T-2343-74
John Emmett McCann, Walter Alan Dudoward,
Ralph Cochrane, Jake Quiring, Donald Oag, Keith
Curtis Baker, Andrew Bruce et Melvin Miller
(Demandeurs)
c.
La Reine et Dragan Cernetic, en sa qualité de chef
d'institution du pénitencier de la Colombie-Bri-
tannique (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Heald—
New Westminster (C.-B.) le 10 février, du 22 au
26 septembre, le 29 septembre, du 1 au 3 octobre,
du 6 au 9 octobre, du 1 au 5 décembre 1975;
Ottawa, le 30 décembre 1975.
Emprisonnement—Mise à l'écart—Les demandeurs sont des
détenus au pénitencier de la C.-B.—Ils demandent un juge-
ment déclaratoire portant a) que la mise à l'écart est une peine
cruelle et inusitée contraire à la Déclaration canadienne des
droits et b) que la mise à l'écart sans avis d'inculpation ni
audition impartiale etc., selon les principes de justice fonda-
mentale est contraire à la Déclaration canadienne des droits—
Les demandeurs réclament un jugement déclaratoire portant
que l'art. 2.30 du Règlement sur le service des pénitenciers est
sans effet parce qu'il s'oppose à la Déclaration canadienne des
droits—Les demandeurs réclament une ordonnance enjoignant
aux défendeurs de se conformer à la décision de la Cour—
Règlement sur le service des pénitenciers, art. 2.06, 2.07, 2.28,
2.29 et 2.30—Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c.
44, art. la), 2a),b) et e).
Les demandeurs, détenus au pénitencier de la Colombie-Bri-
tannique, demandent un jugement déclaratoire contre la mise à
l'écart et allèguent que: (1) cette mise à l'écart en vertu de
l'article 2.30(1) du Règlement sur le service des pénitenciers
supprime et enfreint leur droit de ne pas subir des peines ou
traitements cruels ou inusités que garantit l'article 2b) de la
Déclaration canadienne des droits; (2) ladite détention, sans
avis d'inculpation ni audition, les prive de leur droit à une
audition impartiale selon les principes de justice fondamentale
et est contraire aux articles la) et 2e) de la Déclaration
canadienne des droits; (3) certains demandeurs allèguent avoir
été prévenus qu'on les soupçonnait d'avoir violé les articles 2.28
et 2.29 du Règlement mais avoir été placés en mise à l'écart en
vertu de l'article 2.30, sans bénéficier d'une audition ni des
garanties d'ordre procédural; (4) certains affirment que bien
qu'ils aient été initialement placés en mise à l'écart punitive en
vertu des articles 2.28 et 2.29 et par sentence du tribunal du
directeur, ils ont été détenus, après l'expiration de leur peine, en
mise à l'écart administrative en vertu de l'article 2.30 pendant
une période indéterminée, sans bénéficier d'une audition ni des
garanties d'ordre procédural; (5) certains affirment avoir été
détenus parce qu'on avait porté plainte contre eux devant
d'autres cours et que l'article 2.30(1) constitue une détention et
un emprisonnement arbitraires et supprime leurs droits garantis
par la Déclaration canadienne des droits; (6) les demandeurs
allèguent en outre que leur détention viole l'article 2.30(2) en
ce qu'elle les prive des privilèges et agréments accordés aux
autres détenus et ils allèguent de plus l'inobservation des arti
cles 2.07 (hygiène) et 2.06 (soins médicaux et dentaires); (7)
qu'on a utilisé abusivement des gaz lacrymogènes et pointé des
fusils dans leur direction; (8) que le défendeur Cernetic a
délégué à tort les pouvoirs conférés par l'article 2.30(1) et que
la décision de mettre à l'écart a été prise illégalement; (9) que
pendant leur mise à l'écart en vertu de l'article 2.30(1) leur cas
n'a pas été étudié chaque mois comme l'exige l'article; et (10)
que les traitements infligés leur ont causé de telles souffrances
et angoisses qu'ils ont subi une dégradation physique et
psychologique.
Arrêt: sera rendu un jugement déclarant que l'incarcération
de tous les demandeurs, sauf Baker, à l'Unité spéciale de
correction constituait une peine ou traitement cruel et inusité
contraire à l'article 2b) de la Déclaration canadienne des
droits. Cependant, les demandeurs n'ont pas droit à une ordon-
nance enjoignant aux défendeurs de se conformer aux juge-
ments déclaratoires de la Cour. Selon les critères proposés par
le juge McIntyre dans son jugement dissident dans l'affaire La
Reine c. Miller et Cockriell [1975] 6 W.W.R. 1, le traitement
ne sert aucune fin pénale pratique; et même si c'était le cas, il
serait cruel et inusité car il ne respecte pas les normes de la
décence et de la bienséance puisqu'il est inutile, compte tenu de
l'existence d'autres moyens suffisants. Bien que la «mise à
l'écart» soit nécessaire, elle n'est pas synonyme d'«isolement».
Même si l'on donnait au mot «inusité» son sens ordinaire, on
pourrait soutenir que ce qualificatif s'applique au moins à une
partie du traitement. Les demandeurs n'ont pas établi leur droit
à un jugement déclarant sans effet l'article 2.30(1) du Règle-
ment. L'objet de ce règlement est le maintien du bon ordre et
de la discipline dans les pénitenciers canadiens; c'est un objectif
fédéral régulier et le règlement est intra vires. Quant à la
demande au titre de «l'application régulière de la loi», la Cour,
après avoir étudié le libellé très clair du règlement 2.30(1)a)
dans le contexte de l'étendue des fonctions du chef d'institution,
est convaincue que la décision de recourir à la mise à l'écart est
de nature purement administrative et les demandeurs ne peu-
vent se prévaloir des articles la) et 2e) de la Déclaration
canadienne des droits pour obtenir le jugement réclamé.
Arrêts analysés: La Reine c. Miller [1975] 6 W.W.R. 1;
La Reine c. Burnshine [1975] 1 R.C.S. 693; Le procureur
général du Canada c. Canard [1975] 3 W.W.R. 1 et
Merricks c. Nott-Bower [1964] 1 Ali E.R. 717. Arrêts
appliqués: Curr c. La Reine [1972] R.C.S. 889; Ex parte
McCaud [1965] 1 C.C.C. 168; Howarth c. La Commission
nationale des libérations conditionnelles [1973] C.F.
1018; Mitchell c. La Reine (1976) 24 C.C.C. (2') 241 et
Landreville c. La Reine [1973] C.F. 1223.
ACTION.
AVOCATS:
B. Williams et D. J. Sorochan pour les
demandeurs.
J. R. Haig et K. F. Burdak pour les
défendeurs.
PROCUREURS:
Swinton & Cie, Vancouver, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Au moment du dépôt de la
déclaration initiale (le 4 juin 1974), tous les
demandeurs étaient détenus au pénitencier de la
Colombie-Britannique (ci-après désigné sous le
nom de pénitencier de la C.-B.), l'un des péniten-
ciers de Sa Majesté, situé dans la ville de New
Westminster, dans la province de la Colombie-Bri-
tannique.
Le 4 juin 1974, les demandeurs Quiring, Oag et
Bruce étaient détenus dans l'Unité spéciale de
correction (ci-après désignée par les lettres USC)
du pénitencier de la C.-B. Le demandeur Quiring
est revenu parmi les autres détenus du pénitencier
le 3 juillet 1974. Le demandeur Cochrane a été
placé à l'USC le 30 juillet 1974, ou vers cette date,
après sa capture à la suite de son évasion du
pénitencier de la C.-B. Tous les demandeurs ont
été placés à un moment ou à un autre, à l'USC du
pénitencier de la C.-B., avant le 4 juin 1974.
Le défendeur Dragan Cernetic (ci-après désigné
sous le nom de Cernetic) est le chef d'institution
du pénitencier de la C.-B.; il est donc le fonction-
naire responsable du pénitencier de la C.-B.
nommé en vertu de la Loi sur les pénitenciers,
S.R.C. 1970, c. P-6 et du Règlement sur le service
des pénitenciers, DORS/62-90.
Le défendeur Cernetic est responsable de l'en-
semble de l'organisation, de la sûreté et de la
sécurité du pénitencier de la C.-B., y compris la
formation disciplinaire des détenus, et il doit s'as-
surer que le personnel de l'institution se conforme
aux dispositions de la Loi sur les pénitenciers, du
Règlement sur le service des pénitenciers, des
directives du commissaire des pénitenciers, ainsi
que des ordres permanents et des ordres de service
courant de l'institution.
Les défendeurs admettent que chaque fonction-
naire et employé appartenant au personnel de l'ins-
titution du pénitencier de la C.-B. doit observer la
loi en général, et les dispositions de la Loi sur les
pénitenciers et du Règlement sur le service des
pénitenciers, mettre en vigueur les dispositions de
la Loi sur les pénitenciers, du Règlement sur le
service des pénitenciers, des directives du commis-
saire des pénitenciers, des ordres permanents et
des ordres de service courant du pénitencier de la
C.-B. et s'y conformer. En outre, le défendeur
Cernetic doit s'assurer que le personnel observe ces
lois et dispositions et sévir contre les contrevenants.
Les demandeurs allèguent que leur emprisonne-
ment dans ladite USC en vertu des dispositions de
l'article 2.30(1) du Règlement sur le service des
pénitenciers' supprime et enfreint le droit des
demandeurs de ne pas subir des peines ou traite-
ments cruels et inusités, droit que garantit la
Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c.
44, art. 2b) 2 . Le paragraphe 5 de a) à j) inclusive-
ment de la déclaration modifiée en date du 28
octobre 1975 contient le détail de ces peines ou
traitements cruels ou inusités.
2.30. (1) Si le chef de l'institution est convaincu que,
a) pour le maintien du bon ordre et de la discipline dans
l'institution, ou
b) dans le meilleur intérêt du détenu,
il est nécessaire ou opportun d'interdire au détenu de se joindre
aux autres, il peut le lui interdire, mais le cas d'un détenu ainsi
placé à l'écart doit être étudié, au moins une fois par mois, par
le Comité de classement qui recommandera au chef de l'institu-
tion la levée ou le maintien de cette interdiction.
(2) Un détenu placé à l'écart n'est pas considéré comme
frappé d'une peine à moins qu'il n'y ait été condamné, et il ne
doit, pour autant, perdre aucun de ses privilèges et agréments,
sauf ceux
a) dont il ne peut jouir qu'en se joignant aux autres détenus,
ou
b) qui ne peuvent pas raisonnablement être accordés, compte
tenu des limitations du lieu où le détenu est ainsi placé à
l'écart et de l'obligation d'administrer ce lieu de façon
efficace.
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement
du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobs-
tant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
b) infligeant des peines ou traitements cruels et inusités, ou
comme en autorisant l'imposition;
Les demandeurs allèguent en outre que leur
détention dans ladite USC en vertu des disposi
tions de l'article 2.30(1), sans avis d'inculpation ni
audition impartiale de leur cause par un tribunal
indépendant et non préjugé les prive de leur droit à
une audition impartiale selon les principes de jus
tice fondamentale et conformément aux droits que
leur accordent les articles la) et 2e) de la Décla-
ration canadienne des droits'. A ce sujet, ils affir-
ment également qu'on ne leur a jamais expliqué la
raison de leur mise à l'écart.
De plus, certains demandeurs allèguent avoir été
prévenus qu'on les soupçonnait de manquement à
la discipline de l'institution, au sens des articles
2.28 et 2.29 4 du Règlement, sans avis ni inculpa-
tion et sans qu'on leur ait accordé une audience ni
donné les motifs de leur mise à l'écart. Au con-
traire, ils ont été placés à l'USC en vertu de
l'article 2.30 du Règlement sans bénéficier d'une
audition de leur cause ni des garanties d'ordre
procédural. Selon certains demandeurs, leur mise à
l'écart à l'USC était une mesure disciplinaire prise
conformément aux articles 2.28 et 2.29 du Règle-
3 1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les droits
de l'homme et les libertés fondamentales ci-après énoncés ont
existé et continueront à exister pour tout individu au Canada
quels que soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa
religion ou son sexe:
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de
la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le droit de
ne s'en voir privé que par l'application régulière de la loi;
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du
Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobs-
tant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et
s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou
enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et
déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la
diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du
Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
4 2.28. (1) Il incombe au chef de chaque institution de main-
tenir la discipline parmi les détenus incarcérés dans cette
institution.
(2) Aucun détenu ne doit être puni sauf sur l'ordre du chef
de l'institution ou d'un fonctionnaire désigné par le chef de
l'institution.
ment, par sentence du tribunal du directeur;
cependant, après l'expiration de leur peine,
laquelle ne peut légalement dépasser trente jours,
(voir le Règlement 2.28(4)b)), ils ont été détenus à
l'USC en vertu du Règlement 2.30 pendant une
durée indéterminée sans être frappés d'une peine;
sans bénéficier des garanties d'ordre procédural et
sans que le défendeur Cernetic ne leur accorde une
audition.
(3) Si un détenu est trouvé coupable d'un manquement à la
discipline, la peine consiste, sauf en cas d'infraction flagrante
ou grave, en la perte de privilèges.
(4) Le détenu qui commet une infraction flagrante ou grave
à la discipline est passible de l'une ou plusieurs des peines
suivantes:
a) de la perte de la réduction statutaire de peine;
b) de l'interdiction de se joindre aux autres pendant une
période d'au plus trente jours,
(i) avec l'imposition pendant la totalité ou une partie de
cette période d'un régime alimentaire sans variété, mais
assez soutenant et sain, ou
(ii) sans régime alimentaire;
c) de la perte de privilèges.
2.29. Est coupable d'une infraction à la discipline, un détenu
qui
a) désobéit ou omet d'obéir à un ordre légitime d'un fonc-
tionnaire du pénitencier,
b) se livre, ou menace de se livrer, à des voies de fait sur la
personne d'un autre,
c) refuse de travailler ou ne travaille pas de son mieux,
d) laisse son travail sans la permission d'un fonctionnaire du
pénitencier,
e) endommage la propriété de l'État ou la propriété d'une
autre personne,
f) gaspille délibérément de la nourriture,
g) se comporte, par ses actions, propos ou écrits, d'une façon
indécente, irrespectueuse ou menaçante envers qui que ce
soit,
h) délibérément désobéit ou omet d'obéir à quelque règle-
ment ou règle régissant la conduite des détenus,
i) a de la contrebande en sa possession,
j) se livre à la contrebande avec toute autre personne,
k) commet un acte propre à nuire à la discipline ou au bon
ordre de l'institution,
I) commet un acte dans l'intention de s'évader ou d'aider un
autre détenu à s'évader,
m) donne ou offre un pot-de-vin ou une récompense à qui
que ce soit dans un but quelconque,
n) enfreint quelque règlement, règle ou directive établis en
vertu de la Loi, ou
o) tente de commettre l'un quelconque des actes mentionnés
aux alinéas a) à n).
Certains des demandeurs ont de plus affirmé
qu'ils avaient été détenus à l'USC pour la seule
raison qu'on avait porté plainte contre eux devant
d'autres cours. On prétend également que ledit
règlement 2.30(1) en autorisant le défendeur Cer-
netic à ordonner, à son entière discrétion, la déten-
tion des demandeurs à l'USC, autorise en fait une
détention et un emprisonnement arbitraires et sup-
prime les droits garantis par les articles la) et 2a)
de la Déclaration canadienne des droits.
Les demandeurs allèguent en outre que leur
détention à l'USC viole l'article 2.30(2) du Règle-
ment en ce qu'elle les prive des privilèges et agré-
ments accordés aux autres détenus, bien que ces
privilèges et agréments ne soient pas incompatibles
avec leur détention à l'USC. Le paragraphe 12 de
la déclaration modifiée décrit en détail lesdits pri-
vilèges et agréments.
Les demandeurs allèguent de plus l'inobserva-
tion des articles 2.07 (fourniture des objets de
toilette et autres articles nécessaires à la santé et à
la propreté) et 2.06 (soins médicaux et dentaires
essentiels) du Règlement.
Les demandeurs soutiennent également qu'on a
utilisé abusivement des gaz lacrymogènes et qu'on
a sans raison suffisante pointé dans leur direction
des fusils de haute puissance dans des circons-
tances où la loi n'autorise pas de telles mesures.
On prétend également que le défendeur Cernetic
a délégué à tort les pouvoirs conférés par l'article
2.30(1) du Règlement, que la décision de placer les
demandeurs, ou certains d'entre eux, dans l'USC a
été prise par des personnes autres que le chef
d'institution et que cette détention est par consé-
quent illégale.
Les demandeurs allèguent aussi que pendant
leur mise à l'écart en vertu de l'article 2.30(1) du
Règlement, leur cas n'a pas été étudié chaque mois
par le Comité de classement comme l'exige le
Règlement 2.30(1).
Les demandeurs affirment, en terminant leur
déclaration modifiée, que les traitements subis leur
ont causé des souffrances et des angoisses considé-
rables, au point de provoquer chez eux, dans cer-
taines circonstances, une dégradation physique et
psychologique, des tentatives de suicide, des muti
lations volontaires et autres réactions directes ou
indirectes.
Les demandeurs réclament notamment:
a) un jugement déclaratoire portant que leur
détention à l'USC du pénitencier de la C.-B.
équivaut à l'imposition de peines ou traitements
cruels ou inusités et qu'elle est contraire à l'arti-
cle 2b) (précité) de la Déclaration canadienne
des droits et n'est pas autorisée par la loi;
b) un jugement déclaratoire portant que leur
détention à l'USC sans inculpation ni audition
impartiale de leur cause par un tribunal indé-
pendant et non préjugé et sans qu'il leur soit
permis de se défendre pleinement, de produire
des témoins et de procéder à un interrogatoire
contradictoire, les prive de leurs droits à une
audition impartiale de leur cause, selon les prin-
cipes de justice fondamentale et est contraire à
l'article 2e) de la Déclaration canadienne des
droits et aux droits de l'individu à ne se voir
priver de la sécurité de la personne que par
l'application régulière de la loi, que leur garantit
l'article 1 a) de la Déclaration canadienne des
droits et que par conséquent leur détention n'est
pas autorisée par la loi;
c) un jugement déclaratoire portant que l'arti-
cle 2.30(1) du Règlement est inopérant parce
qu'il s'oppose aux dispositions de la Déclaration
canadienne des droits; et
g) une ordonnance enjoignant aux défendeurs
de se conformer aux jugements déclaratoires de
la Cour.
J'ai l'intention tout d'abord de traiter du para-
graphe a) de la demande de redressement des
demandeurs que j'étudierai pour aller plus vite
sous le titre suivant:
A. PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS ET
INUSITÉS.
Sous ce titre, j'ai l'intention de résumer les
témoignages sous les trois rubriques que voici:
a) antécédents des demandeurs;
b) conditions de vie à l'intérieur de l'USC du
pénitencier de la C.-B.; et
c) les effets de la détention à l'USC sur les
demandeurs.
a) Antécédents des demandeurs:
ANDREW BRucE—Vingt-sept ans—a achevé sa
septième année—a enfreint la loi pour la première
fois à l'âge de huit ans puis de nouveau à treize et
à quatorze ans. A l'âge de seize ans, il a été
condamné à quatre ans de prison et s'est évadé
après avoir purgé treize mois de sa peine—il a été
condamné ensuite à quatre ans et neuf mois de
prison. En 1970, il a été déclaré coupable de
meurtre non qualifié et il purge actuellement la
peine découlant de cette conviction. Bruce a été
mis à l'écart pendant des périodes assez longues à
la prison d'Okalla et au Haney Correctional Insti
tute. Il a été interné pour la première fois à l'USC
du pénitencier de la C.-B. à dix-sept ans (mise à
l'écart punitive conformément à l'article 2.29 du
Règlement—peine de trente jours pour avoir eu de
la contrebande en sa possession). Il a été détenu
pour la première fois à l'USC du pénitencier de la
C.-B. en vertu de l'article 2.30(1)a) du Règlement
(quelquefois nommée mise à l'écart administrative
par opposition à la mise à l'écart punitive confor-
mément à l'article 2.29 du Règlement) au mois
d'août 1970. Par la suite, il a été détenu la plupart
du temps à l'USC jusqu'au 16 mars 1972 (soit en
vertu de l'article 2.29 ou de l'article 2.30 du
Règlement). En août 1972, Bruce a été transféré
au pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert,
où il a été immédiatement placé à l'USC pour
environ un mois. Il a tenté de s'évader de Prince
Albert avec le demandeur Quiring. Bruce et Qui-
ring, armés d'un fusil grossièrement fabriqué et
d'un rasoir à manche ont pris en otage trois gar-
diens. Au cours de cette tentative d'évasion, un
gardien a été poignardé et Bruce a été accusé de
tentative de meurtre. Le 15 novembre 1973, Bruce
a été renvoyé de Prince Albert au pénitencier de la
C.-B. et il y est resté en mise à l'écart administra
tive jusqu'en décembre 1974. D'août 1970 à
décembre 1974, Bruce a passé environ 793 jours en
mise à l'écart administrative (article 2.30(1)a) du
Règlement) au pénitencier de la C.-B.
RALPH COCHRANE—Quarante-neuf ans—a
achevé sa septième année—en conflit avec la loi
depuis l'âge de quatorze ans. Il a passé en prison la
plus grande partie de sa vie d'adulte, le plus sou-
vent pour vols de banques. Il est actuellement
emprisonné à vie pour vol à main armée avec
violence. Il a été incarcéré dans la plupart des
pénitenciers canadiens et mis à l'écart dans la
majorité d'entre eux. Au mois de juillet 1974,
Cochrane s'est évadé du pénitencier de la C.-B. et
il a été capturé quelques heures plus tard. Il s'était
déjà évadé du pénitencier de la Saskatchewan à
Prince Albert. De janvier 1971 au 13 septembre
1974, Cochrane a passé environ 552 jours en mise
à l'écart administrative (article 2.30(1)a) du
Règlement) au pénitencier de la C.-B. Son dossier
ne fait mention d'aucune mise à l'écart punitive
conformément à l'article 2.29 du Règlement.
WALTER DUDOWARD—Trente-six ans—a achevé
sa huitième année—est entré en conflit avec la loi
pour la première fois à l'âge d'onze ans. Il a
participé à de nombreux vols qualifiés, vols avec
effraction et fraudes. De mai 1970 à mars 1974,
Dudoward a passé environ 106 jours en mise à
l'écart administrative (article 2.30(1)a) du Règle-
ment). Son dossier fait également mention de
vingt-six jours de mise à l'écart punitive conformé-
ment à l'article 2.29 du Règlement.
JAKE QUIRING—Trente-neuf ans—en conflit avec
la loi depuis l'âge de dix ans—de 1955 à 1963, il a
été condamné à plusieurs reprises pour voies de
fait sur des agents de police, vols qualifiés et
introduction par effraction. En 1972, il a été
reconnu coupable de vol qualifié et en 1973, il a
été condamné à l'emprisonnement à perpétuité
pour meurtre non qualifié. Il a participé avec
Bruce à la tentative d'évasion du pénitencier de la
Saskatchewan à Prince Albert au cours de laquelle
des gardiens avaient été pris en otage. Du 16
novembrè 1973 au 4 juillet 1974, Quiring a passé
environ 231 jours en mise à l'écart administrative
au pénitencier de la C.-B. (article 2.30(1)a) du
Règlement). Avant cela, il avait passé huit mois
dans une institution à sécurité maximale dans la
province de Québec et environ 300 jours à l'USC
de Prince Albert. Son dossier ne fait pas mention
de mise à l'écart punitive en vertu de l'article 2.29
du Règlement.
MELVIN MILLER—Trente-trois ans—a quitté
l'école à douze ans—a été placé dans un orphelinat
à l'âge de quinze ans—est entré en conflit avec la
loi dès l'âge de seize ans. Entre 1958 et 1964,
Miller a été reconnu coupable à plusieurs reprises
d'introduction par effraction et de vols. Il purge
actuellement une peine d'emprisonnement de
quinze ans pour vol qualifié et une peine de douze
ans pour tentative de meurtre. Entre janvier 1973
et septembre 1974, Miller a passé environ 343
jours en mise à l'écart administrative (article
2.30(1)a) du Règlement) au pénitencier de la
C.-B. Pendant cette période, il a également passé
11 jours en mise à l'écart punitive en vertu de
l'article 2.29 du Règlement.
JOHN EMMETT McCANN—Trente ans—en con-
flit avec la loi dès l'âge d'onze ans—a été incarcéré
à la prison de Bordeaux à l'âge de douze ans et mis
au «trou» pendant 4 ou 5 jours. A l'âge de quinze
ans, il a été condamné à un emprisonnement d'une
durée de deux ans au pénitencier de Saint-Vin-
cent-de-Paul pour vol d'automobile et évasion
d'une garde légale. Entre 1963 et 1966, on a porté
contre lui diverses accusations de vols, possession
de faux documents et de cartes de crédit volées. Il
s'est évadé d'Okalla en 1966. De janvier 1967 à
mai 1974, McCann a été détenu pendant 1,471
jours à l'USC du pénitencier de la C.-B. en mise à
l'écart administrative (article 2.30(1)a) du Règle-
ment),—dont une période continue de 98 jours,
une autre de 90 jours, une autre de 80 jours, une
autre de 754 jours (du 23 juillet 1970 au 14 août
1972), une autre de 66 jours et enfin une période
de 342 jours (du 4 juin 1973 au 9 mai 1974). Il
s'est évadé en juin 1972 et de nouveau en 1973. Il
purge actuellement une peine d'emprisonnement
de 15 ans pour vol à main armée.
DONALD OAG—Vingt-cinq ans—en conflit avec la
loi dès l'âge de treize ans—condamné pour vol à
l'âge de dix-sept ans, à dix-huit ans pour posses
sion d'une arme offensive, à dix-neuf ans pour
voies de fait causant des lésions corporelles. A
dix-neuf ans, il s'est évadé de l'institution Bur-
wash. Oag a participé à l'émeute de 1971 au
pénitencier de Kingston, au cours de laquelle deux
détenus ont été tués. A la suite de cet incident,
Oag ainsi que d'autres détenus ont été reconnus
coupables d'homicide involontaire. En juillet 1972,
il s'est évadé de l'Institution Millhaven. Après sa
capture, il a été transféré au pénitencier de la
C.-B. en janvier 1973. En mai 1973, Oag, armé
d'un couteau, s'est évadé d'une garde légale alors
qu'il se trouvait dans le cabinet d'un radiologue à
l'extérieur du pénitencier. Il a été repris quelques
heures plus tard. De janvier 1973 à novembre
1974, Oag a passé quelque 628 jours en mise à
l'écart administrative (article 2.30(1)a) du Règle-
ment) au pénitencier de la C.-B. dont 573 jours
d'affilée (du 17 janvier 1973 au 12 août 1974.) De
plus, il a passé 16 jours en mise à l'écart punitive
en août 1974 et 30 jours en septembre et octobre
1974 (article 2.29 du Règlement).
b) Les témoignages sur les conditions de vie à
l'USC du pénitencier de la C.-B.:
ANDREW BRUCE—L'Unité spéciale de correction
(que certains nomment l'USC et d'autres «l'appar-
tement terrasse») contient 44 cellules, sur 4 étages
comportant chacun 11 cellules. L'étage E est
essentiellement réservé à la détention préventive,
l'étage F à la mise à l'écart punitive (article 2.29
du Règlement); l'étage G est réservé principale-
ment aux détenus qui reçoivent des soins psychia-
triques et l'étage H est aux détenus en mise à
l'écart administrative (article 2.30(1)a) du Règle-
ment). Voici comment Bruce décrit les cellules de
l'étage H: 11'2" sur 6'6"; l'occupant dort sur une
dalle de ciment placée à quatre pouces du plancher
et recouverte d'une planche de contre-plaqué et
d'un matelas en caoutchouc mousse de 4 pouces
d'épaisseur. On lui remet deux couvertures, deux
draps, une taie d'oreiller et un oreiller en caout-
chouc mousse. La pièce contient un cabinet d'ai-
sance et un lavabo combinés. Dans le mur se
trouve une bouche d'aération et une prise de radio.
Il y a trois murs de ciment gris et la porte est en
acier massif, avec un vasistas de 6 pouces. La
cellule est éclairée par une lampe encastrée dans le
plafond et située au centre de la pièce. La lampe
est allumée 24 heures par jour, mais son intensité
est quelque peu atténuée la nuit. Bruce l'a compa
rée aux phares et aux feux de croisement d'une
automobile. Il affirme aussi qu'on ne s'habitue
jamais à la lumière. Bruce s'est plaint de l'aération
de la cellule, disant qu'il faisait trop chaud ou trop
froid—habituellement trop chaud l'été et trop
froid l'hiver. Il s'est aussi plaint de n'avoir le droit
de se raser que deux fois par semaine, habituelle-
ment avec de l'eau froide; il prétend que l'exercice
à l'extérieur de la cellule n'est en moyenne que de
40 minutes par jour et se limite à une marche le
long du corridor de l'étage H (environ 75 pieds de
long) et qu'il n'y avait pas d'exercice en plein air.
Il s'est plaint également du manque de soins médi-
Caux; de l'absence de passe-temps, de films et de
télévision; la radio ne comporte que deux stations;
le choix des livres disponibles et le droit d'acheter
à la cantine sont très limités. Il a dit que lorsqu'il
quittait sa cellule pour aller chercher le plateau de
son repas au bout du corridor, les gardiens poin-
taient leurs fusils vers sa tête et faisaient à son
endroit des observations désagréables. Il a égale-
ment mentionné le fait qu'en septembre 1970 un
gardien a ouvert le vasistas et vidé à l'intérieur de
sa cellule une boîte de gaz lacrymogènes, ce qui, à
son avis, était parfaitement injustifié, car, alors
que les autres détenus de l'étage H frappaient
contre leurs portes et créaient le désordre, il ne
faisait rien. Les gaz lacrymogènes ont causé une
éruption cutanée et irrité ses yeux pendant plu-
sieurs jours. Il a également décrit la façon dont on
procède à la «fouille corporelle» à l'USC, qui a lieu
chaque fois qu'un détenu quitte l'USC ou y
retourne. Bruce dit que la fouille corporelle avait
habituellement lieu en présence de cinq ou six
gardiens sous le dôme de l'USC (la partie centrale
réservée au bureau et à l'exercice des détenus et
bordée par les sections E, F, G, et H). Il dit qu'il
détestait cette mesure. Au cours du contre-interro-
gatoire, il a affirmé que les conditions de vie à
l'USC du pénitencier de la C.-B. étaient les pires
qu'il ait jamais vues, ou selon ses propres termes:
«... on n'expliquait pas pourquoi on nous mettait
là;» «ils se tenaient au-dessus de vous avec un fusil»
et «on vous tourmentait davantage là-bas.»
RALPH COCHRANE—Cochrane a confirmé le
témoignage de Bruce au sujet des conditions de vie
dans les cellules. Il a insisté cependant sur la
mauvaise aération des cellules. Il y a 11 pieds du
plancher au plafond et la bouche d'aération est
située immédiatement au ras du plafond; Cochrane
affirme que la circulation d'air ne se fait pas du
tout au niveau du plancher. Quant à l'exercice, il a
ajouté que le manque d'air frais dans l'USC le
déprimait. Il dit: «... vous perdez votre appétit, le
manque d'air frais vous donne la nausée.» Il s'est
également plaint que les brocs à eau et les rasoirs
n'étaient pas propres.
WALTER DUDOWARD—Dudoward s'est plaint du
manque d'air frais et d'exercice et, comme les
autres détenus, déclare qu'il faisait très froid dans
sa cellule en hiver. Il dit avoir perdu de 30 40
livres pendant sa détention à l'USC. Il a décrit un
incident qui se serait produit le 9 décembre 1973
où l'on s'était servi de gaz lacrymogènes. Il a
insisté sur l'effet qu'avait sur lui l'éclairage inin-
terrompu de la cellule. Il affirme qu'il lui était
impossible de dormir et qu'à l'USC il ne dormait
en moyenne que deux heures par nuit, en ajoutant
qu'à cause de cet éclairage permanent «le temps
n'existait plus là-haut.» Lors du contre-interroga-
toire, il a admis «que chaque semaine on changeait
les vêtements, les draps, la taie d'oreiller, les cou-
vertures et les serviettes.» Au cours d'un nouvel
examen, il a dit que les détenus à l'USC ne
souffraient pas d'une diminution de privilèges con-
cernant les visites. Cependant, lors des visites, les
détenus à l'USC portaient la plupart du temps des
menottes et étaient séparés de leurs interlocuteurs
par une grille alors qu'on permettait aux autres
détenus de recevoir leurs visiteurs dans des parloirs
sans séparation.
JAKE QUIRING—Quiring confirme les dépositions
des autres demandeurs au sujet des conditions de
vie à l'USC. Il affirme qu'à plusieurs reprises,
lorsqu'il était sorti de sa cellule pour aller chercher
ses repas, les gardiens l'avaient suivi et avaient
pointé leurs fusils dans sa direction, où pour
reprendre ses propres termes: «Les gardiens soule-
vaient le percuteur, ils le faisaient cliqueter.» Qui-
ring a été détenu dans plusieurs Unités spéciales de
correction d'autres prisons canadiennes. D'après
lui, l'USC du pénitencier de la C.-B. était «sans
doute la pire au Canada.» Il a dit qu'on ne l'avait
jamais mis en joue à l'institution à sécurité maxi-
male du Québec ni aux pénitenciers de Kingston
ou de Prince Albert. Il s'est également plaint qu'on
ne lui ait pas donné de travail lors de sa mise à
l'écart au pénitencier de la C.-B. Il a fait la
remarque suivante: «Ici, on ne comprend que la
violence.»
MELVIN MILLER—Miller s'est plaint qu'on l'ait
forcé à dormir dans une telle position que sa tête
n'était qu'à un pied de la cuvette des cabinets.
L'éclairage permanent le gênait également. «Je
peux encore voir cette lumière» a-t-il déclaré. Il a
décrit un incident au cours duquel on s'est servi de
gaz lacrymogènes, survenu en décembre 1973.
Selon lui, un gardien a vidé dans sa cellule une
boîte de gaz lacrymogènes, puis lui a dit par la
suite qu'il s'agissait d'un accident. Il a ajouté que
plusieurs gardiens l'ont mis en joue et qu'une fois
en 1973, un gardien a même chargé, ce qui l'a
terrifié.
JOHN EMMETT McCANN—D'une façon générale,
McCann a confirmé les témoignages des autres
demandeurs relativement aux conditions de vie à
l'intérieur de l'USC. Il a ajouté que les «fouilles
corporelles» décrites par les autres demandeurs le
gênaient considérablement. Il les a déclarées
«dégradantes» et «humiliantes» et selon lui la majo-
rité des gardiens semblait tirer plaisir de ces mesu-
res. Il a corroboré les témoignages des autres
demandeurs selon lesquels les gardiens qui se trou-
vaient sur la passerelle mettaient en joue les déte-
nus de l'USC, en ajoutant que cela se produisait
surtout à l'heure des repas. Il a confirmé le témoi-
gnage de Miller selon lequel, lorsqu'ils dormaient,
les détenus devaient faire face à la porte, avec
leurs visages près de la cuvette des cabinets et il a
ajouté que s'ils refusaient de se plier à cette règle,
le gardien pouvait très bien jeter de l'eau sur les
draps du lit ou donner des coups de pied dans la
porte de la cellule. Il a raconté un incident survenu
en juillet 1973, au cours duquel les gardiens
avaient fait usage de gaz lacrymogènes; il a admis
qu'on ne les avaient employés qu'à la suite d'un
chahut des détenus de l'étage pour protester contre
une diminution de la durée de l'exercice, d'une
heure et demie à une demi-heure, le minimum
permis selon le Règlement.
Venons-en maintenant aux preuves qu'ont four-
nies les demandeurs sur les conditions de vie à
l'USC du pénitencier de la C.-B.; je dois souligner
tout d'abord que d'une façon générale, le directeur
de l'institution, le défendeur Cernetic, a confirmé
la description des cellules par les demandeurs. Il a
dit que l'USC occupe le dernier étage de l'immeu-
ble B7, construit en 1935. L'USC a été construite
en 1963 ou 1964 et superposée à l'ancien immeu-
ble. Cernetic a déclaré que la partie centrale ou le
«dôme», comporte une ouverture dans le toit don-
nant accès à l'air frais. La superstructure consiste
en des poutres de bois et un toit en fibre de verre
(construit il y quatre ou cinq ans) permettant à
l'air frais d'entrer. Il a dit qu'on distribuait à
l'USC le même genre de literie qu'aux autres
prisonniers du pénitencier de la C.-B. sauf qu'on
interdisait les lits et les châlits en acier (que les
prisonniers ne pourraient démonter pour fabriquer
des armes). Il a déclaré que l'éclairage était fourni
le jour par une ampoule de 116 watts et de 25
watts la nuit, l'ampoule de nuit étant allumée entre
21 et 22 heures (pour l'inspection du soir). Il a
justifié l'éclairage permanent en expliquant qu'il
permettait au personnel de procéder à la vérifica-
tion des cellules toutes les vingt minutes.
Cependant, Cernetic s'est montré en désaccord
avec les témoignages des demandeurs au sujet du
système de chauffage et d'aération. Selon lui, il a
été conçu par des ingénieurs du ministère des
Travaux publics et comporte un appareil scellé
placé dans le toit de l'USC, réglé au moyen de
deux thermostats et pourvu d'un ventilateur,
d'épurateurs et de porte-vent, chacun de ces der-
niers fournissant l'air à quatre ou cinq cellules.
L'expulsion se fait par circulation naturelle de
l'air. Un espace d'un pouce sous les portes des
cellules, permet à l'air de circuler à l'étage et de
sortir par les fenêtres ouvertes. Il a ajouté que la
porte des cellules avait été conçue par des architec-
tes et des ingénieurs.
En ce qui concerne l'aire d'exercice, Cernetic a
souligné que les directives du Commissaire relati
ves à l'exercice des détenus (pièce 37) stipulent
que ces derniers ont droit, tous les jours, lorsque le
temps le permet, à des exercices en plein air d'une
durée d'au moins une demi-heure. Selon lui, l'USC
a pris les dispositions nécessaires pour que les
détenus puissent faire de l'exercice en plein air
dans une cour ouverte et bien aérée et si le temps
et le personnel disponible le permettent, certains
gardiens autorisent les détenus à prolonger leurs
exercices au-delà de la durée minimale d'une
demi-heure. Il a ajouté que les détenus à l'USC ne
se sont jamais plaints à lui du manque d'exercice
en plein air. Cernetic a réfuté le témoignage des
demandeurs au sujet de l'usage abusif de gaz
lacrymogènes à l'USC, affirmant avoir étudié ces
plaintes et s'être assuré qu'elles n'étaient pas
fondées.
Au sujet de l'usage et du maniement des armes
à feu, Cernetic a affirmé qu'on ne mettait pas un
prisonnier en joue sans raison. Selon lui, le fait de
diriger une arme à feu contre une personne est un
acte gratuit. Il a ajouté qu'il ne croyait pas que
cela se produisait à l'USC, concédant toutefois
qu'une personne énervée ou mal informée pouvait
le faire par mégarde. Cernetic croit que normale-
ment on instruit correctement les gardiens sur
l'usage des armes à feu.
Au cours du contre-interrogatoire, lorsqu'on lui
a demandé de comparer les institutions de Millhav-
en et Archambault au pénitencier de la C.-B.,
Cernetic a reconnu que dans ces institutions,
chaque bloc cellulaire avait une cour servant aux
exercices en plein air. Il a concédé qu'elles étaient
«bien conçues et utilisées d'une façon intelligente.»
William M. Ford a aussi témoigné; il est aujour-
d'hui chargé de la direction de l'USC où il a servi
en qualité de gardien pendant de longues périodes
depuis 1955. Il a réfuté les témoignages des
demandeurs à l'égard du manque de soins médi-
caux et psychiatriques à l'USC, ainsi que leurs
plaintes au sujet des rasages, du droit d'acheter à
la cantine, des passe-temps, des visites et de l'usage
qu'on leur permettait de faire de la radio et de la
bibliothèque.
Theodore Koenig, gardien depuis sept ans, a
également témoigné. Il a nié avoir pointé son fusil
en direction des demandeurs Oag et Bruce, comme
l'affirment ces derniers. Il dit que son fusil était
toujours dirigé vers le côté et qu'il ne le braquait
jamais sur les détenus. Il a également nié s'être
servi de gaz lacrymogènes.
Daniel Young, gardien depuis environ onze ans
a également témoigné. Il a nié avoir pointé son
fusil en direction des détenus. En décrivant les
«fouilles corporelles», il a expliqué que trois ou
quatre fonctionnaires devaient être présents, un ou
deux d'entre eux devant s'assurer que les détenus
n'avaient ni stupéfiants ni couteaux. Il a dit que les
«fouilles corporelles» avaient ordinairement lieu
dans la partie de l'immeuble surmontée d'un dôme
ou dans les douches, les prisonniers remettant leurs
vêtements aux gardiens aux fins de la fouille. Il a
nié avoir fait des observations blessantes à l'endroit
des détenus au cours de ces fouilles, pas plus qu'il
n'a entendu d'autres fonctionnaires en proférer. Il
a témoigné n'avoir jamais utilisé de gaz lacrymo-
gènes à l'USC, ajoutant qu'on ne s'en était jamais
servi en sa présence.
Joseph Carrier, gardien au pénitencier de la
C.-B. depuis dix-sept ans a aussi témoigné. Il
admet avoir utilisé une fois des gaz lacrymogènes,
après l'émeute d'octobre 1973. Il y avait alors à
l'USC 89 détenus, plusieurs d'entre eux devant
partager une même cellule. Les détenus faisaient
beaucoup de bruit, frappaient contre les portes,
etc. et l'agent de sécurité avait autorisé l'utilisation
des gaz lacrymogènes.
Au cours du contre-interrogatoire, il a admis
avoir réduit la période d'exercice à l'USC à la
durée minimum d'une demi-heure prescrite par le
Règlement. Il a nié avoir menacé le demandeur
Miller au cours de son procès. Cependant, il a
admis avoir dit au préposé aux activités récréatives
du pénitencier (un certain Robin McKenzie) le 2
octobre 1975: [TRADUCTION] «Je l'aurais envoyé
(Miller) sous le pommier depuis longtemps.» L'ex-
pression «sous le pommier» se rapportait au cime-
tière du pénitencier.
Un autre gardien, Donald Crawford, a égale-
ment témoigné. Il a nié «faire n'importe quoi avec
le fusil», affirmant au contraire qu'il s'en servait
d'une façon militaire, en gardant son fusil dans la
position «repos». Il a nié avoir jamais braqué son
fusil sur les prisonniers.
Afin de réfuter ces derniers témoignages, les
demandeurs ont produit Michael G. Marshall.
Marshall était un gardien au pénitencier de la
C.-B. de juillet 1971 à novembre 1973. Cependant,
il n'a servi à l'USC que durant 9 jours en 1972 et
13 jours en 1973. Il dit qu'il avait l'habitude, ainsi
que les autres gardiens, de pointer son fusil en
direction des détenus lorsqu'ils allaient chercher
leurs repas. Il a confirmé le témoignage des
demandeurs selon lequel les exercices avaient pres-
que toujours lieu dans le corridor de l'étage et non
dans la partie de l'édifice surmontée d'un dôme. Il
est également d'accord avec les demandeurs lors-
qu'ils affirment que la plupart des «fouilles corpo-
relles» avaient lieu dans la partie de l'unité sur-
montée d'un dôme en présence parfois de 8
gardiens et que ces fouilles étaient rarement effec-
tuées dans les douches.
c) Preuves quant à l'effet de la détention à
l'USC sur les demandeurs:
ANDREW BRUCE—Bruce a déclaré qu'à l'étage H
certains détenus étaient des «cinglés», mot dont il
se sert pour décrire des individus déséquilibrés.
Selon lui: «après un mois environ, ils commencent
à vous entraîner avec eux—vous commencez à
perdre pied.» A ce sujet, il faisait allusion tout
particulièrement aux détenus Bellemaire et
McCaulley. Bellemaire était interné dans la cellule
voisine de celle de Bruce. Selon ce dernier, Belle-
maire avait évidemment besoin de soins psychiatri-
ques. Il a décrit un incident au cours duquel
Bellemaire a mis le feu à sa propre personne.
D'après Bruce, Bellemaire se plaignait continuelle-
ment d'avoir [TRADUCTION] «une machine dans
sa tête». Bruce occupait la cellule voisine lorsque
Bellemaire s'est pendu en avril 1974. Au sujet du
détenu McCaulley, il dit avoir observé sur lui le
contrecoup de longues périodes de mise à l'écart. Il
a déclaré l'avoir connu plus tôt, lorsqu'il était «sain
d'esprit» et: «lorsqu'il (McCaulley) a perdu la
raison, je suis devenu un peu fou, parce que j'ai vu
l'effet que cela produisait sur mes amis.» Il voyait
qu'il commençait à perdre pied et à plusieurs
reprises il s'est «tailladé». Quand on lui a demandé
de décrire sa réaction à la mise à l'écart, il a
répondu «ça vous déforme. Votre frustration se
transforme en haine contre les gardiens et tous
ceux qui vous tiennent là-dedans.» Il dit avoir été
sujet à des hallucinations durant son dernier
emprisonnement à l'USC, qui dura, sans interrup
tion, de novembre 1972 décembre 1974, soit
deux ans (environ 12 mois à Prince Albert et 12
mois au pénitencier de la C.-B.). Voici comment il
a décrit ses hallucinations: «Vous voyez des choses
et des gens que vous savez ne pas être là. Vous
essayez de vous convaincre que ce n'est pas vrai.»
Il dit avoir tenté de se suicider à trois reprises au
cours de l'automne 1974. Il a ajouté être dans
l'impossibilité de se concentrer lorsqu'il était en
mise en l'écart. «Lorsque vous lisez,» dit-il, «vous
lisez la- moitié d'une phrase et vous poursuivez les
mots tout au long de la page.» Lorsqu'il est revenu,
après sa mise à l'écart parmi les autres prisonniers,
il a éprouvé de grandes difficultés à «s'adapter.»
Par exemple, il ne pouvait plus causer avec les
autres détenus. Et «ce qui les fait rire ne vous
amuse pas.» Il a observé toutefois: «Votre haine
vous aide à faire face à la situation.»
RALPH COCHRANE—Cochrane a témoigné que le
fait que le gardien sur la passerelle braquait son
fusil sur lui lorsqu'il allait chercher ses repas l'af-
fectait psychologiquement. Il a dit des gardiens:
«Ils essaient la psychologie sur vous—ils tentent
d'amener les individus à réagir à leur gré parce
que cela justifie leurs idées. Ils font du lessivage de
cerveau.»
Cochrane a confirmé le témoignage de Bruce au
sujet du détenu McCaulley. Il dit que McCaulley
avait beaucoup changé. Selon Cochrane, McCaul-
ley aurait dû être placé en établissement psychia-
trique. Il a déclaré «cela me frustrait parce que je
savais qu'il avait besoin de voir un psychiatre. Il
est `dingue', il ne peut se tenir tranquille, il frappe
de ses poings nus la porte d'acier massif, ses
jointures sont enflées. Je me sens responsable de ce
qui se passe là-haut—je vois ces détenus en des-
cendre avec leurs visages et leurs bras tailladés.» Il
a partagé l'opinion de Bruce au sujet des difficul-
tés de réadaptation après la fin de la mise à l'écart
et le retour parmi les autres prisonniers, ajoutant
ceci: «mes sentiments d'hostilité ne me quitteront
jamais; mais je les combats parce que je sais que
mon amertume peut me détruire.» II dit que le plus
dur était de ne pas connaître ni les raisons ni la
durée de la mise à l'écart.
WALTER DUDOWARD—Dudoward a décrit la mise
à l'écart comme «une très mauvaise expérience,
très frustrante.» Il déclare être devenu paranoïa-
que, plein de haine et de ressentiments dont il ne
s'est pas encore débarrassé. Il dit que «la tension
est extrême.» D'après lui, les gardiens «vous tortu-
rent mentalement.» Il a raconté qu'un gardien lui a
affirmé tout au long de sa mise à l'écart qu'il serait
bientôt libéré, mais il apprit plus tard que son cas
n'avait été examiné qu'en mars 1974. Il a confirmé
les témoignages précités des autres demandeurs au
sujet de l'état de Bellemaire et de McCaulley. De
ce dernier, il a déclaré que son état l'avait troublé:
«Je me suis rendu compte que je- pouvais en venir
au même point si je ne me ressaisissais pas.» Il a
également affirmé avoir eu des difficultés de réa-
daptation à sa sortie de l'USC. Il dit que peu après
sa libération il «entendait des voix» et que, depuis,
son attitude était absolument négative (haine et
ressentiments).
JAKE QUIRING—Quiring a témoigné que la mise à
l'écart était «difficile à accepter.» Il dit qu'il était
devenu émotif et qu'il était incapable de maîtriser
ses sentiments. A son retour parmi les autres pri-
sonniers après sa libération de l'USC, il a éprouvé
les mêmes difficultés de réadaptation que celles
décrites par les autres demandeurs. Il a affirmé
avoir été sujet à des hallucinations pendant sa mise
à l'écart. Voici ses observations générales sur le
pénitencier de la C.-B. «c'est une farce—ils ne
veulent pas vous aider—ils vous mettent derrière
les verrous et vous oublient.»
MELVIN MILLER—Miller dit «je pourrais suppor
ter des coups, mais comment faites-vous face à la
folie? ... il y a certaines choses que je ne peux
vous expliquer—vous n'avez aucune idée ... abso-
lument idée ... de l'effet ... j'ai connu des
hommes qui se frappaient la tête contre les murs.»
Plus loin il dit: «... si je me reporte au sentiment
que j'éprouvais alors, je vais vous offenser. Ce n'est
pas si loin. Je ne veux pas offenser la Cour. Je ne
veux pas offenser personne, mais comment diable
faites-vous face à la solitude? Cette damnée
lumière toujours allumée ... tout le temps ... les
maux de tête qu'elle vous donne ... vous ressentez
de la haine, de la frustration ...». Miller a con
firmé les témoignages des autres demandeurs
quant aux difficultés de réadaptation après la fin
de la mise à l'écart. Il dit que ses réactions étaient
lentes et qu'il n'était pas à l'aise parmi les autres.
JOHN EMMETT MCCANN—MCCann était parti-
culièrement furieux d'avoir été placé à l'USC en
vertu de l'article 2.30(1)a) du Règlement sans
qu'on lui en ait donné la raison. Il a pris contact
avec plusieurs fonctionnaires administratifs mais il
dit qu'ails se renvoient tous la balle.» Il a mis le feu
à sa propre personne lorsqu'il était à l'USC pour
protester contre ce qu'il considérait un traitement
injuste. Il a déclaré: «je ne voulais plus rester là .. .
je voulais en sortir ... ça m'était égal de mourir.»
Il se dit très affecté par la mort de Bellemaire; il
a demandé à témoigner à l'enquête mais sa
demande a été refusée. Selon lui, il a commencé à
être sujet à des hallucinations après environ six
mois d'isolement. Voici, selon lui les pires aspects
de la mise à l'écart:
1. Le fait de ne pas connaître la raison ni la
durée de la mise à l'écart.
2. Le fait de ne pas pouvoir communiquer faci-
lement avec les fonctionnaires du service de
classement.
3. Le fait d'être victime de mensonges et de
duperies: «ils ne vous disent pas la vérité—ils se
débarrassent de vous et ne vous donnent pas les
véritables raisons.»
4. Les mutilations volontaires des autres prison-
niers et la mort de Bellemaire l'ont beaucoup
affecté.
Il a déclaré qu'il était lui-même proche du
même état. Il dit: «ils nous tuaient mentalement et
non physiquement.» Il affirme que le temps passé
en mise à l'écart a augmenté son hostilité et son
amertume. D'après lui, un détenu qui retourne
parmi les autres prisonniers après sa mise à l'écart
est «un homme marqué» vis-à-vis des gardiens. Il a
confirmé les témoignages antérieurs au sujet de la
détérioration mentale de McCaulley à 1'USC. Il a
ajouté avoir observé la détérioration mentale et
physique du demandeur Oag lors de sa mise à
l'écart.
Les deux parties ont produit de nombreux
témoignages de médecins et de psychiatres quant à
l'effet de la mise à l'écart au pénitencier de la
C. -B. sur les demandeurs. Le premier des témoins
qu'ont produit les demandeurs, était Richard R.
Korn, directeur du Centre for the Study of Crimi
nal Justice de Berkeley, Californie. Il a obtenu son
doctorat en psychologie sociale à l'université de
New York et a 23 ans d'expérience dans la recher-
che en criminologie et sur les régimes pénitentiai-
res. Pendant quatre ans, il a dirigé tous les aspects
du programme de traitement à la prison d'état du
New Jersey, dont il était directeur adjoint. Depuis
1967, il a dirigé des séminaires annuels pour la
formation des juges, des policiers, des procureurs,
des agents de libération conditionnelle et des légis-
lateurs qui, pendant quelques jours, vivent dans
une prison avec les détenus. Korn a comparu
devant des comités du Congrès américain en qua-
lité d'expert et il a enseigné dans de nombreuses
universités américaines. Korn a également écrit un
manuel sur la criminologie et les régimes péniten-
tiaires. Il y décrit son expérience à la prison d'état
du New Jersey où il était chargé du traitement des
détenus et de la formation des gardiens à l'unité
spéciale de correction. Il a aussi visité et a enquêté
sur une dizaine de pénitenciers dans diverses par
ties des États-Unis. J'estime que Korn est un
expert hautement qualifié et qu'il a donné au
procès un témoignage impressionnant et digne de
foi. En février 1975, il a passé environ onze heures
au pénitencier de la C. -B. et interrogé tous les
demandeurs ainsi que quelques gardiens et fonc-
tionnaires, y compris le défendeur Cernetic. Il a
visité toutes les installations et passé environ trois
heures à l'USC.
Il a entendu les dépositions de la plupart des
demandeurs. On lui a demandé de comparer les
conditions de vie à l'USC du pénitencier de la
C.-B. à celles qu'il avait observées dans d'autres
institutions pénitentiaires. Il a répondu qu'elles
étaient parmi les plus rigoureuses qu'il connaissait,
comparables à celles qui existaient à San Quentin
en Californie. Selon lui, le but de la mise à l'écart
est généralement de casser un homme, de rompre
sa résistance et de le mettre en état de soumission.
Il a expliqué que la prison est une société particu-
lière dans laquelle le prisonnier a son rôle, son
travail et ses amis qui lui permettent de préserver
sa dignité et son autonomie. Lorsqu'on le retire de
cette société pour des raisons et une durée qu'il
ignore, «il entre dans un cauchemar. Il n'existe
plus en tant que personne ... il est condamné à
survivre par des techniques qui le rendraient inapte
à vivre parmi cette société ouverte.» Korn remar-
qua, à propos des demandeurs qu'«... ils ont souli-
gné que leur façon de survivre à l'isolement nuisait
par la suite à leur réadaptation parmi les autres
détenus.» Il a ajouté que d'après son expérience, le
système est à toute épreuve et que personne n'y
résiste après un certain temps. Dans une prison
américaine où il était employé, il a mis fin aux
longues périodes de mise à l'écart, car: «c'est une
forme de meurtre, il faut y mettre fin.»
En décrivant comment les détenus perçoivent le
temps pendant leur mise à l'écart (pages 39 et 40),
Korn a expliqué qu'aune peine trop longue (à
l'USC) peut étouffer ... le temps s'arrête et com
mence à vous écraser; vous suffoquez, vous êtes
dans un espace réduit et condamné à une inactivité
relative, vous subissez une expérience accablante
et votre raison commence à jouer des tours pour ne
pas sombrer ...».
Quant au caractère permanent des conséquences
nuisibles, il a dit (page 52): «Je dirais que les effets
durent toute la vie.»
En comparant la mise à l'écart et les peines
corporelles, il a dit: «... il est prouvé que si vous
tenez à l'écart une personne assez longtemps, elle
va se livrer à des mutilations volontaires, simple-
ment pour concentrer ses souffrances; alors il est
évident que si les détenus trouvent un exutoire
dans les tortures physiques qu'ils s'infligent, ils
répondent à cette question. Une douleur physique
définie, que je peux maîtriser ... est beaucoup plus
supportable qu'une vive souffrance morale que je
ne comprends pas et sur laquelle je n'ai aucune
prise.» (Pages 43 et 44).
A son avis, les demandeurs ont souffert intensé-
ment de leur mise à l'écart (transcription des
notes; page 52). D'un point de vue pratique, Korn
a fait les recommandations suivantes en vue d'un
programme réaliste de mise à l'écart, en tenant
compte du fait qu'elle est nécessaire pour les déte-
nus qui sont extrêmement dangereux, qui ont un
casier judiciaire chargé et se sont livrés à la vio
lence depuis leur enfance:
1. Une zone sûre, d'un point de vue matériel, à
l'intérieur de laquelle les détenus doivent jouir
de tous leurs droits et privilèges ordinaires.
2. Les détenus devraient aussi être autorisés à
recevoir la visite des autres prisonniers, à l'inté-
rieur d'une zone sûre.
3. Ils devraient également avoir le droit de rece-
voir la visite de volontaires, comme les ministres
du culte, les personnes qui s'intéressent à la
réforme pénitentiaire, etc.
4. L'accès aux thérapeutes de leur choix.
5. De plus grandes cellules (Korn a trouvé les
dimensions des cellules «absolument révoltan-
tes»). La porte massive est aussi une précaution
nuisible et inutile.
6. De l'exercice en plein air. Il a fait remarquer
que «même les condamnés marchent dans la
cour.»
7. Une moins grande privation d'objets person-
nels—que Korn estime inutile.
A la page 58 de la transcription, Korn a déclaré:
«Ce que je n'ai pu comprendre au pénitencier de la
C.-B. c'est la cruauté gratuite, évidente et inutile.
J'admets la rigueur lorsqu'elle s'impose, mais je la
rejette lorsqu'elle est gratuite ... l'exiguïté de la
cellule, le caractère élimé des articles ...». Korn
qualifie de «primitive» la pratique de l'éclairage
permanent. Il estime «inutile et révoltant» d'obliger
les détenus à se coucher en adoptant toujours la
même position.
Korn a exprimé l'opinion que la mise à l'écart
appliquée conformément à l'article 2.30(1)a) du
Règlement au pénitencier de la C.-B. était cruelle
pour les détenus et très dangereuse et très dure
pour le personnel (page 64): «... cruelle pour tous
parce qu'elle met le personnel en danger et le
terrifie. Vous mettez des hommes en cage. Vous
les traitez comme des animaux et vous avez alors
toute raison de les craindre; cette pratique est donc
cruelle envers le personnel également.»
D'après Korn (page 64) la cruauté consiste à:
«... infliger des souffrances gratuitement ou inten-
tionnellement sans ... se préoccuper du bien-être
de la personne qu'on tourmente ... et dont la
souffrance ne sert à personne.» Il est d'avis que la
mise à l'écart est inutile et n'a que de mauvais
résultats, la qualifiant de «concept désavoué.» Aux
pages 65 et 66 il dit: «Nous ne soumettons pas des
animaux dangereux aux conditions que nous infli-
geons aux hommes que j'ai vus. Visitez le zoo de
l'endroit et le pénitencier de la C.-B.; je ne conçois
pas comment un état souverain peut justifier cette
situation.» Enfin, il a déclaré que la mise à l'écart
comme on la pratique au pénitencier de la C.-B. ne
sert aucune fin raisonnable ou rationnelle du point
de vue la «dissuasion», du contrôle à long terme, du
traitement ou de la correction.
Stephen Fox, professeur de psychologie à l'uni-
versité de l'Iowa, a aussi témoigné pour les deman-
deurs en qualité d'expert. Fox, tout comme Korn,
est hautement qualifié: il a obtenu un doctorat de
l'université du Michigan et a enseigné dans sa
discipline à l'université du Michigan et à l'univer-
sité de la Californie, Los Angeles (U.C.L.A.). Il
est l'auteur d'environ 100 articles de psychologie et
de physiologie, particulièrement dans le domaine
du cerveau et du comportement. On le tient pour
un expert dans le domaine de la privation senso-
rielle, à cause de ses nombreuses recherches,
d'abord chez les animaux et plus tard chez les
humains isolés socialement et, particulièrement,
dans les prisons. Il connaît plusieurs prisons améri-
caines et leurs unités spéciales de correction. Fox a
également témoigné devant des sous-comités du
Congrès américain en plusieurs occasions au sujet
de l'expérience qu'il a acquise auprès des prison-
niers du système pénitentiaire américain. Il a
interrogé plus de 100 personnes soumises à l'isole-
ment cellulaire. Il a questionné les demandeurs en
février 1975, et a passé environ 12 heures avec eux.
Il a vu les installations de l'USC et il a causé
brièvement avec quelques gardiens de l'unité. Il a
entendu les dépositions de la plupart des deman-
deurs au procès. Lorsqu'on lui a demandé de com-
parer les installations de l'USC du pénitencier de
la C.-B. à celles d'autres institutions qu'il connaît,
il a répondu (page 22): «... aux États-Unis, on a
fermé tous les trous comparables à celui du péni-
tencier de la C.-B., du moins tous ceux que je
connaissais ... je crois que les conditions y sont
aussi rigoureuses que la loi le permet actuellement.
Elles sont sûrement parmi les pires que j'ai jamais
vues.» A la page 23, il a déclaré: «L'installation
consiste simplement en une cellule-type à l'état
brut, un caveau de ciment où on enterre les gens.»
Voici ce qu'il dit à la page 24: «Je crois qu'il s'agit
d'une des pires unités de correction, par son admi
nistration et sa direction», puis, lorsqu'on lui a
demandé d'exprimer son opinion au sujet de
l'éclairage permanent (page 25): a... un éclairage
continuel sans variation équivaut à un éclairage
nul. ... C'est essentiellement le retrait de tout
changement possible du milieu ambiant. C'est une
mesure utilisée dans la torture internationale ....
On n'y recourt pas tellement à des fins de sécurité,
mais plutôt dans le but d'annihiler toute résistance
humaine, de réduire les individus à l'état de
loques .... Ne plus rien représenter, être dépouillé
de toute signification, c'est essentiellement la plus
grande souffrance humaine, aboutissant en fin de
compte à la folie et au suicide.» Aux pages 31 et 32
Fox déclare: «Donc on exige la soumission absolue
et totale afin de créer un individu qui ne respecte
pas sa propre vie; lorsque cet individu en arrive à
ce point il y a longtemps qu'il ne respecte plus celle
d'autrui .... Je veux dire qu'une personne en
arrive à perdre toute dignité, tout respect d'elle-
même, elle n'a plus d'identité, ce qui produit l'être
humain le plus violent, le plus dangereux qui soit.
Vous risquez votre vie pour parvenir à cette fin... .
Il y a un seuil à ne pas franchir, celui où l'on
élimine toute dignité possible.» Lorsqu'on lui a
demandé si, selon lui, la mise à l'écart était défen-
dable du point de vue de la réforme pénitentiaire,
il a répondu par la négative.
Au sujet de l'influence de l'état de McCaulley
sur les demandeurs, il déclare (page 44): a. ..
lorsque McCaulley devient fou en leur présence, ils
s'identifient à McCaulley, voilà tout—il ne s'en
trouve pas un qui n'entende sa propre voix lorsque
McCaulley hurle. Ils sont McCaulley. Ils sont la
folie de McCaulley et elle se trouve en eux. Lors-
que McCaulley devient fou et se dirige vers la
mort, comme l'a fait Bellemaire, lorsqu'ils voient
la folie conduire à l'auto-destruction, ils savent
qu'une partie d'eux-mêmes glisse dans cette direc
tion, et ils doivent vivre avec leur propre folie, elle
est là devant eux.» Comparant le traitement ou le
châtiment psychologique au traitement ou châti-
ment physique, Fox a affirmé que le premier était
le pire, qu'aucun châtiment physique ne pouvait se
comparer au châtiment psychologique infligé aux
demandeurs. Aux pages 45 et 46, il dit: «Miller en
est arrivé à un point où il est presque convaincu
qu'il préférerait mourir plutôt que de continuer
ainsi. Ce n'est pas la mort physique qu'il craint. La
plupart d'entre eux préfèrent mourir, ils se pendent
pour échapper au tourment psychologique. Voilà la
cause des suicides, des mutilations volontaires ...
Il est infiniment plus cruel de garder les gens en
vie tout en les torturant que de les tuer.»
A la page 48, Fox déclare: «Ces conditions
enlèvent aussi aux détenus une chose qu'ils ne
retrouvent jamais, et c'est la capacité d'aimer.»
Fox revient sur cette idée à la page 50: «Priver des
individus de la capacité d'aimer c'est mettre en
danger ceux qui entrent en contact avec eux. C'est
créer des êtres qui ne sont plus humains—c'est
inhumain. On produit des bêtes féroces ...».
Fox a fait des remarques sur les effets de la mise
à l'écart sur chacun des demandeurs et il a admis
que dans tous les cas, l'isolement avait été cruel et
ressenti comme une véritable torture par chaque
demandeur, bien qu'à des degrés différents. A la
page 61, lorsqu'on lui a demandé si chaque deman-
deur avait été sérieusement affecté par la mise à
l'écart, il a répondu: «Sans aucun doute. Chacun
possède une tolérance différente au milieu
ambiant, sa façon, propre d'y réagir, mais cela ne
justifie pas les conditions .... Il faut en revenir à
Bellemaire. C'est en définitive sur McCaulley et
Bellemaire que porte la discussion. Peu importe
qu'ils ne soient pas morts, nous n'en sommes qu'à
la présente manche .... Ils ont atteint le palier qui
se situe entre l'être réel et le mort vivant. Voilà où
ils en sont tous ou quelque part entre ces deux
pôles.»
Le docteur Anthony Marcus, un psychiatre pra-
tiquant à Vancouver, a également témoigné en
faveur des demandeurs. Il avait interrogé les
demandeurs en février 1974 et revu Bruce en juin
et en juillet 1974. Il a entendu la déposition de
Korn et s'était montré d'accord avec lui. Il a décrit
l'USC du pénitencier de la C.-B. comme étant
«une tombe à l'intérieur d'une tombe.» Il décrit
l'exercice des détenus comme «un défilé de chiens.»
Il affirme qu'«... il n'y a pas de programme—il
n'y en a jamais eu», en ajoutant: «... selon moi la
mise à l'écart est cruelle. Je crois que l'Unité
spéciale de correction tente de casser le caractère.
A mon avis, c'est cruel.» II dit que ceux des
demandeurs qu'il connaît le mieux étaient
McCann et Bruce et que «... ces hommes ont
souffert de la mise à l'écart. Elle les a marqués du
fer de la haine, de la méfiance et de la tension, qui
font désormais partie de leur personnalité ....
Selon la structure pénitentiaire actuelle, cela n'a
servi aucune fin pratique.»
Au sujet de Bellemaire, il a déclaré: «Aucun
condamné à l'emprisonnement au Canada ne
devrait être trouvé mort dans sa cellule.» A son
avis, cette situation indiquait une faille affligeante.
Il était convaincu que tous les demandeurs avaient
été sérieusement affectés par leur mise à l'écart.
Il a résumé son sentiment au sujet de l'isolement
en disant qu'il provoque «un changement d'attitude
marquée, un sentiment de haine et de vengeance,
un désespoir total, le cynisme, des hallucinations,
la claustrophobie ...».
Il est d'avis que les normes du pénitencier de la
C.-B. ne répondent pas aux normes minimales
établies par les Nations Unies en matière de déten-
tion des prisonniers. Il trouve également que
l'USC du pénitencier de la C.-B. était «... cruelle,
inhumaine et dégradante pour le caractère
humain.» Sur le plan pratique, il a préconisé plus
de commodités, la cessation de mesures dégradan-
tes, un personnel assez nombreux et sachant traiter
les détenus comme des humains. A l'USC, le
personnel doit être aussi en nombre égal ou même
supérieur à celui des détenus et il faut créer un
programme qui sera appliqué par un personnel
qualifié.
Peter Suedfeld, doyen de la faculté de psycholo-
gie à l'université de la Colombie-Britannique, a
témoigné en faveur des demandeurs. Suedfeld a
fait des recherches sur les effets de la privation
sensorielle sur les individus. Cependant, il n'a pas
interrogé aucun des demandeurs en l'espèce ni
entendu leur témoignage au procès (à l'exception
d'une partie du témoignage de McCann). Il a vu
l'USC du pénitencier de la C.-B. et il a parlé avec
le défendeur Cernetic et le docteur Muthanna
(psychiatre travaillant à plein temps au pénitencier
de la C.-B.) au sujet des procédures suivies à
l'USC. Suedfeld a lu le rapport de Fox et l'a
entendu témoigner; il déclare ne pouvoir ni confir-
mer ni contredire ses conclusions. Il est d'accord
que si une période de mise à l'écart est «excessive»
(il n'a pas défini ce qu'il entend par ce qualifica-
tif), les mécanismes d'adaptation d'un détenu
«pourraient se détériorer et la situation deviendrait
très tendue» (page 40 de son témoignage). Inter-
rogé sur les effets psychologiques permanents
d'une mise à l'écart plus ou moins longue, il a
répondu que les effets produits varieraient considé-
rablement selon les individus (page 42). Il affirme
à la page 43: «Je dirais que des personnes qui à
l'origine ont de la difficulté à s'adapter à n'importe
quel milieu, ou à un milieu normal—caractéristi-
que générale de la personnalité que je m'attends à
retrouver dans une prison—s'adapteraient diffici-
lement à ce milieu.»
A la page 58, il a dit: «Je m'attendrais à ce que
pour beaucoup, après une période assez longue, en
particulier s'il n'existe aucun espoir d'être retiré de
ce milieu, la situation devienne critique; les réac-
tions des détenus à leur milieu se modifieraient.
Cela pourrait se traduire par de l'apathie, ... , des
rêves éveillés, le retrait du milieu extérieur et le
repli dans une sorte de vie intérieure. Dans cer-
tains cas, je suppose que cela pourrait conduire à
la psychose.»
Suedfeld a aussi exprimé l'opinion que la mise à
l'écart, à titre de sanction ne sert parfois qu'à
exacerber les sentiments d'aggressivité et de ran-
cune, et puisque dans ces cas le résultat est évi-
demment nocif, la pratique devrait être abandon-
née (voir page 14, résumé de la preuve, et pages 82
et 83, témoignage oral). Il a ajouté que l'efficacité
de la mise à l'écart est suffisamment douteuse pour
justifier son abandon. Il a déclaré: «son emploi à
des fins punitives amoindrissent son utilité en thé-
rapie .... Pour ma part, je voudrais la voir rayée
du répertoire des techniques punitives.» (transcrip-
tion, page 83).
En terminant son témoignage, Suedfeld dit qu'il
n'était pas assez documenté pour déterminer si les
conditions à l'USC du pénitencier de la C.-B. sont
cruelles ou non. Il a admis qu'il serait plus en
mesure d'exprimer une opinion s'il avait interrogé
les demandeurs.
Le docteur George Scott, directeur régional
adjoint, région de l'Ontario, Service canadien des
pénitenciers, premier psychiatre de ce service, a
aussi témoigné en faveur des défendeurs. Il a
soumis à la Cour des statistiques concernant le
pénitencier de la C.-B. Ces dernières ont établi
qu'en 1974, 11 pour cent des détenus de l'USC
s'étaient tailladés par opposition à 1 pour cent
seulement des autres prisonniers; 6.4 pour cent des
détenus de l'USC ont tenté de se suicider contre
0.9 pour cent des autres prisonniers; à l'USC un
détenu s'est suicidé, parmi les autres prisonniers,
aucun; 8.3 pour cent des détenus de l'USC se sont
livrés à des actes de violence par opposition à 7.5
pour cent des autres prisonniers.
Le docteur K. C. Muthanna, psychiatre à plein
temps au pénitencier de la C.-B. a également
témoigné en faveur des défendeurs. Selon son con-
tre-interrogatoire, il partage l'opinion que les déte-
nus mis à l'écart manifestent plus d'anxiété et de
stress. Il a observé aussi qu'ils étaient d'autant plus
irrités et hostiles s'ils ne comprenaient pas les
raisons des mesures prises à leur égard, ajoutant
que les peines d'une durée indéterminée provo-
quent la tension et le ressentiment. Il a confirmé le
témoignage des demandeurs selon lesquels il est
difficile de se concentrer en réclusion rigoureuse.
D'après lui, du point de vue du traitement de la
psychose, les installations de l'USC sont «atroces».
Il a demandé des améliorations et ne pouvait
imaginer rien de moins efficace pour McCaulley
que l'isolement cellulaire. Il a décrit McCaulley
comme un psychotique schizophrène. Le docteur
Donald C. McDonald, psychiatre travaillant à
temps partiel au pénitencier de la C.-B., estime lui
aussi que McCaulley est sérieusement troublé et
psychotique et qu'il était nocif de mettre des déte-
nus à l'écart, sans raison et pour une durée indéter-
minée, en ajoutant cependant «... qu'ils n'avaient
pas le choix.» Il a admis que la mise à l'écart,
lorsqu'elle n'est pas volontaire, provoque le
ressentiment.
J'en arrive à un examen des principes juridiques
applicables au redressement demandé sous le titre
A. Les avocats des deux parties m'ont renvoyé au
récent jugement qu'a rendu la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique dans l'affaire La Reine c.
Miller et Cockriell 5 . Il s'agissait d'une condamna-
tion pour le meurtre d'un agent de police et de la
sentence de mort qui en est résultée. L'un des
griefs de l'appel était que la peine capitale pour
meurtre est une «peine cruelle et inusitée» dont
l'article 2b) de la Déclaration canadienne des
droits interdit l'exécution. L'avocat des défendeurs
fait valoir le raisonnement qu'a adopté la majorité
de la Cour et que le juge d'appel Robertson a
exprimé dans les motifs du jugement, aux pages 52
à 55 inclusivement. Le juge d'appel Robertson
donne trois raisons à l'appui du rejet de cette voie
de recours, qui sont résumées à la page 55 du
jugement. En toute déférence, seul le premier
motif exprimé par le juge Robertson s'applique en
l'espèce, car les faits diffèrent. Ses deuxième et
troisième motifs découlent du fait notamment que
la Déclaration canadienne des droits et le Code
criminel sont des lois du Parlement. En l'espèce, la
Cour doit étudier l'effet d'un article de la Déclara-
tion canadienne des droits (votée par le Parle-
ment) sur un règlement adopté par le gouverneur
en conseil (le Cabinet). Il s'ensuit qu'une partie du
raisonnement à l'appui des deuxième et troisième
motifs du juge Robertson (pages 52 55) ne
s'applique pas en l'espèce.
Ce qui ne laisse que le premier motif exposé par
le juge Robertson à la page 55 du jugement et que
voici:
[TRADUCTION] .. . l'imposition de la peine capitale dans les cas
de meurtre n'est pas «inusitée» au sens courant et normal du
mot. De temps immémorial, on a condamné à mort les meur-
triers en Angleterre. Il en était de même au Canada avant la
Confédération. Depuis lors, la peine capitale est le châtiment
prescrit, mais en 1961 l'emprisonnement à vie a remplacé la
5 [1975] 6 W.W.R. 1.
peine capitale pour certaines catégories de meurtres. Le fait
que depuis 1962 le Cabinet, dans sa sagesse, ait décidé de
commuer toutes les condamnations à mort prouve seulement
que la majorité des ministres sont opposés à la peine capitale. A
mon avis, elle n'est pas devenue une peine inusitée. [Souligne-
ment ajouté.]
En toute déférence pour le point de vue du juge
Robertson et de la majorité de la Cour d'appel de
la Colombie-Britannique, je partage plutôt l'opi-
nion dissidente exposée par le juge d'appel McIn-
tyre dans son jugement portant sur la même
affaire. Aux pages 68 et 69 de son jugement, le
juge McIntyre déclare:
[TRADUCTION] J'en viens maintenant à étudier la question de
savoir si la peine capitale peut être considérée comme cruelle et
inusitée. Les mots utilisés pour décrire le châtiment proscrit,
c'est-à-dire cruel et inusité, sont coordonnés. Parfois l'emploi
des deux mots a provoqué une certaine confusion. Bien qu'on
suggère des vues opposées en Angleterre, les juristes et universi-
taires américains, qui nous fournissent la principale source de
documentation sur ce sujet, interprètent en général les mots
séparément ...
On a prétendu que dans le Bill of Rights anglais, le mot
«inusité» a été utilisé par inadvertance et l'opinion générale veut
qu'il n'a pas pour effet de limiter ou régir le mot «cruel». A mon
avis, il est donc permis et préférable de lire séparément les mots
«cruel» et «inusité», de sorte que les peines cruelles, même si
elles sont usuelles dans le sens ordinaire du terme, pourraient
être incluses dans la proscription. Selon moi, le mot «inusité» ne
signifie pas seulement qu'on y recourt peu souvent, car il faut
espérer qu'on impose rarement un châtiment rigoureux, mais il
s'applique aux peines inusitées en ce sens quelles ne sont pas
expressément prévues par la loi, qu'elles ne font pas partie de la
pratique pénale ou que la société ne les juge pas acceptables.
Puis à la page 71 de son jugement:
[TRADUCTION] A mon avis, la peine capitale est une peine
cruelle et inusitée si on ne peut prouver que son pouvoir de
dissuasion l'emporte sur les objections qu'on peut soulever à son
égard. De plus, même en lui supposant une certaine valeur de
dissuasion, j'estime que la peine capitale est cruelle et inusitée
si elle s'oppose aux normes de la décence et de la bienséance, si
elle est inutile parce qu'il existe d'autres moyens suffisants, si
elle ne peut être appliquée de façon raisonnable, conformément
à des positions bien déterminées et si elle est excessive et
disproportionnée aux crimes qu'elle s'efforce de réprimer.
Si l'on applique les critères que propose le juge
McIntyre, quelles conclusions devons-nous tirer de
la preuve en l'espèce? Les témoignages des deman-
deurs nous renseignent sur les caractéristiques des
cellules et ils n'ont pas été contredits par la preuve
soumise en faveur des défendeurs. Les cellules
mesurent environ 11 pieds sur 6 pieds et elles ont
11 pieds de haut—elles ont trois murs de ciment et
une porte d'acier massif. La cellule est dépourvue
de fenêtre à l'exception d'un vasistas de 6 pouces
dans la porte de cellule. La lumière est allumée 24
heures par jour. Tous les demandeurs se sont
plaints de l'aération des cellules. Les défendeurs
ont présenté des preuves établissant que le système
de chauffage et d'aération avait été bien conçu,
sans contredire cependant les demandeurs lors-
qu'ils affirment que l'aération était mauvaise et
que la plupart du temps, les cellules étaient trop
chaudes ou trop froides. Les témoignages portant
sur le rasage étaient contradictoires et je n'y
accorde pas grande importance. La preuve démon-
tre clairement que la plupart du temps, les détenus
à l'USC devaient se contenter d'une période
d'exercice quotidien de 30 à 40 minutes. Les
défendeurs ont prétendu que les détenus prenaient
de l'exercice en plein air dans la partie de l'immeu-
ble surmontée d'un dôme, mais la preuve a établi
que la plupart du temps les détenus devaient se
contenter, pour leurs exercices, du corridor de 75
pieds de long de l'étage H et qu'il y avait très peu
d'exercice en plein air. Selon moi, la preuve n'éta-
blit pas le bien fondé des plaintes au sujet du
manque de bons soins médicaux et de passe-temps
et je n'attache pas grande importance au manque
de films et de télévision ni au fait que la radio était
restreinte à deux postes. Les témoignages sont
contradictoires en ce qui concerne les allégations
selon lesquelles les gardiens braquaient leurs fusils
sur les détenus lorsque ces derniers allaient cher-
cher les plateaux de repas. Compte tenu du fait
que les détenus ont allégué ces incidents, niés par
les gardiens qui ont témoigné mais confirmés par
Marshall (qui était en réalité le seul témoin indé-
pendant sur la question puisqu'il ne travaille plus
au pénitencier de la C.-B. et qu'il était embarras-
sant pour lui de témoigner, vu les circonstances
ayant entouré la cessation de son emploi à cet
endroit), j'ai conclu que, selon toute probabilité,
quelques gardiens au moins ont parfois pointé leurs
fusils en direction des détenus lorsque ces derniers
allaient chercher leurs repas. Cependant, je ne
crois pas que cela se soit produit aussi souvent que
le prétendent les demandeurs dans leur témoi-
gnage. Quant aux incidents qu'ont rapporté les
demandeurs relativement à l'usage des gaz lacry-
mogènes, je juge, en me fondant sur la preuve, que
les faits se sont probablement produits dans des
cas isolés, parfois accidentellement, sinon quand
leur utilisation était tout à fait justifiée et autori-
sée. Par ailleurs, il est admis que les «fouilles
corporelles», sont une mesure de sécurité indispen
sable mais il se peut qu'en certaines circonstances
un plus grand nombre de gardiens que nécessaire y
ait assisté. J'estime que la preuve a établi la véra-
cité de l'allégation selon laquelle les détenus
devaient toujours adopter la même position pour
dormir, leurs têtes près de la cuvette des cabinets.
La preuve établit également que les demandeurs
ont passé les périodes suivantes en mise à l'écart
administrative au pénitencier de la C.-B. en vertu
de l'article 2.30(1)a) du Règlement:
BRucE—De août 1970 décembre 1974-793 jours—périodes
continues les plus longues-258 jours et 338 jours.
cocHRANE—De janvier 1971 à septembre 1974-552 jours—
périodes continues les plus longues-247 jours et 107 jours.
DUDOWARD—De mai 1970 mars 1974-106 jours—période
continue la plus longue-95 jours.
QUIRING—DU 16 novembre 1973 et le 4 juillet 1974-231
jours—période continue la plus longue-231 jours.
MILLER—Dc janvier 1973 à septembre 1974-343 jours—
périodes continues les plus longues-145 jours et 128 jours.
McCANN—De janvier ,1967 à mai 1974-1,471 jours—avec les
périodes continues suivantes: 98 jours, 90 jours, 80 jours, 754
jours, 66 jours, 342 jours.
oAG—De janvier 1973 novembre 1974-682 jours—période
continue la plus longue-573 jours.
D'après la plupart sinon la totalité des demandeurs
l'un des aspects les plus durs de la mise à l'écart
administrative au pénitencier de la C.-B., était le
fait qu'ils ignoraient la raison et la durée de leur
isolement, et que les procédures d'examen de leurs
cas n'étaient pas respectées.
Le défendeur Cernetic et Fred Leech ont témoi-
gné afin de réfuter ces allégations. Cernetic est
arrivé au pénitencier de la C.-B. en qualité de
directeur en janvier 1974; son témoignage ne se
rapporte donc qu'à la période écoulée depuis lors.
Il a déclaré avoir délégué ses pouvoirs en vertu de
l'article 2.30(1)a) aux fonctionnaires supérieurs de
service qui peuvent prendre la décision de mettre à
l'écart mais doivent l'en prévenir dans les vingt-
quatre heures qui suivent. Le détenu reste en mise
à l'écart à moins que le directeur ne contremande
la décision du fonctionnaire de service. On donne
au détenu et aux directeurs adjoints les motifs de
la décision. Il a également décrit les formalités
d'examen qu'il a instituées à l'égard des détenus
mis à l'écart conformément à l'article 2.30(1)a):
un agent de classement doit interroger le détenu et
faire rapport au Comité de formation des détenus
qui s'occupe de chaque cas. Cernetic a préparé et
approuvé les procès-verbaux de chaque réunion du
Comité. La décision de mettre fin à la mise à
l'écart administrative d'un détenu dépendait des
facteurs suivants: a) le danger; b) l'attitude du
détenu; c) ses besoins; d) la durée de la mise à
l'écart; e) les motifs de la décision; f) les projets
futurs; g) la conduite générale du détenu; h) sa
tolérance et i) son esprit de rébellion.
Leech, qui à l'époque pertinente était le direc-
teur-adjoint chargé de la sécurité au pénitencier de
la C.-B., a témoigné au sujet des formalités d'exa-
men en vigueur avant l'arrivée de Cernetic en
qualité de directeur. Leech exigeait que le fonc-
tionnaire chargé de l'USC lui fasse un rapport
hebdomadaire complet sur tous les détenus de
l'unité, sur leur comportement, la durée de leur
réclusion, etc. Il demandait aussi à un des agents
principaux de correction de comparaître chaque
semaine devant le Comité de formation des déte-
nus. Ledit Comité se réunissait chaque semaine et
discutait de la situation des détenus à l'USC, sans
nécessairement s'arrêter au cas de chaque prison-
nier mais plusieurs entretiens ont eu lieu au sujet
de différents détenus que l'on songeait à libérer.
Cernetic et Leech ont expliqué en détail les
raisons pour lesquelles chacun des demandeurs a
été placé et gardé en mise à l'écart administrative.
Je n'ai pas l'intention de m'attarder sur ces témoi-
gnages, sauf pour souligner que, même si dans
certains cas le demandeur n'a pas été informé à
titre officiel des raisons de son incarcération, je
suis persuadé que, la plupart du temps, le détenu
les connaissait. On a également prouvé à la satis
faction de la Cour que la situation des demandeurs
était étudiée périodiquement. Je suis cependant
d'avis qu'il y a eu un manque de communication
entre l'administration et les détenus au sujet de la
durée de la mise à l'écart et je crois de plus que le
caractère indéfini de leur incarcération a contri-
bué, tout au moins dans une certaine mesure, à
leur état mental que les témoins experts ont décrit
avec une telle vividité.
Je m'appuie sur les témoignages des experts
pour tenter d'établir si les conditions de vie à
l'USC, précédemment décrites, peuvent être consi-
dérées comme une peine ou traitement cruel et
inusité. Korn, Fox et le docteur Marcus se sont
prononcés de façon catégorique sur le sujet.
D'après Korn et Fox, ces conditions comptent
parmi les pires qu'ils aient jamais rencontrées et ils
les ont qualifiées sans hésitation de traitement
cruel. Même Suedfeld, expert témoignant pour les
défendeurs, a admis que la mise à l'écart poussée
«à l'extrême»—terme qu'il a refusé de préciser—
aurait des conséquences désastreuses. Le docteur
Muthanna, psychiatre attaché au pénitencier de la
C.-B. a aussi exprimé l'opinion que l'isolement
augmentait l'anxiété et le stress.
A mon avis, les témoignages de Korn, de Fox et
de Marcus sont plus convaincants que celui du
docteur Suedfeld principalement parce que les
deux premiers se sont entretenus longuement avec
les demandeurs et ils ont pu observer personnelle-
ment les effets qu'avait sur eux la mise à l'écart.
Suedfeld n'a pas interrogé les demandeurs et il n'a
entendu qu'une petite partie de leurs dépositions.
Quoi qu'il en soit, il n'a pas contredit de façon
importante les témoignages de Korn, Fox et
Marcus. Compte tenu des témoignages des experts
et de ceux des demandeurs eux-mêmes, je conclus
sans hésitation que ces derniers ont été victimes
d'un traitement cruel, pendant leur mise à l'écart
au pénitencier de la C.-B. D'une façon générale,
j'ajoute foi—aux témoignages des demandeurs au
sujet des conditions de vie à l'USC du pénitencier
de la C.-B. et j'accepte également leur description
de l'effet produit. Ils ont été enclins à exagérer
certaines plaintes mais pour l'essentiel, leur des
cription des conditions de l'isolement et de ses
conséquences n'a pas été sérieusement contredite
et je la tiens pour digne de foi.
De plus, je suis d'avis que ledit traitement était
aussi inusité au sens de ce terme dans la Déclara-
tion canadienne des droits. Selon les critères pro-
posés par le juge McIntyre, ce traitement ne sert
aucune fin pénale pratique. Cernetic et plusieurs
témoins experts l'ont affirmé. Au cours du contre-
interrogatoire, Cernetic a répondu à la question
suivante: «Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce
pas, que la mise à l'écart telle qu'elle a été appli-
quée au pénitencier de la C.-B. en vertu de l'article
2.30a) du Règlement ne sert aucune fin pénale? R.
Étant donné les installations à notre disposition. Q.
Et le programme que vous devez établir à cause de
ces installations? R. C'est exact.»
De plus, même s'il servait quelque fin pénale, je
concluerais de toute façon que le traitement ainsi
décrit est cruel et inusité parce qu'il est contraire
aux normes publiques de la décence et inutile,
puisqu'il existe d'autres moyens plus appropriés.
Il ne fait aucun doute que la mise à l'écart
administrative est nécessaire dans une institution
pénitentiaire de sécurité maximale notamment «...
pour le maintien du bon ordre et de la discipline
dans l'institution», conformément à l'article
2.30(1)a) du Règlement. La preuve en l'espèce a
établi clairement que certains demandeurs sont
dangereux et ont des réactions imprévisibles, et
que d'autres ont tendance à s'évader ou à essayer
de s'évader. Donc, il est évident que la mise à
l'écart est nécessaire. Cependant, «mise à l'écart»
et «isolement» ne sont pas synonymes. Korn a fait
sept recommandations quant à la mise à l'écart qui
permettraient aussi d'éliminer les aspects les plus
nocifs de l'«isolement»; j'ai résumé plus haut ces
suggestions.
Fox s'est exprimé de façon différente (transcrip-
tion page 73): «Je comprends que Messieurs Cer-
netic et Leech tiennent à ce que ces individus
soient tenus sous bonne garde, mais pas au point
de les anéantir.» Côté pratique, Fox a conseillé «un
programme de dialogue d'égal à égal et d"auto-
détermination' à l'intérieur de l'institution ...»
(transcription pages 77 et 78). Il propose que ce
dialogue soit tripartite: entre l'administration, les
gardiens et les détenus. Il affirme que l'administra-
tion et les gardiens sont des entités distinctes qui
ne sont pas exposées au même danger, et ont le
droit d'exprimer leur opinion sur chaque question.
Il a déclaré à la page 82: «Les gardiens ne sont pas
des robots auxquels on impose ce cauchemar,
là-haut ... ils doivent avoir voix au chapitre. Il
s'agit d'un dialogue à trois, parce qu'ils sont tous
membres de cette famille.»
Le docteur Marcus a également dit qu'il devait
exister un dialogue, ajoutant qu'il était possible de
modifier les attitudes et les convictions mais qu'il
faut des pouvoirs pour le faire, c.-à-d. que les
fonctionnaires fédéraux donnent aux fonctionnai-
res du pénitencier le mandat d'apporter les modifi-
cations nécessaires. Selon lui, on doit modifier la
Loi et le Règlement aussi bien que les directives en
général. Il estime cependant qu'on peut apporter
certains changements d'ordre local sans modifier
les dispositions générales. Le professeur Michael
Jackson, professeur adjoint à la faculté du droit de
la Colombie-Britannique, possédant une expé-
rience étendue dans le domaine de la psychiatrie et
de la psychologie légales, membre du Comité de
révision établi en vertu de la B.C. Mental Health
Act était également d'avis que les détenus devaient
participer davantage aux diverses mesures les con-
cernant et aux procédures d'incarcération à l'USC.
Selon lui, encore plus que le Règlement, c'est
l'attitude de certains fonctionnaires de la prison
qui doit changer.
Ce procès n'est pas une commission royale d'en-
quête sur les conditions de vie à l'intérieur du
pénitencier de la C.-B., aussi ne faut-il pas inter-
préter en ce sens les extraits du témoignage des
experts où ils suggèrent certaines améliorations.
J'y ai recours afin de déterminer si les conditions
décrites dans la preuve soumise en l'espèce consti
tuent «des peines ou traitements cruels et inusités,»
puisqu'à mon avis pour en arriver à une décision,
j'ai le droit d'étudier l'existence d'autres solutions
appropriées. Il suffit de dire qu'en me fondant sur
la preuve, je suis convaincu de l'existence d'autres
solutions appropriées qui élimineraient le caractère
«cruel et inusité» de la mise à l'écart en offrant
cependant les mêmes garanties de sécurité.
Avant de passer à un autre aspect de cette
affaire, je tiens à faire remarquer que si l'on
donnait au mot «inusité» son sens ordinaire et
courant, on pourrait soutenir que ce qualificatif
s'applique au moins à une partie du traitement des
détenus à l'USC du pénitencier de la C.-B. Le
Shorter Oxford English Dictionary définit ainsi
l'adjectif «inusité»: [TRADUCTION] «Qui se produit
rarement ou n'est pas souvent observé, différent de
ce qui est commun; inhabituel, remarquable,
exceptionnel.»
Les défendeurs n'ont fourni aucune preuve éta-
blissant que les conditions d'internement à l'USC
du pénitencier de la C.-B. sont semblables à celles
d'autres pénitenciers, au Canada ou à l'étranger.
La seule preuve à cet égard, produite uniquement
par les demandeurs et les témoins qu'ils ont cités,
établit, tout au moins dans une certaine mesure,
que les conditions de vie à l'USC du pénitencier de
la C.-B. étaient considérablement plus rigoureuses
que dans d'autres établissements similaires.
Les demandeurs Bruce et Quiring, qui ont été
internés dans plusieurs autres USC de divers péni-
tenciers canadiens ont affirmé catégoriquement
que les conditions de vie à l'USC du pénitencier de
la C.-B. sont les pires qu'ils aient connues. Le
défendeur Cernetic a concédé qu'au moins deux
autres pénitenciers canadiens offrent de meilleures
installations pour les exercices en plein air. La
défense n'a pas prouvé que la pratique suivant
laquelle Bellemaire et McCaulley étaient incarcé-
rés très près des autres détenus avait son pendant
dans d'autres institutions pénitentiaires. Les
experts américains ont affirmé que l'USC en cause
était la pire qu'ils aient jamais vues—ce qui suffit
à qualifier de «différente de ce qui est commun»,
l'USC du pénitencier de la C.-B. Les témoignages
susmentionnées portant que les gardiens avaient
pointé leurs fusils en direction des détenus sem-
blent placer ce pénitencier dans une catégorie à
part puisqu'aucun des demandeurs n'a été traité de
cette façon dans aucun autre établissement péni-
tentiaire canadien. Korn a dit qu'il n'avait aupara-
vant jamais vu de fusil dans une unité de ségréga-
tion (page 34). On n'a pas prouvé que l'éclairage
permanent des cellules est une pratique «courante»
dans les autres établissements canadiens, ni que
l'obligation de toujours dormir dans la même posi
tion est «courante» au Canada ou ailleurs. La
durée de la mise à l'écart des demandeurs suffit à
qualifier le traitement d'«inusité». On n'a pas
prouvé que les portes et les murs pleins, à l'excep-
tion d'un vasistas de six pouces, étaient «courants».
Donc, même si l'on donne à l'adjectif «inusité» le
sens étroit que lui prête la majorité de la Cour
d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire
Miller et Cockriell (précitée), j'estime que les faits
établis en l'espèce peuvent être qualifiés de «cruels
et inusités».
Pour les raisons susmentionnées, je suis d'avis
que tous les demandeurs, sauf Baker (au sujet de
qui on n'a produit aucune preuve) ont établi que
leur mise à l'écart au pénitencier de la C.-B. était
une peine ou un traitement cruel et inusité, con-
traire à l'article 2b) de la Déclaration canadienne
des droits.
Au paragraphe c) de leur demande de redresse-
ment, les demandeurs réclament que l'article
2.30(1) du Règlement soit déclaré sans effet parce
que contraire aux dispositions de la Déclaration
canadienne des droits. L'avocat des demandeurs a
réclamé ce redressement dans son plaidoyer initial,
mais a déclaré, dans sa réponse au plaidoyer des
avocats des défendeurs, qu'il ne recherchait plus
une déclaration rendant sans effet l'article 2.30(1)
du Règlement. Quoiqu'il en soit, j'estime que du
point de vue juridique, les demandeurs n'ont pas
établi leur droit au redressement réclamé au para-
graphe c) de leur demande de redressement.
Dans l'affaire Curr c. La Reine 6 , le juge Laskin
(maintenant juge en chef) dit aux pages 899-900:
... il faudrait avancer des raisons convaincantes pour que la
Cour soit fondée à exercer en l'espèce une compétence conférée
par la loi (par opposition à une compétence conférée par la
constitution) pour enlever tout effet à une disposition de fond
dûment adoptée par un Parlement compétent à cet égard en
vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs conformément
au principe du gouvernement responsable, lequel constitue le
fondement de l'exercice du pouvoir législatif en vertu de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Ces raisons doivent se
rapporter à des normes objectives et faciles à appliquer, qui
doivent guider les tribunaux, si on veut que l'application régu-
lière dont il est question à l'alinéa (a) de l'art. 1, permette
d'annuler une loi fédérale par ailleurs valide .... [C'est moi qui
souligne.]
Dans l'affaire Burnshine 7 , le juge Martland a
dit aux pages 707-8:
A mon avis, pour qu'il ait gain de cause en la présente
affaire, il serait nécessaire, au moins, que l'intimé établisse à la
satisfaction de la Cour qu'en adoptant l'art. 150 le Parlement
ne cherchait pas l'accomplissement d'un objectif fédéral régu-
lier .... [C'est moi qui souligne.]
En l'espèce, la compétence législative pertinente
est conférée par l'article 91(28) de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui accorde au
gouvernement fédéral compétence en matière
d'sétablissement, de maintien, et d'administration
des pénitenciers.» J'estime que l'objet clairement
énoncé du règlement 2.30(1) est le maintien du
bon ordre et de la discipline dans les pénitenciers
canadiens. Il s'agit, selon moi, d'un objectif fédéral
6 [1972] R.C.S. 889 aux pages 899 et 900.
7 Voir: La Reine c. Burnshine [1975] 1 R.C.S. 693 aux pages
707-8. Voir aussi: Le procureur général du Canada c. Canard
[1975] 3 W.W.R. 1 la décision qui suit l'affaire Burnshine—en
particulier, le juge Martland à la page 13.
régulier et, pour cette raison, ce règlement est
intra vires et ne peut être déclaré sans effet.
J'en arrive au jugement déclaratoire que récla-
ment les demandeurs au paragraphe b) de leur
demande de redressement que, pour abréger, je
vais étudier sous le titre:
B. APPLICATION RÉGULIÈRE DE LA LOI.
A cet égard, les demandeurs s'appuient sur les
articles l a) et 2e) de la Déclaration canadienne
des droits. Sous ce rapport, les remarques suivan-
tes du juge en chef Laskin dans l'affaire Curr,
(précitée), à la page 898 de son jugement, sont
pertinentes:
Du point de vue de la procédure, je ne puis voir ce que l'alinéa
(a) de l'article 1 peut viser en plus de ce que comprennent déjà
l'alinéa (e) de l'article 2 (aune audition impartiale de sa cause,
selon les principes de justice fondamentale») et l'alinéa (f) de
l'article 2 («une audition impartiale et publique de sa cause par
un tribunal indépendant et non préjugé»).
La question soumise à la Cour suprême dans
l'affaire Ex parte McCaud 8 , concernait l'applica-
tion de l'article 2e) de la Déclaration canadienne
des droits à une décision portant sur la révocation
de la libération conditionnelle en vertu de la Loi
sur la libération conditionnelle de détenus. Voici
ce qu'en disait le juge Spence à la page 169:
C'est la Commission des libérations conditionnelles qui décide,
à sa discrétion, si la sentence sera purgée dans une institution
pénitentiaire ou à l'extérieur aux conditions de la libération;
cette décision est de nature administrative et n'est aucunement
une décision judiciaire.
Dans l'affaire Howarth c. La Commission
nationale des libérations conditionnelles', la Cour
d'appel fédérale a suivi le jugement rendu dans
l'affaire McCaud, (précitée), en affirmant que la
révocation de la libération conditionnelle par la
Commission des libérations conditionnelles est une
décision de nature administrative qui n'est pas
légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire. A la page 1022 de son jugement,
le juge en chef Jackett a fait la déclaration sui-
vante, pertinente en l'espèce:
Une personne condamnée à une peine d'emprisonnement a
perdu, par application régulière de la loi, la liberté d'aller où
e [1965] 1 C.C.C. 168, à la page 169.
9 [1973] C.F. 1018.
elle veut et est gardée en détention dans une prison. C'est
l'autorité administrative qui décide dans quelle partie de la
prison elle devra demeurer à une époque donnée. [C'est moi qui
souligne.]
La Cour suprême du Canada a confirmé cette
décision dans un jugement majoritaire. La décision
la plus récente qu'ait rendue la Cour suprême du
Canada sur cette question est l'arrêt Mitchell c. La
Reine'''. A la page 257 de son jugement dans cette
affaire, le juge Ritchie, qui a rédigé le jugement
majoritaire, a déclaré:
[TRADUCTION] L'affaire Howarth c. La Commission natio-
nale des libérations conditionnelles, (précitée), suffit à asseoir
l'assertion selon laquelle la Commission des libérations condi-
tionnelles est un organisme statutaire possédant un pouvoir
discrétionnaire illimité en matière d'application de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus et, sous ce rapport, n'est
pas soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire. La
nature même de la tâche qui lui est assignée, notamment
d'apprécier le caractère et les qualités des prisonniers et de
déterminer—ce qui est particulièrement difficile—si l'un d'eux
est susceptible de tirer profit d'une libération sous surveillance,
exige que la Commission possède un pouvoir discrétionnaire
aussi étendu que possible et que sa décision ne soit pas suscepti
ble d'appel et ni soumise aux procédures habituelles d'examen
des décisions soumise à un processus judiciaire ou quasi judi-
ciaire. Voir la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
art. 23.
Vu la jurisprudence précitée, j'estime nécessaire
d'étudier l'article 2.30(1) du Règlement et de
déterminer à la lumière ' de cet examen si ledit
règlement oblige le chef de l'institution à agir de
façon judiciaire ou quasi judiciaire lorsqu'en vertu
du règlement 2.30(1) il met un détenu à l'écart.
Pour trancher la question, il faut étudier les fonc-
tions qui lui ont été assignées.
L'article 2.30(1)a) du Règlement prévoit que
lorsque le chef de l'institution (que le règlement
1.02(f) définit comme: «le fonctionnaire nommé
aux termes de la Loi ou du présent règlement pour
administrer l'institution et comprend, en cas d'ab-
sence ou d'incapacité d'agir de ce dernier, son
adjoint légitime») est convaincu que pour le main-
tien du bon ordre et de la discipline dans l'institu-
tion, il est nécessaire ou opportun d'interdire à un
détenu de se joindre aux autres, il peut le lui
interdire. Le paragraphe prévoit également que le
cas du détenu doit être étudié, au moins une fois
par mois, par le Comité de classement qui recom-
10 (1976) 24 C.C.C. (29 241.
mandera au chef de l'institution la levée ou le
maintien de cette interdiction.
Il convient de rappeler qu'en janvier 1974, le
pénitencier de la C.-B. comptait au total 530
détenus et qu'il en reste encore environ 400, que la
plupart des autres institutions pénitentiaires fédé-
rales renferme chacune plusieurs centaines de
détenus parmi lesquels il se trouve presque inévita-
blement des individus dangereux, aux réactions
imprévisibles, convaincus d'actes de violence, et
que plusieurs des détenus se sont rendus coupables
d'évasion, de capture d'otages et sont fauteurs de
troubles et d'émeutes à l'intérieur du pénitencier.
Il est donc évident que le chef de l'institution doit
pouvoir réprimer les émeutes rapidement et ferme-
ment, et placer les coupables à l'écart pour la
protection des autres détenus, du personnel et des
biens de l'institution ainsi que du public en géné-
ral. Ce genre de situation s'est produit en octobre
1973 au pénitencier de la C.-B. lorsque les détenus
ont causé des troubles sérieux, que certains d'entre
eux ont qualifié d'«émeute». Immédiatement après
cet incident, il a fallu incarcérer à l'USC environ
89 détenus. L'administration pénitentiaire serait
impuissante et la situation deviendrait intolérable
si, dans de telles circonstances, la mise à l'écart
administrative en vertu du règlement 2.30 ne pou-
vait être imposée qu'après application régulière de
la loi. La même remarque s'imposerait dans le cas
d'une tentative générale d'évasion. Après avoir
étudié le libellé très clair du règlement 2.30(1)a)
dans le contexte de l'étendue des fonctions du chef
d'institution, je suis convaincu que la décision de
recourir à la mise à l'écart en vertu du règlement
2.30(1)_ est purement de nature administrative et
que les demandeurs ne peuvent se prévaloir des
articles la) et 2e) de la Déclaration canadienne
des droits pour obtenir le jugement réclamé au
paragraphe b) de leur demande de redressement.
A mon avis, les demandeurs n'ont pas prouvé
leur droit au redressement qu'ils réclament aux
paragraphes d), e) et f) de la déclaration modifée
en date du 28 octobre 1975 et par conséquent ce
redressement ne leur sera pas accordé.
Puisque j'ai jugé que tous les demandeurs, sauf
Baker, ont établi que leur incarcération à l'USC
du pénitencier de la C.-B. équivaut à l'imposition
d'une peine ou traitement cruel et inusité contraire
à l'article 2b) de la Déclaration canadienne des
droits, il reste à décider s'il est bien nécessaire
qu'un jugement déclaratoire le précise, aucun des
demandeurs n'étant actuellement incarcéré à
ladite USC. Dans l'arrêt Landreville c. La Reine",
le juge Pratte a décidé que la Cour avait compé-
tence pour rendre un jugement déclaratoire qui,
bien que dénué d'effet juridique, pourrait avoir
quelque utilité d'un point de vue pratique. Dans
ses motifs, le juge Pratte a cité, en les approuvant,
les décisions rendues par lord Denning, maître des
rôles, et lord Salmon dans l'affaire Merricks c.
Nott-Bower [1964] 1 All E.R. 717. A la page 721
de ce jugement, lord Denning a déclaré:
[TRADUCTION] Et l'on se demande alors: Si l'on accepte cette
opinion, quel est le redressement demandé? On demande uni-
quement une série de jugements déclarant tous que la mutation
a été effectuée en violation des règlements et des principes de
justice naturelle. On demande alors: quelle utilité pourrait avoir
maintenant un tel jugement déclaratoire, la mutation étant
survenue six ans et demi auparavant? Quels effets bénéfiques
pourraient bien avoir ces jugements maintenant? Il n'est évi-
demment pas question de remettre en cause les mutations. Les
demandeurs ont exercé leurs fonctions dans ces divisions pen
dant toute cette période. On ne peut les ramener à Peckham.
On nous a mentionné un certain nombre d'arrêts sur cette
question et il en ressort que le pouvoir d'accorder un jugement
déclaratoire a été grandement élargi ces dernières années.
Lorsqu'une véritable question est en cause, c'est-à-dire une
question qui ne soit pas uniquement théorique et au sujet de
laquelle la décision de la Cour peut donner des directives utiles,
elle peut, à sa discrétion, rendre un jugement déclaratoire. On
en trouve un exemple dans une affaire récente où il était
question du système de mutation des joueurs de football asso
ciation, Eastham c. Newcastle United Football Club Ltd.
([1963] 3 All E.R. 139), entendue par le juge WILBERFORCE.
L'avocat des demandeurs soutenait qu'en l'espèce, le jugement
déclaratoire pouvait avoir pour effet de retirer à la mutation
des demandeurs le caractère d'un blâme. Il avait aussi avancé
un argument plus général, à savoir qu'il était dans l'intérêt
public de déclarer que le pouvoir de muter un employé ne peut
être utilisé que pour des raisons de service et non pas comme un
genre de punition. Il a affirmé qu'il serait utile que la Cour
fasse une telle déclaration. Sans trancher cette question, il me
semble que l'on peut soutenir qu'un tel jugement déclaratoire
pourrait avoir une certaine utilité. Nous ne pouvons déclarer
pour le moment que cette demande devrait être rejetée d'office.
Selon moi, nous sommes en présence de la situa
tion à laquelle fait allusion lord Denning dans ses
observations susmentionnées. Il me semble qu'en
l'espèce la Cour peut et doit donner des «directives
utiles» aux autorités du pénitencier de la C.-B. et
au Service canadien des pénitenciers. Aucun des
demandeurs en cause n'était à l'USC au moment
du procès. Cependant, d'autres détenus s'y trou-
" [1973] C.F. 1223.
vaient et, vraisemblablement, y sont encore. Un
jugement déclaratoire en l'espèce n'aurait donc pas
seulement une valeur symbolique.
Par conséquent, il sera rendu un jugement
déclarant que l'incarcération de tous les deman-
deurs en cause, sauf Baker, à l'Unité spéciale de
correction du pénitencier de la C.-B. constituait
une peine ou traitement cruel et inusité contraire à
l'article 2b) de la Déclaration canadienne des
droits. Dans leur demande de redressement (para-
graphe g)), les demandeurs réclamaient également
une ordonnance visant à «enjoindre aux défendeurs
de se conformer aux décisions de cette cour.»
Toutefois, l'avocat des demandeurs n'a cité aucune
jurisprudence à l'appui de cette demande. En me
fondant sur les faits en cause et la jurisprudence, je
suis convaincu que les demandeurs n'ont pas droit
au redressement recherché 12.
Puisque le jugement en l'espèce est partagé, je
n'accorde aucun dépens.
12 Voir à titre d'exemple: DeSmith, 2^ édition, Judicial
Review of Administrative Action, pages 562 et 563.
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