A-155-74
McNamara Construction (Western) Limited et
Fidelity Insurance Company of Canada (Appelan-
tes) (Défenderesses)
c.
La Reine (Intimée) (Demanderesse)
et
J. Stevenson et Associés et Stevenson, Raines,
Barrett, Hutton, Seaton et Associés (Intimés)
(Défendeurs)
et
Lockerbie & Hole Western Limited (Intimée)
(Tierce Partie)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Ryan et le juge
suppléant Smith—Toronto, le 16 septembre 1975;
Ottawa, le 10 novembre 1975.
Compétence—La Couronne réclame des dommages-intérêts
par suite du mauvais fonctionnement des canalisations et des
circuits électriques souterrains d'une institution construite
pour le Service canadien des pénitenciers L'objet du litige
est-il du ressort du pouvoir législatif du Parlement?—L'ex-
pression «administration des lois du Canada» à l'article 101
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique comprend-elle
l'exercice des droits de la Couronne découlant d'un contrat de
construction d'un pénitencier?—Loi sur la Cour fédérale, art.
17, 20, 22, 23 et 25—Règles 1726 et 1730 de la Cour fédéra-
le—Acte de l'A.N.B., art. 91(1A), (28) et 101—Loi sur la Cour
de l'Échiquier, art. 30d)—Loi sur l'administration financière,
S.R.C. 1970, c. F-10.
Il s'agit d'un appel d'une ordonnance de la Division de
première instance a) rejetant la demande des appelantes visant
à obtenir la radiation de la déclaration; b) radiant un avis des
appelantes par lequel elles réclamaient des dommages-intérêts
contre les intimés (défendeurs) et c) radiant un avis à tierce
partie émis par les appelantes réclamant une indemnité contre
l'intimée (tierce partie).
La Couronne réclame des dommages-intérêts par suite du
mauvais fonctionnement des canalisations et des circuits électri-
ques souterrains d'un institution pour jeunes délinquants cons-
truite pour le Service canadien des pénitenciers. Les appelantes
prétendent que la Cour n'a pas la compétence pour entendre la
demande basée sur un simple contrat de construction qui n'est
régi par aucune »loi du Canada» au sens de cette expression à
l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et
que si l'on interprète l'article 17(4) de la Loi sur la Cour
fédérale de façon à englober des matières ressortissant à la
compétence législative provinciale, qui n'ont été l'objet d'au-
cune législation fédérale valide, le paragraphe dépasse les pou-
voirs du Parlement en vertu de l'article 101.
Subsidiairement, on a allégué que si l'expression »lois du
Canada» à l'article 101 comprend des lois qui pourraient ressor-
tir à la compétence du Dominion, mais qui n'ont fait l'objet
d'aucune législation fédérale, il ne peut s'agir que de lois
portant sur des matières relevant exclusivement de la compé-
tence fédérale et non de lois portant sur des matières qui
ressortissent principalement à la compétence provinciale et sur
lesquelles le Parlement ne pourrait légiférer qu'incidemment.
Arrêt: les appels sont rejetés. Quant à a), le pouvoir du
Parlement est au moins assez étendu pour autoriser l'établisse-
ment de tribunaux pour l'administration des lois relatives à des
matières ressortissant à la compétence fédérale. Cependant, la
compétence législative fédérale en la matière est suffisante.
Quant à la question de savoir si le Parlement peut légiférer en
matière de droits et obligations de la Couronne découlant d'un
contrat visant à la construction d'un pénitencier, il semble
qu'une législation fédérale en la matière, si elle était adoptée,
pourrait se justifier de trois manières.
(I) Elle relèverait du pouvoir de faire des lois pour la paix,
l'ordre et le bon gouvernement du Canada. Ce n'est pas là le
fondement de cette décision.
(2) Elle relèverait des pouvoirs législatifs exclusifs du Parle-
ment en vertu de l'article 91(1A) de l'Acte de l'A.N.B. en
matière de dette et propriété publiques. Le Parlement, dans
l'exercice de ce pouvoir, a adopté la Loi sur l'administration
financière. Il faudrait aller plus loin et prescrire les droits et les
voies de recours en matière de contrats conclus avec la Cou-
ronne prévoyant le paiement d'une somme d'argent par Sa
Majesté ou la construction d'ouvrages publics.
(3) Elle relèverait du pouvoir exclusif du Parlement de
légiférer en matière d'établissement de pénitenciers en vertu de
l'article 91(28). Le Parlement pourrait validement légiférer,
conformément à cet article, au sujet des droits et des obliga
tions inter se de la Couronne et des autres parties à un contrat
de construction d'un pénitencier.
La jurisprudence n'appuie pas l'argument selon lequel le
pouvoir accordé en vertu de l'article 101 serait restreint aux lois
qui, si elles étaient adoptées, ressortiraient à la compétence
exclusive du Parlement, par opposition aux lois que le Parle-
ment peut adopter parce qu'elles sont accessoires à l'exercice de
ses pouvoirs exclusifs. Le Parlement possédait et possède tou-
jours le pouvoir de conférer à la Division de première instance
la compétence pour juger les réclamations de la Couronne
quant aux contrats en question. Même si l'article 17(4) de la
Loi sur la Cour fédérale ne vise que des poursuites d'ordre civil
relativement à des matières sur lesquelles le Parlement peut
légiférer, le paragraphe est intra vires et s'applique à la récla-
mation de la Couronne en l'espèce.
En ce qui concerne b) et c), les avis ont été signifiés
conformément aux Règles 1730 et 1726. On réclame l'applica-
tion des droits de sujets entre eux découlant des liens qui se sont
noués entre eux à l'occasion d'un contrat de construction. La
poursuite en dommages-intérêts est intimement associée à la
réclamation de la Couronne dans cette action, mais en dépit de
cette relation, elle demeure une poursuite intentée par un
citoyen contre un autre, fondée sur les lois générales applicables
en matière de propriété et de droits civils. Les Règles 1726 et
1730 sont intra vires, mais elles n'accroissent pas la compétence
de la Cour définie dans la Loi sur la Cour fédérale. Elles ne
sont que des règles auxquelles on peut recourir pour invoquer la
compétence de la Cour lorsque cette dernière peut être saisie de
l'affaire. L'article 17(4)a) ne vise que les poursuites dans
lesquelles la Couronne réclame un redressement et bien que ces
réclamations s'apparentent à celles de la Couronne et qu'il
serait pratique de les juger en même temps, un tel procédé ne
peut servir à accorder à la Cour une compétence qu'elle n'a pas
ou à influencer l'interprétation de l'article 17(4)a) de manière à
parvenir à ce résultat. La Cour ne peut non plus statuer sur ces
réclamations afin d'assujettir les parties à ses conclusions.
Arrêts appliqués: In re la Loi de la Commission de
Commerce, 1919 [ 1922] 1 A.C. 198; Consolidated Distil
leries Limited c. Consolidated Exporters Corporation Ltd.
[ 1930] R.C.S. 531; Consolidated Distilleries Limited c. Le
Roi [1932] R.C.S. 419, [1933] A.C. 508; Dominion Build
ing Corporation c. Le Roi [1933] A.C. 533; La Reine c.
Murray [1965] 2 R.C.E. 663, [1967] R.C.S. 262; Logan c.
Le Roi [1938] 3 D.L.R. 145; La Banque de Montréal c. La
Banque Royale du Canada [1933] R.C.S. 311; La Com-
pagnie Robert Simpson Montréal Limitée c. Hamburg-
Amerika Linie Norddeutscher [1973] C.F. 1356; In re
Appels au Conseil privé [ 1940] R.C.S. 49 et La Reine c. J.
B. & Sons Ltd. [1970] R.C.S. 220. Arrêts analysés: City
of Ottawa c. Shore & Horwitz Construction Co. Ltd.
(1960) 22 D.L.R. (2') 247; R. c. Loblaw Groceterias Co.
Ltd. (1969) 6 D.L.R. (3') 225 et Paul Papp Ltd. c.
Fitzpatrick [1967] 1 O.R. 565.
APPEL.
AVOCATS:
J. J. Robinette, c.r., et D. Brown pour les
appelantes.
G. W. Ainslie, c.r., et I. G. Whitehall pour
l'intimée, la Reine.
J. H. Waite pour Lockerbie & Hole Western
Limited.
D. G. Bogdasavich pour le procureur général
de la Saskatchewan.
PROCUREURS:
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour les
appelantes.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée, la Reine.
Harradence et Compagnie, Calgary, pour
Lockerbie & Hole Western Limited.
Macdonald, Affleck, Ottawa, pour le procu-
reur général de la Saskatchewan.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Appel est interjeté d'une
ordonnance de la Division de première instance qui
a) rejetait la demande des appelantes visant à
obtenir une ordonnance radiant la déclaration;
b) radiait un avis des appelantes par lequel elles
réclamaient des dommages-intérêts contre les
intimés (défendeurs) J. Stevenson et Associés et
Stevenson, Raines, Barrett, Hutton, Seaton et
Associés; et
c) radiait un avis à tierce partie émis par les
appelantes réclamant une indemnité contre l'in-
timée (tierce partie) Lockerbie & Hole Western
Limited.
La Cour a entendu en même temps un appel
interjeté par les intimés, J. Stevenson et Associés
et Stevenson, Raines, Barrett, Hutton, Seaton et
Associés contre la partie a) de l'ordonnance sus-
mentionnée qui rejetait aussi leur demande de
radiation de la déclaration. Au cours des débats, la
Cour a entendu les avocats représentant les diver-
ses parties, ainsi que le plaidoyer de l'avocat du
procureur général de la Saskatchewan qui appuie
la demande des appelantes visant à obtenir la
radiation de la déclaration mais qui n'a fait aucune
observation quant à l'objet des parties b) et c) de
l'ordonnance en appel.
Pour plus de commodité, je désignerai les parties
par le ou les premier(s) mot(s) de leurs noms.
En ce qui concerne les trois parties de l'ordon-
nance en appel, la question soulevée est de savoir si
la Cour a compétence en l'espèce. Les appelantes
prétendent en premier lieu que la Cour n'a pas
compétence pour entendre l'action de la Couronne
et, subsidiairement, que la Cour peut connaître des
demandes d'indemnité mentionnées aux parties b)
et c) de l'ordonnance contre les autres défendeurs
dans l'action et la tierce partie, respectivement, et
qu'elle devrait rétablir les avis.
La réclamation de la Couronne, dont fait état la
déclaration, est à l'encontre de tous les défendeurs
et s'élève à $1,100,000; elle se fonde sur le mauvais
fonctionnement des canalisations souterraines et
du système souterrain de distribution de l'électri-
cité d'une institution pour jeunes délinquants cons-
truite pour le Service canadien des pénitenciers
entre 1965 et 1969. La réclamation contre Steven-
son et Stevenson, Raines se fonde sur la non-exé-
cution d'un contrat conclu avec la Couronne par
lequel ils se seraient engagés à faire les plans de
l'institution et à en surveiller la construction à titre
d'architectes et d'ingénieurs-conseils. La réclama-
tion de la Couronne contre la compagnie McNa-
mara se fonde sur la rupture du contrat relatif à la
construction de l'institution et contre la même
défenderesse et la Fidelity sur un cautionnement
apparemment destiné à garantir l'exécution par la
McNamara du contrat de construction.
Par avis conforme à la Règle 1730, McNamara
et Fidelity réclament à Stevenson et Stevenson,
Raines une contribution ou indemnité en invo-
quant la négligence de ces derniers dans la prépa-
ration de dessins, plans et devis inadéquats à
l'égard dudit contrat de construction, alors qu'ils
savaient que McNamara se fierait à leurs travaux.
McNamara et Fidelity prétendent également que
Stevenson et Stevenson, Raines, se sont implicite-
ment engagés à les indemniser pour tout préjudice
découlant de devis et plans inadéquats. L'avis com-
prend le paragraphe suivant:
[TRADUCTION] 11. Les présentes défenderesses affirment être
dégagées par les défendeurs Stevenson et Stevenson, Raines, de
toute responsabilité à l'égard dudit contrat de construction ou
de la rupture dudit contrat, au motif que les défendeurs Steven-
son et Stevenson, Raines ont été négligents dans sa préparation
pour votre compte ou au nom de la demanderesse dont vous
étiez le mandataire à l'époque pertinente.
Selon cet avis, elles prétendent en outre avoir droit
à une contribution de Stevenson et Stevenson,
Raines, ou à un redressement contre ces derniers
en ce qui concerne la réclamation de la Couronne.
La demande de McNamara et Fidelity contre
Lockerbie, dont fait état l'avis à tierce partie, se
fonde sur la négligence ou le manquement de cette
dernière dans l'exécution d'un contrat de sous-
entreprise pour l'installation de la plomberie et des
systèmes de chauffage et d'aération de l'institu-
tion. McNamara et Fidelity prétendent avoir droit
à une contribution ou à un redressement à l'égard
de toute obligation de McNamara résultant d'un
préjudice que peut avoir subi la Couronne par
suite du mauvais fonctionnement des canalisations
souterraines.
En ce qui concerne la réclamation de la Cou-
ronne, les appelantes prétendent, dans cet appel et
dans celui de Stevenson et Stevenson, Raines, qu'il
ne faut pas interpréter la Loi sur la Cour fédérale,
et notamment le paragraphe (4) de l'article 17
comme accordant à la Cour fédérale la compé-
tence pour entendre une demande de la Couronne
basée sur un simple contrat de construction qui
n'est régi par aucune «loi du Canada» au sens de
cette expression à l'article 101 de l'Acte de l'Amé-
rique du Nord britannique, 1867; les appelantes
allèguent en effet que si l'on interprète le paragra-
phe (4) de l'article 17 de façon à englober les
matières ressortissant à la compétence législative
provinciale qui n'ont été l'objet d'aucune législa-
tion fédérale valide, mais pourraient probablement
l'être, ce paragraphe dépasse alors les pouvoirs du
Parlement en vertu de l'article 101, puisque dans
ce cas les dispositions du paragraphe (4) de
l'article 17 n'ont pas pour but «la meilleure admi
nistration des lois du Canada» au sens de l'article
101.
Subsidiairement, on allègue que si l'expression
«lois du Canada» à l'article 101 comprend des lois
qui pourraient ressortir à la compétence législative
du Parlement, mais qui n'ont fait l'objet d'aucune
législation fédérale, il ne peut s'agir que de lois
portant sur des matières relevant exclusivement de
la compétence législative fédérale visées par l'ex-
pression «lois du Canada» à l'article 101, et non de
lois portant sur des matières qui ressortissent prin-
cipalement à la compétence législative provinciale
et sur lesquelles le Parlement ne pourrait légiférer
qu'incidemment. A ce sujet, si je comprends bien
la position des appelantes, il est admis que le
Parlement pourrait, au moyen de lois valides sur
l'établissement de pénitenciers, légiférer en
matière de contrats relatifs à leur construction,
mais seulement de manière incidente et non dans
l'exercice d'un pouvoir exclusif, alors que les pro
vinces ont traité des contrats de façon générale et
que leurs lois s'appliquent aux contrats relatifs aux
pénitenciers.
L'avocat du procureur général de la Saskatche-
wan a souscrit au premier argument des appelan-
tes, mais il estime, quant au second, que le Parle-
ment n'a pas le pouvoir de légiférer en matière de
contrats intéressant les pénitenciers.
Je traiterai tout d'abord de la question d'ordre
constitutionnel. Les paragraphes lA et 28 de l'arti-
cle 91 et l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867, auxquels on nous a ren-
voyés, se lisent comme suit:
Pouvoirs du parlement
91. Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du
Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour
la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement
à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de
sujets par le présent acte exclusivement assignés aux législatu-
res des provinces; mais pour plus de garantie, sans toutefois
restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le
présent article, il est par le présent déclaré que (nonobstant
toute disposition contraire énoncée dans le présent acte) l'auto-
rité législative exclusive du parlement du Canada s'étend à
toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-des-
sous énumérés, savoir:
lA. La dette et la propriété publiques.
28. L'établissement, le maintien, et l'administration des
pénitenciers.
Et aucune des matières énoncées dans les catégories de sujets
énumérés dans le présent article ne sera réputée tomber dans la
catégorie des matières d'une nature locale ou privée comprises
dans l'énumération des catégories de sujets exclusivement assi
gnés par le présent acte aux législatures des provinces.
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dis
position contraire énoncée dans le présent acte, lorsque l'occa-
sion le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, mainte-
nir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et
établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administra
tion des lois du Canada.
A mon sens, il s'agit donc essentiellement de
préciser ce que vise l'expression «pour la meilleure
administration des lois du Canada» à l'article 101
ou, plus particulièrement, de déterminer si l'ex-
pression «administration des lois du Canada» à cet
article comprend l'exercice des droits de la Cou-
ronne découlant d'un contrat de construction d'un
pénitencier.
En discutant de l'étendue des pouvoirs conférés
au Parlement par l'article 101 dans l'affaire In re
la Loi de la Commission de Commerce, 1919, et la
Loi des coalitions et des prix raisonnables, 1919',
le vicomte Haldane a dit:
[TRADUCTION] Pour des motifs analogues, le paragraphe 27
de l'article 91 ne vient pas à l'appui de la thèse du Dominion.
C'est une chose que d'interpréter les mots ale droit criminel,
sauf la constitution des tribunaux de juridiction criminelle,
mais y compris la procédure en matière criminelle» comme
autorisant le Parlement fédéral à exercer un pouvoir législatif
exclusif lorsque l'objet d'une loi est, par sa nature même, du
domaine du droit criminel. Ainsi, une loi générale faisant de
l'inceste un crime entre dans cette catégorie. C'est une tout
autre chose que de chercher à empiéter sur une catégorie de
I [1922] 1 A.C. 191 aux pages 198-199.
sujets exclusivement attribués à la législature provinciale, pour
justifier ensuite cet empiètement par l'adoption de dispositions
accessoires devant constituer de nouveaux aspects du droit
criminel fédéral qui exigent, comme principe de leur applica
tion, le droit d'intervenir ainsi. De même, leurs Seigneuries
estiment que l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, qui autorise le Parlement canadien, nonobstant
toute disposition de l'Acte, à pourvoir à l'établissement d'autres
tribunaux pour assurer la meilleure application des lois du
Canada, ne constitue pas, pour le Parlement, une autorisation
d'empiéter sur des droits provinciaux, tels que les pouvoirs en
matière de propriété et de droits civils qui sont exclusivement
conférés aux législatures provinciales. On peut donner à ces
mots leur sens véritable sans les interpréter comme comportant
un tel pouvoir accordé au Parlement du Dominion. Il est
essentiel, en pareil cas, que le nouveau tribunal établi constitue
un moyen de parvenir à quelque fin relevant dudit Parlement.
Il me semble ressortir de ce qui précède que ces
pouvoirs se limitent aux matières relevant de la
compétence législative fédérale. Dans l'extrait sui-
vant, le juge Anglin, ancien juge en chef du
Canada, dans l'affaire Consolidated Distilleries
Limited c. Consolidated Exporters Corporation
Ltd.' exprime aussi son opinion sur les limites du
pouvoir conféré par l'article 101:
[TRADUCTION] Même s'il est manifeste que les pouvoirs
conférés au Parlement par l'article 101 ont un caractère général
lorsqu'il s'agit de sujets relevant de la compétence législative
fédérale, il semble tout aussi évident que ces pouvoirs n'autori-
sent pas le Parlement à établir un tribunal ayant compétence en
matière de droits civils entre citoyens. Même si la loi aux
termes de laquelle la défenderesse en l'espèce prétend imposer à
la tierce partie l'obligation de l'indemniser en vertu d'un con-
trat qu'elles ont conclu est une loi du Canada, en ce qu'elle est
en vigueur au Canada, il ne s'agit pas d'une loi du Canada que
le Parlement du Canada pourrait adopter, modifier ou amen-
der. L'affaire en l'espèce relève exclusivement de la compétence
provinciale car elle traite d'un droit civil dans l'une des provin
ces (article 92(13)).
A notre avis, il n'est pas de la compétence du Parlement de
légiférer directement pour permettre à la Cour de l'Échiquier
de faire appliquer un tel droit entre les parties et il me semble
clair que telle n'a pas été son intention.
L'autre arrêt Consolidated Distilleries c. Le Roi'
n'apporte pas de nouvelles limites à la portée de
cet article. Voici ce que déclarait lord Russell de
Killowen:
[TRADUCTION] La question de compétence repose sur un
examen de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867
et de la Loi sur la Cour de l'Échiquier (S.R.C., 1927, c. 34).
Conformément aux rubriques 13 et 14 de l'article 92 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, les catégories de sujets
ressortissant exclusivement au pouvoir législatif provincial corn
' [1930] R.C.S. 531 aux pages 535-536.
3 [1933] A.C. 508à la page 520.
prennent notamment: «La propriété et les droits civils dans la
province» et «l'administration de la justice dans la province, y
compris la création, le maintien et l'organisation des tribunaux
de justice pour la province ayant juridiction civile et criminelle,
y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux.»
Cependant l'article 101 dit que: «Le parlement du Canada,
pourra, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans le
présent acte, lorsque l'occasion le requerra, adopter des mesures
à l'effet de créer, maintenir et organiser une cour générale
d'appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels
pour la meilleure administration des lois du Canada.»
En vertu de ce pouvoir, la Cour de l'Échiquier du Canada a
été établie en 1875. Les appelants, dans leur plaidoyer devant la
Commission, ont reconnu (à juste titre, leurs Seigneuries) que
le Parlement du Canada pouvait, dans l'exercice du pouvoir
conféré par l'article 101, donner à la Cour de l'Échiquier
compétence pour entendre et juger des actions visant à faire
sanctionner la responsabilité du signataire d'un cautionnement
fait à l'ordre de la Couronne en vertu d'une loi fiscale adoptée
par le Parlement du Canada. La question de compétence se
résout ainsi en la question de savoir si la Loi sur la Cour de
l'Échiquier est censée conférer la compétence nécessaire.
L'avocat des appelantes s'appuyait sur un cer
tain passage de la décision du juge Anglin, juge en
chef du Canada à l'époque, dans l'affaire Con
solidated Distilleries Limited c. Consolidated
Exporters Corporation Ltd. 4 comme imposant une
autre restriction au pouvoir conféré au Parlement
par l'article 101. Après avoir cité cet article, le
juge en chef du Canada Anglin a dit:
[TRADUCTION] Notons que les «tribunaux additionnels» que le
Parlement est autorisé à établir en vertu de l'article 101 sont
des tribunaux «pour la meilleure administration des lois du
Canada.» Compte tenu du contexte et des autres dispositions de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, l'expression «les lois
du Canada» doit viser des lois adoptées par le Parlement fédéral
et qui sont de son ressort. Si l'on devait entendre par ces mots
comme on le propose, les lois en vigueur au Canada, l'article
101 serait d'une portée assez générale pour habiliter le Parle-
ment à créer des tribunaux pouvant connaître de toutes les
matières relevant exclusivement de la compétence des législatu-
res provinciales, y compris «la propriété et les droits civils» dans
les provinces, alors qu'en vertu de l'article 92(14) de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique,
L'administration de la justice dans la province, y compris la
création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice
pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y
compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux
appartient exclusivement à la compétence législative provin-
ciale. [C'est moi qui souligne.]
La phrase que j'ai soulignée reste assez ambiguë
car il semble que l'on puisse l'interpréter comme
visant à la fois les lois adoptées par le Parlement et
celles qu'il pourrait édicter. En fait, cette interpré-
4 [1930] R.C.S. 531 aux pages 534-535.
tation me paraît s'accorder davantage à l'extrait
déjà cité de la décision du juge Anglin à la page
535 et qui se lit ainsi:
[TRADUCTION] Même si la loi aux termes de laquelle la défen-
deresse en l'espèce prétend imposer à la tierce partie l'obliga-
tion de l'indemniser en vertu d'un contrat qu'elles ont conclu est
une loi du Canada en ce qu'elle est en vigueur au Canada, il ne
s'agit pas d'une loi du Canada que le Parlement du Canada
pourrait adopter, modifier ou amender.
Toutefois, à supposer que l'avocat des appelan-
tes a correctement interprété cet extrait, il me
semble qu'il s'agissait de faire un choix entre deux
points de vue, l'un plus restrictif et l'autre beau-
coup plus large que l'opinion exprimée par le
vicomte Haldane dans l'affaire La Commission de
commerce. La raison en est, à mon avis, que l'on
avait à trancher une réclamation entre sujets et
l'on a pu considérer nécessaire d'adopter un point
de vue aussi large que la solution avancée par
l'avocat (voir la partie soulignée de l'extrait du
jugement) afin de maintenir que la Cour avait
compétence pour entendre une telle demande.
Deux ans plus tard, lorsqu'on a soumis à la Cour
suprême l'affaire Consolidated Distilleries Limi
ted c. Le Rois, traitant non pas d'une réclamation
entre sujets mais d'une réclamation qu'avait pré-
sentée la Couronne au sujet d'un cautionnement
fait à son ordre par l'appelante, le juge en chef du
Canada à l'époque, le juge Anglin, a déclaré:
[TRADUCTION] Je n'ai jamais douté que la Cour de l'Échi-
quier était compétente pour entendre les appels interjetés dans
ces affaires.
Si l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
n'habilite pas le Dominion à conférer à une cour qu'il a établie
pour »la meilleure administration des lois du Canada» la compé-
tence d'entendre et de juger de telles demandes, je ne vois pas
quel pourrait être l'objet dudit article.
A mon avis, il ne fait aucun doute que le Parlement du
Dominion entendait conférer une telle compétence à la Cour de
l'Échiquier, probablement en vertu de l'alinéa a) de l'article 30
de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, sinon, certainement
clairement en vertu de l'alinéa d) du même article.
Dans la même affaire, le juge Duff (tel était alors
son titre) disait à la page 422:
[TRADUCTION] Il me semble évident que le Parlement du
Canada, en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 101 de
[l932] R.C.S. 419à la page 421.
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, peut accorder à la
Cour de l'Échiquier la compétence pour juger des actions
comme celles-ci. Je ne doute pas qu'interprétée correctement,
l'expression «la meilleure administration des lois du Canada»
comprend notamment l'exécution d'une obligation contractée
conformément aux dispositions d'une loi de ce Parlement ou
d'un règlement ayant force de loi. Je ne crois pas la question
susceptible d'une longue discussion, aussi m'en tiendrai-je à ce
que j'ai dit.
Le Conseil privé, lorsque l'affaire lui a été sou-
mise, s'est prononcé sur la façon d'interpréter l'ar-
ticle 30d) de la Loi sur la Cour de l'Échiquier
mais ce qu'a dit lord Russell à ce sujet me semble
supposer nécessairement que le pouvoir constitu-
tionnel accordé en vertu de l'article 101 se fonde
sur la compétence du Parlement pour légiférer sur
l'objet du litige plutôt que sur les lois fédérales
valides existantes à ce sujet. Il y avait une loi
fiscale ainsi que des règlements qui visaient des
cautionnements mais à mon sens, on ne cherchait
pas à mettre en vigueur la loi elle-même ni les
règlements, mais les cautionnements. Lord Russell
déclarait aux pages 520-522:
[TRADUCTION] Voici le libellé de l'article 30 qui est la disposi
tion pertinente: «30. La Cour de l'Échiquier a juridiction con-
currente au Canada, en première instance, a) dans tous les cas
se rattachant au revenu où il s'agit d'appliquer quelque loi du
Canada, y compris les actions, poursuites et procédures par voie
de dénonciation pour l'application de peines, et les procédures
par voie de dénonciation in rem, et aussi bien dans les poursui-
tes qui tam pour amendes ou confiscations que lorsque la
poursuite est intentée au nom de la Couronne seule; b) dans
tous les cas où il s'agit, à l'instance du procureur général du
Canada, de contester ou d'annuler un brevet d'invention, ou des
lettres patentes, un bail ou quelque autre titre relatif à des
terres; c) dans tous les cas où une demande est faite ou un
recours est cherché contre un fonctionnaire de la Couronne
pour une chose faite ou omise dans l'accomplissement de ses
devoirs comme tel; et, d) dans toutes autres actions et poursui-
tes d'ordre civil, en common law ou en equity, dans lesquelles la
Couronne est demanderesse ou requérante. S.R., c. 140, art.
31.» En vertu de l'art. 2a) la Couronne signifie la Couronne du
chef et dans l'intérêt du Dominion du Canada.
Le savant Président a jugé que la Cour de l'Échiquier avait
compétence dans la mesure où le cautionnement devait être
fourni aux termes d'une loi adoptée par le Parlement du
Canada relativement à un sujet relevant clairement de sa
compétence législative: L'objet des actions découlait directe-
ment d'une loi du Parlement portant sur l'accise.
Le juge en chef était d'avis que les affaires tombaient
clairement sous le coup de l'article 30d) et probablement aussi
de l'article 30a). Le juge Duff, tout en exprimant ses doutes
quant à l'application de l'alinéa a), était convaincu que les
affaires relevaient de l'alinéa d).
Leurs Seigneuries voudraient éviter d'exprimer des opinions
générales sur l'étendue de la compétence conférée par l'article
30, préférant s'en tenir à ce qui est nécessaire au règlement du
litige. Il faut juger chaque cas en fonction des faits et des
circonstances qui lui sont particuliers. En l'espèce, leurs Sei-
gneuries se rendent compte qu'il peut exister une difficulté en
ce qui concerne l'alinéa a). Bien que ces actions soient assuré-
ment odes cas se rattachant au revenu» on pourrait peut-être
dire qu'il ne s'agit pas d'appliquer une loi du Canada. Cepen-
dant leurs Seigneuries ont conclu que ces actions relèvent de
l'alinéa d). On a avancé qu'interprété de façon littérale, sans
aucune restriction, cet alinéa autoriserait la Couronne à pour-
suivre devant la Cour de l'Échiquier et à soumettre à la
compétence de la Cour les défendeurs dans toute cause d'ac-
tion, et qu'une telle disposition serait ultra vires du parlement
du Canada parce qu'elle ne relèverait pas des pouvoirs conférés
par l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Toutefois, leurs Seigneuries estiment que, vu son contexte, on
ne peut considérer l'alinéa d) comme exempt de toutes restric
tions. Elles pensent qu'étant donné les dispositions des trois
alinéas précédents, les actions et poursuites envisagées à l'alinéa
d) se limitent à des actions portant sur des matières ressortis-
sant au pouvoir législatif du Dominion. Interprété de cette
façon, l'alinéa en question ne serait pas ultra vires, et il semble
à leurs Seigneuries que les présentes actions entrent dans son
domaine d'application. En conséquence, la Cour de l'Échiquier
avait compétence en l'espèce. [C'est moi qui souligne.]
Il convient aussi de renvoyer à l'annexe aux
motifs du juge en chef Jackett dans l'affaire La
Compagnie Robert Simpson Montréal Limitée c.
Hamburg-Amerika Linie Norddeutscher 6 ainsi
qu'aux motifs du juge Duff, ex-juge en chef du
Canada, dans le Renvoi relatif à la compétence
législative du Parlement, etc. (Appels au Conseil
privé)? et aux motifs du juge Pigeon dans l'affaire
La Reine c. J. B. & Sons Ltd. 8
Ces décisions semblent impliquer que le pouvoir
conféré au Parlement en vertu de l'article 101 est
au moins assez étendu pour autoriser l'établisse-
ment de tribunaux pour l'administration des lois
relatives à des matières ressortissant à la compé-
tence législative fédérale. J'estime que ce pouvoir
pourrait même être plus étendu, car une loi,
comme par exemple l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, 1867, est clairement une loi du
Canada, bien que sous certains rapports tout au
moins il n'appartienne pas au Parlement de la
modifier. J'estime que la compétence législative
fédérale en la matière est suffisante et aux fins
présentes je n'ai pas à en dire davantage.
b [1973] C.F. 1356 à la page 1364.
[1940] R.C.S. 49 à la page 61.
s [1970] R.C.S. 220 à la page 232.
La question suivante est de savoir si le Parle-
ment peut légiférer en matière de droits et obliga
tions de la Couronne découlant d'un contrat visant
à la construction de pénitenciers.
A ce sujet, il me semble qu'une législation fédé-
rale en la matière, si elle était adoptée, pourrait se
justifier de trois manières.
Tout d'abord, la législation en matière de droits
et obligations de la Couronne du chef du Canada
découlant de contrats auquel la Couronne du chef
du Canada est une partie relèverait du pouvoir de
faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouver-
nement du Canada. La Couronne du chef du
Canada n'est sous aucun rapport un concept ou
une institution provinciale. Ses biens sont les biens
de l'ensemble du Canada, ses droits issus de con-
trats conclus avec des particuliers sont aussi ceux
de l'ensemble du Canada de même que les obliga
tions qui en découlent. Ils n'ont dans aucune pro
vince, un caractère local ou privé et une législature
provinciale n'a pas le pouvoir d'adopter une légis-
lation particulière à leur égard. Cela ne veut pas
dire que les lois provinciales ne peuvent influer sur
les droits de la Couronne du chef du Canada et
que ceux-ci doivent être placés dans une catégorie
à part. Dans certaines affaires, comme par exem-
ple Dominion Building Corporation c. Le Roi' et
La Reine c. Murray 10 , il est indéniable que des lois
provinciales valides applicables de façon générale à
un sujet ont eu des répercussions sur les droits de
la Couronne du chef du Canada. Mais selon moi,
ce n'était pas parce que le Parlement ne pouvait
pas légiférer en matière de droits de la Couronne
du chef du Canada, mais parce que dans chaque
cas il n'existait pas de loi fédérale portant sur les
droits de la Couronne dans les circonstances parti-
culières et que la seule loi pouvant servir de fonde-
ment aux droits de la Couronne était le droit
généralement applicable en la matière, dans la
province où le différend avait pris naissance.
Je suis porté à croire que le Parlement, en vertu
du pouvoir qui lui est conféré d'assurer la paix,
l'ordre et le- bon gouvernement, peut légiférer au
sujet des contrats de la Couronne du chef du
Canada et des droits et obligations de la Couronne
qui en découlent, mais comme c'est vraisemblable-
ment le fondement le plus large du pouvoir législa-
9 [1933] A.C. 533.
'° [1965] 2 R.C.É. 663; [1967] R.C.S. 262.
tif et comme le procureur général du Canada n'a
fait qu'avancer cette opinion dans l'exposé de son
plaidoyer, les avocats ne l'ayant pas développée
pendant les débats, je ne m'en servirai pas pour
fonder ma décision et n'exprimerai à ce sujet
aucune opinion définitive.
Une telle législation se justifierait également du
fait qu'elle relèverait des pouvoirs exclusifs du
Parlement en vertu de la rubrique lA de l'article
91, en matière de dette et propriété publiques. Le
Parlement, conformément au pouvoir que lui
accorde cet article, a adopté la Loi sur l'adminis-
tration financière qui prévoit notamment (1) l'éta-
blissement du Fonds du revenu consolidé, c'est-à-
dire l'ensemble de tous les deniers publics qui sont
en dépôt au crédit du receveur général; (2) qu'au-
cun paiement ne doit être fait à même le Fonds du
revenu consolidé sans l'autorisation du Parlement;
(3) que nul contrat ou autre arrangement stipulant
le paiement d'une somme d'argent par Sa Majesté
ne doit être conclu ni avoir vigueur ou effet à
moins que le sous-chef ou une autre personne
autorisée ne certifie qu'il existe un solde disponi-
ble; et (4) que le gouverneur en conseil peut établir
des règlements sur les conditions auxquelles les
contrats peuvent être conclus, sur leur mode d'ap-
probation et la garantie à fournir à Sa Majesté et
en son nom pour en assurer la fidèle exécution. Je
ne pense pas qu'on puisse sérieusement douter que
ces dispositions sont intra vires en tant que loi se
rapportant aux biens publics, c'est-à-dire au Fonds
du revenu consolidé. Mais il me semble que le
Parlement, s'il l'estimait souhaitable, pourrait aller
plus loin en matière de législation relative aux
biens publics et prescrire les droits des parties aux
contrats conclus avec la Couronne prévoyant le
paiement d'une somme d'argent par Sa Majesté,
ou aux contrats visant à la construction d'ouvrages
publics, appartenant à la Couronne du chef du
Canada, ainsi que les recours que peuvent exercer
la Couronne et les entrepreneurs pour faire valoir
leurs droits, soit au moyen d'actions en dommages-
intérêts pour rupture de contrats soit autrement.
En troisième lieu, une telle législation relèverait
du pouvoir exclusif du Parlement de légiférer en
matière d'établissement de pénitenciers, en vertu
de la rubrique 28 de l'article 91. Sous ce rapport, il
me semble que le Parlement pourrait validement
édicter une loi portant que la construction d'un
pénitencier doit respecter certaines normes prescri-
tes, et que la Couronne et l'entrepreneur, confor-
mément à tout système juridique ou toute règle
prévus à cette fin, sont liés par le contrat conclu en
vue de la construction du pénitencier et prévoyant
des voies de recours pour les deux parties en cas de
rupture de contrat. En effet, j'estime que le Parle-
ment pourrait parfaitement édicter, s'il le jugeait à
propos, un code qui régirait les contrats de cons
truction de pénitenciers conclus entre la Couronne
et un particulier ou une compagnie, qui détermine-
rait la garantie à fournir pour en assurer la fidèle
exécution et qui définirait les droits et les obliga
tions des deux parties découlant du contrat et de la
garantie imposée. Il n'est pas nécessaire de déter-
miner si un tel code pourrait prescrire les droits
des citoyens inter se, parties à un tel contrat, ou
relativement aux droits des citoyens inter se lors-
que la Couronne a accordé plusieurs contrats en
vue de l'exécution de diverses phases de la cons
truction; il me semble toutefois que l'avocat des
appelantes a eu raison de concéder que le Parle-
ment, en vertu de la rubrique 28, peut parfaite-
ment légiférer au sujet des droits et des obligations
inter se de la Couronne et des autres parties à un
contrat visant à la construction d'un pénitencier.
Il me semble que la jurisprudence n'appuie pas
l'argument selon lequel le pouvoir législatif fédéral
accordé en vertu de l'article 101 serait restreint
aux lois qui, si elles étaient adoptées, ressortiraient
à la compétence exclusive du Parlement, par oppo
sition aux lois que le Parlement peut adopter parce
qu'elles sont accessoires à l'exercice de ses pouvoirs
exclusifs. Il me semble que l'affaire Consolidated
Distilleries illustre bien le cas où le pouvoir légis-
latif fédéral relativement à un cautionnement en
matière de douanes était purement accessoire à
l'adoption de lois douanières en vertu du pouvoir
de prélever des deniers par tous modes ou systèmes
de taxation, conformément à la rubrique 3 de
l'article 91.
En conséquence, je suis d'avis que le Parlement
possédait et possède toujours le pouvoir de conférer
à la Division de première instance de cette cour la
compétence pour juger les réclamations de la Cou-
ronne relatives aux contrats en question. Il reste à
déterminer si le Parlement l'a fait.
Voici ce que dit l'article 17 de la Loi sur la Cour
fédérale:
COMPÉTENCE DE LA DIVISION DE PREMIÈRE INSTANCE
17. (1) La Division de première instance a compétence en
première instance dans tous les cas où l'on demande contre la
Couronne un redressement et, sauf disposition contraire, cette
compétence est exclusive.
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (I), la
Division de première instance, sauf disposition contraire, a
compétence exclusive en première instance dans tous les cas où
la propriété, les effets ou l'argent d'une personne sont en
possession de la Couronne, dans tous les cas où la demande
découle ou est née d'un contrat passé par la Couronne ou pour
son compte et dans tous les cas où une demande peut être faite
contre la Couronne pour atteinte défavorable.
(3) La Division de première instance a compétence exclusive
pour entendre et juger en première instance les questions
suivantes:
a) le montant à payer lorsque la Couronne et une personne
ont convenu par écrit que la Couronne ou cette personne paie
un montant devant être déterminé
(i) par la Cour fédérale,
(ii) par la Division de première instance, ou
(iii) par la Cour de l'Échiquier du Canada;
b) toute question de droit, question de fait ou question de
droit et de fait que la Couronne et une personne ont convenu
par écrit de faire juger
(i) par la Cour fédérale,
(ii) par la Division de première instance, ou
(iii) par la Cour de l'Échiquier du Canada; et
c) les procédures aux fins de juger les contestations dans
lesquelles la Couronne a ou peut avoir une obligation qui est
ou peut être l'objet de demandes contradictoires.
(4) La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la Cou-
ronne ou le procureur général du Canada demande redresse-
ment; et
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir
un redressement contre une personne en raison d'un acte ou
d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonc-
tions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne.
(5) La Division de première instance a compétence exclusive
pour entendre et juger en première instance toute demande de
bref d'habeas corpus ad subjiciendum, de certiorari, de prohi
bition ou de mandamus, à l'égard d'un membre des Forces
canadiennes en service à l'étranger.
Cet article ressemble peu à l'article 30 de la Loi
sur la Cour de l'Échiquier que l'on a étudié dans
l'affaire Consolidated Distilleries et dans les
motifs du juge Kerwin (tel était alors son titre)
dans l'arrêt Logan c. Le Roi". Cet article conte-
nait trois alinéas désignés par les lettres a), b) et
c), le sujet de chacun d'entre eux relevant de la
compétence législative fédérale. Dans ce contexte,
le quatrième alinéa, désigné par la lettre d), dont
les termes fort généraux ne portaient pas de res
triction expresse, a été interprété comme ayant
trait seulement aux actions ou poursuites en
common law ou en equity relativement aux matiè-
res de même nature c'est-à-dire aux matières res-
sortissant à la compétence législative fédérale.
J'estime que l'interprétation de cet article n'est
pratiquement d'aucune utilité pour expliquer l'arti-
cle 17 de la Loi sur la Cour fédérale en général ou
le paragraphe (4) en particulier. Mais il me semble
que, même si le paragraphe (4) ne vise, comme je
le crois, que des poursuites d'ordre civil relative-
ment à des matières sur lesquelles le Parlement
peut légiférer, peu importe qu'on arrive à cette
conclusion par un raisonnement semblable à celui
appliqué dans l'affaire Consolidated Distilleries,
ou à cause du libellé de l'article 3 de la Loi et de la
définition des mots «lois du Canada» à l'article 2,
ou pour toute autre raison, le paragraphe est intra
vires et s'applique à la réclamation de la Couronne
en l'espèce.
Par conséquent, j'estime que les appels contre la
partie a) de l'ordonnance de la Division de pre-
mière instance doivent être rejetés.
J'en viens maintenant aux objections que l'on
apporte aux parties b) et c) de l'ordonnance en
appel. Il me semble qu'on peut les examiner
ensemble. Les avis auxquels les parties b) et c)
font allusion ont été respectivement signifiés con-
formément aux Règles 1730 et 1726, que voici:
Règle 1730. Lorsqu'un défendeur prétend avoir droit de rece-
voir d'un codéfendeur une contribution ou indemnité, un avis
peut être donné comme si ce codéfendeur était une tierce partie
et la procédure à suivre, pour le jugement des questions en
litige entre ces défendeurs, sera la même que si ce codéfendeur
était une tierce partie.
Règle 1726. (1) Lorsqu'un défendeur prétend avoir droit de
recevoir d'une personne qui n'est pas partie à l'action une
contribution ou une indemnité, ou prétend avoir droit de
demander un redressement contre cette personne (ci-après
appelée la «tierce partie»), il peut déposer un document appelé
«avis à la tierce partie». (Formule 54).
u [1938] 3 D.L.R. 145.
(2) L'avis ainsi qu'une copie de la déclaration doivent être
signifiés à la tierce partie, par voie de signification à personne,
dans le délai fixé pour le dépôt de la défense.
La seule différence dans la nature des réclama-
tions dont font état les parties b) et c) des avis
susmentionnés semble être la suivante: McNamara
poursuit Stevenson et Stevenson, Raines en respon-
sabilité délictuelle ou en vertu d'un quasi-contrat
et Lockerbie en responsabilité contractuelle. Dans
les deux cas cependant, on réclame l'application
des droits de sujets entre eux découlant des liens
qui se sont noués entre eux à l'occasion d'un ou
plusieurs contrats de construction. Dans les deux
cas, la poursuite en dommages-intérêts est intime-
ment associée ou liée à la réclamation de la Cou-
ronne dans cette action, mais en dépit de cette
relation ou de ce lien, elle demeure une poursuite
intentée par un citoyen contre un autre, fondée sur
les lois générales en matière de propriété et de
droits civils applicables dans les circonstances.
L'avocat représentant la Couronne, demandant
le rétablissement de l'avis mentionné dans la partie
b) de l'ordonnance en appel, a avancé que l'objet
des droits de McNamara et Stevenson et Steven-
son, Raines inter se découlant de contrats conclus
avec la Couronne en vue de la construction d'un
ouvrage public ou d'un pénitencier ressortirait à la
compétence législative fédérale; il a allégué de plus
que les dispositions du paragraphe 17(4) de la Loi
sur la Cour fédérale sont assez générales pour
englober une telle réclamation et si elles ne don-
nent pas à la Cour la compétence pour en assurer
l'exécution, tout au moins peuvent-elles lui permet-
tre de connaître de la réclamation afin d'assujettir
les parties à ses conclusions. Il a ajouté que les
Règles 1726 et 1730 sont intra vires et donnent à
la Cour la compétence pour statuer sur les
réclamations.
Il me paraît évident que les Règles 1726 et 1730
sont intra vires, mais elles n'accroissent en aucune
façon la compétence de la Cour telle qu'elle est
définie dans la Loi sur la Cour fédérale. Elles ne
sont que des règles auxquelles ont peut recourir
pour invoquer la compétence de la Cour lorsque
cette dernière peut être saisie de l'affaire. Voir les
affaires Consolidated Distilleries Limited c. Con
solidated Exporters Corporation Ltd. 12 et La
Banque de Montréal c. La Banque Royale du
Canada 13
De plus, bien que l'article 17 de la Loi sur la
Cour fédérale diffère considérablement des dispo
sitions antérieures de la Loi sur la Cour de l'Échi-
quier, j'estime cependant qu'il définit clairement la
compétence de la Cour comme visant des poursui-
tes dans lesquelles la Couronne est demanderesse
ou défenderesse ou dans lesquelles ses intérêts
peuvent être atteints et des réclamations entre
sujets. Lorsque la Cour a compétence pour statuer
sur cette dernière catégorie de réclamations, la Loi
le dit expressément. Voir les articles 20, 22, 23 et
25. A mon avis, le paragraphe 17(4)a) ne vise que
les poursuites dans lesquelles la Couronne réclame
un redressement et rien dans le libellé de ce para-
graphe ne s'étend aux réclamations de McNamara
et Fidelity contre Stevenson et Stevenson, Raines
ou Lockerbie. Selon moi, chacune de ces réclama-
tions est une réclamation distincte de celle de la
Couronne et une poursuite visant à obtenir satis
faction, que ce soit au moyen d'une action distincte
ou par une procédure à tierce partie, intentées
conformément aux règles qui les autorisent, est
une poursuite distincte de celle intentée par la
Couronne afin d'assurer la satisfaction de sa récla-
mation. On peut concéder que ces réclamations
s'apparentent aux réclamations de la Couronne
dans l'action ou y sont liées de très près. Sous un
certain rapport, on peut également dire que ces
réclamations découlent de celles de la Couronne.
On peut en conclure qu'il serait pratique de juger
en même temps ces demandes à la suite d'un
unique procès portant sur les points communs en
litige. Mais, alors qu'un tel procédé pourrait avoir
sa place si la Cour pouvait à sa discrétion entendre
ou refuser de connaître de ces demandes, à mon
avis, il ne peut servir à lui accorder une compé-
tence qu'elle n'a pas ou à influencer l'interpréta-
tion du paragraphe 17(4)a) de manière à parvenir
à ce résultat.
Quant à l'autre solution proposée voulant que la
Cour puisse statuer sur ces réclamations afin d'as-
sujettir les parties aux conclusions de la Cour,
même si celle-ci ne peut prononcer un jugement
12 [1930] R.C.S. 531.
13 [1933] R.C.S. 311.
exécutoire, je ne connais aucun précédent à l'appui
de cette prétention lorsque la Cour n'a pas compé-
tence pour juger la réclamation d'une partie contre
une autre et faire exécuter sa décision, et je ne suis
pas convaincu que l'arrêt Paul Papp Ltd. c. Fitz-
patrick: F. A. Woolworth Co. Ltd., Tierce partie 14
sur lequel s'est appuyé l'avocat établit qu'un tribu
nal entendrait la réclamation uniquement dans ce
but lorsqu'il a compétence pour juger la réclama-
tion et faire exécuter sa décision.
Je rejetterais les deux appels avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Dans ses motifs du jugement,
mon collègue le juge Thurlow expose les matières
sur lesquelles porte cet appel et il mentionne aussi
l'appel interjeté par les intimées, J. Stevenson et
Associés et Stevenson, Raines, Barrett, Hutton,
Seaton et Associés que nous avons entendu en
même temps. Le juge Thurlow définit les questions
en litige dans les deux appels et résume les alléga-
tions pertinentes énoncées dans les conclusions
écrites. Dans mes motifs, je mentionnerai les par
ties suivant la même méthode que mon collègue.
Tout d'abord, j'étudierai les appels en ce qu'ils
ont trait au rejet des demandes de radiation de la
déclaration. Les appelantes, McNamara et Fidel
ity, ont demandé une ordonnance de la radiation
de la déclaration pour autant qu'elle se rapporte à
la demande en dommages-intérêts de la Couronne
du chef du Canada à l'encontre de McNamara
pour inexécution du contrat de construction d'une
institution pour jeunes délinquants pour le compte
du Service canadien des pénitenciers et contre
McNamara et Fidelity au sujet d'une garantie
fournie pour assurer la fidèle exécution de l'entre-
prise par McNamara. Stevenson et Stevenson,
Raines ont aussi présenté une demande de radia
tion de la déclaration pour autant qu'elle a trait à
une réclamation faite contre eux par la Couronne
pour inexécution du contrat aux termes duquel ils
devaient établir les plans et diriger la construction
d'une institution pour jeunes délinquants à titre
d'architectes et d'ingénieurs-conseils. Le rejet de
[1967] 1 O.R. 565.
cette demande fait l'objet du second appel.
Les appelantes McNamara et Fidelity préten-
dent que la Division de première instance de la
Cour fédérale du Canada n'a pas la compétence
pour juger cette action; dans leur appel, Stevenson
et Stevenson, Raines ont fait la même allégation.
Si l'action est recevable, elle l'est en vertu de
l'alinéa 17(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale 15 ,
qui se lit ainsi:
(4) La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la Cou-
ronne ou le procureur général du Canada demande
redressement.....
En vertu de l'article 2 de la Loi, «`Couronne'
désigne Sa Majesté du chef du Canada».
On a prétendu que l'alinéa 17(4)a) ne ressortit
pas au pouvoir législatif conféré au Parlement en
vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867. L'article 101 porte que:
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dis
position contraire énoncée dans le présent acte, lorsque l'occa-
sion le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, mainte-
nir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et
établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administra
tion des lois du Canada.
Aux termes de la Loi sur la Cour fédérale le
«tribunal de common law, d'equity et d'amirauté
du Canada existant actuellement sous le nom de
Cour de l'Échiquier ... est maintenu sous le nom
de Cour fédérale du Canada ....» 16 La Cour a été
maintenue «en tant que tribunal supplémentaire
pour la bonne application du droit du Canada», et
comme l'a dit mon collègue le juge Thurlow, l'ex-
pression «droit du Canada» est définie à l'article 2
comme ayant «le sens donné à l'article 101 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, à
l'expression 'Laws of Canada', traduite par l'ex-
pression `lois du Canada' dans les versions françai-
ses de cet Acte».
On a néanmoins prétendu que l'alinéa 17(4)a)
de la Loi sur la Cour fédérale est ultra vires parce
que, interprété littéralement, il tend à conférer à la
Division de première instance de la Cour une
compétence à l'égard d'actions en matière civile
15 S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10.
16 S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, article 3.
qui pourraient, dans certains cas, ne pas avoir trait
à l'application du droit du Canada, et l'on a allé-
gué que l'article doit se lire littéralement. Cepen-
dant, je n'éprouve aucune difficulté à interpréter
l'alinéa 17(4)a) comme étant implicitement res-
treint aux actions en matière civile ayant pour
objet la bonne application du droit du Canada. Il
faut interpréter l'alinéa en question en fonction de
l'article 3 de la Loi et de la définition de l'expres-
sion «droit du Canada» à l'article 2 ".
La question à trancher est donc de savoir si
l'objet de l'action, dont fait état la déclaration, a
trait à l'application du droit du Canada et par
conséquent relève de l'alinéa 17(4)a) de la Loi. On
a prétendu qu'il s'agissait seulement de réclama-
tions pour rupture de contrat et qu'il était inutile,
pour les juger, de recourir à une loi fédérale. On a
également affirmé que les contrats en question ne
faisaient pas l'objet d'une loi fédérale.
Le Conseil privé, dans l'affaire Consolidated
Distilleries Limited c. Le Roi 18 a étudié la signifi
cation des mots «lois du Canada» à l'article 101 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867.
Se rapportant particulièrement à l'alinéa 30d) de
la Loi sur la Cour de l'Échiquier, lord Russell de
Killowen a dit à la page 522:
[TRADUCTION] Toutefois leurs Seigneuries estiment que, vu son
contexte, on ne peut considérer l'alinéa d), comme exempt de
toutes restrictions. Elles pensent qu'étant donné les dispositions
des trois alinéas précédents, les actions et poursuites envisagées
à l'alinéa d) se limitent à des actions portant sur des matières
ressortissant au pouvoir législatif du Dominion. Interprété de
cette façon, l'alinéa en question ne serait pas ultra vires et il
semble à leurs Seigneuries que les présentes actions entrent
dans son application.
Dans l'affaire Logan c. Le Roi", le juge Kerwin
(tel était alors son titre) disait à la page 155, au
sujet de l'arrêt Consolidated Distilleries c. Le Roi:
[TRADUCTION] L'effet de ce jugement est que nous devons
décider dans cet appel si l'action engagée contre l'appelant se
rapporte à une matière relevant de la compétence législative
fédérale.
Le juge Kerwin était dissident quant au fond de
l'affaire mais le passage précité, pour autant qu'il
s'applique à la question en litige, garde toute son
importance.
"Voir R. c. Loblaw Groceterias Co. Ltd. (1969) 6 D.L.R.
(3') 225, particulièrement à la page 233.
19 [1933] A.C. 508.
19 [1938] 3 D.L.R. 145.
L'action intentée par la Couronne contre
McNamara résulte d'un contrat visant à la cons
truction de pénitenciers; je suis convaincu que
l'institution pour jeunes délinquants, objet du con-
trat, est un pénitencier au sens de ce terme à la
rubrique 28 de l'article 91, en vertu de laquelle le
Parlement a compétence exclusive pour légiférer
relativement à «l'établissement, le maintien, et
l'administration des pénitenciers.» La construction
d'un pénitencier est une des étapes de son établis-
sement. Le Parlement a compétence pour légiférer
au sujet de cet aspect de l'établissement des péni-
tenciers, y compris la compétence pour légiférer
relativement aux contrats visant la construction
des pénitenciers. Cette compétence s'étend aussi
aux garanties fournies pour la fidèle exécution de
tels contrats, y compris le cautionnement dont il
est question dans la réclamation de la Couronne
contre McNamara et Fidelity. Le Parlement peut
aussi édicter des lois portant sur les contrats pour
services fournis par les architectes et les ingénieurs
à l'occasion de la construction de pénitenciers.
Par conséquent, l'action de la Couronne contre
McNamara, Fidelity et Stevenson, et Stevenson,
Raines est une action ayant pour but la bonne
administration des lois du Canada.
Au cas où ce serait à tort que je considère la
construction d'un pénitencier comme l'un des
aspects de son établissement au sens du mot «éta-
blissement» à la rubrique 28 de l'article 91, j'es-
time en outre qu'en vertu de la rubrique lA de
l'article 91 le Parlement a compétence législative
en matière de contrats relatifs à la construction des
pénitenciers, au titre de législation concernant la
propriété publique. 20
Pour ces raisons, je suis d'avis qu'il faut rejeter
les appels interjetés contre la partie de l'ordon-
nance de la Division de première instance qui
rejette les demandes de radiation de la déclaration.
Je souscris aussi à la décision de mon collègue le
juge Thurlow en ce qui concerne l'appel interjeté
contre l'ordonnance de la Division de première
instance pour autant qu'elle radiait un avis signifié
par les appelantes, dans lequel elles réclamaient
une indemnité aux intimés (défendeurs) Stevenson
et Stevenson, Raines; je partage aussi l'opinion de
20 Voir l'affaire City of Ottawa c. Shore & Horwitz Con
struction Co. Ltd. (1960) 22 D.L.R. (2°) 247.
mon collègue le juge Thurlow au sujet de la partie
de l'ordonnance qui radiait un avis à tierce partie
signifié par les appelantes, dans lequel elles récla-
maient à l'intimée (tierce partie) Lockerbie une
indemnité; je souscris également à ses motifs.
Les appels doivent être rejetés avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: J'ai lu les motifs
du jugement du juge Thurlow et conclus comme
lui que les deux appels doivent être rejetés avec
dépens.
Je suis aussi tout à fait d'accord avec les conclu
sions sur des points de droit énoncées dans les
motifs du juge Thurlow, y compris l'opinion selon
laquelle «le Parlement possédait et possède tou-
jours le pouvoir de conférer à la Division de pre-
mière instance de cette cour la compétence pour
juger les réclamations de la Couronne relatives aux
contrats en question.» Je préfère cependant fonder
mon accord sur ce point simplement sur le pouvoir
exclusif conféré au Parlement en vertu de la rubri-
que 28 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique de légiférer relativement à
«L'établissement, le maintien, et l'administration
des pénitenciers». A mon avis, il ressort clairement
de la rubrique 28 que le pouvoir législatif du
Parlement s'étend à la réclamation de la Couronne
dans cette action, et justifie la conclusion
susmentionnée.
Il ne faut pas conclure de ce qui précède que je
ne suis pas d'accord avec ce qu'a dit le juge
Thurlow quant à l'effet de la disposition relative à
«la paix, l'ordre et le bon gouvernement du
Canada,» au tout début de l'article 91 de l'Acte de
l'A.N.B., ou de la rubrique 1A de cet article, qui
donne au Parlement le pouvoir exclusif de légiférer
sur toutes les matières relatives à «La dette et la
propriété publiques». Je dis simplement que je
préfère ne pas appuyer mes conclusions sur ces
dispositions, de manière à ce que leur champ d'ap-
plication puisse être soumis à une étude plus
approfondie.
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