A-789-77
Mean Yergeau (Requérant)
c.
Le comité d'appel de la Commission de la Fonc-
tion publique (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges
Pratte et Le Dain—Ottawa, les 14 et 24 avril
1978.
Examen judiciaire — Demande visant l'annulation de la
décision du comité d'appel de la Commission de la Fonction
publique — Décision portant que le requérant n'avait pas le
droit d'interjeter appel de la nomination d'un autre fonction-
naire au poste en question — La question de savoir si les
chances d'avancement du requérant ont été amoindries n'a
jamais été déterminée — Allégation selon laquelle l'art.
41(3)a) du Règlement équivalait à un tel avis — Erreur de
droit — Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, c. P-32, art. 21 — Règlement sur l'emploi dans la
Fonction publique, DORS/67-129, art. 41(3)a) dans sa forme
modifiée — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.),
c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une
décision du comité d'appel de la Commission de la Fonction
publique. Le requérant, un fonctionnaire, a interjeté appel, en
vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique, de la nomination sans concours d'un autre fonction-
naire, savoir Belinge, au poste d'opérateur-radio. Le comité, se
fondant sur l'article 41(3)a) du Règlement sur l'emploi dans la
Fonction publique, a décidé que le requérant n'avait pas le
droit d'interjeter appel de la nomination de Belinge sans tran-
cher la question de savoir si les chances d'avancement du
requérant ont été amoindries par la nomination de Belinge.
Arrêt: la demande est accueillie. Suivant l'article 21b) de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, le requérant avait
le droit d'interjeter appel à moins que, «de l'avis de la Commis
sion», ses chances d'avancement n'aient pas été amoindries par
la nomination de Belinge. Le comité d'appel a erré en prenant
pour acquis que l'article 41(3)a) du Règlement équivalait à
pareil avis de la Commission. L'avis auquel se réfère l'article 21
est une opinion qui doit être formulée par la Commission (ou
par les fonctionnaires à qui elle confie cette tâche) dans chaque
cas individuel en ayant égard à toutes les circonstances de
l'espèce. Le comité a donc commis une erreur de droit en
décidant que le requérant n'avait pas le droit d'appel.
Arrêt mentionné: Brown c. La Commission de la Fonction
publique [1975] C.F. 345.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
John D. Richard, c.r., pour le requérant.
Paul Plourde pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Voici les motifs de la décision prononcés en
français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le requérant appartient à la
Fonction publique. Il en a appelé, suivant l'article
21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publi-
que', de la nomination d'un autre fonctionnaire,
nommé Belinge, au poste d'opérateur-radio à La
Grande, Québec. Le comité établi par la Commis
sion de la Fonction publique pour entendre cet
appel a jugé que le requérant n'avait pas le droit
d'appeler de la nomination de Belinge. C'est cette
décision dont le requérant demande la cassation en
vertu de l'article 28.
Il est constant que la nomination de monsieur
Belinge a eu lieu sans concours. En pareil cas,
l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique prescrit que le droit d'appel appartient à
«chaque personne dont les chances d'avancement,
de l'avis de la Commission, sont ainsi amoin-
dries». 2
En l'espèce, il n'apparaît pas que la Commission
ait jamais déterminé si les chances d'avancement
du requérant avaient été amoindries par la nomi
nation de Belinge. Il n'apparaît pas non plus que la
Commission ait confié cette tâche au comité d'ap-
i S.R.C. 1970, c. P-32.
2 L'article 21 se lit comme suit:
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est
nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à
cette fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non
reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances
d'avancement, de l'avis de la Commission, sont ainsi
amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la
nomination à un comité établi par la Commission pour faire
une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et
au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de
se faire entendre. La Commission doit, après avoir été infor-
mée de la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer,
ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
pel. La décision attaquée n'est donc pas fondée sur
un avis qu'aurait exprimé la Commission sur les
conséquences de la nomination de Belinge; elle ne
l'est pas davantage sur une opinion que le comité
d'appel se serait faite sur ce point, en qualité de
délégué de la Commission. Cette décision est basée
sur l'article 41(3)a) du Règlement sur l'emploi
dans la Fonction publique 3 aux termes duquel il
est censé «n'y avoir aucune personne dont les chan
ces d'avancement ont été amoindries» aux fins de
l'article 21 «lorsque la nomination d'une personne
est faite sans concours parmi les personnes qui sont
déjà membres de la Fonction publique . à un
poste reclassifié occupé par cette personne immé-
diatement avant la reclassification». 4
Il n'est pas contesté que Belinge était déjà, lors
de sa nomination, membre de la Fonction publique
et que le poste auquel il a été nommé était un poste
reclassifié. De plus, bien que l'avocat du requérant
ait prétendu le contraire, il est clair que Belinge
occupait ce poste avant sa reclassification.. , Le
3 DORS/67-129, modifié par DORS/69-592.
4 L'article 41 du Règlement se lit comme suit:
41. (1) Lorsque le choix d'une personne, pour une nomi
nation, est fait sans concours parmi les personnes qui sont
déjà membres de la Fonction publique, chaque personne qui
aurait été admissible à concourir si un concours restreint
avait été tenu pour combler le poste, comme le détermine
l'article 12, est, aux fins de l'article 21 de la Loi, réputée être
une personne dont les chances d'avancement ont été
amoindries.
(2) L'agent du personnel responsable, dès que possible
après le choix d'une personne mentionnée à l'article 40A ou
au paragraphe (1) de cet article, doit, par écrit ou par avis
public, porter à l'attention de chaque personne dont les
chances d'avancement ont été amoindries
a) le nom de la personne choisie pour la nomination; et
b) le droit dont dispose chacune de ces personnes, en vertu
de l'article 21 de la Loi, d'en appeler de la nomination, et
le délai, prescrit par l'article 42 du présent règlement,
pendant lequel l'appel doit être fait.
(3) Le présent article et l'article 12, ne s'appliquent pas
lorsque la nomination d'une personne est faite sans concours
parmi les personnes qui sont déjà membres de la Fonction
publique.
a) à un poste reclassifié occupé par cette personne immé-
diatement avant la reclassification,
b) à un poste pour lequel le traitement maximum ne
dépasse pas le traitement maximum du poste occupé par
cette personne immédiatement avant la nomination, ou
c) lorsque cette personne est nommée en vertu du paragra-
phe (3) de l'article 29, du paragraphe (1) ou (2) de
l'article 30, ou du paragraphe (3) ou (4) de l'article 37 de
la Loi,
et dans ces cas il sera estimé n'y avoir aucune personne dont
les chances d'avancement ont été amoindries.
comité d'appel n'a donc pas commis d'erreur en
jugeant que Belinge était une personne décrite à
l'article 41(3)a) du Règlement. Il ne s'ensuit pas,
cependant, que la décision attaquée soit bien
fondée.
Suivant l'article 21b) de la Loi, le requérant
avait le droit d'interjeter appel à moins que, «de
l'avis de la Commission», ses chances d'avance-
ment n'aient pas été amoindries par la nomination
de Belinge. Le comité d'appel a pris pour acquis
que le règlement 41(3)a) équivalait à pareil avis de
la Commission, c'est là qu'il s'est trompé. 5 L'avis
auquel réfère l'article 21, mon sens, est une
opinion qui doit être formulée par la Commission
(ou par les fonctionnaires à qui elle confie cette
tâche) dans chaque cas individuel en ayant égard à
toutes les circonstances de l'espèce. Il faut donc
dire que le comité a commis une erreur de droit en
décidant que le requérant n'avait pas le droit
d'appel.
Pour ces motifs, je casserais la décision attaquée
et je renverrais l'affaire au comité pour enquête et
décision, s'il y a lieu, après que la Commission
aura exprimé son avis sur le point de savoir si,
abstraction faite de l'article 41 du Règlement, les
chances d'avancement du requérant ont été amoin-
dries par la nomination dont il veut appeler.
* * *
LE JUGE EN CHEF .IACKETT y a souscrit.
* * *
LE JUGE LE DAIN y a souscrit.
5 Voir Brown c. La Commission de la Fonction publique
[1975] C.F. 345, la page 373, note 8.
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