T-2030-78
In re la Loi sur l'immigration et in re Patrick
Vincent McCarthy (Requérant)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Vancouver, les 16 et 17 mai 1978.
Brefs de prérogative — Prohibition — Immigration —
Demande visant à interdire la tenue d'une enquête ordonnée en
vertu d'un jugement de la Cour fédérale annulant une ordon-
nance d'expulsion — Décision du Directeur de faire tenir une
enquête sur lecture faite du rapport par téléphone, par le
fonctionnaire à l'immigration, et non sur réception d'un rap
port écrit — Les prescriptions des art. 18 et 25 en matière de
procédure ne sont pas impératives, mais ont seulement valeur
de directives — Rejet de la demande de prohibition — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Loi
sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 18, 25.
DEMANDE.
AVOCATS:
J. R. Taylor pour le requérant.
G. Carruthers pour l'intimé.
PROCUREURS:
John Taylor et associés, Vancouver, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Il s'agit ici d'une
demande de bref de prohibition interdisant au
ministre de l'Emploi et de l'Immigration et à
l'arbitre nommé dans l'intitulé de procéder à une
enquête prévue pour le 8 mai 1978 et relative à
Patrick Vincent McCarthy.
De plus, un bref de mandamus avait également
été sollicité relativement à des questions précisé-
ment exposées dans l'avis de requête; mais à l'au-
dition de l'affaire, l'avocat du requérant a aban-
donné ces demandes de sorte qu'il ne reste plus,
comme nous l'avons indiqué plus haut, que celle de
bref de prohibition.
Il s'était antérieurement tenu une enquête à
l'issue de laquelle un enquêteur spécial avait émis
une ordonnance d'expulsion.
Aux termes d'un jugement du 4 mai 1978 [voir
à la page 121 précitée] rendu à la suite d'une
demande d'examen présentée conformément à l'ar-
ticle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2' Supp.), c. 10, la Cour d'appel a rejeté
l'ordonnance d'expulsion ainsi rendue et a renvoyé
l'affaire aux autorités d'immigration afin qu'elles
procèdent à une nouvelle enquête.
Les présentes procédures cherchent à interdire
la tenue de l'enquête ordonnée aux termes de ce
jugement.
Elles se fondent sur les articles 18 et 25 de la
Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, en
vigueur lorsque l'enquête a été ouverte pour la
première fois.
En vertu de l'article 18, un fonctionnaire à
l'immigration «doit envoyer au directeur un rap
port écrit, avec des détails complets, concernant» la
personne décrite au paragraphe (1) de l'article 18.
Aux termes de l'article 25, «le directeur, sur
réception d'un rapport écrit prévu par l'article 18
et s'il estime qu'une enquête est justifiée, doit faire
tenir une enquête au sujet et la personne visée par
le rapport.»
Le fonctionnaire à l'immigration a bien préparé
le rapport prévu à l'article 18, mais ne l'a pas
expédié au directeur; il lui a lu ledit rapport au
téléphone après quoi le directeur a fait tenir
enquête.
Indubitablement, l'enquête doit porter sur une
personne visée par l'ancienne Loi sur l'immigra-
tion; de plus, à mon avis, la Cour d'appel n'a pas
envisagé de reprendre à son début l'ensemble de la
procédure. Au cours de la première enquête, on n'a
pas respecté le droit du requérant à une audition
équitable de sa cause, l'audition ayant eu lieu en
l'absence de son avocat. L'enquête devait être
recommencée. Par conséquent, le compte rendu
oral du rapport écrit et l'action prise par le direc-
teur à la suite de ce compte rendu sont toujours à
l'origine de la série d'événements d'où découle la
présente enquête.
Selon la thèse adoptée par l'avocat du requérant,
les dispositions des articles 18 et 25 sont contrai-
gnantes et, puisqu'elles n'ont pas été respectées,
l'arbitre n'est pas compétent pour conduire l'en-
quête. S'il en est ainsi, alors le bref de prohibition
doit être accordé.
Une disposition législative expresse d'ordre pro-
cédural peut être
a) impérative, et en ce cas le défaut de s'y
conformer rendra nul un prétendu exercice de
pouvoir décisionnel, ou
b) édictée à titre de directive, et en ce cas le
défaut de s'y conformer ne rendra pas nul l'exer-
cice dudit pouvoir.
Je suis d'avis, à la lumière des arrêts cités, que
la procédure visée aux articles 18 et 25 a unique-
ment le caractère d'une directive; pour cette
raison, un bref de prohibition ne peut être
accueilli.
En outre, en réponse à une question que j'ai
posée, l'avocat du requérant a répondu, d'une part,
que les mesures prises conformément à l'article 18
étaient de nature administrative et purement pro-
cédurale, et non de nature judiciaire ou quasi
judiciaire et, d'autre part, que les mesures prises
par le directeur en vertu de l'article 25 relevaient
de son pouvoir discrétionnaire. Je suis de cet avis.
Cela dit, le but d'un bref de prérogative, tout
particulièrement d'un bref de prohibition, n'est pas
d'empêcher l'exercice d'un pouvoir administratif
ou discrétionnaire.
Pour ces motifs, je refuse d'exercer mon pouvoir
discrétionnaire et d'accorder le bref de prohibition.
La demande est donc rejetée.
Je ne trouve pas d'excuses pour expliquer le
défaut des fonctionnaires à l'immigration de suivre
à la lettre les dispositions de la loi qu'ils devraient
connaître parfaitement. A leur décharge, toutefois,
on peut dire que ces événements ont eu lieu un
Vendredi saint avec toutes les difficultés que pou-
vait entraîner le congé de Pâques.
En conséquence, il ne sera alloué de dépens à
aucune des parties.
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