T-3288-75
David Robert Allardice (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé—
Halifax, le 23 novembre 1977; Ottawa, le 24 jan-
vier 1978.
Douanes et accise — Saisie et confiscation — Bateau de
plaisance, marchandises et appareils saisis puis libérés après
versement de dépôt — Secondes saisie et libération après
versement de dépôt plus élevé — Les marchandises étaient-
elles illégalement importées et soumises à la saisie et à la
confiscation? — La seconde saisie était-elle frappée de nullité,
exigeant ainsi le remboursement du second dépôt? — Loi sur
les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40, art. 2(1),(3), 177, 183,
205(1), 231(1), 237, 239, 242, 248(1),(2) — Tarif des douanes,
S.R.C. 1970, c. C-41, Liste A, Numéro tarifaire 70320-1.
Il s'agit d'une action en recouvrement des dépôts versés par
le demandeur à la suite des saisies pratiquées par des préposés
des douanes de son bateau de plaisance et des marchandises et
appareils se trouvant à bord. Le 25 juin, le demandeur est allé
au bureau des douanes à Halifax et a fait une déclaration en
bonne et due forme. Il est revenu à Dartmouth en septembre, et
le 16 septembre la Gendarmerie royale a saisi à bord certaines
marchandises, puis les a libérées après versement d'un dépôt.
Le 20 septembre, la Gendarmerie a saisi le bateau de plaisance
en même temps que des marchandises et appareils y contenus,
puis les a libérés après versement d'un dépôt supplémentaire.
La Couronne soutient que les saisies étaient justifiées par les
fausses déclarations du demandeur. Celui-ci allègue principale-
ment qu'aucune des marchandises faisant l'objet des saisies n'a
été importée au Canada de façon illégale, ou autrement suscep
tible de confiscation, et subsidiairement que la seconde saisie du
bateau de plaisance était nulle et qu'en conséquence le dépôt y
relatif lui devait être remboursé. (Le demandeur a la charge
d'établir que la Couronne n'avait pas le droit, en vertu de la Loi
sur les douanes, de procéder à des confiscations.)
Arrêt: l'action est rejetée. En l'espèce, les préposés des doua-
nes étaient pleinement justifiés, en fait et en droit, de procéder
à la saisie des marchandises et du bateau. Les expressions
«saisie» et «confiscation» doivent recevoir l'interprétation la plus
propre à assurer la protection du revenu et ne doivent pas être
comprises de façon à rendre nécessaire un acte quelconque
postérieur à l'infraction en vue d'opérer la confiscation. Celle-ci
est établie par la perpétration de l'infraction, et la ou les saisies
effectivement exécutées par des préposés des douanes ne sont
pas nécessaires. Après la confiscation du bateau et des mar-
chandises par la Couronne, celle-ci est pleinement habilitée à
imposer des droits, taxes et pénalités y relatifs, quel que soit le
nombre de saisies subséquemment effectuées par les préposés
des douanes.
Arrêt appliqué: R. c. Bureau [1949] R.C.S. 367. Arrêt
mentionné: Kenzik c. La Reine [1954] R.C.É. 153.
ACTION.
AVOCATS:
S. Bruce Outhouse pour le demandeur.
A. R. Pringle pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Blois, Nickerson, Palmeter & Bryson, Hali-
fax, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DUSE: Il s'agit d'une action en recou-
vrement d'une somme de $14,197.42 déposée par
le demandeur à la suite des saisies pratiquées par
des préposés des douanes à Halifax les 16 et 20
septembre 1974, de son bateau de plaisance Rebel
et des marchandises et appareils se trouvant à
bord.
Au paragraphe 19 de sa défense, la défenderesse
a soutenu que l'action du demandeur était irrece-
vable en vertu du paragraphe 158(2) de la Loi sur
les douanes' qui fixe à six mois le délai accordé
pour engager les procédures en recouvrement des
dépôts. L'avocat de la Couronne a, cependant,
abandonné cet argument à l'ouverture du procès.
Les faits suivants ont été admis par les deux
parties:
Le demandeur est un citoyen canadien né à
Vancouver (C.-B.) et était propriétaire, à toutes les
époques en cause, du Rebel, navire d'enregistre-
ment britannique. Le 19 mai 1974, il est arrivé à
Dartmouth (N. -E.) à bord de son bateau et s'est
présenté devant les préposés des douanes montés à
bord. Le 25 juin, il est allé au bureau des douanes
à Halifax et a fait une déclaration en bonne et due
forme. Il est revenu à Dartmouth en septembre, et
le 16 septembre la Gendarmerie royale a saisi à
bord certaines marchandises, puis les a libérées
après versement d'un dépôt. Le 20 septembre, la
Gendarmerie a saisi le Rebel en même temps que
des marchandises et appareils y contenus, puis les
a libérés après versement d'un dépôt supplémen-
taire (en fait le Rebel a fait l'objet des deux
saisies).
' S.R.C. 1970, c. C-40 et modifications.
Le demandeur a soumis une requête par écrit
pour le remboursement de son dépôt mais on lui a
notifié qu'une décision avait été rendue en vertu de
l'article 163 de la Loi, que le dépôt de $13,813.38
relatif à la seconde saisie devait être entièrement
confisqué, et que le dépôt de $730.04 relatif à la
première saisie devait être confisqué jusqu'à con
currence de $385.04.
La Couronne soutient que les saisies étaient
justifiées par les fausses déclarations du deman-
deur. Celui-ci allègue principalement qu'aucune
des marchandises faisant l'objet des saisies n'a été
importée au Canada de façon illégale, ou autre-
ment susceptible de confiscation, et subsidiaire-
ment que la seconde saisie du Rebel était nulle et
qu'en conséquence le dépôt y relatif lui devait être
remboursé.
Bien entendu, le demandeur a la charge d'établir
que la Couronne n'avait pas le droit, en vertu de
quelque disposition que ce soit de la Loi sur les
douanes, de procéder à des confiscations. La. Cou-
ronne n'est pas limitée par les raisons données par
le Ministre ou par les motifs invoqués dans les
documents douaniers. La Cour peut déclarer les
confiscations valables par suite de toute violation
établie, sanctionnée par des confiscations et com-
mise à l'encontre de la Loi (voir Le Roi c.
Bureau 2 , Kenzik c. La Reine').
Lorsque le demandeur a rencontré les préposés
des douanes pour la première fois à bord du Rebel
le 19 mai 1974, il a rempli une formule de rapport
de navire pour le Rebel et une formule d'entrée en
douanes du Canada pour une bouteille de boisson
alcoolique. D'après les dépositions faites au procès
par le préposé W. F. Kavanaugh, le demandeur a
déclaré avoir acheté seulement le bateau de plai-
sance et la boisson alcoolique à l'étranger.
Le demandeur s'est justifié en disant qu'il consi-
dérait certains des articles se trouvant à bord
comme faisant partie du bateau et qu'il avait
simplement oublié de déclarer les autres articles y
trouvés plus tard.
Le relevé des marchandises saisies fait état des
articles suivants:
2 [1949] R.C.S. 367.
3 [1954] R.C.É. 153.
Première saisie (pièce 10):
1 horloge de pont en cuivre, de marque «Hamilton»
2 paires de nageoires de plongée, de marque Nemrod Baleaces
1 masque de plongée Denia
1 masque de plongée Equinaut
1 costume de plongée en caoutchouc
1 générateur à gaz Honda
1 paire de jumelles S N S
Deuxième saisie (pièce 11):
1 bateau de plaisance «Rebel» de 42 pieds en fibre de verre
1 poste de radio Damcon R.T. 101
1 machine à écrire
1 sextant
1 poste portatif de radio de détresse
1 radeau en caoutchouc, de marque Zodiac
1 radeau de sauvetage Beaufort
Il est fort possible que le demandeur ait consi-
déré quelques-uns des articles précités comme fai-
sant partie du bateau, parce qu'ils y sont étroite-
ment liés et sont utilisés pour naviguer. En
principe, il a pu oublier aussi de déclarer les autres
articles se trouvant à bord. De pareils oublis arri-
vent. Mais il a le devoir de tout déclarer et ne peut
alléguer son ignorance des exigences des douanes
ou sa mauvaise mémoire. Cependant, ces deux
contraventions à elles seules n'auraient pas amené
les préposés des douanes à infliger une pénalité
aussi sévère.
Faute par le demandeur de faire la preuve de
son droit de propriété sur le Rebel, Kavanaugh l'a
convoqué pour le jour suivant au bureau des doua-
nes. En ce lieu, on l'a requis de produire un acte de
vente prouvant qu'il avait acheté le bateau. Il a
alors fait venir ce document de Liverpool où
l'achat avait eu lieu, et a attendu à Halifax de le
recevoir.
Le 10 juin, le demandeur, accompagné de John
Rytter, son compagnon de voyage, est revenu au
bureau des douanes pour faire une déclaration
d'entrée du Rebel. E. T. Connolly, surveillant
d'appréciation pour le port de Halifax, l'a reçu et a
procédé à une entrevue. Connolly a déclaré, au
procès, avoir posé au demandeur les questions
habituelles et avoir été informé par lui qu'il était
resté à l'étranger plus d'un an et n'était jamais
revenu au Canada pendant toute cette période.
Comme il n'avait pas encore l'acte de vente requis,
le demandeur a obtenu un permis d'admission
temporaire.
Selon la déposition du préposé Connolly, le
demandeur est revenu le 25 juin au bureau des
douanes avec deux compagnons, un homme et une
femme, et a présenté un acte de vente. Le préposé
Barry Mitchell a rempli alors une formule d'entrée
B-4 (entrée des colons, entrée des vacanciers d'été,
requête et retour des résidents) et l'a fait signer
par le demandeur.
Le préposé Mitchell a déclaré qu'il n'aurait pas
rempli la formule d'entrée B-4 s'il n'avait pas été
convaincu, par les réponses du demandeur, que ce
dernier avait acheté le bateau de plaisance et
d'autres objets pour son usage personnel durant la
période d'au moins un an où il avait séjourné hors
du Canada. Le préposé Connolly assistait à
l'entrevue.
Le numéro tarifaire 70320 4 prévoit l'admission
en franchise d'articles importés par certaines per-
sonnes, dont un ancien résident du Canada qui
revient résider au pays après une absence d'au
moins une année. Voici le libellé dudit numéro:
Numéros Tarif de Tarif de Tarif
tarifaires préférence la nation général
britannique la plus
favorisée
70320-1 Marchandises (à l'exclusion des bois-
sons alcooliques, des cigares, des
cigarettes et du tabac fabriqué)
importées par un membre des
Forces canadiennes ou un employé
du gouvernement du Canada, ou
par un ancien résident du Canada
qui revient résider au pays, et
acquises par lui durant une absence
du Canada d'au moins une année
pour son usage personnel ou
domestique et lui ayant effective-
ment appartenu à l'étranger et
ayant été en sa possession et à son
usage pendant au moins six mois '
avant son retour au Canada ... . En fr. En fr. En fr.
Le Ministre peut par voie de règle-
ment exempter toutes marchandises
ou catégories de marchandises de la
période de six mois relative à la pro-
priété, la possession et l'usage que
prescrit le présent numéro.
Les marchandises qui ont le droit
d'entrer en vertu du présent numéro
seront exemptes de toute imposition,
nonobstant les dispositions de la pré-
sente loi ou de toute autre loi.
Toutes marchandises importées en
vertu du présent numéro qui sont
vendues ou d'autre façon aliénées
dans les douze mois qui suivent leur
importation sont assujetties aux
droits et aux taxes prescrits ailleurs.
Le préposé Connolly a affirmé catégoriquement
avoir entendu le demandeur déclarer qu'il n'était
pas rentré au Canada pendant l'année précédente
et qu'il avait habité à bord du Rebel pendant cette
4 S.R.C. 1970, c. C-41, Annexe A.
période. En réalité, les deux parties ont admis, à
l'ouverture du procès, que le demandeur était
rentré au Canada entre le 17 avril 1973 et le 19
mai 1974, pour une période totale d'au moins 63
jours, et que son séjour à l'étranger avait duré
moins d'un an. Dans son interrogatoire préalable,
le demandeur a déclaré être revenu quatre fois
distinctes au Canada pendant la période en
question.
L'avocat du demandeur a soutenu que [TRA-
DUCTION] «le demandeur n'a jamais réclamé
l'avantage du numéro tarifaire 70320 et probable-
ment ne s'est jamais aperçu de son existence, au
moins dans son libellé spécifique». Il a soutenu
aussi que [TRADUCTION] «le demandeur a simple-
ment répondu aux questions à lui posées par des
préposés des douanes, et ces derniers se sont fondés
sur ces réponses pour invoquer, de leur propre
autorité, le numéro tarifaire en question».
Ces explications ne portent en rien atteinte à la
crédibilité des préposés des douanes dont j'accepte
les dépositions comme sincères, honnêtes, désinté-
ressées, appuyées par les documents produits en
preuve et par la suite des événements. En outre, le
demandeur n'a pas été rappelé pour réfuter leurs
dépositions et aucun de ses deux compagnons n'est
venu témoigner. Ils viennent tous deux de la côte
ouest, et l'avocat du demandeur a laissé entendre
que les dépenses et dérangements occasionnés par
leur présence dépassent de loin tout avantage pos
sible à récolter de leurs dépositions. Cette observa
tion constitue une appréciation exacte des circons-
tances.
Au procès, le demandeur s'est opposé à la pro
duction d'une lettre en date du 30 décembre 1974,
envoyée par le préposé Connolly à un autre pré-
posé des douanes pour faire rapport des saisies du
Rebel. Il a allégué que ledit rapport avait été établi
six mois après les événements. J'avais à l'époque
réservé ma décision sur cette question. Après avoir
consulté la jurisprudence et la doctrine, lu le docu
ment et réfléchi sur la matière, je conclus au rejet
de ladite lettre parce qu'elle n'a pas le caractère
contemporain nécessaire, qu'elle peut paraître
fabriquée pour les besoins de la cause et qu'elle
n'est effectivement pas partie de la res gestae. En
tout cas, le témoin a montré qu'il se souvenait
clairement et fortement de ce qui s'était passé et
n'avait pas besoin de ce document pour rafraîchir
sa mémoire au procès.
Le demandeur a fait une croisière, remontant le
Saint-Laurent jusqu'à Montréal pendant les mois
d'été, puis est revenu à Dartmouth le 16 septembre
1974, date où le caporal B. E. Robinson, de la
Gendarmerie royale, Direction des douanes et de
l'accise, a procédé à la première saisie des articles
non déclarés et trouvés à bord. Le 20 septembre,
celui-ci a procédé à la seconde saisie. Il a déclaré
que celle-ci résultait des renseignements récem-
ment obtenus selon lesquels le demandeur était en
réalité revenu au Canada pendant l'année, et qu'il
considérait l'entrée du demandeur, le 25 juin 1974,
comme une fausse entrée.
Voici les articles pertinents de la Loi:
177. Si, après que le capitaine d'un navire a fait sa déclara-
tion à l'entrée, des marchandises qui n'ont pas été déclarées
sont trouvées à bord de ce navire ou débarquées de ce navire,
ces marchandises doivent être saisies et confisquées, à moins
qu'il n'apparaisse qu'il n'y a pas eu d'intention frauduleuse,
auquel cas il est permis au capitaine de modifier sa déclaration.
183. (1) Tous les navires, avec leurs canons, palans, agrès,
apparaux et équipements, et les véhicules, harnais, gréements,
chevaux et bestiaux qui ont servi à importer, décharger, débar-
quer ou enlever ou à transporter subséquemment des effets
passibles de confiscation en vertu de la présente loi, doivent être
saisis et confisqués.
205. (1) Si quelque personne, propriétaire ou non, sans
excuse légitime dont la preuve incombe à l'accusé, a en sa
possession, recèle, garde, cache, achète, vend ou donne en
échange des effets illégalement importés au Canada, que ces
effets soient ou non frappés de droits, ou sur lesquels les droits
légitimes exigibles n'ont pas été acquittés, ces effets, s'ils sont
trouvés, sont saisis et confisqués sans faculté de recouvrement,
et, si ces effets ne sont pas découverts, la personne ainsi
coupable doit remettre la valeur de ces marchandises sans qu'il
lui soit possible de la recouvrer.
231. (1) Tous effets embarqués ou débarqués, importés ou
exportés, portés ou transportés, contrairement à la présente loi
ou à un règlement, et tous effets ou véhicules, et tous navires à
l'égard desquels les prescriptions de la présente loi ou d'un
règlement n'ont pas été observées, ou au sujet desquels il y a eu
tentative de violer les dispositions de la présente loi ou d'un
règlement, peuvent être confisqués.
237. Si une déclaration faite à un bureau de douane est
fausse en quelque point, à la connaissance d'une personne qui a
pris part ou est partie à cette déclaration, tous les colis et effets
inclus, ou qu'on prétend être inclus dans la déclaration, ou qui
auraient dû l'être, sont saisis et confisqués.
239. Toute personne à qui la présente loi ou toute autre loi
prescrit de répondre à des questions que lui pose un préposé, et
qui refuse de répondre ou ne répond pas véridiquement à ces
questions, encourt, outre toute autre amende ou châtiment dont
elle est passible, une amende de quatre cents dollars.
242. Quiconque, secrètement ou ouvertement, avec ou sans
force ou violence, qu'il se prétende propriétaire ou non, prend
ou enlève, sans permission du préposé ou de la personne qui les
a saisis ou de quelque autorité compétente, des effets, navires,
véhicules ou autres articles qui ont été saisis ou détenus sous
soupçon, comme étant confisqués en vertu de la présente loi,
avant qu'une autorité compétente ait déclaré qu'ils ont été saisis
sans cause légitime, est censé avoir volé lesdits effets, devenus
la propriété de Sa Majesté, et est coupable de vol.
248. (1) Dans toutes procédures intentées pour recouvrer
une amende, appliquer une punition, opérer une confiscation ou
recouvrer un droit sous l'autorité de la présente loi ou de toute
autre loi concernant les douanes, ou le commerce et la naviga
tion, s'il se présente une contestation sur ou concernant l'iden-
tité, la provenance, l'importation, le chargement ou l'exporta-
tion de marchandises ou le paiement des droits à acquitter sur
les marchandises ou l'observation des prescriptions de la pré-
sente loi concernant l'inscription des marchandises ou l'exécu-
tion ou l'omission de quelque chose par laquelle cette amende,
cette punition, cette confiscation ou cette responsabilité des
droits serait encourue ou évitée, le fardeau de la preuve
incombe au propriétaire ou au réclamant des effets ou à celui
dont le devoir était de se conformer à la présente loi ou en la
possession de qui les effets ont été trouvés, et non à Sa Majesté
ou à la personne représentant Sa Majesté.
(2) De la même manière, si des procédures sont intentées
contre Sa Majesté ou contre un préposé pour recouvrer des
marchandises saisies ou de l'argent déposé sous l'autorité de la
présente loi ou de quelque autre semblable loi, si une telle
contestation se présente, le fardeau de la preuve incombe à
celui qui réclame ces marchandises saisies ou cet argent déposé,
et non à Sa Majesté ou au représentant de Sa Majesté.
En l'espèce, les préposés des douanes étaient
pleinement justifiés, en fait et en droit, de procéder
à la saisie des marchandises et du bateau.
Reste à déterminer l'allégation subsidiaire selon
laquelle la seconde saisie serait nulle.
Le demandeur soutient que, si la première saisie
du 16 septembre était valable, la confiscation doit
être réputée avoir eu lieu le 25 juin 1974, en vertu
de la définition de la «confiscation» et de la «saisie»
figurant au paragraphe 2(1) de la Loi, lequel
prévoit que la confiscation est réputée avoir eu lieu
au moment où l'infraction est commise. Le deman-
deur allègue qu'en conséquence, la propriété est
transférée à la Couronne à cette même date. Le 8
octobre 1974, pour obtenir la libération du Rebel,
le demandeur a versé un dépôt de $145 relatif à la
première saisie et un dépôt supplémentaire de
$13,241.38 relatif à la seconde saisie (d'autres
sommes ont été déposées pour la libération des
autres articles).
Le 7 juillet 1975, en exécution d'une décision
ministérielle, le dépôt de $145 relatif à la première
saisie a été remboursé, mais le dépôt plus élevé
relatif à la seconde saisie, a été confisqué.
L'avocat du demandeur allègue que, le 20 sep-
tembre 1974, le Rebel était déjà propriété de la
Couronne et ne pouvait donc faire l'objet de saisie
et de double confiscation en vertu de la Loi, et
qu'après remboursement du dépôt relatif à la pre-
mière saisie, le Ministre doit maintenant rembour-
ser le second dépôt pour cause de nullité de la
seconde saisie.
La Couronne soutient que le caporal Robinson
n'a été mis au courant des voyages du demandeur
au Canada qu'après exécution de la première saisie
le 16 septembre, ou plus exactement le 20 septem-
bre. A cette date, il a obtenu une déclaration du
demandeur. Dans la première saisie, le bateau n'a
fait l'objet que d'une pénalité de navire de $145
pour transport de marchandises. Lorsque des ren-
seignements supplémentaires ont montré que le
bateau lui-même était entré illégalement, il a été
saisi et a fait l'objet de droits d'entrée de
$4,634.72, d'une taxe de $4,543.94 et d'une péna-
lité de $4,634.72.
Le savant avocat de la Couronne s'est fondé sur
Le Roi c. Bureau (supra) où Bureau n'avait pas
déclaré, à la frontière américano-canadienne, les
159,000 cigarettes transportées dans son automo
bile. On a laissé passer la voiture durant cette nuit
pluvieuse, mais elle a été saisie plus tard. La Cour
suprême du Canada s'est référée à la définition de
la saisie et de la confiscation figurant au paragra-
phe 2(1) de la Loi. Le juge en chef Rinfret s'est
ainsi prononcé à la page 377:
[TRADUCTION] Revenons à nouveau à l'alinéa o) de l'article
2; les expressions «saisi et confisqué», «passible de confiscation»,
ou «frappé de confiscation» ou toutes les autres expressions qui
pourraient en elles-même impliquer qu'il est nécessaire de faire
quelque chose à la suite de la contravention pour qu'il puisse y
avoir confiscation, ne doivent pas s'interpréter de façon à'
rendre cette chose subséquente nécessaire. La confiscation s'im-
pose dès que l'infraction a été commise et résulte du fait même
de l'infraction à l'égard de laquelle la peine de la confiscation
est imposée. En conséquence, en agissant comme il l'a fait,
l'intimé s'est rendu passible de saisie et de confiscation des
cigarettes et de l'automobile, même s'il n'a pas été par la suite
au-delà du bureau de douane avec ses marchandises.
Cette décision constitue un précédent supplé-
mentaire étayant la proposition selon laquelle la
confiscation prend naissance au moment même de
la perpétration de l'infraction, sans cependant
appuyer la prétention voulant que les marchandi-
ses soient susceptibles d'une double saisie: l'auto-
mobile de Bureau n'a fait l'objet que d'une seule
saisie.
Le Rebel a été saisi pour la première fois en
vertu de l'article 183 au titre de «navire utilisé
dans le transport», et pour la seconde fois en vertu
de l'article 205 au titre de «garde d'effets illégale-
ment importés». On n'est pas sûr de la date exacte
de la libération, la plus reculée possible étant celle
du 23 septembre 1974, où le montant du dépôt a
été fixé. Mais il est certain que le bateau n'était
pas libéré de la première saisie lorsque la seconde a
été pratiquée.
On ne m'a présenté aucune jurisprudence rela
tive à la «double saisie», et je n'ai pu moi-même
découvrir de précédent à ce propos. Il faut donc
recourir à la Loi elle-même.
Évidemment, la Loi sur les douanes ne vise pas
à faciliter l'entrée de marchandises étrangères au
Canada. Elle vise effectivement un double but: la
protection de l'industrie canadienne et l'accroisse-
ment du revenu fiscal. Le paragraphe 2(3) prescrit
l'interprétation libérale la plus propre à assurer la
protection du revenu. En voici le libellé:
2....
(3) Toutes les expressions et dispositions de la présente loi ou
de toute loi relative aux douanes doivent recevoir, suivant leurs
véritables sens, intention et esprit, l'interprétation équitable et
libérale la plus propre à assurer la protection du revenu et la
réalisation des objets pour lesquels la présente loi ou cette loi a
été édictée.
Le paragraphe 2(1) définit ainsi la «saisie» et la
«confiscation»:
2. (1) Dans la présente loi ou toute autre loi relative aux
douanes,
«saisi et confisqué», «passible de confiscation» ou toute autre
expression qui pourrait par elle-même impliquer la nécessité
d'un acte quelconque postérieur à l'infraction, en vue d'opé-
rer la confiscation, ne doit pas s'interpréter comme rendant
cet acte postérieur nécessaire, mais la confiscation résulte du
fait même de l'infraction à l'égard de laquelle la peine de
confiscation est imposée, à compter du moment où l'infrac-
tion est commise;
Ces expressions doivent recevoir l'interprétation
la plus propre à assurer la protection du revenu et
ne doivent pas être comprises de façon à rendre
nécessaire un acte quelconque postérieur à l'infrac-
tion en vue d'opérer la confiscation. En d'autres
termes, ainsi que je l'ai dit plus haut, la confisca
tion est établie par la perpétration de l'infraction,
et la ou les saisies effectivement exécutées par des
préposés des douanes ne sont pas nécessaires.
Après la confiscation du bateau et des marchandi-
ses par la Couronne, celle-ci est pleinement habili-
tée à imposer des droits, taxes et pénalités y rela-
tifs, quel que soit le nombre de saisies
subséquemment effectuées par les préposés des
douanes.
En outre, l'article 248 dispose que, si des procé-
dures sont intentées en recouvrement des marchan-
dises saisies ou de l'argent déposé, le fardeau de la
preuve incombe à celui qui réclame ces marchandi-
ses saisies ou cet argent déposé, et non à Sa
Majesté.
Je dois donc rejeter l'action avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.