de Toronto entre
le Zef janvier et le 31 août 1969, les cours de
clôture variant entre un minimum de $23 1 / 4 le 28
février 1969 et un maximum de $34, le 20 août
1969. Le volume des ventes des actions de C.D.C.
s'est élevé à 29,772 actions le 24 janvier 1969, à
36,900 actions le 23 mai de la même année et à
3,825 actions le 11 juillet 1969, dernier jour où un
nombre important d'actions fut négocié. Le 7 août
1969, jour où fut déclaré le dividende en question,
50 actions de C.D.C. furent vendues à $31 à la
Bourse de Toronto. Bien qu'après le 11 juillet
1969, le marché ait été limité, les cours des actions
de C.D.C. ont continué à augmenter même après
le 7 août 1969 et, à quelques exceptions près,
restèrent supérieurs à $31 durant le reste du mois
d'août 1969. Les actions de C.D.C. n'ont pas été
évaluées avant que Bendix ne commence à négo-
cier avec Control Data, et aucun des témoins n'a
présenté, au procès, des preuves concernant la
valeur des actions de C.D.C., si ce n'est leur valeur
marchande. Haythe, le seul expert cité au procès
par l'appelante, n'a pas été requis d'estimer la
valeur des actions de C.D.C. comprenant le divi-
dende, et il ne s'est pas prononcé à ce sujet.
En évaluant le dividende en nature composé
d'actions de C.D.C. afin de déterminer le «mon-
tant» du dividende et, par conséquent, l'impôt exi-
gible en vertu de l'article 106 de la Loi, l'appe-
lante, par l'entremise de Bendix, a obtenu une
estimation indépendante des actions de Control
Data (contre lesquelles ont été échangées les
actions de C.D.C.) de la part de Madison Haythe,
banquier en valeurs de New York. D'autre part, le
Ministre, en se livrant à sa propre évaluation du
montant du dividende, a multiplié le prix auquel
ont été négociées 50 actions de C.D.C. à la Bourse
de Toronto le 7 août 1969 (soit 31 $CAN l'action)
par les 517,313 actions de C.D.C. comprenant le
dividende en nature.
La seule question que soulève le présent appel
est le «montant» du dividende payé par l'appelante
à sa compagnie-mère. Comme le dividende consis-
tait en une tranche d'actions d'une tierce compa-
gnie, ce «montant» est, en vertu de l'article
139(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la
«valeur» de cette tranche d'actions, exprimée en
monnaie canadienne.
Selon les circonstances en l'espèce, j'estime que
cette «valeur» est le montant contre lequel les
actions auraient été vendues par un propriétaire
consentant et bien renseigné, agissant sans con-
trainte, à un acheteur consentant et agissant, lui
aussi, sans contrainte. En appliquant cette opinion,
il ne faut pas oublier que la tranche d'actions en
question représente la majorité des actions dans
une compagnie relativement fermée, et que l'appe-
lante avait décidé qu'elle ne souhaitait plus être
responsable du fonctionnement de l'entreprise
exercée par la compagnie.
A mon avis, il fallait prendre en considération
les deux principaux éléments de preuve que voici:
a) les antécédents à la Bourse de la valeur des
actions de la tierce compagnie détenues par des
personnes autres que l'appelante; et
b) la contrepartie qu'a reçue la compagnie-mère
pour la tranche d'actions constituant le divi-
dende, de la part d'un acheteur avec qui elle
traitait sans lien de dépendance immédiatement
après le paiement du dividende.
Selon mon interprétation des faits, le savant
juge de première instance ne s'est pas posé la
question qu'il fallait, ou alors il s'est manifeste-
ment trompé en concluant que la preuve portant
sur la valeur marchande des actions minoritaires
(influencée comme elle semble l'avoir été par l'of-
fre d'échange consécutif aux négociations entre
l'acheteur et la compagnie-mère) l'emportait sur la
preuve concernant la valeur de la contrepartie
négociée sans lien de dépendance avec une tierce
personne relativement à la tranche d'actions cons-
tituant le dividende à l'époque considérée.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens et
je renvoie l'affaire aux fins d'établir une nouvelle
cotisation tenant compte du fait que la valeur du
dividende distribué tel que l'a décrit l'appelante,
n'aurait pas dû être augmentée.
* * *
LE JUGE EN CHEF JACKETT y a souscrit.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
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