A-89-75
La Reine (Appelante)
c.
Morton Pascoe (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant MacKay —Toronto, les 27 et 31 octobre
1975.
Impôt sur le revenu—Déductions—Acte de séparation de
corps—Les sommes versées pour l'acquittement des frais
d'éducation et médicaux des enfants sont-elles déductibles?—
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 11.
L'intimé avait souscrit avec son épouse un acte de séparation
de corps aux termes duquel il s'engageait à acquitter toutes les
dépenses relatives à l'éducation et tous les frais médicaux des
enfants. L'ordonnance afférente au divorce a ensuite reproduit
ces stipulations. La Division de première instance a décidé que
seules les dépenses relatives à l'éducation sont déductibles de
l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est accueilli et l'appel incident rejeté; aucun
des versements de ces sommes n'est déductible. Ces versements
ne constituent pas des versements d'allocations au sens de
l'article 11(1)0. Une allocation est une somme d'argent limitée
et déterminée à l'avance, versée afin de permettre à celui qui la
reçoit de faire face à certains types de dépenses. Un versement
effectué pour satisfaire à une obligation d'indemniser quelqu'un
ou de défrayer les dépenses réellement engagées n'est pas une
allocation. L'affectation d'un versement et l'affectation d'une
allocation n'impliquent pas la même discrétion. De plus, il ne
s'agit pas ici d'un versement périodique, comme l'exige l'article.
Ni l'acte de séparation de corps ni le jugement conditionnel ne
prévoient le versement de ces sommes à intervalles fixes. La
périodicité exigée par la Loi a rapport à la manière dont
l'allocation est payable et non à la façon dont elle est effective-
ment versée.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. J. Bonner pour l'appelante.
L. Colt pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Muni Basman, Lorne Colt, Toronto, pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: La seule question soulevée en
l'espèce est celle de savoir si, dans le calcul de son
revenu pour les années d'imposition 1969, 1970 et
1971, l'intimé a le droit de déduire certaines
sommes qu'il a versées à son ex-épouse.
Le ler février 1967, l'intimé et son épouse ont
souscrit un acte de séparation de corps aux termes
duquel l'intimé s'engageait à verser à son épouse
des allocations mensuelles fixes pour l'entretien de
celle-ci et de leurs trois enfants. Le document en
question stipulait en outre ce qui suit:
[TRADUCTION] 14. LE mari s'engage à acquitter tous les
frais médicaux, tous les frais dentaires et tous les frais d'hospi-
talisation pour le compte de l'épouse et des enfants issus de leur
mariage engagés au cours de la période pendant laquelle, aux
termes du présent acte, le mari est chargé de leur entretien; ces
frais comprennent le coût de tous les médicaments prescrits par
un médecin.
15. LE mari s'engage à acquitter toutes les dépenses relatives
à l'éducation des enfants, y compris le coût des livres, les frais
de transport et ceux de scolarité, au niveau universitaire,
collégial et post-secondaire (École de pédagogie; le Ryerson
Institute; École de commerce, etc.)
Le mariage de l'intimé a par la suite été dissous
par le divorce. Le jugement conditionnel de
divorce, en date du 31 octobre 1969, se lit en partie
comme suit:
[TRADUCTION] ET LA PRÉSENTE COUR STATUE EN OUTRE que
l'intimé, Morton Gerrard Pascoe, devra verser à la requérante
les sommes relatives à l'entretien desdits enfants de la requé-
rante et de l'intimé, à savoir, Paula Pascoe, Carolyn Pascoe et
Naomi Pascoe, ainsi qu'il est prévu aux paragraphes 12, 13, 14
et 15, qui portent que:
Sont ensuite reproduits les paragraphes susmen-
tionnés de l'acte de séparation.
C'est le caractère déductible des sommes versées
par l'intimé conformément aux passages précités
de l'acte de séparation et du jugement qui est
contesté en l'espèce. La Division de première ins
tance a décidé que les sommes versées par l'intimé
pour l'éducation de ses enfants sont déductibles
mais que celles versées pour l'acquittement des
frais médicaux ne le sont pas. De ce jugement, il y
a appel et appel incident.
Le caractère déductible des sommes versées par
un contribuable à son conjoint ou à son ex-conjoint
pour l'entretien de ce dernier et des enfants issus
du mariage est régi par l'article 11(1)1), dont voici
le texte:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
1) un montant payé par le contribuable pendant l'année
conformément à un décret, ordonnance ou jugement d'un
tribunal compétent, ou en conformité d'une convention
écrite, à titre de pension alimentaire ou autre allocation
payable périodiquement pour l'entretien de la personne qui la
reçoit ou des enfants issus du mariage, ou, à la fois, de la
personne qui la reçoit et des enfants issus du mariage, si le
contribuable vivait séparé, et était séparé en conformité d'un
divorce; - d'une séparation judiciaire ou d'une convention
écrite de séparation, de son conjoint ou ancien conjoint, à qui
il était tenu de faire le paiement à l'époque où le paiement a
été fait et durant le reste de l'année;
A notre avis, ni les sommes versées par l'intimé
pour l'éducation de ses enfants ni celles versées à
titre de frais médicaux ne sont déductibles.
Tout d'abord, nous sommes d'avis que le verse-
ment de ces sommes ne constitue pas le versement
d'une allocation au sens de l'article 11(1)l). Selon
nous, une allocation est une somme d'argent limi-
tée et déterminée à l'avance, versée afin de permet-
tre à celui qui la reçoit de faire face à certains
types de dépenses; sa quotité est établie à l'avance'
et celui qui la touche en a la libre disposition, sans
comptes à rendre à personne. Un versement effec-
tué pour satisfaire à une obligation d'indemniser
ou de rembourser quelqu'un ou de le défrayer de
dépenses réellement engagées n'est pas une alloca
tion; il ne s'agit pas en effet d'une somme suscepti
ble d'être affectée par celui qui la touche, à sa
discrétion, à certains types de dépenses.
De plus, même si l'acquittement des dépenses en
cause pouvait être considéré comme le versement
d'une allocation, il ne s'agit pas, selon nous, d'une
allocation «payable périodiquement», comme
l'exige l'article 11(1)l). Ni l'acte de séparation de
corps ni le jugement conditionnel ne prévoient le
versement de ces sommes à intervalles fixes. Ils ne
font même pas mention du moment où se feront les
versements. Il importe peu que les sommes versées
pour l'éducation des enfants l'aient en fait peut-
être été périodiquement, car la périodicité exigée
par la Loi a rapport à la manière dont l'allocation
est payable et non à la façon dont elle est effective-
ment versée.
Pour ces motifs, l'appel est accueilli et l'appel
incident rejeté.
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