A-351-75
La Commission nationale des libérations condi-
tionnelles (Appelante)
c.
Douglas Alexander MacDonald (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie, Ryan et Le Dain—
Ottawa, les 17 et 23 décembre 1975.
Emprisonnement—Appel--Détenu sous surveillance obliga-
toire replacé sous garde—A-t-il été envoyé au pénitencier
pour une période déterminée lorsqu'il a été replacé sous garde
ou lorsqu'a été décerné le mandat de nouvelle incarcération?—
Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c.
P-2, art. 15, 16 et 20(1)—Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970,
c. P-6, art. 22(1).
L'intimé a été libéré sous surveillance obligatoire, il lui
restait à purger 576 jours relativement à deux peines. Le 13
juillet 1974 sa libération sous surveillance obligatoire a été
suspendue et le 13 janvier 1975 a été décerné un mandat
d'incarcération. L'appelant allègue qu'on ne lui a pas permis de
bénéficier de la réduction statutaire de peine pour la période de
184 jours allant du 13 juillet 1974 au 13 janvier 1975. La
Division de première instance a statué que le 13 juillet 1974 est
la date à laquelle le requérant a été condamné aux fins de
l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers en ce qui concerne
la partie de sa peine non encore purgée.
Arrêt: l'appel est accueilli, l'ordonnance du juge de première
instance est annulée. Le fait qu'un détenu, pendant la période
de suspension de sa libération, ait pu être sous garde au
pénitencier même où il aurait par ailleurs été écroué ne devrait
pas influer sur la réduction statutaire de peine qu'on lui
accorde. Il faut interpréter l'article 22(1) de la Loi sur les
pénitenciers comme prescrivant que la réduction statutaire de
peine doit être accordée à la date de la révocation car lorsque le
détenu a été envoyé au pénitencier après la suspension de sa
libération, il n'avait pas été condamné pour une période déter-
minée. Le 3 septembre est la date à laquelle l'intimé a été
envoyé au pénitencier pour une période déterminée aux fins de
l'article 22(1).
Arrêts analysés: In re Hanna (non publié) et Le procureur
général du Canada c. Quocksister (non publié).
APPEL.
AVOCATS:
P. Evraire pour l'appelante.
P. Harvison pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
A/s Services juridiques pénitentiaires, Sack-
ville (N.-B.), pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: Il s'agit d'un appel d'une déci-
sion de la Division de première instance 1 , en date
du 18 avril 1975, dans laquelle on a statué «que le
13 juillet 1974 est la date à laquelle le requérant a
été `condamné ou envoyé au pénitencier pour une
période déterminée', aux fins de l'article 22(1) de
la Loi sur les pénitenciers, en ce qui concerne la
partie de sa peine non encore purgée ...» quand sa
libération sous surveillance obligatoire a été sus-
pendue et révoquée.
L'action devant la Division de première instance
a débuté par un «avis introductif de requête pré-
senté en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale.» L'avis déclarait:
[TRADUCTION] SACHEZ QUE une demande sera présentée au
nom de Douglas A. MacDonald devant le juge des référés à la
salle d'audience No 5 au Palais de Justice, 1815 rue Upper
Water, Halifax (Nouvelle-Écosse) ce jour
d' 1975 hrs ou le plus tôt possible après
cette date, aux fins d'obtenir une décision quant aux lois à
appliquer et à leur interprétation relativement aux peines que le
requérant est en train de purger.
Dans ses motifs du jugement, le savant juge de
première instance déclare [à la page 544]:
Cette demande visait initialement à obtenir un jugement
déclaratoire. L'avocat de l'intimé a soulevé une exception préli-
minaire s'opposant à ce que cette cour accorde un jugement
déclaratoire sur une demande présentée en vertu des Règles 319
et suivantes et non sous forme d'action en vertu de la Règle
400, et à l'appui il a cité l'arrêt Sherman & Ulster Ltd. c. Le
Commissaire des brevets ((1974) 14 C.P.R. (2') 177) de cette
cour. La solution de cette question dépend de l'interprétation
que l'on donne à la Règle 603. J'ai conclu que l'exception était
bien fondée .... Les parties se sont mises d'accord pour modi
fier l'avis introductif de requête, qui vise maintenant à obtenir
[TRADUCTION] .une ordonnance de certiorari pour examiner les
lois applicables aux peines que le requérant est en train de
purger et l'interprétation qu'elles doivent recevoir».
Cependant, en toute déférence, l'avis modifié
demeurait une demande visant à obtenir un juge-
ment déclaratoire. L'insertion des mots «une
ordonnance de certiorari» ne modifiait pas la
nature intrinsèque de la demande. Celle-ci, même
modifiée, ne recherchait pas par exemple l'examen
ou l'annulation d'une ordonnance ou d'une déci-
sion. Elle demeurait, de par sa nature, une
demande recherchant un jugement déclaratoire. Et
le jugement dont on interjette appel lui faisait
suite.
[1975] C.F. 543 à la page 547.
Il est possible qu'on ait eu recours aux mauvai-
ses procédures en Division de première instance.
Cependant, il ne semble en avoir résulté aucun
préjudice. 2 De plus, en notre présence les deux
parties ont renoncé à invoquer une erreur de procé-
dure survenue en première instance. D'un commun
accord, elles ont demandé un jugement sur le fond.
L'intimé a été condamné à un total de cinq ans
d'emprisonnement, à partir du 5 novembre 1970.
Conformément à l'article 15 de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus', il a été
libéré le 7 avril 1974 sous surveillance obligatoire.
L'article 15 prévoit ce qui suit:
15. (1) Lorsqu'un détenu à qui la libération conditionnelle
n'a pas été accordée est mis en liberté avant l'expiration de sa
sentence en conformité de la loi, à la suite d'une réduction de
peine, incluant une réduction méritée et que la période de cette
réduction excède soixante jours, il doit, nonobstant toute autre
loi, être assujetti à une surveillance obligatoire commençant dès
sa mise en liberté et se poursuivant pendant la durée de cette
réduction de peine.
(2) L'alinéa 10(1)e), l'article 11, l'article 13 et les articles 16
à 21 s'appliquent à un détenu qui est assujetti à la surveillance
obligatoire comme s'il était un détenu à liberté conditionnelle
en libération conditionnelle et comme si les modalités de sa
surveillance obligatoire étaient des modalités de sa libération
conditionnelle.
La période de surveillance devait expirer le 22
octobre 1975. Cependant le 13 juillet 1974, l'in-
timé a été appréhendé et, conformément au para-
graphe 16(1) de la Loi sur la libération condition-
nelle de détenus'', sa libération sous surveillance
obligatoire a été suspendue à la suite de la perpé-
tration d'une infraction dont il a été ultérieure-
ment déclaré coupable et condamné sur déclara-
tion sommaire de culpabilité.
2 Dans l'affaire Sherman & Ulster Ltd. c. Le Commissaire
des brevets (1974) 14 C.P.R. (2°) 177 la page 180, on
mentionne les avantages et les désavantages inhérents à une
action intentée en vertu de la Règle 400.
S.R.C. 1970, c. P-2.
*L'article 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus prévoit que:
16. (1) Un membre de la Commission ou toute personne
qu'elle désigne peuvent, au moyen d'un mandat écrit, signé
par eux, suspendre toute libération conditionnelle d'un
détenu à liberté conditionnelle autre qu'une libération condi-
tionnelle des obligations de laquelle le détenu a été relevé et
autoriser son arrestation, chaque fois qu'ils sont convaincus
que l'arrestation du détenu est nécessaire ou souhaitable en
vue d'empêcher la violation d'une modalité de la libération
conditionnelle ou pour la réhabilitation du détenu ou la
protection de la société.
Il n'est pas contesté que l'intimé a été empri-
sonné dès son arrestation le 13 juillet 1974. Le 15
juillet 1974, un juge d'une cour provinciale a émis
un nouveau mandat d'incarcération par suite de la
suspension bien qu'à cette date l'intimé était déjà
de retour au pénitencier.
La Commission nationale des libérations condi-
tionnelles, conformément au paragraphe 16(4), a
révoqué la surveillance obligatoire le 3 septembre
1974.
Le paragraphe 20(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus prévoit que:
20. (1) Lorsque la libération conditionnelle accordée à un
détenu a été révoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au
lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester
en liberté au moment où la libération conditionnelle lui était
accordée, pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement
qui n'était pas encore expirée au moment où la libération
conditionnelle lui était accordée, y compris toute période de
réduction de peine alors inscrite à son crédit, notamment la
réduction de peine méritée, moins toute période passée sous
garde par suite d'une suspension de sa libération conditionnelle.
Comme conséquence du paragraphe 20(1), un
détenu dont la libération conditionnelle a été révo-
quée est incarcéré de nouveau dans le pénitencier
d'où il avait été libérés. Si, comme c'est le cas en
l'espèce, le détenu est déjà sous garde au péniten-
(2) Un détenu à liberté conditionnelle arrêté en vertu d'un
mandat émis aux termes du présent article doit être amené,
aussitôt que la chose est commodément possible, devant un
magistrat. Ce dernier doit renvoyer le détenu sous garde
jusqu'à ce que la suspension de sa libération conditionnelle
soit annulée ou que sa libération conditionnelle soit révoquée
ou frappée de déchéance.
(3) La personne par laquelle un mandat est signé en
conformité du paragraphe (1) ou toute autre personne dési-
gnée par la Commission à cette fin doit, immédiatement
après le renvoi sous garde par un magistrat du détenu à
liberté conditionnelle y désigné, examiner le cas et dans les
quatorze jours à compter de ce renvoi doit, soit annuler la
suspension de sa libération conditionnelle soit renvoyer l'af-
faire à la Commission.
(4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas
d'un détenu à liberté conditionnelle dont la libération condi-
tionnelle a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer
toutes les enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et
immédiatement après que ces enquêtes et cet examen sont
terminés, elle doit soit annuler la suspension, soit révoquer la
libération conditionnelle.
(5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent
article est censé purger sa sentence.
5 En l'espèce, bien sûr, c'est la durée de la surveillance
obligatoire qui a été révoquée mais à cause du paragraphe
15(2), le résultat est le même.
cier d'où il a été libéré, il n'est pas nécessaire de
procéder à une nouvelle incarcération 6 . A partir de
la révocation, sa situation au pénitencier change,
et d'une personne sous garde pendant une période
indéterminée par suite de la suspension de sa
surveillance obligatoire, il devient un détenu con-
damné pour une période déterminée, à savoir la
partie de- la période d'emprisonnement (y compris
la réduction de peine) qu'il lui restait à purger au
moment où il a été libéré sous surveillance obliga-
toire moins la période passée sous garde pendant la
suspension. Donc en l'espèce, l'intimé devait
purger une peine d'une durée égale à la réduction
de peine inscrite à son crédit au moment de sa
libération moins le temps qu'il a passé sous garde
par suite de la suspension.
Pour bien comprendre le point contesté dans cet
appel, il est nécessaire de se reporter au paragra-
phe 22(1) de la Loi sur les pénitenciers, que voici:
22. (1) Quiconque est condamné ou envoyé au pénitencier
pour une période déterminée doit, dès sa réception à un péni-
tencier, bénéficier d'une réduction statutaire de peine équiva-
lant au quart de la période pour laquelle il a été condamné ou
envoyé au pénitencier, à titre de remise de peine sous réserve de
bonne conduite.
Si je comprends bien, dans le calcul de la durée
pendant laquelle l'intimé devait être incarcéré, on
ne lui a pas permis de bénéficier de la réduction
statutaire de peine pour la période allant du 13
juillet 1974 au 13 janvier 1975. La date du 13
janvier 1975 importe car c'est ce jour où a été émis
un mandat d'incarcération à la suite de la révoca-
tion de la surveillance obligatoire. Un tel mandat
n'était cependant pas nécessaire car l'intimé était
déjà au pénitencier et l'avocat de l'appelante a
admis qu'aux fins de sa demande, la date perti-
nente est le 3 septembre 1974, jour de la révoca-
tion, plutôt que le 13 janvier 1975. L'appelante a
allégué que l'intimé n'avait pas droit à une réduc-
tion statutaire de peine à l'égard du temps passé
sous garde pendant la suspension de sa libération,
du 13 juillet 1974 au 3 septembre de la même
année. D'un autre côté, l'intimé prétend que si l'on
interprète la Loi correctement, il avait droit à la
6 In re Hanna (jugement non encore publié de la Cour
d'appel de l'Ontario, rendu le 13 aoft 1975.)
réduction statutaire pendant la période susmen-
tionnée.
Selon toute probabilité, au cours d'une période
de suspension de la libération conditionnelle ou de
la surveillance obligatoire, le détenu en question
serait habituellement incarcéré dans une prison
locale ou autre endroit de réclusion et non au
pénitencier où il sera finalement renvoyé après la
révocation. La durée de sa réincarcération serait
ainsi fixée avant son retour. Et à mon avis, c'est à
l'égard de la période ainsi calculée conformément
au paragraphe 20(1) de la Loi sur la libération
conditionnelle de détenus qu'on doit lui accorder
une réduction statutaire de peine dès sa réception
au pénitencier. Il me semble qu'à toutes fins prati-
ques, le fait qu'un détenu, pendant la période de
suspension de sa libération, ait pu être sous garde
au pénitencier même où il aurait par ailleurs été
écroué ne devrait pas influer sur la réduction
statutaire de peine qu'on lui accorde. Dans de
telles circonstances, il faut interpréter le paragra-
phe 22(1) de la Loi sur les pénitenciers comme
prescrivant que la rémission statutaire de peine
doit être accordée à la date de la révocation, en
tenant compte que lorsque le détenu a été envoyé
au pénitencier après la suspension de sa libération,
il n'avait pas été davantage condamné pour une
période déterminée que ne le serait un détenu
incarcéré dans une prison locale après la suspen
sion de sa libération'. Exiger que le détenu bénéfi-
cie de la réduction statutaire de peine à partir de la
révocation de sa libération me semble tout à fait
conforme à l'objet du paragraphe 22(1) de la Loi
sur les pénitenciers lu de concert avec le paragra-
phe 20(1) de la Loi sur la libération conditionnelle
de détenus. Donc, il semble qu'en l'espèce ce soit
la façon appropriée d'accorder à l'intimé la réduc-
tion statutaire de peine.
Au cours du débat, on a attaché grande impor
tance à l'application possible du paragraphe 16(5)
de la Loi sur la libération conditionnelle de déte-
nus. On a argué que lorsque l'intimé était sous
garde pendant la suspension de sa libération, il
était censé purger sa première peine, qui était pour
une période déterminée. Il est vrai qu'en vertu du
Le procureur général du Canada c. Quocksister (une déci-
sion non encore publiée de la Cour d'appel de la Colombie-Bri-
tannique rendue le 22 juillet 1975).
paragraphe 16(5) on considère que le détenu purge
sa première peine, donc qu'il y satisfait, bien que le
détenu à liberté conditionnelle ou sous surveillance
obligatoire soit sous garde, non en vertu de cette
peine, mais en vertu de la suspension et par consé-
quent il bénéficie du temps passé sous garde si la
suspension est annulée. Si d'un autre côté, la sur
veillance obligatoire est révoquée, le paragraphe
20(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus prend effet; dans le calcul de la durée de
la peine à purger par suite de la nouvelle incarcé-
ration, on tient compte du temps passé sous garde
en le soustrayant de la partie de la peine y compris
la réduction de peine, qui n'était pas encore expi
rée au moment de la libération. Aux fins de la
réduction statutaire, la révocation marque un nou-
veau point de départ.
En l'espèce, il n'est pas question de réduction de
peine méritée. Cependant, en ce qui concerne le
bénéfice d'une réduction méritée dans un cas
comme celui-ci, je renvoie simplement à l'article
24 de la Loi sur les pénitenciers.
J'accueillerais l'appel et annulerais l'ordonnance
rendue par le savant juge de première instance. J'y
substituerais un jugement déclaratoire portant que
le 3 septembre 1974 est la date à laquelle l'intimé
a été envoyé au pénitencier pour une période déter-
minée aux fins du paragraphe 22(1) de la Loi sur
les pénitenciers et du calcul de la partie de sa
peine non encore purgée.
L'avocat de l'appelante s'est déclaré conscient
de la difficulté des questions en cause et il a
affirmé que les autorités pénitentiaires souhaitent
les solutionner. Pour cette raison, je n'accorderais
aucuns dépens et ne modifierais pas la décision du
savant juge de première instance à cet égard.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
■ • ■
LE JUGE LE SAIN: Je souscris.
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