A-90-74
E. & J. Gallo Winery (Appelante)
c.
Andres Wines Limited (Intimée)
Cour d'appel, les juges Thurlow, Ryan et Le
Dain—Ottawa, les 2, 3 et 16 décembre 1975.
Marques de commerce—Appel—Enregistrement par l'inti-
mée de la marque «SPANADA» relativement à un vin de table
aromatisé aux fruits—Opposition de l'appelante fondée sur
l'utilisation du nom aux Etats-Unis depuis 1969 et la publicité
faite par elle au Canada avant l'enregistrement par l'intimée le
2 novembre 1970—Confusion—A l'époque pertinente, la
marque était connue au Canada comme celle de l'appelante
grâce à des messages diffusés par des stations américaines de
télévision situées près de la frontière et captés par un grand
nombre de téléspectateurs canadiens—Loi sur les marques de
commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 2 et 3 7 .
Le 2 novembre 1970, l'intimée a demandé l'enregistrement
de la marque (SPANADA», qu'elle comptait employer en liaison
avec un vin de table aromatisé aux fruits. Le 21 juillet 1971,
l'appelante a produit une opposition conformément à l'article
37 de la Loi sur les marques de commerce, alléguant: que la
requérante n'avait pas droit à l'enregistrement, en raison de la
confusion susceptible d'être créée avec la marque «SPANADA»,
que l'intimée avait déjà fait connaître au Canada en liaison
avec son vin aromatisé aux fruits; que la requérante savait que
l'opposante employait cette marque en liaison avec les mar-
chandises en cause et que la marque était bien connue au
Canada à ce titre; et que la marque n'est pas distinctive et n'est
pas susceptible de distinguer le vin aromatisé aux fruits de la
requérante de celui que l'opposante présente comme sien dans
la publicité qu'elle a faite et qu'elle fait encore au Canada. Le
registraire a rejeté l'opposition. L'opposante a alors interjeté
appel devant la Division de première instance, produisant quel-
que 58 affidavits additionnels; l'intimée a soulevé des objections
fondées sur des questions de procédure à presque tous ces
affidavits. Le savant juge de première instance a décidé qu'au-
cun des motifs invoqués par l'appelante n'était fondé et il a
précisé que, du moins en ce qui concerne le motif visé à l'article
37(2)c), il est arrivé à cette conclusion en accordant à tous les
affidavits leur valeur apparente. Des objections semblables ont
été soulevées dans l'appel interjeté à la présente cour.
Arrêt: l'appel est accueilli et il est ordonné au registraire de
rejeter la demande de l'intimée. Étant donné l'absence de tout
contre-interrogatoire, sauf dans les cas où le bien-fondé de
l'objection a été établi, les affidavits font foi de leur contenu et
de ce qui peut normalement en être déduit, et, comme ils ne
sont pas contredits, cette cour peut, tout aussi bien que le
savant juge de première instance, décider quelles conclusions il
y a lieu de tirer tant des affidavits que du défaut de l'appelante
d'apporter d'autres éléments à l'appui de ses motifs d'opposi-
tion. Les messages relatifs au vin Spanâda de l'appelante
diffusés par des stations de télévision frontalières américaines
entre janvier 1970 et le 2 novembre 1970 ont été captés par un
très grand nombre de téléspectateurs canadiens et la marque
«SPANADA» était devenue familière à bon nombre de personnes.
Il a été établi que la marque était connue au Canada à l'époque
pertinente comme la marque de l'appelante, connue d'un grand
nombre, sinon très bien connue au sens de l'article 5. L'enregis-
trement de la marque de commerce «SPANADA» par l'intimée et
son emploi par celle-ci en liaison avec ses vins viseraient à
tromper le public et à l'induire en erreur; il s'ensuit que la
marque n'est pas adaptée à distinguer les marchandises de
l'intimée.
Arrêts appliqués: Richfield Oil Corporation c. Richfield
Oil Corporation of Canada Ltd. [1955] R.C.É. 17; Wil-
liamson Candy Company c. W. J. Crothers Company
[1924] R.C.É. 183, confirmé à [1925] R.C.S. 377. Distinc
tion faite avec l'arrêt: Marineland Inc. c. Marine Wonder
land and Animal Park Ltd. [1974] 2 C.F. 588. Arrêt
examiné: Wian c. Mady [1965] 2 R.C.É. 3.
APPEL.
AVOCATS:
J. A. Devenny pour l'appelante.
W. R. Meredith, c.r., et J. C. Singlehurst
pour l'intimée.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante.
Meredith & Finlayson, Ottawa, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'un appel d'un
jugement de la Division de première instance reje-
tant un appel d'une décision du registraire des
marques de commerce qui refusait de faire droit à
l'opposition de l'appelante à la demande d'enregis-
trement d'une marque de commerce projetée pré-
sentée par l'intimée.
La demande, présentée le 2 novembre 1970,
visait l'enregistrement de la marque «SPANADA»,
que l'intimée comptait employer en liaison avec un
vin de table aromatisé aux fruits.
Le 21 juillet 1971, après l'annonce de la
demande, l'appelante a produit, conformément à
l'article 37 1 de la Loi sur les marques de com
merce, une opposition à l'enregistrement fondée
sur les motifs suivants:
[TRADUCTION] a) En vertu de l'article 16(3)a), la requé-
rante n'a pas droit à l'enregistrement, car la marque de
commerce crée, et créait le 2 novembre 1970, de la confusion
avec la marque de commerce SPAIVADA, que l'opposante a
antérieurement fait connaître au Canada en liaison avec son
vin aromatisé aux fruits.
b) La demande ne satisfait pas aux exigences de l'article
29(i) parce que, depuis le 2 novembre 1970, le requérant sait
que la marque de commerce est employée par l'opposante en
liaison avec les marchandises en cause et qu'elle est bien
connue au Canada à ce titre.
c) La marque de commerce n'est pas distinctive parce qu'elle
n'est pas susceptible de distinguer le vin aromatisé aux fruits
de la requérante du vin aromatisé aux fruits que l'opposante
présente comme sien dans la publicité qu'elle a faite et
qu'elle fait encore au Canada - .
En octobre 1971, l'intimée a produit une répli-
que où elle nie les allégations et fait valoir son
droit à l'enregistrement. Par la suite, l'appelante a
produit un affidavit à l'appui des motifs de son
opposition et un exposé des points d'argument.
L'intimée n'a pas produit de preuve ni d'exposé des
points d'argument. Le 20 mars 1973, le registraire
a rejeté l'opposition après avoir conclu qu'aucun
des motifs n'était fondé.
Dans l'appel qu'elle a interjeté de cette décision
devant la Division de première instance, l'appe-
lante a produit quelque 58 affidavits additionnels à
l'appui de ses objections. L'intimée n'a pas pré-
senté de preuve et n'a contre-interrogé aucun des
témoins déposants; il ressort cependant des motifs
du savant juge de première instance qu'elle a
soulevé des objections fondées sur des questions de
procédure à presque tous les affidavits produits par
l'appelante. Le savant juge de première instance a
décidé qu'aucun des motifs invoqués par l'appe-
Les paragraphes (1) et (2) de l'article 37 portent que:
37. (1) Toute personne peut, dans le délai d'un mois à
compter de l'annonce de la demande, et sur paiement du
droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclara-
tion d'opposition.
(2) Cette opposition peut être fondée sur l'un quelconque
des motifs suivants:
a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article
29;
b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;
e) le requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enre-
gistrement; ou
d) la marque de commerce n'est pas distinctive.
lante n'était fondé et il a précisé, au moins à
l'égard du motif visé à l'article 37(2)c) de la Loi
sur les marques de commerce, c'est-à-dire que
l'intimée n'avait pas droit à l'enregistrement, qu'il
est arrivé à cette conclusion en accordant à tous les
affidavits leur valeur apparente. Comme des objec
tions semblables ont été soulevées de nouveau dans
l'appel interjeté à la présente cour, il y aura lieu
d'examiner la valeur probante des affidavits et le
bien-fondé des objections qui les visent. Étant
donné l'absence de tout contre-interrogatoire, il me
semble que, sauf dans les cas où le bien-fondé de
l'objection a été établi, ils sont recevables et font
foi de leur contenu, y compris ce qui peut normale-
ment en être déduit, et que, comme ils ne sont
aucunement contredits, cette cour peut tout aussi
bien que le savant juge de première instance déci-
der quelles conclusions il y a lieu de tirer tant des
affidavits que du défaut de l'appelante d'apporter
d'autres éléments à l'appui de ses motifs
d'opposition.
Voyons en premier lieu le moyen fondé sur
l'article 37(2)d) de la Loi sur les marques de
commerce, soit l'absence de caractère distinctif de
la marque de commerce. Le terme «distinctive» est
défini comme suit à l'article 2 de la Loi:
2....
«distinctive», par rapport à une marque de commerce, désigne
une marque de commerce qui distingue véritablement les
marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est
employée par son propriétaire, des marchandises ou services
d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer
ainsi;
Puisqu'il s'agit d'une demande d'enregistrement
d'une marque de commerce projetée, on ne peut
dire, à strictement parler, que celle-ci distingue
véritablement le vin de l'intimée de vins existants;
ce n'est que si la marque «est adaptée à le distin-
guer ainsi» qu'on peut la dire distinctive du vin de
l'intimée à l'époque en question. Voir Fox, The
Canadian Law of Trade Marks and Unfair Com
petition, 3 e édition, page 37:
[TRADUCTION] En vertu de la loi de 1953, une marque de
commerce est distinctive si elle distingue véritablement ou si
elle est adaptée à distinguer. Dans le cas d'une marque de
commerce existante, il s'agit d'une marque de commerce si
l'intention dans laquelle on l'emploie ou sa reconnaissance par
le public sont conformes aux dispositions de l'art. 2t), et elle est
distinctive si elle distingue véritablement. C'est là bien sûr une
question de faits. Dans le cas d'une marque de commerce
projetée, les dispositions de l'art. 2t)(i) ne s'appliquent bien
entendu qu'à l'intention dans laquelle on l'emploie et non à sa
reconnaissance par le public. En pareil cas, l'opposition sera
rejetée si la marque de commerce est adaptée à distinguer.
La question que soulève ce moyen est donc de
savoir si la marque «SPAIVADA» était, à l'époque en
question, adaptée à distinguer le vin de l'intimée
des vins existants. Comme la marque semble pré-
senter un caractère proprement distinctif, il reste
seulement à déterminer, selon moi, si la preuve
établit que cette marque proprement distinctive
n'est pas adaptée à distinguer le vin de l'intimée.
Pour faire cette preuve, on a allégué que cette
marque est déjà connue comme celle employée par
l'appelante en liaison avec des marchandises sem-
blables. Pour qu'on puisse conclure que la marque
n'est pas ainsi adaptée, il n'est pas nécessaire,
selon moi, que la preuve démontre que la marque
est bien connue ou qu'on l'a bien fait connaître au
Canada au sens de l'article 5 ou qu'on a eu recours
aux méthodes qui y sont mentionnées. Une telle
preuve et le fait de l'emploi de la marque aux
États-Unis suffiraient à donner à l'appelante le
droit à l'enregistrement et à un monopole de l'em-
ploi de la marque. Mais ce n'est pas de cela qu'il
s'agit. L'intimée cherche à monopoliser l'emploi de
la marque et il s'agit de savoir si elle en a le droit.
Que quelqu'un d'autre en ait le droit n'a rien à
voir. Seul importe le fait que la marque soit adap-
tée ou non à distinguer les marchandises de l'inti-
mée sur le marché. De toute évidence, elle ne
serait pas ainsi adaptée s'il y avait six ou sept
marchands de vin qui l'employaient déjà sur leurs
étiquettes et, pour la même raison, elle ne le serait
pas si on la savait déjà employée par un autre
commerçant du même type de marchandises.
Aux termes de l'article 37(2)d), le moment à
considérer aux fins de l'établissement du droit de
l'intimée semble être la date de la production de
l'opposition mais, selon moi, les faits en l'espèce
sont tels qu'on arriverait au même résultat si l'on
considérait la date de la production de la demande.
Voyons maintenant les affidavits et ce qu'ils
semblent établir.
Il ressort de la pièce A-1, l'affidavit de A. P.
Fenderson, un des vice-présidents administratifs de
la compagnie appelante, que l'appelante est une
compagnie constituée en vertu des lois de la Cali-
fornie et qu'elle exerce son activité aux États-Unis,
que le mot «sPANADA» est une marque créée par le
personnel de l'appelante en 1969 et qu'il figure
depuis sur les étiquettes du vin aromatisé aux
fruits de l'appelante, qu'il a été enregistré comme
marque de commerce de la compagnie le 13 jan-
vier 1970 au bureau des brevets d'invention des
États-Unis, que le 23 novembre 1970 la compa-
gnie, ignorant la demande de l'intimée du 2
novembre 1970, a présenté une demande d'enregis-
trement en vertu de la Loi sur les marques de
commerce, que la compagnie n'a pas vendu son vin
sPANADA au Canada mais que le 2 novembre
1970, les ventes brutes de ce vin s'élevaient déjà à
plus de $8,700,000. Je ne tiens pas compte des
paragraphes 13 et 14 ni de la mention, aux para-
graphes 11 et 12, de choses qui se sont produites
ou ont pu se produire depuis le 2 novembre 1970.
Les trois affidavits suivants, A-2, A-3 et A-4,
viennent d'éditeurs de publications du métier.
Dans le sien (A-2), Philip Hiaring déclare être
président de la Hiaring Company, l'éditeur de
Wines & Vines, une publication destinée à l'indus-
trie du vin, et assez bien connaître les articles qui
paraissent dans cette publication, sa distribution et
les registres y afférents; il ajoute qu'un article,
dont une copie a été déposée en preuve, sur le vin
sPANADA de E. & J. Gallo Winery a été publié
dans l'édition de février 1970 de Wines and Vines,
que la publication, qui était destinée à l'industrie
du vin et dont on peut d'ailleurs encore se procurer
des exemplaires, a été distribuée en février 1970,
notamment aux marchands et aux consommateurs
de vin des États-Unis et du Canada, et que, d'après
ses dossiers, il croit qu'environ 87 exemplaires de
l'édition de février 1970 ont été distribués au
Canada. L'article en question, très bref et de peu
d'importance, mérite en soi peu d'attention. Je
refuse de tenir compte des paragraphes 6, 7 et 8 et
de ce dont il y est fait mention, car il s'agit d'une
preuve de ouï-dire inadmissible.
LeRoy W. Page déclare pour sa part dans son
affidavit (A-3) être président de Industry Publica
tions Inc., l'éditeur de Beverage Industry News
Merchandiser, publication destinée à l'industrie du
vin, et assez bien connaître les articles qui parais-
sent dans cette publication et la distribution de
celle-ci; il ajoute qu'un article, dont une copie a été
déposée en preuve, sur le vin sPANADA de E. & J.
Gallo Winery a été publié dans l'édition de janvier
1970 et que la publication, qui était destinée à
l'industrie du vin et dont on peut d'ailleurs encore
se procurer des exemplaires, a été distribuée en
janvier 1970, notamment aux marchands et aux
consommateurs de vin des États-Unis et du
Canada. Il n'est pas fait mention de la diffusion
qu'a eue au Canada l'édition de janvier 1970. Il
semble s'agir d'une annonce plutôt que d'un article
et le mot «SPAIIADA» figure bien en vue à deux
endroits dans la page.
La pièce A-4 est un affidavit dans la même
veine, souscrit celui-là par Charles H. vanKreidt,
l'éditeur de California Wineletter, où ce dernier
déclare qu'un article sur le vin SPAIVADA de E. &
J. Gallo Winery a paru dans l'édition du 25 mars
1970 de cette publication, qui a été distribuée aux
marchands et aux consommateurs de vin des
États-Unis et du Canada. Ici non plus il n'est pas
fait mention de la diffusion qu'a eue cette édition
au Canada. L'article contient une description du
vin connu sous la marque «SPA10ADA», qui est
mentionnée plusieurs fois.
Suivent deux affidavits, les pièces A-5 et
A-6(1), souscrits par Earnell W. Cronkite, direc-
teur du service d'achat de supports publicitaires de
la compagnie appelante, poste qu'il occupe depuis
août 1957. Je cite les paragraphes 2 à 14 du
premier de ces affidavits:
[TRADUCTION] 2. Depuis que je suis directeur du service
d'achat de supports publicitaires chez Gallo, je suis au courant
de toute la publicité relative au vin SPANADA de Gallo. Ce vin a
été expédié pour la première fois à un grossiste le 28 mai 1969.
Les premières dépenses publicitaires relatives à ce vin ont été
faites le 1" septembre 1969, ou vers cette date. La campagne
publicitaire a été lancée en décembre 1969, en même temps que
la vente au grand public. La publicité à la télévision a com-
mencé le 16 janvier 1970.
3. Dans le mot SPANADA, qui figure sur les étiquettes et qui
est employé dans la publicité, la lettre an» est tildée, de sorte
que la prononciation correcte est (Spanyada». Dans cet affida
vit, le tilde est omis pour des raisons de commodité seulement.
4. Depuis décembre 1969 (aussi bien avant qu'après le 2
novembre 1970), Gallo fait la publicité du vin SPANADA dans
les journaux, dans les revues et dans d'autres publications, ainsi
qu'à la radio et surtout à la télévision. Le vin SPANADA a aussi
fait l'objet d'une publicité importante dans les publications de
l'industrie du vin et dans d'autres.publications un peu partout
aux États-Unis pendant l'année suivant son lancement en
décembre 1969.
5. A titre de directeur du service d'achat de supports publici-
taires chez Gallo, j'ai coordonné depuis le début l'élaboration et
l'exécution de la campagne publicitaire du vin SPANADA de
Gallo destinée à la télévision et menée par les agences publici-
taires Young & Rubicam West et Erwin Wasey, Inc. Gallo a
affecté à cette campagne des sommes importantes; nous y
reviendrons au paragraphe 6. Durant l'année qui a suivi le
lancement de SPANADA, on a cherché dans cette campagne à lui
créer un marché, à établir son caractère unique et à faire
connaître la marque auprès des marchands et des consomma-
teurs de vin. Je crois que ce but a été atteint, si l'on en croit les
chiffres de ventes, au paragraphe 12 de l'affidavit de A. P.
Fenderson, daté du 24 août 1973 et produit en l'espèce. Ces
chiffres indiquent en outre que la campagne a continué à
produire de bons résultats après la première année.
6. Du 1" septembre 1969 jusqu'au 31 juillet 1973, Gallo a
affecté plus de $5,800,000 la publicité du vin SPANADA, dont
plus de $2,000,000 avant le 2 novembre 1970. C'est la publicité
à la télévision qui a pris la part du lion.
7. J'ai lu l'affidavit que j'ai signé le 15 juin 1973 et qui est
produit en l'espèce, et le scénario-maquette qu'il contient m'est
familier.
8. Les scénarios-maquettes de toute la publicité faite à la
télévision du vin SPANADA de Gallo sont joints à titre de pièces
audit affidavit du 15 juin 1973 et la pièce A ci-jointe indique le
nombre de fois que le mot SPANADA est montré ou prononcé.
9. J'ai lu les affidavits des personnes suivantes produits en
l'espèce: A. P. Fenderson, en date du 24 août 1973, Donald C.
Foote, junior, en date du 27 août 1973, A. Victor Pisani, en
date du 6 juillet 1973, Bruce R. Bryant, en date du 24 juillet
1973, 46 personnes représentant des stations de télévision amé-
ricaines situées près de la frontière canado-américaine et trois
personnes représentant des publications de l'industrie du vin.
[Le reste du paragraphe a fait l'objet d'une objection, au
motif qu'il participe de la nature d'une plaidoirie; je l'omets
donc et je n'en tiens pas compte.]
10. Gallo a continué, après le 2 novembre 1970, faire une
publicité intensive du vin SPANADA à la télévision dans les
régions frontalières canado-américaines, et je crois que le
nombre de familles et d'adultes au Canada à avoir vu cette
publicité a depuis lors augmenté de façon considérable, vu
notamment l'augmentation du nombre de familles canadiennes
possédant un téléviseur, fait signalé au paragraphe 16 de
l'affidavit de Donald C. Foote, junior, produit en l'espèce.
11. D'après mon expérience, les données du Nielsen Televi
sion Index relatives à la cote d'écoute sont sûres. Gallo et ses
agences publicitaires s'en servent pour affecter judicieusement
les sommes énormes que coûte la publicité à la télévision. Les
données du Nielsen Television Index sont établies à partir de
sondages scientifiques, seule méthode pratique permettant de
déterminer qui regarde une émission.
12. Toute la publicité du vin SPANADA destinée à la télévision
et décrite dans les pièces jointes à l'affidavit du 15 juin 1973, a
été conçue à ma demande par Erwin Wasey, Inc.; cette société,
ainsi que la société Young & Rubicam West, ont fait passer
cette publicité à la télévision, sous forme de «spots» et de
messages de réseau, aux heures indiquées dans les affidavits des
46 personnes représentant ces stations de télévision produits en
l'espèce. Dans le tableau ci-joint, la pièce B, se retrouvent les
données contenues dans les 46 affidavits de personnes représen-
tant des stations de télévision, dans les deux affidavits de
personnes représentant les réseaux de télévision National
Broadcasting Company et Columbia Broadcasting System, et
dans la pièce A ci-jointe, qui spécifient a) le nombre et l'iden-
tité des stations de télévision américaines qui ont diffusé des
messages publicitaires du vin SPANADA de Gallo au Canada, b)
les villes où ces stations diffusent, c) les régions du Canada où
ont été captés ces messages, d) les messages (identifiés dans
l'affidavit du 15 juin 1973) diffusés par ces stations et captés au
Canada, e) le nombre de fois que chaque message a été diffusé
par chaque station entre le 16 janvier 1970 et le 31 mai 1973, f)
le nombre de fois que chaque message a été diffusé par chaque
station du 16 janvier 1970 au 1" novembre 1970, g) le nombre
de fois que le mot SPANADA a été montré dans les messages
diffusés par chaque station entre le 16 janvier 1970 et le 31 mai
1973, h) le nombre de fois que le mot SPANADA a été montré
dans les messages diffusés par chaque station entre le 16 janvier
1970 et le 1" novembre 1970, i) le nombre de fois que le mot
SPANADA a été prononcé dans les messages diffusés par chaque
station entre le 16 janvier 1970 et le 31 mai 1973, et j) le
nombre de fois que le mot SPANADA a été prononcé dans les
messages diffusés par chaque station entre le 16 janvier 1970 et
le 1" novembre 1970.
13. Il ressort du tableau ci-joint (pièce B) qu'au total 32
stations de télévision américaines, couvrant tous les États fron-
taliers à l'exception du Montana, du North Dakota et de
l'Ohio, ont diffusé en tout 982 messages publicitaires relatifs au
vin SPANADA, captés dans des régions métropolitaines du
Canada entre le 16 janvier 1970 et le 1" novembre 1970; il
ressort en outre qu'au total 46 stations, couvrant tous les États
frontaliers, ont diffusé en tout 2,222 de ces messages, captés au
Canada entre le 16 janvier 1970 et le 31 mai 1973. C'est moi
qui, de façon arbitraire, ai fixé au 31 mai 1973 la fin de la
période considérée; la campagne se poursuit toujours sur les
ondes de la plupart des stations mentionnées. Le tableau indi-
que aussi qu'au cours de ces messages le mot SPANADA a été
montré 1,201 fois et prononcé 2,198 fois pendant la période se
terminant le 31 mai 1973.
14. Les données statistiques relatives à la population cana-
dienne ci-jointes (pièce C), tirées de l'édition de 1973 du
Commercial Atlas & Marketing Guide de la Rand McNally &
Company, dont la source est le recensement officiel du Canada
de 1971, révèlent que les messages captés dans les régions
importantes du Canada pouvaient atteindre 51.64% de la popu
lation totale du Canada dans la période se terminant le 2
novembre 1970 et 55.87% dans la période se terminant le 31
mai 1973. L'affidavit de Donald C. Foote, junior, en date du 27
août 1973, produit en l'espèce, indique dans quelle mesure
diverses grandes régions métropolitaines du Canada ont été
atteintes par ces messages et à quelle fréquence elles l'ont été.
L'autre affidavit de Cronkite, la pièce A-6(1),
soit l'affidavit du 15 juin 1973, est accompagné de
copies de huit scénarios-maquettes représentant les
divers messages publicitaires du vin SPANADA de
Gallo diffusés aux États-Unis du 16 janvier 1970
au 31 mai 1973.
Viennent ensuite 46 affidavits, pièces A-7 à
A-52, chacun souscrit par le directeur, le directeur
des ventes ou un autre dirigeant d'une station de
télévision diffusant près de la frontière canado-
américaine, relatifs aux messages publicitaires
décrits aux scénarios-maquettes joints à l'affidavit
du 15 juin 1973 et indiquant le nombre de fois que
ce message a été diffusé par la station avant le 2
novembre 1970 et de cette date jusqu'au 31 mai
1973. Dans seize de ces affidavits, il est déclaré
qu'aucun de ces messages n'a été diffusé avant le 2
novembre 1970; il n'y a donc pas lieu d'en tenir
compte, même si les pièces qui y sont jointes, du
moins dans certains cas, indiquent qu'il y a eu
diffusion entre cette date et le 21 juillet 1971, date
de la production de l'opposition. La forme de ces
affidavits laisse quelque peu à désirer, mais dans
presque tous les cas le signataire affirme notam-
ment sous serment
(1) qu'il connaît bien
a) le nombre de foyers au Canada atteints
par les émissions diffusées par sa station;
b) la programmation de sa station; et
c) les dossiers de la station y afférents;
(2) que ces dossiers révèlent que certains élé-
ments déterminés des messages de l'appelante
joints à l'affidavit du 15 juin 1973 ont été
diffusés sur les ondes de sa station un certain
nombre de fois avant le 2 novembre 1970 et un
certain nombre de fois de cette date jusqu'au 31
mai 1973, précisions qui sont données dans un
document joint à son affidavit;
(3) que ce document précise en outre la date et
l'heure de diffusion de chacun de ces messages;
(4) que ces messages ont été diffusés aux dates
et aux heures mentionnées; et
(5) que les émissions de sa station sont captées
par câble ou autrement dans les agglomérations
canadiennes mentionnées dans l'affidavit ou
dans une pièce jointe à celui-ci et que la station
reçoit une quantité importante de courrier et de
commandes d'achat de supports publicitaires de
personnes résidant au Canada.
La déclaration faite au paragraphe (2) de ces
affidavits ne semble pas être conforme aux exigen-
ces de l'article 30 de la Loi sur la preuve au
Canada relatives à la preuve du contenu de pièces
et de la véracité de ce qui y est déclaré. Admettons
que cette objection soit fondée; il n'y a toujours
pas, à mon avis, d'objection valide aux déclarations
assermentées visées aux paragraphes (3) et (4) ni à
l'utilisation du paragraphe (2) pour décrire les
émissions qui y sont mentionnées. Avant de faire
ces déclarations, chacun des témoins a pu, je sup
pose, se rafraîchir la mémoire en consultant les
dossiers qu'il dit bien connaître et, en l'absence de
contre-interrogatoire et de contradiction, je ne
crois pas que ces déclarations puissent ou doivent
être écartées. Même si on éliminait celles où les
pièces n'ont pas été identifiées par le fonctionnaire
qui a reçu le serment, ces affidavits établissent que
les messages de l'appelante ont été diffusés par ces
stations de télévision frontalières plus de 300 fois
entre le 16 janvier 1970 et le 2 novembre 1970 à
différentes heures de l'après-midi et de la soirée et
ils appuient donc en partie le paragraphe 13 de
l'affidavit de Cronkite.
Résumons. Si l'on se fonde sur les éléments
admissibles de preuve dont il a été question ci-des-
sus, on conclura fort probablement, dans l'ensem-
ble, que les messages publicitaires relatifs au vin
SPANADA de l'appelante diffusés par des stations
américaines de télévision situées près de la fron-
tière, du mois de janvier 1970 jusqu'au 2 novembre
1970, ont été captés au Canada par un très grand
nombre de téléspectateurs et, en outre, que la
marque de commerce «SPANADA» est maintenant
bien connue au Canada. Il me semble probable que
cette publicité a connu un succès tout particulier
auprès des personnes qui connaissent la coutume
espagnole à laquelle elle fait allusion et qui, pour
cette raison, y sont particulièrement réceptifs,
c'est-à-dire des clients éventuels.
Quant aux autres affidavits, je ne tiens aucun
compte des affidavits A-53(1) et A-54(1), au motif
qu'il s'agit de ouï-dire, inadmissible en vertu de
l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada pour
prouver le contenu des dossiers. Il en va de même
de la pièce A-57. Les pièces A-55, A-56 et A-58
me semblent admissibles, car il s'agit de l'opinion
de trois personnes possédant une longue expérience
dans le domaine de la publicité et qui connaissent
bien la cote d'écoute au Canada des stations fron-
talières américaines. Cette opinion étaye ma con
clusion, tirée du reste de la preuve, selon laquelle
ces messages diffusés par des stations frontalières
ont été vus par un nombre important de téléspecta-
teurs au Canada. L'opinion de ces personnes est
sans doute basée en partie sur du ouï-dire, dont
une partie est présentée comme telle, mais les
témoins étant compétents, en raison de leurs con-
naissances et de leur expérience, à donner une
opinion sur la question, cela ne peut que diminuer
la valeur probante du témoignage, non le rendre
inadmissible.
Dans l'ensemble, donc, je suis d'avis qu'il a été
établi que la marque SPARADA était connue au
Canada à l'époque pertinente comme étant la
marque de commerce de l'appelante, connue d'un
grand nombre, sinon très bien connue au sens de
l'article 5, et que cette conclusion s'impose à la
lumière de la preuve, ce qui n'enlève rien à la très
grande pertinence de l'observation du savant juge
de première instance sur l'absence du moindre
affidavit d'un téléspectateur au Canada qui décla-
rerait avoir vu cette publicité sur une des stations
américaines 2 .
Voici l'extrait du jugement du savant juge de
première instance qui traite de ce motif
d'opposition:
Je suggère d'aborder en premier lieu le moyen d'opposition
prévu à l'article 37(2)d), savoir, que la marque projetée de
l'intimée n'est pas distinctive. Le mot «distinctif» est défini
comme suit à l'article 2 de la Loi:
«distinctive», par rapport à une marque de commerce, désigne
une marque de commerce qui distingue véritablement les
marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est
employée par son propriétaire, des marchandises ou services
d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer
ainsi;
Aux dires de l'appelante, la preuve en l'espèce a démontré
que cette dernière a entouré sa marque de commerce SPANADA
enregistrée aux États-Unis d'une publicité importante sur les
ondes de stations américaines de télévision situées près de la
frontière canadienne dont la diffusion était captée par une
partie importante du public canadien. Ainsi, l'appelante sou-
tient que l'intimée n'a pas établi que sa marque identique
distingue réellement ses marchandises de celles de l'appelante.
Cependant, il a été jugé dans l'affaire Lime Cola Co. c. Coca
'Comparer Richfield Oil Corporation c. Richfield Oil Cor
poration of Canada Ltd. [1955] R.C.É. 17, le président Thor-
son, à la page 24.
Cola Co. [1947] R.C.É. 180 que la preuve de l'emploi d'une
marque dans un pays étranger ne constitue pas une preuve de
son caractère distinctif au Canada. Le Vicomte Dunedin a
exprimé une opinion semblable dans l'arrêt Reddaway's Appli
cation (1927) 44 R.P.C. 27 la page 37 où il a déclaré:
[TRADUCTION] Je souscris à l'opinion de M. le juge
Tomlin qui a dit: «Bien que la preuve de l'emploi d'une
marque en pays étranger puisse constituer une certaine
preuve d'un élément propre au caractère distinctif, cela ne
peut prouver que la marque est susceptible d'apporter une
distinction sur le marché de ce pays.»
En l'espèce, il n'y a absolument aucune preuve que la marque
de l'appelante est devenue distinctive au Canada. On n'a pro-
duit aucun affidavit de membres de l'industrie du vin au
Canada ou de consommateurs canadiens, déclarant qu'ils
avaient vu sur les ondes de stations américaines de télévision de
la publicité portant sur la marque SPANADA de l'appelante et
que, par conséquent, la marque de l'appelante avait acquis, à
leurs yeux, un caractère distinctif. Je ne dispose d'aucune
preuve qui me permettrait de conclure que l'appelante a
démontré le caractère distinctif de sa marque au Canada.
Puisque la marque de l'appelante n'est pas devenue distinc
tive au Canada, l'argument du caractère distinctif ne peut
constituer une fin de non-recevoir à la demande d'enregistre-
ment de l'intimée.
Je suis également d'avis qu'en elle-même la publicité d'un
produit ne suffit pas à consacrer son emploi. Il est admis en
l'espèce que l'appelante n'a vendu aucune marchandise au
Canada. Par conséquent, l'appelante n'a pas employé sa
marque au Canada au sens de l'article 4(1) de la Loi, et, de ce
fait, elle n'entre pas dans le cadre de la définition du mot
«distinctif» contenue à l'article 2 de la Loi (précité).
D'après moi, cet extrait porte sur la question de
savoir si la preuve a établi que la publicité a eu
pour effet de rendre la marque de commerce dis
tinctive des marchandises de l'appelante à l'époque
considérée. Ayant conclu dans le sens de la néga-
tive (le mot «distinctive» est défini à l'article (2)),
le savant juge de première instance semble avoir
conclu qu'il s'ensuivait que la marque était adap-
tée à distinguer le vin de l'intimée.
En toute déférence, il ne me semble pas, je l'ai
déjà dit, que si la marque n'était pas distinctive de
l'appelante, elle était de ce fait «adaptée à distin-
guer» les marchandises de l'intimée et, par consé-
quent, distinctive de l'intimée ou de ses
marchandises.
Dans l'affaire Williamson Candy Company c.
W. J. Crothers Company 3 , il ressort des faits
3 [1924] R.C.É. 183.
exposés dans le jugement du juge Maclean que la
demanderesse, fabricant et distributeur de confise-
ries à Chicago, avait adopté et employé en 1920 la
marque de commerce «Oh Henry» pour identifier
ses marchandises. Elle a obtenu l'enregistrement
de la marque aux États-Unis en février 1922. En
mai 1922, la défenderesse, fabricant des confiseries
et de biscuits à Kingston (Ontario), a demandé et
obtenu l'enregistrement de la même marque en
vertu de la Loi des marques de commerce et
dessins de fabrique. Voici un extrait de la décision
[aux pages 184-185]:
[TRADUCTION] La demanderesse n'a pas tenté de prouver un
emploi quelconque de sa marque de commerce au Canada, où
elle semble ne jamais avoir vendu de confiseries. L'avocat de la
défenderesse a admis que la demanderesse avait, avant et après
l'enregistrement effectué par la défenderesse, annoncé sa confi-
serie sous la marque de commerce en question dans des publica
tions américaines qui, dans plusieurs cas, avaient une large
diffusion au Canada. Il ne fait pas de doute, me semble-t-il, que
la demanderesse fait beaucoup de publicité. La défenderesse ne
prétend pas avoir obtenu le consentement de la demanderesse à
l'enregistrement de cette marque.
La demanderesse a intenté une action en radiation.
Le juge Maclean a déclaré aux pages 191-192:
[TRADUCTION] On a commencé à utiliser les marques de com
merce pour distinguer les marchandises d'une personne et pour
empêcher qu'une personne ne vende ses marchandises en les
présentant comme celles d'une autre. Ce système a pour but
d'encourager le commerce honnête et de protéger le consomma-
teur. Il n'y a pas de doute que notre loi sur les marques de
commerce n'a pas été édictée pour promouvoir au Canada
l'adoption de marques étrangères déposées, même dans le cas
où le détenteur étranger ne l'emploie pas au Canada. Cette
situation créerait de la confusion et favoriserait la duperie,
précisément ce qu'on cherche à éviter, et gênerait le commerce,
ce qui est aussi aux antipodes du but visé. La législation relative
aux marques de commerce vise autant la protection du public
que celle des usagers.
Si tous les pays autorisaient sciemment une telle pratique, il
en résulterait un fouillis inextricable, situation à laquelle les
marques de commerce avaient justement pour but de parer.
Heureusement, on a toujours tendance à protéger les marques
enregistrées à l'extérieur du Canada. En fait, plusieurs pays
importants sont maintenant signataires d'une convention qui
prévoit un système international d'enregistrement. Dans la
mesure du possible, chaque pays, me semble-t-il, doit respecter
les marques de commerce étrangères, pour éviter de mettre en
péril le commerce international et de nuire à l'intérêt public. La
connaissance de l'enregistrement et de l'emploi à l'extérieur du
Canada d'une marque utilisée en liaison avec le même type de
biens, comme en l'espèce, particulièrement si l'usager est dans
un pays voisin où la langue est la même, s'il est très facile de
voyager d'un pays à l'autre et si la publicité circule très
librement, sont des éléments qui, dans la plupart des cas,
devraient, d'après moi, nous inciter à refuser d'enregistrer
sciemment cette marque de commerce au Canada. A plus forte
raison lorsque, comme en l'espèce, la publicité de la demande-
resse largement diffusée au Canada, est très susceptible d'inci-
ter le public à croire que les marchandises de la défenderesse
sont les mêmes que celles annoncées par la demanderesse. Étant
donné l'importance visuelle du nom de la marque de commerce
sur l'étiquette, c'est ce que les gens croiront, même si le nom du
fabricant est clairement imprimé (moins en vue cependant) sur
l'étiquette. Cette règle ne serait préjudiciable à personne. On
peut imaginer des cas où il y aurait lieu de déroger à ce
principe. Le cas de celui qui fait enregistrer et emploie une
marque de commerce sans savoir qu'elle existe déjà est une
toute autre question et ne nous intéresse donc pas. Ou encore si
la demanderesse avait laissé passer de nombreuses années après
l'enregistrement aux États-Unis avant de demander l'enregis-
trement au Canada, la solution serait peut-être différente.
Cette attitude pourrait s'interpréter comme une décision
d'abandonner ce marché ou la marque de commerce dans ce
marché. Il serait prématuré en l'espèce, me semble-t-il, de faire
une telle prétention. La défenderesse a enregistré la marque au
Canada dans les quatre mois de l'enregistrement de celle-ci par
la demanderesse aux États-Unis.
A la lumière des faits qui m'ont été présentés, je décide que
l'enregistrement a été fait sans droit. La défenderesse n'était
pas propriétaire de la marque et n'avait pas le droit de l'enre-
gistrer; l'inscription doit donc être radiée. La défenderesse
savait en outre qu'elle n'était pas la première à employer cette
marque. Le pouvoir discrétionnaire conféré au Ministre par
l'article 11, que peut maintenant exercer cette cour, peut à bon
droit être exercé contre l'enregistrement fait par la défende-
resse, et je suis d'avis que cet enregistrement vise à tromper le
public ou à l'induire en erreur, autre motif en justifiant la
radiation. [C'est moi qui souligne].
La Loi a été modifiée depuis, mais les observa
tions du savant juge sont aussi valables aujourd'hui
qu'en 1924. Ce qui nous intéresse dans tout cela,
c'est qu'en partant de faits qui, pour l'essentiel,
sont remarquablement semblables à ceux de la
présente espèce, le savant juge a décidé qu'étant
donné la publicité faite par la demanderesse et la
connaissance de sa marque ainsi répandue au
Canada, l'enregistrement de la marque au Canada
fait par la défenderesse »visait à tromper le public
ou à l'induire en erreur» et que, pour ce motif, il y
avait lieu de le radier. C'est précisément sur cette
conclusion du savant juge que la Cour suprême 4 a
fondé son jugement portant confirmation.
Le juge en chef Anglin, parlant au nom de la
majorité de la Cour, a déclaré à la page 380:
[TRADUCTION] Le savant président a décidé que cet enregis-
trement de la marque de commerce par la défenderesse «vise à
tromper le public ou à l'induire en erreur». Cette conclusion
tient toujours. La preuve présentée la justifie. Et elle justifie
4 [1925] R.C.S. 377.
pleinement l'ordonnance rendue par la Cour de l'Échiquier de
radier l'inscription de la marque de commerce de la défende-
resse, celle-ci étant une marque de commerce que le Ministre,
dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, aurait pu refuser
d'enregistrer.
Étant donné les faits de l'espèce, je suis d'avis
qu'ici aussi l'enregistrement de la marque «SPA-
II1ADA» par l'intimée et son emploi par celle-ci en
liaison avec ses vins viserait à tromper le public ou
à l'induire en erreur et qu'il s'ensuit que la marque
n'est pas adaptée à distinguer les marchandises de
l'intimée. L'opposition de l'appelante en vertu de
l'article 37(2)d) de la Loi sur les marques de
commerce doit donc être accueillie.
Dans les plaidoiries, on a renvoyé à la décision
du juge Cattanach dans l'affaire Marineland Inc.
c. Marine Wonderland and Animal Park Ltd.S, oû
une objection analogue fondée sur le défaut de
caractère distinctif a été faite à la demande d'enre-
gistrement du nom «MARINELAND» présentée par
la défenderesse, qui voulait en faire la marque de
commerce qu'elle emploierait en liaison avec ses
services. Si je comprends bien, dans ce cas-là, la
défenderesse avait employé la marque de com
merce pour distinguer ses services au Canada
avant la demande d'enregistrement et c'est la pre-
mière partie de la définition de «distinctive», à
l'article 2 de la Loi, qui s'appliquait; la question
était de savoir si elle distinguait «véritablement» les
services de la défenderesse et non pas de savoir si
elle était «adaptée à les distinguer». Cette affaire,
me semble-t-il, peut donc être distinguée de la
présente affaire; il s'agit d'ailleurs d'un cas d'es-
pèce. Il y a néanmoins dans les motifs du jugement
des opinions qui, si elles se veulent d'application
générale, semblent entrer en conflit, du moins
jusqu'à un certain point, avec la position que j'ai
adoptée en l'espèce. Dans la mesure de cette
incompatibilité, je suis incapable d'adopter ou de
suivre lesdites opinions.
Étant donné cette conclusion, il n'est pas néces-
saire d'étudier les autres motifs d'opposition,
c'est-à-dire celui qui est basé sur l'article 37(2)c)
et la preuve requise pour établir qu'une marque est
bien connue au Canada aux fins de l'article 5, et le
motif fondé sur l'article 29; je n'exprime en consé-
quence aucune opinion sur ces questions. Il semble
5 [1974] 2 C.F. 558.
que des opinions ont été exprimées relativement à
l'article 5 dans l'arrêt Wian c. Mady, 6 dans la
décision du tribunal de première instance dans la
présente affaire et dans l'arrêt Marineland. Si j'en
fais mention, c'est simplement pour signaler que
ces opinions ne me semblent pas s'appliquer à la
question qui, à mon avis, détermine l'issue du
présent litige.
J'accueille l'appel et j'ordonne au registraire des
marques de commerce de rejeter la demande de
l'intimée.
L'appelante a droit à ses frais dans cette cour et
dans la Division de première instance.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je souscris.
6 [1965] 2 R.C.É. 3.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.