T-3529-78
Richard V. Sankey (Demandeur)
c.
Le ministre des Transports et Stanley E. Haskins
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Ottawa, les 10 et 11 août 1978.
Pratique — Requête visant à obtenir une injonction interlo-
cutoire en vue d'interdire aux défendeurs de lancer un appel
d'offres et de recevoir des soumissions — Décisions provisoires
faisant droit aux demandes contenues dans la déclaration
originaire également sollicitées — Requête pour radier la
déclaration — Avis public d'appel d'offres pour une concession
de kiosques à journaux à l'aéroport international de Toronto
— Le demandeur demande des précisions complémentaires
pour préparer sa soumission — On soutient qu'en choisissant
de lancer un appel d'offres le Ministre a contracté l'obligation
de fournir les éléments d'information nécessaires pour la pré-
paration judicieuse des soumissions — Faut-il accorder l'in-
jonction interlocutoire et rendre la décision? — Faut-il
accueillir la requête du défendeur visant à faire radier la
déclaration? — La demande est rejetée et la requête pour
radier la déclaration est accueillie.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Julian Porter, c.r., pour le demandeur.
David Sgayias pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Porter & Posluns, Toronto, pour le deman-
deur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JACKETT: Il s'agit
d'une requête visant à obtenir
[TRADUCTION] ... une injonction provisoire et interlocutoire
dans l'attente du jugement définitif de l'action principale, en
vue d'interdire aux défendeurs, à savoir le ministre des Trans
ports et Stanley E. Haskins, leurs préposés, représentants,
suppléants ainsi que quiconque agit sous leur direction de
lancer un appel d'offres, de recevoir et d'accepter quelque
soumission relative à la phase I de l'appel d'offres en date du 15
août 1978 concernant le dessin, l'installation et l'exploitation en
concession d'un kiosque à journaux dans chacune des deux
aérogares de l'aéroport international de Toronto.
A l'ouverture de l'audition, l'avocat du demandeur
a demandé la permission de modifier sa requête de
manière à demander en outre à la Cour de rendre
des décisions provisoires faisant droit aux deman-
des contenues dans la déclaration originaire, à
savoir:
[TRADUCTION] a) Une décision disposant que les conditions
du cahier des charges et de l'appel d'offres doivent être
respectées et communiquées au demandeur, et que les défen-
deurs doivent renseigner le demandeur sur les paragraphes 9
(i) (ii) (iv) (v) (viii) et (x) et sur les paragraphes 10 (i) et
(ii);
b) Une décision disposant que les renseignements relatifs
aux paragraphes 11 et 12 de la pièce A sont des éléments
indispensables de la phase I de l'appel d'offres et en font
partie intégrante;
c) Une décision disposant que le cahier des charges est
tellement compliqué et exige de la part des soumissionnaires
éventuels tellement de renseignements précis que le deman-
deur ne pourrait raisonnablement pas se conformer aux
conditions prévues pour la formule de soumission avant le 1"
septembre 1978 au plus tôt, et que, vu la forme revêtue par le
cahier des charges et par l'appel d'offres, les défendeurs ont
l'obligation de fournir au demandeur tous les renseignements
utiles ... .
Tout en s'opposant à la requête du demandeur,
l'avocat des défendeurs a demandé à la Cour de
prononcer l'irrecevabilité de la déclaration pour
défaut de cause d'action légitime.
A ma connaissance, aucun précédent ou règle de
droit ne permet de rendre une décision provisoire
qui, en fait, réaliserait intégralement le but de
l'action principale sans qu'il y ait procès au fond.
Si la demande était justifiée ou justifiable, la Cour
pourrait à la rigueur intervenir dans ce cas pour
rendre une injonction destinée à maintenir le
status quo jusqu'à ce que le principal soit jugé,
mais elle ne pourrait certainement pas statuer par
voie de déclaration provisoire d'un droit. Le fait
que la demande originaire serait probablement
accueillie pourrait persuader la Cour à rendre une
injonction, sans qu'elle préjuge le principal, que ce
soit provisoirement ou définitivement.
Voici les faits en l'espèce: à la suite d'un avis
public d'appel d'offres pour une concession de
kiosques à journaux à l'aéroport international de
Toronto, le demandeur, qui fait partie d'un groupe
de soumissionnaires éventuels, demande des préci-
sions complémentaires qui leur permettraient de
préparer judicieusement leur soumission pour la
phase I de l'appel d'offres qui est la phase de
présélection des soumissionnaires admis à partici-
per à la phase II de sélection. Le demandeur
soutient que, sans ces précisions complémentaires,
le processus d'adjudication n'est pas équitable et
favorise indûment l'actuel concessionnaire qui
détient tous les renseignements nécessaires.
Je ne doute pas que la possession de tous les
renseignements amassés par le concessionnaire sor-
tant durant son bail soit avantageuse et souhaita-
ble du point de vue du demandeur, mais il n'est pas
du tout certain que le processus d'adjudication
pourrait être, de ce fait, plus équitable étant donné
qu'on ne sait rien de l'identité, de l'expérience ou
de la compétence des associés du demandeur.
Cependant, ce n'est pas, à mon avis, sur ce point
que doit se décider l'issue du procès.
Si je comprends bien, le demandeur soutient que
le Ministre, en choisissant de lancer un appel
d'offres, a contracté envers les soumissionnaires
éventuels l'obligation de leur fournir les éléments
d'information dont ils ont besoin pour préparer
judicieusement leurs soumissions. Aucun précé-
dent n'a été cité à l'appui de cette thèse et je n'en
connais moi-même aucun. A mon avis, un adjudi-
cateur n'est pas plus tenu de renseigner les soumis-
sionnaires éventuels que ceux-ci ne sont tenus de
répondre à son appel. Il n'y a de part et d'autre
aucune obligation. Il se peut que le processus ne
donne pas les résultats les meilleurs ou les plus
avantageux faute de communication des renseigne-
ments, les soumissionnaires éventuels décidant de
ne pas y participer. Dans ce cas et si l'adjudicateur
est la Couronne, le Ministre responsable sera peut-
être comptable envers le Parlement. Néanmoins,
en l'absence d'une disposition légale en la matière,
il n'a pas à justifier devant la Cour et à l'intention
d'un soumissionnaire éventuel, sa méthode d'adju-
dication. J'estime qu'il n'a nullement l'obligation
légale de fournir au soumissionnaire éventuel les
renseignements désirés et que par conséquent il ne
saurait être question de violation d'un droit quel-
conque de ce dernier. La requête n'est donc pas
fondée.
Je n'ai pas l'intention de citer ou de résumer les
allégations contenues dans la déclaration. Elles
n'ajoutent rien à ce qui a été dit et, à mon avis, ne
justifient aucun des recours visés. Par ailleurs, rien
dans les preuves administrées par affidavit ni dans
les plaidoiries ne permet de croire que la déclara-
tion, une fois convenablement modifiée, pourra
faire ressortir une cause d'action. La déclaration
est par conséquent radiée et l'action rejetée.
ORDONNANCE
La requête introduite par le demandeur pour
l'obtention d'une injonction interlocutoire et d'une
décision provisoire est rejetée avec dépens.
La déclaration est radiée et l'action rejetée avec
dépens.
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