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T-3696-77
In re Heinrich Kleifges et in re la Loi sur la citoyenneté
Division de première instance, le juge Walsh Toronto, le 20 janvier; Ottawa, le 31 janvier 1978.
Citoyenneté Période de résidence Appelant employé à l'étranger par la Province après l'obtention du statut d'immi- grant reçu Période nécessaire pour satisfaire aux exigences de résidence La Loi ancienne a reconnu que l'appelant a rempli les conditions de résidence Absence de dispositions analogues dans la Loi nouvelle L'appelant a-t-il un droit à faire compter la période de résidence à l'étranger dans la période de résidence exigée? Loi sur la citoyenneté cana- dienne, S.R.C. 1970, c. C-19, art. 10(6)b) Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, c. 108, art: 5(1)b)(ii), 5(4), 35(1) Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 35.
L'appelant a obtenu le statut d'immigrant reçu en mai 1972 et, depuis cette date, a été au service du gouvernement de l'Ontario en Allemagne occidentale. La Loi alors en vigueur reconnaissait ce service à l'étranger comme équivalant à une période de résidence au Canada. La nouvelle Loi, proclamée en février 1977, ne contient aucune disposition analogue. Le juge de la citoyenneté n'a pas tenu compte de la période de résidence de l'appelant à l'étranger et a rejeté sa demande de citoyenneté. Il s'agit de déterminer si l'appelant a un droit né, ou naissant, à faire compter sa période de résidence à l'étranger dans la période de résidence exigée pour la citoyenneté.
Arrêt: l'appel est accueilli. L'appelant a un droit né, ou du moins un droit naissant, à faire compter sa période de résidence en Allemagne dans la période de résidence exigée pour la citoyenneté. On a simplement éliminé dans la Loi nouvelle la disposition portant que le service fait par quelqu'un à l'étranger en tant qu'employé de la fonction publique du Canada ou d'une province, autrement qu'à titre de personne engagée sur place, entrerait dans le calcul de la période de résidence au Canada; on n'y a pas prévu qu'une telle période de résidence qui serait «née) sous le régime de la Loi ancienne ne serait plus considérée comme telle. Sous la Loi ancienne, la période d'emploi de l'appelant en Allemagne par l'Ontario était prise en compte au regard des conditions de résidence jusqu'à la date de l'entrée en vigueur de la Loi nouvelle, ce qui lui donne plus de trois ans de résidence au cours de la période de quatre ans qui a précédé.
Arrêt examiné: Bell Canada c. Palmer [1974] 1 C.F. 186. Distinction faite avec l'arrêt: Director of Public Works c. Ho Po Sang [1961] A.C. 901 et distinction faite avec l'arrêt: Free Lanka Insurance Co. Ltd. c. A. E. Rana- singhe [1964] A.C. 541.
APPEL. AVOCATS:
R. Pyne pour l'appelant.
F. W. Chenoweth, amicus curiae.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Robarts & Bowman, Toronto, pour l'appelant.
Frederick W Chenoweth, Toronto, amicus curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Les faits de la présente espèce ne sont pas contestés. L'appelant, citoyen de la République fédérale d'Allemagne résidant à Francfort y est depuis 1970 l'employé du ministère de l'Industrie et du Tourisme, Bureau européen, du gouvernement de l'Ontario, en tant qu'agent de développement industriel et représentant commer cial principal. Ayant obtenu le statut d'immigrant reçu le 7 mai 1972, il a immédiatement accepté un emploi du gouvernement de l'Ontario, ayant été assuré à l'époque, allègue-t-on, que la période durant laquelle il aurait été employé, hors du Canada, dans la Fonction publique de la province de l'Ontario, autrement qu'à titre de personne engagée sur place, serait considérée comme équi- valant à une période de résidence au Canada pour les objets du paragraphe (1) de l'article 10 de la Loi sur la citoyenneté canadienne en vigueur à l'époque'. L'article 10(1) de cette loi exigeait notamment une période de résidence au Canada d'au moins 12 mois sur les 18 précédant la date de la demande, et la résidence au Canada pendant au moins cinq des huit années précédant cette date. L'article 10(6)b) est ainsi libellé:
10....
(6) Toute période durant laquelle l'auteur d'une demande de certificat de citoyenneté
b) était employé, hors du Canada, dans la fonction publique du Canada ou d'une province, autrement qu'à titre de per- sonne engagée sur place, .. .
doit être considérée comme équivalant à une période de rési- dence au Canada pour les objets des paragraphes (1),(2) et (4).
Si l'appelant n'aurait pu demander la citoyen- neté canadienne moins de cinq ans après qu'il eut obtenu le statut d'immigrant reçu, soit un certain temps après le 7 mai 1972, il est clair, cependant, que rien ne se serait opposé à ce qu'il obtienne la citoyenneté canadienne à la suite d'une telle demande si la Loi n'avait pas été modifiée entre temps.
' S.R.C. 1970, c. C-19.
Mais cette loi a été abrogée et remplacée par la Loi sur la citoyenneté actuelle, S.C. 1974-75-76, c. 108, sanctionnée le 16 juillet 1976 et proclamée le 15 février 1977. Cette dernière ne contient pas de disposition analogue à l'article 10(6) ci-dessus, permettant de considérer le service fait par quel- qu'un à l'étranger dans la fonction publique du Canada ou d'une province, autrement qu'à titre de personne engagée sur place, comme équivalant à une période de résidence au Canada lorsqu'il s'agit de satisfaire aux conditions de résidence établies pour l'octroi de la citoyenneté. L'appelant devait obligatoirement faire sa demande en vertu de la Loi actuelle, dont l'article 5(1)b) porte, entre autres conditions, que la personne demandant la citoyenneté
5....
(b) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, totalisé au moins trois ans de résidence au Canada calculés de la manière suivante:
(ii) elle est censée avoir acquis un jour de résidence pour chaque jour durant lequel elle résidait au Canada après son admission légale au Canada à titre de résident permanent;
il en résulte évidemment que la citoyenneté cana- dienne ne peut pas être accordée à l'appelant si la période de résidence à l'étranger pendant laquelle il était employé par la province de l'Ontario ne peut pas être prise en compte. Voici le texte de l'article 3 5 (1) de la Loi actuelle:
35. (1) Une procédure intentée en vertu de l'ancienne loi et non terminée à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi peut se poursuivre à titre de procédure intentée soit en vertu de l'ancienne loi et de ses règlements, soit en vertu de la présente loi et de ses règlements sur décision du Ministre laissée à sa discrétion, mais toute procédure poursuivie en vertu de l'an- cienne loi et des règlements y afférents ne peut pas se poursui- vre pendant plus d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Ce texte n'est pas applicable dans la présente affaire vu que l'appelant n'a pas engagé ses procé- dures en vertu de la Loi ancienne, ce qu'il n'aurait pu faire, d'ailleurs. 2
2 L'avocat de l'appelant a fait valoir que l'obtention du statut d'immigrant reçu pouvait peut-être être considérée comme une procédure tendant à l'obtention de la citoyenneté; je considère qu'il ne s'agit pas du genre de procédure visé par l'article 35, qui ne peut se rapporter qu'à la demande de citoyenneté.
Il a fait sa demande le moment venu, soit le 31 août 1977. A la suite de l'audience, tenue le même jour, il lui a été notifié, par une lettre de la Cour de la citoyenneté en date du 2 septembre 1977, que sa demande ne pouvait pas être approuvée parce qu'il ne remplissait pas les conditions de résidence de l'article 5(1)b). Le distingué juge de la citoyen- neté a aussi jugé qu'il ne pouvait pas recommander au Ministre d'appliquer l'article 5(4) de la Loi, qui porte que le gouverneur en conseil peut ordonner au Ministre d'accorder la citoyenneté à un requé- rant «Pour remédier à des situations particulières et exceptionnelles de détresse ou pour récompenser les services d'une valeur exceptionnelle rendus au Canada,» car le fait qu'il n'était pas citoyen cana- dien à l'époque ne plaçait pas l'appelant dans une situation particulière et exceptionnelle de détresse et ses services n'avaient pas pour le pays un carac- tère assez exceptionnel pour justifier qu'on le dis pense des conditions de résidence.
C'est de cette décision qu'il est fait appel, sur la base des dispositions de l'article 35 de la Loi d'interprétation 3 , dont voici un extrait:
35. Lorsqu'un texte législatif est abrogé en tout ou en partie, l'abrogation
b) n'atteint ni l'application antérieure du texte législatif ainsi abrogé ni une chose dûment faite ou subie sous son régime;
c) n'a pas d'effet sur quelque droit, privilège, obligation ou responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le régime du texte législatif ainsi abrogé;
J'ai eu l'occasion d'examiner cette question tout récemment dans l'affaire Habib Khoury 4 , relative- ment à une demande assez analogue qui se fondait toutefois sur des moyens tout à fait différents, la question de l'application de la Loi d'interprétation n'y ayant pas été soulevée. Dans ladite affaire, le requérant n'avait pas résidé au Canada pendant trois des quatre années précédant la date de sa demande, régie par la nouvelle loi: il avait travaillé en Afrique 19 mois au total, au cours de ces quatre années, pour le compte de l'ACDI. On a plaidé que, le requérant ayant reçu son traitement au Canada, et l'impôt sur le revenu ainsi que les autres retenues en ayant été déduits au Canada, les périodes durant lesquelles il avait résidé à
3 S.R.C. 1970, c. I-23.
* du greffe: T-3044-77, jugement en date du 17 janvier
1978.
l'étranger devaient être considérées comme des périodes de résidence au Canada pour les besoins de l'article 5(1)b)(ii) de la Loi. J'ai rejeté cet argument qui tendait à rendre «résidence» syno- nyme de «domicile», citant l'affaire Blaha c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration 5 appliquée dans l'affaire In re Goldston 6 , faisant également état du jugement dans l'affaire In re Laprade [1974] 1 C.F. 196. J'ai fait dans mon jugement, au sujet de l'éventualité de l'application de l'article 10(6)b) de la Loi, la réserve suivante:
Outre qu'il resterait à déterminer si l'emploi de l'appelant à l'ACDI pourrait être considéré comme un emploi »dans la fonction publique du Canada», ce qui est douteux, on ne trouve pas de disposition semblable dans la Loi actuelle et il semble donc que les périodes de service à l'étranger ne puissent être prises en compte pour satisfaire aux conditions de résidence.
On a invoqué une jurisprudence considérable sur le point de l'application de la Loi d'interprétation à la présente espèce. Le jugement le plus impor tant, peut-être, est celui du Conseil privé dans l'affaire Director of Public Works c. Ho Po Sang' dans lequel lord Morris of Borth -y-Gest déclarait, à la page 922, au sujet de l'article 10(c) de l'Inter- pretation Ordinance of Hong Kong, qui correspond à l'article 38 de l'Interpretation Act, 1889, du Royaume-Uni, 52 & 53 Vict., c. 63:
[TRADUCTION] Il se peut par conséquent qu'en vertu d'un certain texte législatif abrogé un droit ait été accordé mais qu'en ce qui le concerne, une enquête ou une certaine procédure judiciaire soit nécessaire. Le droit n'est alors pas touché et il est garanti. Il sera garanti même si l'on doit faire le nécessaire pour en fixer le quantum. Mais il y a une nette distinction entre une enquête portant sur un droit et une enquête destinés à décider si un certain droit doit ou non être accordé. Dans le premier cas, lors de l'abrogation, le droit est garanti par la Loi d'interprétation. Dans le deuxième cas il ne l'est pas. Leurs Seigneuries sont d'accord avec la remarque du juge Blair-Kerr qui déclare: »C'est une chose que d'invoquer une loi pour l'attribution de droits qui étaient déjà nés avant l'abrogation de cette loi; c'est une toute autre chose que d'affirmer que, sans avoir égard au fait qu'il existe ou non des droits au moment de l'abrogation, si des formalités de procédure sont effectuées avant l'abrogation, le demandeur est alors en droit, même après l'abrogation, de continuer cette procédure de façon à détermi- ner si on lui attribuera un droit qu'il n'avait pas encore lorsque la procédure a été entamée.»
Ce jugement a été invoqué dans celui de l'affaire Free Lanka Insurance Co. Ltd. c. A. E. Rana -
5 [1971] C.F. 521.
6 [1972] C.F. 559.
7 [1961] A.C. 901.
singhe 8 . Dans l'affaire Bell Canada c. Palmer 9 , le juge Thurlow, tel était alors son titre, prononçant le jugement de la Cour d'appel fédérale, faisait à la page 192, entre l'affaire Ho Po Sang et l'espèce dont il était saisi, les distinctions suivantes:
Ici, à mon avis, la situation est différente. Au moment en cause, les plaignantes avaient, à titre d'employées de l'appe- lante, un droit acquis à un salaire égal en conformité des dispositions législatives, droit qu'elles ont cherché à faire res- pecter, et, en présentant une plainte écrite au Ministre, elles ont rempli la seule formalité de procédure qu'elles étaient tenues de remplir pour que la procédure prévue à l'article 6 soit menée à terme.
Dans la présente espèce, on n'a malheureusement rempli aucune formalité sous le régime de la Loi ancienne. Cependant, ceci résulte du seul fait qu'il n'était possible de le faire qu'après le 7 mai 1977, et qu'à l'époque, la Loi nouvelle était déjà entrée en vigueur. L'appelant a alors agi promptement: il a déposé sa demande de citoyenneté le 31 août 1977. On peut toutefois faire une distinction très importante au sujet des décisions britanniques invoquées: le texte qui y était en cause, l'article 38 de l'Interpretation Act, 1889, du Royaume-Uni dit notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] 38. .. .
(2.) Lorsque la présente Loi ou toute loi adoptée après l'entrée en vigueur de la présente Loi abroge un autre texte législatif, l'abrogation de celui-ci n'a pas, sauf si l'intention contraire paraît évidente,
c.) d'effet sur quelque droit, privilège, obligation ou responsa- bilité acquis, ou encouru sous le régime du texte législatif ainsi abrogé; ou
tandis qu'à l'article 35c), précité, de la Loi d'inter- prétation du Canada le mot «naissant» est ajouté à la suite du mot «né». Il s'agit d'une différence très importante du fait que le droit de l'appelant de faire compter dans la période de résidence exigée par l'article 10 de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne la période il était employé en Alle- magne par la province de l'Ontario était un droit naissant à la date de l'abrogation de cette loi.
Si d'une part, comme je l'ai déjà indiqué, l'arti- cle 35(1) de la Loi actuelle n'est pas applicable dans la présente espèce du fait que la procédure
8 [1964] A.C. 541, à la page 552.
9 [1974] 1 C.F. 186.
n'a pas été intentée en vertu de la Loi ancienne, je ne crois pas d'autre part que cela ait pour effet de rendre non applicable à la présente espèce l'article 35 de la Loi d'interprétation. S'il était un article de la Loi d'interprétation qui pouvait être consi- déré comme ayant été rendu sans effet par l'article 35(1) de la nouvelle Loi sur la citoyenneté, qui limite la poursuite des procédures intentées en vertu de la Loi ancienne à une durée d'une année à compter de l'entrée en vigueur de la Loi nouvelle, ce serait l'article 36 de la Loi d'interprétation: celui-ci, en effet, stipule de façon générale que toutes les procédures engagées en vertu du texte antérieur peuvent être continuées dans la mesure la chose peut se faire conformément au nouveau texte et que la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie dans la mesure elle peut être adaptée, par exemple, aux mesures visant à faire valoir des droits existants ou naissants fondés sur le texte antérieur. Ce qui nous occupe ici, c'est non pas une procédure engagée sous le régime de la Loi ancienne, mais la question de savoir si le nouveau texte nie à l'appelant «quelque droit, pri- vilège, obligation ou responsabilité acquis, né, nais- sant ou encouru» sous le régime de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne.
Étant donné qu'il a été décidé que la citoyenneté était un privilège et non pas un droit, il s'agit ici de savoir non pas si la citoyenneté devait être accor- dée à l'appelant mais plutôt s'il n'avait pas le droit né, ou du moins naissant, de faire compter la période il a résidé en Allemagne, pour satisfaire aux conditions de résidence auxquelles est subor- donné l'octroi de la citoyenneté. Je crois qu'il avait ce droit et que ce serait commettre une injustice manifeste que de le lui enlever au moyen d'une loi ayant en réalité un effet rétroactif. On a simple- ment éliminé dans la Loi nouvelle la disposition portant que le service fait par quelqu'un à l'étran- ger en tant qu'employé de la fonction publique du Canada ou d'une province, autrement qu'à titre de personne engagée sur place, entrerait dans le calcul de la période de résidence au Canada; on n'y a certainement pas prévu formellement qu'une telle période de résidence qui serait née sous le régime de la Loi ancienne ne serait plus considérée comme telle.
Si nous prenons la période de quatre ans qui a précédé le 31 août 1977, date de la demande de
l'appelant, cela nous ramène au 31 août 1973, et, sous la Loi ancienne, la période d'emploi de l'appe- lant en Allemagne par la province de l'Ontario était prise en compte au regard des conditions de résidence jusqu'à la date de l'entrée en vigueur de la Loi nouvelle, soit le 15 février 1977, ce qui lui donne plus de trois ans de résidence au cours de la période de quatre ans qui a précédé. Je crois donc que son appel devrait être accueilli.
Il résulte de cette conclusion qu'il n'est pas nécessaire d'étudier la seconde question, celle de savoir si le juge de la citoyenneté aurait recom- mander au Ministre d'appliquer l'article 5(4) de la Loi, mais il me paraît souhaitable de faire quel- ques observations sur ce point vu qu'on pourrait soulever une question semblable dans d'autres affaires. L'article 5(4) est ainsi libellé:
5....
(4) Pour remédier à des situations particulières et exception- nelles de détresse ou pour récompenser les services d'une valeur exceptionnelle rendus au Canada, nonobstant toute autre dispo sition de la présente loi, le gouverneur en conseil peut, à sa discrétion, ordonner au Ministre d'accorder la citoyenneté à toute personne et, lorsqu'un tel ordre est donné, le Ministre doit immédiatement accorder la citoyenneté à la personne qui y est désignée.
On notera l'emploi du mot «ou» dans le texte: il en résulte qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'une recommandation soit faite, que le requérant subisse une situation particulière et exceptionnelle de détresse s'il n'obtient pas la citoyenneté, et que la recommandation pourrait être faite en vue de récompenser des services d'une valeur exception- nelle rendus au Canada. Selon moi, le distingué juge de la citoyenneté a envisagé d'une façon quelque peu restrictive ce qui constitue des services d'une valeur exceptionnelle. Je ne crois pas que la Loi exige que ces services soient de nature à justifier un prix ou une décoration. On trouve dans le dossier du requérant une lettre émanant de l'ancien directeur du bureau de Francfort du ministère de l'Industrie et du Tourisme de l'Onta- rio, il est dit ce qui suit:
[TRADUCTION] D'abord en tant que représentant commer cial, puis à titre de représentant commercial principal, il a bien servi les intérêts du monde des affaires de l'Ontario. Son enthousiasme pour le Canada, également partagé par sa famille, se passe de commentaires.
Dans une autre lettre, émanant de Barbel Manu facturing Co. Ltd. de Bolton (Ontario), on trouve ce qui suit:
[TRADUCTION] Notre société s'occupe d'exportations et M. Kleifges nous a fourni une aide inestimable lorsqu'il s'est agi d'établir de bons contacts avec les milieux d'affaires en Europe. Je l'ai trouvé extrêmement coopératif, loyal, honnête, bien informé et compétent. Selon moi, notre pays aurait tout avan- tage à le compter parmi ses citoyens.
Cette lettre porte la signature de G. P. Hirsch, le président de la compagnie. Je suis d'avis que dans le cas d'un requérant qui ferait de toute évidence un excellent citoyen, les dispositions de la Loi devraient être interprétées libéralement, plutôt que d'une façon étroite et restrictive, de sorte qu'il soit possible de lui accorder la citoyenneté; j'estime donc que, dans la présente affaire, même si je n'avais pas conclu que l'appel devait être accueilli et la citoyenneté accordée à l'appelant, j'aurais de toute façon recommandé l'exercice du pouvoir dis- crétionnaire prévu par l'article 5(4) de la Loi.
ORDONNANCE L'appel est accueilli avec dépens.
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