A-362-77
Waclaw Antoni Mihael Hurt (également connu
sous le nom de Wallace Hurt) (Appelant)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge
suppléant Kelly—Toronto, les 24 et 25 janvier
1978.
Examen judiciaire — Immigration — Statut de réfugié —
La Commission d'appel de l'immigration a refusé de permettre
que l'appel de l'appelant suive son cours et a ordonné l'exécu-
tion de l'ordonnance d'expulsion — L'appelant est un ressor-
tissant polonais — Sa résidence, avant ses visites au Canada et
aux États-Unis, était établie en Allemagne de l'Ouest et
assujettie à l'obtention de visas temporaires — La Commission
a jugé qu'il n'était pas un réfugié de l'Allemagne — Erreur de
droit — Loi sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3, art. 11 — Convention des Nations Unies
relative au statut des réfugiés HCR/INF/29/Rev. 2, chapitre 1,
article 1, paragraphes A2), C3), E — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
La Commission d'appel de l'immigration a examiné la décla-
ration de l'appelant faite dans le cours de sa demande en vue
d'obtenir son statut de réfugié, a refusé de permettre que son
appel suive son cours et a ordonné l'exécution de l'ordonnance
d'expulsion émise contre lui. L'appelant prétend être un réfugié
de Pologne compte tenu à la fois de sa naissance en Pologne et
du fait qu'il conserve toujours la nationalité polonaise. La
Commission, toutefois, a examiné la déclaration pour savoir s'il
était ou non un réfugié de l'Allemagne de l'Ouest où il a vécu
pendant un certain nombre d'années en obtenant des visas
temporaires, avant ses visites au Canada et aux États-Unis.
L'appelant interjette appel de la décision de la Commission.
Arrêt: la demande d'examen judiciaire est accueillie et l'af-
faire est renvoyée devant la Commission pour qu'elle procède à
un nouvel examen. La définition du terme réfugié utilisé dans
la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés
exige clairement que la Commission examine la preuve conte-
nue dans la déclaration en tenant compte du fait que l'appelant
a le statut de ressortissant polonais. La Commission aurait dû
décider, en se fondant sur la déclaration, si l'appelant pourrait,
lors d'une audition de sa demande, établir qu'il était un réfugié
polonais. En négligeant de ce faire, la Commission a commis
une grave erreur de droit qui a pu nuire à l'examen de la
question à laquelle elle devait répondre.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Laurence Kearley pour l'appelant.
B. Evernden pour l'intimé.
PROCUREURS:
Laurence Kearley, a/s Parkdale Community
Legal Services, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des, motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE HEALD: Je suis d'avis que la décision
rendue en l'espèce par la Commission d'appel de
l'immigration le 30 mars 1977 ne peut être mainte-
nue. Par cette décision, la Commission a, confor-
mément au paragraphe 11(3) de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, S.R.C.
1970, c. I-3, examiné la déclaration de l'appelant
en date du 28 février 1977, déposée en vertu du
paragraphe 11(2) de la Loi et a refusé de permet-
tre que l'appel de l'appelant suive son cours; en
outre, elle a ordonné que l'ordonnance d'expulsion
contre l'appelant soit exécutée le plus tôt possible.
Dans ses motifs de jugement, la Commission a
déclaré (dossier conjoint, page 36):
La Commission est d'avis que l'appelant n'est pas réfugié de
l'Allemagne de l'Ouest, pays où il avait vécu durant cinq ans et
d'où il était libre d'aller aux États-Unis, au Canada, de revenir
aux États-Unis et de retourner au Canada. On remarque qu'il
n'a jamais prétendu au statut de réfugié avant le 28 février
1977. M. Hurt n'a pas souffert de persécution pendant qu'il
était en Allemagne et, par conséquent, on n'a produit aucun
motif raisonnable pour démontrer à la Commission que le
bien-fondé de la prétention pourrait être établi s'il y avait
audition de l'appel. Par conséquent, la Commission refuse de
permettre que l'appel suive son cours et ordonne que l'ordon-
nance d'expulsion soit exécutée le plus tôt possible.
La déclaration précédente établit clairement que
la Commission n'a pas envisagé la bonne question
en examinant la déclaration de l'appelant pour
savoir s'il était ou non un réfugié de l'Allemagne
de l'Ouest. L'appelant prétend être un réfugié de
Pologne, compte tenu de sa naissance en Pologne
et du fait qu'il conserve toujours la nationalité
polonaise (voir le dossier conjoint aux pages 4 et
6). La convention et le protocole des Nations
Unies définissent ainsi le terme «réfugié»:
le terme «réfugié» s'appliquera à toute personne: ... craignant
avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion,
de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe
social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont
elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte,
ne veut se réclamer de la protection de ce .pays.... (C'est moi
qui souligne.)'
' Convention des Nations Unies relative au statut des réfu-
giés HCR/INF/29/Rev. 2. Chapitre 1, article 1, paragraphe
A2).
Cette définition exige clairement qu'en l'espèce
la Commission examine la preuve contenue dans la
déclaration en tenant compte du fait que l'appelant
a le statut de ressortissant polonais. En se fondant
sur la déclaration, la Commission aurait dû déci-
der si l'appelant pourrait, lors d'une audition de sa
demande, établir qu'il était un réfugié polonais. Je
suis d'avis qu'en négligeant de ce faire la Commis
sion a commis une grave erreur de droit qui a pu
nuire à l'examen de la question à laquelle elle
devait répondre.
Tout en admettant que la Commission devait,
compte tenu des faits en l'espèce, considérer la
déclaration sur le fondement que la demande de
statut de réfugié était présentée en qualité de
ressortissant polonais, si l'article 1, paragraphe
A2) s'applique ici, l'avocat de l'intimé a cependant
allégué que, si après examen de la déclaration, la
Commission concluait que la demande de statut de
réfugié était frivole, elle devait refuser de permet-
tre que l'appel suive son cours. L'avocat appuie
cette prétention sur la décision de la Cour dans Le
ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration
c. Fuentes 2 . Il fait ensuite mention de la déclara-
tion de la Commission à la page 36 du dossier
conjoint portant que l'appelant n'a pas présenté de
demande de statut de réfugié avant le 28 février
1977. Il demande à la Cour de conclure, suite à
cette déclaration, que si l'appelant désirait
sérieusement demander le statut de réfugié, il l'au-
rait fait bien avant le 28 février 1977, puisqu'il
était au Canada depuis 1975. La réponse à cette
allégation se trouve à la page 33 du dossier con
joint où l'appelant dit, dans sa déclaration, qu'il est
arrivé au Canada le 5 septembre 1975 pour visiter
de la parenté à Toronto, qu'il est allé aux États-
Unis le 6 octobre 1975 et est revenu au Canada le
11 novembre 1975 pour «demander le statut de
réfugié». Donc, la déclaration établit clairement
l'intention de l'appelant de demander le statut de
réfugié au Canada depuis le 11 novembre 1975.
L'autre argument présenté par l'avocat de l'in-
timé est que le statut de réfugié est perdu lorsque,
entre autres, une personne est considérée par les
autorités compétentes du pays dans lequel elle a
établi sa résidence comme ayant les droits et les
obligations attachés à la possession de la nationa-
2 [1974] 2 C.F. 331, la p. 334.
lité de ce pays. L'avocat s'appuie sur la Convention
relative au statut des réfugiés, chapitre 1, article 1,
paragraphes C3) et E. Voici le libellé de ces
paragraphes:
C. Cette Convention cessera, dans les cas ci-après, d'être
applicable à toute personne visée par les dispositions de la
section A ci-dessus:
3) Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la
protection du pays dont elle a acquis la nationalité; ...
E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne
considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel
cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et
les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce
pays.
L'avocat prétend que puisque l'appelant a léga-
lement résidé en Allemagne de l'Ouest pendant
quatre ans, il est une personne reconnue par les
autorités compétentes de l'Allemagne de l'Ouest
comme ayant les droits et les obligations attachés à
la possession de la nationalité ouest-allemande. A
mon avis, cette prétention n'est pas justifiée par la
preuve contenue dans la déclaration de l'appelant.
Une lecture de cette partie de la déclaration conte-
nue aux pages 31 33 du dossier conjoint établit
clairement que l'appelant prétend n'avoir réussi à
rester en Allemagne de l'Ouest qu'en obtenant des
visas temporaires, qu'il n'avait pas réussi à obtenir
le statut de résident permanent, qu'on l'avait
informé que les Allemands désiraient l'expulser en
Pologne et que son visa temporaire devant expirer
le 25 novembre 1975 ne serait pas renouvelé. A
mon avis, cette preuve nie plutôt qu'elle ne l'af-
firme, la prétention que l'appelant avait des droits
semblables à ceux attachés à la nationalité ouest-
allemande. Je suis donc d'avis que les paragraphes
C3) et E, énoncés plus haut, ne peuvent s'appli-
quer aux faits en l'espèce pour empêcher l'applica-
tion du paragraphe A2) de l'article 1 de la
Convention.
Pour les raisons susmentionnées, je renvoie cette
affaire devant la Commission d'appel de l'immi-
gration pour qu'elle procède à un nouvel examen
en tenant compte du fait que l'appelant réclame
son statut au titre de réfugié polonais.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris.
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