T-3562-74
Michael John Skitt (Demandeur)
c.
Le solliciteur général du Canada, la Commission
nationale des libérations conditionnelles et le com-
missaire des pénitenciers (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Ottawa, le 18 septembre et le 5 novembre 1975.
Libération conditionnelle—La Commission nationale des
libérations conditionnelles peut-elle révoquer la libération
conditionnelle de jour?—Le demandeur conserve-t-il son droit
à toute réduction statutaire de peine inscrite à son crédit au
moment de l'octroi de la libération conditionnelle de jour ainsi
que la peine purgée en liberté conditionnelle de jour?—Loi sur
la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2,
art. 2, 10, 13, 16, 18, 20 et 21—Loi sur les pénitenciers, S.R.C.
1970, c. P-6, art. 22.
Le demandeur a violé une condition de sa libération condi-
tionnelle de jour et cette dernière a été suspendue le 13
novembre 1973. Le 18 février 1974, il a été renvoyé sous garde
et le 18 avril ou vers cette date la Commission nationale des
libérations conditionnelles a révoqué sa libération condition-
nelle de jour. Aux termes d'un mandat il a été incarcéré le 1"
mai 1974, conformément à l'article 18 de la Loi sur les
pénitenciers. Le demandeur prétend que par suite de l'applica-
tion illégale par les défendeurs de la Loi, il est privé de 434
jours de remise statutaire de peine; en effet, le Service canadien
des pénitenciers a estimé, aux fins du calcul de sa peine, que le
demandeur avait été condamné à un nouvel emprisonnement de
1795 jours à compter du 1" mai 1974 et lui a accordé la
réduction statutaire équivalant au quart de sa peine (449
jours), alors qu'à sa libération conditionnelle de jour, il avait
883 jours à son crédit, ce qui lui fait donc perdre 434 jours de
remise de peine. Il prétend en outre qu'on a refusé à tort de
porter à son crédit la période d'environ 50 jours entre le
renouvellement de sa libération conditionnelle de jour le 25
septembre 1973 et sa suspension, le 13 novembre 1973.
Arrêt: le demandeur bénéficiera de la réduction statutaire de
peine inscrite à son crédit au moment de l'octroi de sa libéra-
tion conditionnelle de jour et de la période pendant laquelle il a
purgé sa peine en liberté conditionnelle de jour entre le renou-
vellement de sa libération conditionnelle de jour le 25 septem-
bre 1973 et sa prétendue suspension le 13 novembre 1973. Dans
l'arrêt Regina c. Hales, la Cour d'appel du Manitoba a conclu
que l'article 10 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus offre expressément la possibilité de mettre fin à la
libération conditionnelle de jour et dans ce cas, rien ne permet,
explicitement ou implicitement, de priver le détenu à liberté
conditionnelle de jour de la réduction statutaire de peine ins-
crite à son crédit au début de son premier emprisonnement.
Dans l'arrêt Carlson, la Cour d'appel de l'Ontario semble avoir
souscrit avec une certaine réticence au jugement rendu dans
l'affaire Hales en déclarant que si le législateur n'a pas exprimé
son intention avec suffisamment de clarté à l'article 20, le
prisonnier doit bénéficier de cette ambiguïté. L'arrêt Marcotte
exprime la même opinion. Le pouvoir de omettre fin» à la
libération conditionnelle de jour conféré à l'article 10(2) n'an-
nule pas le droit de «révoquer» la libération conditionnelle de
«tout détenu» en vertu de l'article 10(1)e) et sont appropriées la
suspension initiale prévue à l'article 16(1) et la décision de la
Commission de révoquer la libération conditionnelle aux termes
de l'article 16(4) la suite desquelles fut émis le second
mandat entraînant les conséquences exposées à l'article 20(1),
dont la déchéance de la réduction statutaire de peine inscrite au
crédit du demandeur ainsi que du bénéfice de la période
pendant laquelle il a été placé en liberté conditionnelle de jour
avant qu'il n'y contrevienne. Cependant, les problèmes d'inter-
prétation qui surgissent ont conduit la Cour d'appel du Mani-
toba à donner gain de cause au demandeur dans une affaire où
les faits sont presque identiques et la Cour d'appel de l'Ontario
à faire de même en se basant sur des faits quelque peu
différents. La Cour se considère liée.
Arrêts analysés: In re Zong [1975] C.F. 430; Auger c. Le
Service canadien des pénitenciers [1975] C.F. 330 et
Howarth c. La Commission nationale des libérations con-
ditionnelles (1975) 18 C.C.C. (2e) 385. Arrêt suivi: Mar-
cotte c. Le sous-procureur général du Canada (1975) 19
C.C.C. (2e) 257. Arrêts approuvés: Regina c. Hales (1975)
18 C.C.C. (2c) 240 et Carlson, C.A. Ont., le 27 novembre
1974.
ACTION.
AVOCATS:
R. R. Price pour le demandeur.
P. T. Evraire pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Ronald R. Price, Kingston, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette action est entendue sur
exposé conjoint des faits et aucun témoin n'a com-
paru. Les faits peuvent se résumer ainsi. Le
demandeur a été déclaré coupable sous deux chefs
d'accusation de vols à main armée et un chef
d'accusation d'introduction par effraction, et il a
été condamné à des peines non cumulées de dix
années d'emprisonnement à partir du 6 novembre
1968. Il est resté au pénitencier jusqu'au 30 mai
1973 date à laquelle la Commission nationale des
libérations conditionnelles lui a accordé une libéra-
tion conditionnelle de jour qui devait prendre fin le
25 septembre 1973, l'une des conditions de sa
libération étant qu'il devait se rendre à la fin de
chaque journée à un endroit désigné par son sur-
veillant de liberté conditionnelle. Cette libération
conditionnelle de jour a été prorogée du 25 sep-
tembre 1973 au 25 décembre 1973, mais le 9
novembre 1973, ou vers cette date, le demandeur a
omis de se présenter à l'endroit qu'on lui avait
désigné et le 14 novembre 1973 ou vers cette date,
selon des renseignements qu'il a fournis par la
suite, il s'est rendu en avion à Ottawa, de là, à
Nassau puis à Londres (Angleterre), à Madison
(Wisconsin) et finalement à Toronto (Ontario) où
il s'est livré volontairement à la police. Le 13
novembre 1973, ou vers cette date, sa libération
conditionnelle de jour a été suspendue conformé-
ment à l'article 16 de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus et, le 18 février 1974, il
a été renvoyé sous garde en vertu d'un mandat
émis conformément à l'article 16 et signé à
Toronto par le juge provincial C. W. Guest. Le 18
avril 1974 ou vers cette date, la Commission natio-
nale des libérations conditionnelles a révoqué sa
libération conditionnelle de jour conformément à
l'article 16 de la Loi et, le 22 avril 1974, a émis un
mandat autorisant son arrestation en vertu de
l'article 18 de ladite Loi; à la suite de cela, en
vertu, semble-t-il, de l'article 18 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus, le juge pro
vincial W. L. Camblin de Toronto le fit incarcérer
le l er mai 1974, pour qu'il purge le restant de sa
peine d'emprisonnement, conformément à l'article
20 de la Loi. Il est actuellement détenu à l'institu-
tion Matsqui, près d'Abbotsford, en Colombie-Bri-
tannique, où il purgeait sa peine avant l'obtention
de sa libération conditionnelle de jour.
Les parties admettent que si le demandeur a
raison, c'est-à-dire si la Loi sur la libération con-
ditionnelle de détenus n'habilite pas la Commis
sion nationale des libérations conditionnelles à
révoquer une libération conditionnelle de jour et
qu'on ne peut exiger que le demandeur purge une
peine d'emprisonnement aux termes de l'article 20
de la Loi, il conserve alors son droit à toute
réduction statutaire de peine inscrite à son crédit
au moment de l'octroi de la libération condition-
nelle de jour et il conserve également à son actif la
peine purgée en liberté conditionnelle de jour et
que donc la date de son élargissement après qu'il
aura purgé sa peine sera le 22 janvier 1976. Les
parties admettent également que, si la prétention
du demandeur n'est pas fondée, la Commission
nationale des libérations conditionnelles a le droit
de révoquer une libération conditionnelle de jour et
le demandeur peut être obligé de purger une peine
d'emprisonnement conformément à l'article 20 de
la Loi sur la libération conditionnelle de détenus,
en perdant ainsi la réduction statutaire de peine
inscrite à son crédit au début de sa libération
conditionnelle de jour ainsi que la peine purgée en
liberté conditionnelle de jour, et que la date de son
élargissement à la fin de sa peine sera donc le 9
avril 1977.
Dans sa déclaration, le demandeur affirme qu'en
vertu de la Loi sur les pénitenciers', il bénéficiait
automatiquement dès sa réception au pénitencier,
d'une réduction statutaire de peine égale au quart
de la période pour laquelle il a été condamné, à
titre de remise de peine, sous réserve de bonne
conduite. Les défendeurs le reconnaissent. Le
demandeur affirme également qu'au début de sa
libération conditionnelle de jour, le 30 mai 1973, il
avait à son crédit une réduction statutaire de peine
de 883 jours, soit 913 jours portés à son actif de la
façon susmentionnée, moins les 30 jours soustraits
à la suite d'une infraction à la discipline. Les
défendeurs n'admettent pas ce paragraphe de la
déclaration, mais le mode de calcul lui-même n'est
pas en litige puisque les parties sont d'accord sur la
fin de la peine et sur les dates, comme en fait foi
l'exposé conjoint des faits. Le demandeur prétend
que par suite de l'application illégale par les défen-
deurs de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus, il est privé de 434 jours de remise statu-
taire de peine; en effet, le Service canadien des
pénitenciers a estimé, aux fins du calcul de sa
peine, que le demandeur avait été condamné à un
nouvel emprisonnement de 1795 jours à compter
du ler mai 1974 et lui a accordé, conformément à
l'article 22 de la Loi sur les pénitenciers, la réduc-
tion statutaire équivalant au quart de sa peine, soit
449 jours, alors qu'à sa libération conditionnelle de
jour, le 30 mai 1973, il avait 883 jours à son crédit,
ce qui lui fait donc perdre 434 jours de remise
statutaire. Il prétend en outre qu'on a refusé à tort
de porter à son crédit la période d'environ 50 jours
entre le renouvellement de sa libération condition-
nelle de jour le 25 septembre 1973 (ou vers cette
date) et sa suspension, le 13 novembre 1973. Les
défendeurs s'opposent également aux paragraphes
' S.R.C. 1970, c. P-6, art. 22.
de la déclaration du demandeur contenant ces
calculs.
Voici les articles pertinents de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus: L'article 2
donne les définitions suivantes:
«libération conditionnelle de jour» signifie la libération condi-
tionnelle dont les modalités requièrent le détenu auquel elle
est accordée de retourner à la prison, à l'occasion, au cours
de la durée de cette libération conditionnelle ou de retourner
à la prison après une période spécifiée;
«libération conditionnelle» signifie l'autorisation, que la pré-
sente loi accorde à un détenu, d'être en liberté pendant sa
période d'emprisonnement;
«détenu à liberté conditionnelle» désigne une personne à qui l'on
a accordé la libération conditionnelle;
10. (1) La Commission peut
d) relever des obligations de la libération conditionnelle tout
détenu à liberté conditionnelle, sauf un détenu en libération
conditionnelle de jour ou un détenu à liberté conditionnelle
qui a été condamné à la peine de mort ou à un emprisonne-
ment à vie comme peine minimum; et
e) à sa discrétion, révoquer la libération conditionnelle de
tout détenu à liberté conditionnelle autre qu'un détenu à
liberté conditionnelle qui a été relevé des obligations de la
libération conditionnelle, ou révoquer la libération condition-
nelle de toute personne qui est sous garde en conformité d'un
mandat délivré en vertu de l'article 16 nonobstant l'expira-
tion de sa condamnation.
(2) La Commission, ou toute personne désignée par elle,
peut, à sa discrétion, mettre fin à la liberté conditionnelle de
jour de tout détenu à liberté conditionnelle.
13. (1) La période d'emprisonnement d'un détenu à liberté
conditionnelle, tant que cette dernière continue d'être ni révo-
quée ni frappée de déchéance, est réputée rester en vigueur
jusqu'à son expiration conformément à la loi, et, dans le cas
d'une liberté conditionnelle de jour, le détenu à liberté condi-
tionnelle est réputé continuer à purger sa période d'emprisonne-
ment au lieu de détention d'où il a été relâché sur libération
conditionnelle.
(2) Jusqu'à ce qu'une libération conditionnelle soit révoquée,
frappée de déchéance ou suspendue, ou sauf en accord avec les
modalités d'une libération conditionnelle de jour, le détenu
n'est pas passible d'emprisonnement en raison de sa sentence.
On doit le mettre et le laisser en liberté selon les modalités de la
libération conditionnelle et sous réserve des dispositions de la
présente loi.
16. (1) Un membre de la Commission ou toute personne
qu'elle désigne peuvent, au moyen d'un mandat écrit, signé par
eux, suspendre toute libération conditionnelle d'un détenu à
liberté conditionnelle autre qu'une libération conditionnelle des
obligations de laquelle le détenu a été relevé et autoriser son
arrestation, chaque fois qu'ils sont convaincus que l'arrestation
du détenu est nécessaire ou souhaitable en vue d'empêcher la
violation d'une modalité de la libération conditionnelle ou pour
la réhabilitation du détenu ou la protection de la société.
(4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas d'un
détenu à liberté conditionnelle dont la libération conditionnelle
a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer toutes les
enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et immédiate-
ment après que ces enquêtes et cet examen sont terminés, elle
doit soit annuler la suspension, soit révoquer la libération
conditionnelle.
(5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent article
est censé purger sa sentence.
18. (1) Si une libération conditionnelle est révoquée ou frap-
pée de déchéance, la Commission ou toute pèrsonne qu'elle
désigne peuvent, au moyen d'un mandat écrit, autoriser l'arres-
tation du détenu à liberté conditionnelle.
20. (1) Lorsque la libération conditionnelle accordée à un
détenu a été révoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au
lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester
en liberté au moment où la libération conditionnelle lui était
accordée, pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement
qui n'était pas encore expirée au moment où la libération
conditionnelle lui était accordée, y compris toute période de
réduction de peine alors inscrite à son crédit, notamment la
réduction de peine méritée, moins toute période passée sous
garde par suite d'une suspension de sa libération conditionnelle.
Les articles 17 et 21 traitent de la déchéance de la
libération conditionnelle lorsque le détenu à liberté
conditionnelle commet un acte criminel et ne s'ap-
pliquent pas en l'espèce et puisque la Loi établit
une nette distinction entre la déchéance de la
libération conditionnelle et sa révocation, les affai-
res se rapportant à la déchéance ne sauraient
s'appliquer en l'espèce bien que les études théori-
ques de.la Loi qu'on y trouve ne soient pas sans
intérêt. Parmi les affaires mentionnées qui traitent
de la déchéance de la libération conditionnelle, on
trouve les suivantes: In re Zong [1975] C.F. 430;
ma décision antérieure dans l'affaire Auger c. Le
Service canadien des pénitenciers [1975] C.F. 330
et l'affaire Richard Albert Carlson, une décision
de la Cour d'appel de l'Ontario rendue le 24 avril
1975.
On a également mentionné le jugement de la
Cour suprême dans l'affaire Marcotte c. Le sous-
procureur général du Canada, une décision rendue
par les pleines assises de la Cour, dont quatre juges
dissidents. De plus, comme on l'a souligné dans les
affaires Zong et Auger, le jugement susmentionné
se fonde sur la loi antérieure à l'adoption de la Loi
modifiant le droit pénal, 1968-1969; le juge Dick-
son, en prononçant le jugement majoritaire et le
juge Pigeon en y souscrivant, ont insisté sur le fait
que la décision était subordonnée à une juste inter-
prétation de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus et de la Loi sur les pénitenciers en
vigueur à l'époque et avant la modification appor-
tée à la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus qui a ajouté à l'article 20(1) actuel les
mots «y compris toute période de réduction de
peine alors inscrite à son crédit, notamment la
réduction de peine méritée, moins toute période
passée sous garde par suite d'une suspension de sa
libération conditionnelle.» Comme l'a fait remar-
quer le juge Addy dans l'affaire Zong, les mots
«notamment la réduction de peine méritée» indi-
quent clairement qu'il y a aussi déchéance de la
remise statutaire de peine car on ne peut ajouter
que s'il existe déjà quelque chose à quoi on ajoute.
Dans l'affaire Howarth c. La Commission natio-
nale des libérations conditionnelles (1975) 18
C.C.C. (2 e ) 385, également soumise à la Cour
suprême, il s'agissait de déterminer si la décision
de la Commission nationale des libérations condi-
tionnelles de révoquer la libération conditionnelle
était de nature purement administrative, de sorte
que la Cour n'a pas eu à décider si un détenu, par
suite de la révocation de sa libération condition-
nelle, perd le bénéfice de la remise statutaire de
peine et de la réduction de peine méritée inscrites à
son crédit au moment de sa libération condition-
nelle. Le juge Beetz, qui avait souscrit à la décision
dans l'arrêt Marcotte, sous le régime de l'ancienne
loi, déclarait:
Il est peut-être malheureux qu'en vertu du par. (1) de l'art.
20 de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus, la
réduction statutaire de peine pour la période purgée lorsque le
détenu était en libération conditionnelle et la réduction méritée
inscrite à son crédit au moment de sa mise en liberté sous
libération conditionnelle soient perdues automatiquement lors
de la révocation de la libération, surtout si l'on tient compte du
fait que la libération peut être suspendue et, présumément,
révoquée pour des motifs qui ne sont pas nécessairement reliés à
la violation des modalités de la libération conditionnelle. Cela,
cependant, n'a pas pour effet, à mon avis, de changer la nature
de la décision de la Commission des libérations conditionnelles
lorsqu'elle révoque une libération conditionnelle accordée à un
détenu.
La Cour serait donc peut-être parvenue à une
décision différente à l'égard de la déchéance de la
réduction statutaire de peine sous le régime de la
nouvelle loi.
En l'espèce, il ne s'agit pas de savoir s'il existe
une distinction entre la réduction de peine méritée
et la réduction statutaire de peine mais plutôt si
l'on peut en faire une entre la libération condition-
nelle de jour et ce qu'on pourrait qualifier de
libération conditionnelle ordinaire. Deux affaires
traitent expressément de la question; dans la pre-
mière, Regina c. Hales', la décision a été rendue
par la Cour d'appel du Manitoba. La Cour a
partagé l'opinion de la Couronne, à savoir que
dans la Loi les mots «libération conditionnelle»
comprennent la libération conditionnelle ordinaire
et la libération conditionnelle de jour à moins
d'une intention contraire exprimée explicitement
ou implicitement; la Cour a également conclu
qu'un détenu dont la libération conditionnelle ordi-
naire est révoquée doit purger sous garde une
période d'emprisonnement d'une durée égale à la
durée de sa libération conditionnelle ordinaire et
ce dernier est déchu de la réduction statutaire de
peine inscrite à son crédit avant la révocation.
Cependant, la Cour a rejeté l'argument selon
lequel l'article 10(1)e) ne s'applique pas exclusive-
ment à la libération conditionnelle ordinaire et que
l'article 20(1) vise aussi bien la révocation de la
libération conditionnelle de jour que celle de la
libération conditionnelle ordinaire, de sorte que
l'article 13 doit être assujetti à l'article 20. La
Cour a conclu que l'article 10(2) offre expressé-
ment la possibilité de mettre fin à la libération
conditionnelle de jour et dans ce cas, rien ne
permet, explicitement ou implicitement, de priver
le détenu à liberté conditionnelle de jour de la
réduction statutaire de peine inscrite à son crédit
au début de son premier emprisonnement. La Cour
suprême a rejeté la demande de pourvoi présentée
par la Couronne, mais les avocats des deux parties
en l'espèce m'ont affirmé que la décision de la
Cour a été motivée par le retard au dépôt de la
requête, sans discussion sur les questions de droit
que soulevait l'appel.
Plus tard, dans l'affaire Carlson (précitée) le
juge Mackinnon, en rendant le jugement de la
Cour d'appel de l'Ontario, a examiné les divers
articles en cause de la Loi sur la libération condi-
tionnelle et la décision de la Cour d'appel du
Manitoba dans l'affaire Hales (précitée) par
2 (1975) 18 C.C.C. (2') 240.
laquelle le juge Lerner, juge de première instance
dans l'affaire Carlson s'estimait lié. Il semble qu'il
n'était pas entièrement d'accord avec cet arrêt, car
il déclare, au sujet de l'article 10(1)e):
[TRADUCTION] De nouveau il semble, à première vue, que cet
article s'applique à la libération conditionnelle «de jour» comme
à la libération conditionnelle ordinaire.
Puis aux pages 8 à 10 de son jugement:
[TRADUCTION] C'est le paragraphe (2) de l'article 10 qui
cause des difficultés. Il prévoit que la Commission, ou toute
personne désignée par elle, peut mettre fin à la libération
conditionnelle de jour. Le fait qu'il s'agisse d'un paragraphe
distinct de l'article 10 et non d'une subdivision du paragraphe
(1) a permis d'avancer qu'il s'agit des seuls pouvoirs conférés à
la Commission pour mettre fin à la révocation de la libération
conditionnelle de jour et par conséquent que ce paragraphe
limite le pouvoir de révocation de la Commission aux termes de
l'article 10(1)e) aux détenus à liberté conditionnelle ordinaire.
L'avocat de la Couronne prétend que la disposition permet-
tant de mettre fin à la libération conditionnelle est simplement
un pouvoir supplémentaire accordé à la Commission ou à une
personne désignée par elle, permettant dans certaines circons-
tances, de mettre fin à la libération conditionnelle de jour sans
infliger au détenu les sérieuses conséquences d'une révocation.
Supposons par exemple qu'un détenu à liberté conditionnelle de
jour suive un cours dans une école ou une université et que ce
cours prenne fin sans faute de sa part, il serait très injuste de
révoquer sa libération conditionnelle, et de lui faire perdre ainsi
sa réduction statutaire de peine. La Commission pourrait vou-
loir mettre fin à la libération conditionnelle de jour si le détenu
à qui elle était accordée rentrait régulièrement en retard au
pénitencier et cette mesure en elle-même constituerait une
punition ou une sanction suffisante. En mettant fin à la libéra-
tion conditionnelle, on apporte à des problèmes de ce genre une
solution juste et rapide. Cependant, comme le dit l'avocat de la
Couronne, si le détenu profite de sa libération conditionnelle de
jour pour reprendre le large», doit-il échapper à la sanction dont
serait frappé un détenu à liberté conditionnelle ordinaire qui
agirait de même? Logiquement, «non», mais la loi a parfois des
raisons que la logique ne connaît pas.
Le pouvoir de mettre fin à la libération conditionnelle de jour
peut également servir à expliquer l'article 13(1). Puisque le
détenu à liberté conditionnelle de jour est «réputé» continuer à
purger sa période d'emprisonnement au lieu de détention d'où il
a été relâché sur libération conditionnelle, il n'est pas nécessaire
lorsqu'elle prend fin, de recourir à des mandats d'arrestation et
d'emprisonnement.
L'énoncé de l'article 13(1), que la Cour d'appel du Manitoba
estime en contradiction avec le libellé de l'article prévoyant la
révocation, semble impliquer que les mots «ni révoquée, ni
frappée de déchéance» s'étendent à la libération conditionnelle
de jour. (Cette cour a jugé que la libération conditionnelle de
jour peut être frappée de déchéance: In re Kerr, jugement
prononcé le 5 mai 1975 et non publié; la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique a partagé cette opinion dans l'arrêt In re
Davidson, jugement prononcé le 20 décembre 1974 et non
encore publié.) L'article mentionne spécifiquement la libération
conditionnelle de jour et rien ne permet de croire que les mots
précédant «tant que ... (la libération conditionnelle) continue
d'être ni révoquée ni frappée de déchéance» ne s'applique pas
aussi à la libération conditionnelle de jour.
Le juge passe ensuite à l'analyse de l'article 16, qui
prévoit les formalités à remplir afin tout d'abord
de suspendre la libération conditionnelle et par la
suite, soit annuler la suspension, soit renvoyer l'af-
faire à la Commission; le juge fait remarquer que
le paragraphe d'introduction spécifie «toute (any)
libération conditionnelle» et que dans l'affaire dont
il est saisi, il a d'abord eu suspension puis révoca-
tion. C'est aussi la procédure suivie en l'espèce.
L'article 18(1) de même parle d'aune (any) libéra-
tion conditionnelle» qui est «révoquée ou frappée
de déchéance.»
Le savant juge conclut alors aux pages 11, 12 et
13:
[TRADUCTION] L'article 20(1), qui énonce les sérieuses con-
séquences de la révocation d'une libération conditionnelle est
l'article fondamental en l'espèce. Malheureusement, son but et
son libellé manquent de clarté lorsqu'on le lit en corrélation
avec l'article 13(1), si clairs que soient les articles précédents.
S'il est raisonnablement possible de l'interpréter comme ne
s'appliquant pas aux détenus à liberté conditionnelle de jour il
faut alors faire prévaloir l'interprétation la plus favorable à
l'intéressé puisqu'il s'agit d'un article pénal. Reprenons les
premiers mots du paragraphe:
Lorsque la libération conditionnelle accordée à un détenu a
été révoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au lieu
d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester en
liberté au moment où la libération conditionnelle lui était
accordée...
Comme nous l'avons vu, la Cour d'appel du Manitoba, dans
l'arrêt Regina c. Hales (précité) a estimé que ces mots étaient
en contradiction avec la clause de l'article 13(1) qui prévoit que
le détenu à liberté conditionnelle est «réputé» continuer à
purger sa période d'emprisonnement au lieu de détention d'où il
a été relâché sous libération conditionnelle. Comme je l'ai dit, à
la cessation de la libération conditionnelle de jour, conformé-
ment à ladite clause de l'article 13(1), aucune formalité n'est
requise pour s'assurer que le détenu à liberté conditionnelle est
renvoyé au lieu de détention d'où il a été relâché sur libération
conditionnelle. Cependant, on peut avancer que l'article 20 ne
s'applique qu'à la libération conditionnelle ordinaire parce qu'il
mentionne expressément la nécessité «d'envoyer de nouveau» le
détenu au lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir
et à rester en liberté. Il n'est pas nécessaire de «renvoyer» les
détenus à liberté conditionnelle de jour, qui sont réputés y être
toujours incarcérés au lieu de détention d'où ils ont été relâchés
sur libération conditionnelle.
Naturellement, on peut avancer que l'article 20 traite de
l'emprisonnement «de facto» des détenus lorsque leur libération
conditionnelle, qu'elle soit générale ou «de jour», a été révoquée.
Assurément, dans certaines circonstances, l'article . 20(2) pour-
rait s'appliquer à des détenus à liberté conditionnelle de jour
qui ont «pris le large». Cependant, le législateur n'a pas exprimé
clairement son intention à l'article 20 et je dois, dans cet appel,
accorder à l'intimé le bénéfice de l'ambiguïté.
Dans l'affaire Zong (précitée) le juge Addy
traitait d'un cas de déchéance de libération condi-
tionnelle à la suite d'une infraction, relevant plutôt
des articles 17 et 21 de la Loi que de l'article 20;
toutefois, les conséquences de la révocation aux
termes de cet article sont pour l'essentiel identi-
ques à celles de la déchéance de la libération
conditionnelle en vertu de l'article 21; voici un
extrait du jugement (pages 442-443):
Si la déchéance est une sanction qui frappe automatiquement
un individu en liberté conditionnelle ordinaire dont la libération
conditionnelle ne peut, sauf pour un acte criminel, être révo-
quée ou annulée si ce n'est par la Commission et (ou) pour un
motif précis, je ne vois pas comment un individu en liberté
conditionnelle de a jour, dont la libération conditionnelle est
beaucoup plus précaire et susceptible de révocation à la discré-
tion d'une personne désignée par la Commission, ne devrait pas
également encourir la déchéance lorsqu'il commet le même acte
criminel.
Si la déchéance s'applique aux deux espèces de libérations
conditionnelles, je ne vois pas pourquoi l'article 21, qui prévoit
la perte de la réduction de peine, ne s'appliquerait pas pleine-
ment à celui qui est en liberté conditionnelle de jour aussi bien
qu'à celui qui est en liberté conditionnelle ordinaire. Quand une
personne en liberté conditionnelle ordinaire est, en vertu de
l'article 17(1), déchue de sa libération conditionnelle, il est clair
qu'en vertu de l'article 21(1), elle perd non seulement sa
réduction de peine statutaire et sa réduction de peine méritée
mais encore doit purger à nouveau la partie de l'emprisonne-
ment qui n'était pas encore expirée au moment de l'octroi de sa
libération conditionnelle et que, par ailleurs, elle serait réputée
avoir purgée en vertu de l'article 13(1). En d'autres termes, la
période d'emprisonnement qu'elle était censée avoir purgée
pendant qu'elle était en libération conditionnelle est annulée et
elle doit purger à nouveau la partie de la période non encore
expirée à l'époque où la libération conditionnelle lui a été
accordée (voir l'article 21(1)a)). En réalité, elle purge deux fois
une partie de son emprisonnement; c'est ce que prévoit claire-
ment l'article. On ne peut donc pas soutenir qu'il y a discrimi
nation contre le détenu à liberté conditionnelle de jour qui, s'il
commet un acte criminel, tombe lui aussi sous le coup de
l'article 17(1). Cependant, indépendemment de ces considéra-
tions spéciales, il y a le fait que l'article 21(1) débute par les
mots suivants: «quand une libération conditionnelle est frappée
de déchéance par une déclaration de culpabilité ...A. Les mots
«une libération conditionnelle» n'auraient, à mon avis, aucun
sens s'ils ne désignaient les deux espèces de libérations condi-
tionnelles mentionnées dans la Loi. Je dois donc conclure qu'en
ce qui concerne la perte de la réduction de peine, une personne
en liberté conditionnelle de jour se trouve exactement dans la
même situation qu'une personne à liberté conditionnelle ordi-
naire quand elle commet une infraction punissable d'un empri-
sonnement d'au moins deux ans durant sa libération condition-
nelle. C'était l'avis unanime de la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique dans l'affaire Davidson ci-dessus
mentionnées.
Le juge Addy examine l'affaire Hales et tente
d'établir une distinction au motif qu'il y était
question de révocation et non de déchéance auto-
matique, déclarant:
Il paraît tout à fait logique qu'à la cessation de sa libération
conditionnelle de jour, un détenu ne perde pas automatique-
ment sa réduction de peine statutaire puisqu'il peut être mis fin
à la libération conditionnelle de jour à n'importe quel moment
et à la discrétion de la personne autorisée à le faire. La Cour
d'appel de, la Colombie-Britannique a examiné l'arrêt Hales,
précité, et a fait soigneusement la distinction entre la cessation
de la libération conditionnelle de jour en vertu de l'article 20 et
la déchéance de celle-ci en vertu de l'article 21.
Traitant de la période de 8 jours pendant laquelle
Zong a bénéficié d'une libération conditionnelle de
jour avant qu'il n'en soit déchu pour avoir commis
une infraction, le juge Addy tente de réconcilier les
articles 21(1) et 13(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus, et son raisonnement
pourrait s'appliquer aux articles 20(1) et 13(1). Il
déclare aux pages 444-445 de son jugement:
L'article 21(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus prévoit que, lorsque la libération conditionnelle est
frappée de déchéance par une déclaration de culpabilité d'un
acte criminel, la partie de l'emprisonnement qui n'est »pas
encore expirée au moment de l'octroi de cette libération» doit
être rajoutée à la peine. D'un autre côté, l'article 13(1) prévoit
que tant que la libération conditionnelle n'est pas révoquée ou
frappée de déchéance, le détenu à liberté conditionnelle de jour
est réputé continuer à purger sa peine d'emprisonnement au
lieu de 'détention d'où il a été relâché sur libération condition-
nelle. L'article 13(1) est ainsi libellé:
13. (1) La période d'emprisonnement d'un détenu à
liberté conditionnelle, tant que cette dernière continue d'être
ni révoquée ni frappée de déchéance, est réputée rester en
vigueur jusqu'à son expiration conformément à la loi, et,
dans le cas d'une liberté conditionnelle de jour, le détenu à
liberté conditionnelle est réputé continuer à purger sa période
d'emprisonnement au lieu de détention d'où il a été relâché
sur libération conditionnelle.
De prime abord, il semblerait difficile de réconcilier ces deux
dispositions. Cependant, à la réflexion on se rend compte que
l'article 13(1) a pour but de réglementer les effets de la
libération conditionnelle; il prévoit une autre manière de purger
une peine; l'article déclare que tant que la libération condition-
nelle est en vigueur, elle équivaut à une période régulière
In Re Ralph Douglas Davidson (1974) 22 C.C.C. (2') 122.
d'emprisonnement. Cependant, l'article 21(1) édicte de graves
sanctions pour le libéré conditionnel qui, au cours de sa liberté
conditionnelle, commet un acte criminel et dont la libération
conditionnelle est de ce fait frappée de déchéance en vertu de
l'article 17(1); il annule toutes les réductions de peine antérieu-
res, annule rétroactivement la période passée en libération
conditionnelle et impose au détenu, d'une manière claire et
précise, l'obligation de purger la peine telle qu'elle était «au
moment de l'octroi de cette libération».
Il est vrai que, quand une loi pénale présente des ambiguïtés,
on doit adopter l'interprétation la plus favorable à la personne à
qui on l'applique. Mais ce principe cède le pas au principe qui
veut que lorsque deux articles d'une loi semblent être en conflit,
il faut, autant que possible, adopter une interprétation qui
donnerait effet à tous les termes des deux articles plutôt qu'une
interprétation qui conduirait à ignorer certains termes. Si l'on
considère que la locution «tant que» de l'article 13(1) traduit
l'idée de condition aussi bien que l'idée de durée que l'on trouve
dans l'expression «aussi longtemps et à condition que», tous les
termes de l'article 21 peuvent alors recevoir leur plein et entier
effet. D'autre part, si l'on confine la locution «tant que» de
l'article 13(1) la stricte notion de durée, et si, par la suite, on
interprète l'article 13(1) comme voulant dire que le détenu à
liberté conditionnelle aurait le droit irrévocable de compter
comme période passée en prison toute la période passée en
liberté conditionnelle antérieurement à la date de déchéance de
celle-ci, on ne peut alors, à mon avis, donner aucun sens au
membre de phrase: «... qui n'était pas encore expirée au
moment de l'octroi de cette libération ...» de l'article 21(1)a).
Je conclus donc qu'on ne peut accorder aucun crédit au
requérant pour les huit jours qu'il a passés en libération condi-
tionnelle entre l'octroi de cette libération et la date de perpétra-
tion de l'infraction. Telle était la conclusion à laquelle a abouti
le juge de première instance Craig dans l'arrêt Davidson men-
tionné ci-dessus. Sa décision a été confirmée par la Cour
d'appel de la Colombie-Britannique.
Je serais porté à faire mien ce raisonnement si
ne s'y opposaient pas la décision de la Cour d'appel
du Manitoba dans l'affaire Hales, (précitée) et le
jugement de la Cour d'appel de l'Ontario dans
l'affaire Carlson (précitée). Bien que cette der-
nière cour, comme je l'ai dit, semble avoir souscrit
avec une certaine réticence au jugement rendu
dans l'affaire Hales, elle n'en a pas moins conclu
que si le législateur n'a pas exprimé son intention
avec suffisamment de clarté à l'article 20, le pri-
sonnier doit bénéficier de cette ambiguïté. Dans
l'affaire Marcotte, le juge Dickson exprime la
même opinion lorsqu'il dit:
Il n'est pas nécessaire d'insister sur l'importance de la clarté et
de la certitude lorsque la liberté est en jeu. Il n'est pas besoin de
précédent pour soutenir la proposition qu'en présence de réelles
ambiguïtés ou de doutes sérieux dans l'interprétation et l'appli-
cation d'une loi visant la liberté d'un individu, l'application de
la loi devrait alors être favorable à la personne contre laquelle
on veut exécuter ses dispositions. Si quelqu'un doit être incar-
céré, il devrait au moins savoir qu'une loi du Parlement le
requiert en des termes explicites, et non pas, tout au plus, par
voie de conséquence.
Je suis d'avis que le pouvoir de «mettre fin» à la
libération conditionnelle de jour conféré à l'article
10(2) de la Loi n'annule pas le droit de «révoquer»
la libération conditionnelle de «tout détenu» en
vertu de l'article 10(1)e) et je juge appropriées les
procédures suivies, c'est-à-dire la suspension ini-
tiale prévue à l'article 16(1), puis la décision de la
Commission de révoquer la libération condition-
nelle aux termes de l'article 16(4) la suite des-
quelles fut émis le second mandat entraînant les
conséquences exposées à l'article 20(1), dont la
déchéance de la réduction statutaire de peine ins-
crite au crédit du demandeur ainsi que du bénéfice
de la période pendant laquelle il a été placé en
liberté conditionnelle de jour avant qu'il n'y con-
trevienne. Cependant, les problèmes qui surgissent
lorsqu'il s'agit d'interpréter et de concilier les
divers articles de la Loi ont conduit la Cour d'ap-
pel du Manitoba à donner gain de cause au
demandeur dans l'affaire Hales (précitée) où les
faits sont presque identiques à ceux de l'espèce, et
la Cour d'appel de l'Ontario à faire de même dans
l'affaire Carlson (précitée) mais en se basant sur
des faits quelque peu différents, au motif qu'il faut
interpréter de façon favorable au demandeur une
loi pénale de cette nature. Par conséquent, tant
qu'on n'aura pas interjeté appel du jugement dans
l'affaire Carlson, à supposer qu'on le fasse, je me
considère lié par les conclusions de ces deux
décisions 4 .
Le demandeur obtiendra donc gain de cause en
l'espèce et la décision portera qu'il doit bénéficier
de toute réduction statutaire de peine inscrite à son
crédit au moment de l'octroi de sa libération condi-
tionnelle de jour le 30 mai 1973 ou vers cette date
et que sera portée à son crédit la période pendant
laquelle il a purgé sa peine en liberté condition-
nelle de jour entre le renouvellement de sa libéra-
tion conditionnelle de jour le 25 septembre 1973,
ou vers cette date, et la prétendue suspension de sa
libération conditionnelle de jour le 13 novembre
1973, le tout avec dépens.
4 J'ai été informé que la Cour suprême a rejeté la demande
d'appel dans l'affaire Carlson.
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