A-275-74
Wolf W. Gruber (Appelant)
c.
La Reine, représentée par le président du conseil
du Trésor (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges
Pratte et Ryan—Ottawa, le 4 juin 1975.
Fonction publique—Indemnité de règlement payée à un
fonctionnaire aux termes de la convention collective Ne
rentre pas dans la composition du salaire pour le calcul des
prestations de la pension de retraite—Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art.
58—Loi sur la pension de la Fonction publique, S.R.C. 1970,
c. P-36, art. 2(1) et 10.
La convention collective conclue conformément à la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique entre le
conseil du Trésor et l'Institut professionnel du service public du
Canada, agent négociateur pour un groupe de professionnels,
prévoyait une indemnité de règlement relative aux fonctions
exercées et à la rémunération. En sa qualité de membre du
groupe, le demandeur toucha $3,600. On n'en déduisit aucune
cotisation au titre de la pension de retraite. En prenant sa
retraite en 1972, le demandeur avait droit, en vertu de la Loi
sur la pension de la Fonction publique, à une pension calculée
sur le traitement annuel moyen des six années de service de son
choix ouvrant droit à une pension. Le demandeur choisit la
période 1966 1972 et demanda que le montant de l'indemnité
de règlement qu'on lui avait versé en 1970 soit inclus dans le
calcul de son traitement aux fins des prestations de pension de
retraite.
Arrêt: l'appel est accueilli; une augmentation rétroactive du
traitement au sein de la Fonction publique constitue une indem-
nité. Même si cette indemnité est autorisée ou convenue après
que le fonctionnaire a exécuté les services en contrepartie
desquels il a été rémunéré, elle n'en constitue pas moins une
rémunération de ces services. Toute somme versée à l'employé à
même les fonds publics ne peut se justifier que comme rémuné-
ration des services rendus. Il n'y a aucune différence entre une
augmentation de traitement valable pour l'avenir et une aug
mentation rétroactive et le fait de donner un nom fantaisiste à
une augmentation rétroactive du traitement ne change pas la
situation. L'intimée se fonde sur la référence aux «fonctions
régulières de son poste» à l'article 2(1), mais l'appelant
n'exerça, semble-t-il, que les «fonctions régulières» de son poste
en contrepartie de quoi il reçut les montants en cause.
Arrêts examinés: Curran c. M.R.N. [1959] R.C.S. 850 et
Fullerton c. M.R.N. [1939] R.C.E. 13.
APPEL.
AVOCATS:
M. W. Wright, c.r., et L. Gilbert pour
l'appelant.
R. G. Vincent pour l'intimée.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady et Morin, Ottawa, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'un jugement de la Division de première instance'
rejetant une demande de jugement déclaratoire
portant que certains montants reçus par l'appelant
constituent un «traitement» pour l'exercice de fonc-
tions dans la Fonction publique et «doivent être
considérés comme traitement aux fins du calcul de
la pension à laquelle il a droit» en vertu de la Loi
sur la pension de la Fonction publique 2 .
L'unique question soulevée dans cet appel est de
savoir si certains montants reçus par l'appelant en
vertu d'une convention collective constituent «un
traitement» au sens de ce terme à l'article 2(1) de
la Loi sur la pension de la Fonction publique dont
voici un extrait pertinent:
«traitement», relativement à la Fonction publique, désigne la
rémunération reçue par la personne que vise l'expression
pour l'exercice des fonctions régulières d'un poste ou d'une
charge, et, relativement à la force régulière ou à la Gendar-
merie, désigne la solde ou la solde et les allocations, selon le
cas, applicables quant à cette personne, déterminées en vertu
de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes
I [1974]'2 C.F. 384.
2 A l'audience, les avocats ont convenu que, dans l'éventualité
d'un jugement dans ce sens, l'opération comptable réclamée
dans la déclaration serait inutile puisque les parties pourraient
calculer le montant révisé de la pension payable à l'appelant.
ou de la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie
royale du Canada , .
En vertu de ladite convention collective, signée
le 4 novembre 1969 par le Gouvernement du
Canada et le syndicat auquel appartenait l'appe-
lant il fut convenu qu'à compter du ler juillet 1969,
les taux de traitement seraient établis suivant le
barème de l'annexe A-1 de la convention; à titre
d'employé, l'appelant bénéficiait d'«une indemnité
du règlement» égale à 7 pour 100 de son (ou ses)
taux de rémunération entre le l er juillet 1967 et le
30 juin 1968 et à 14.49 pour 100 de son (ou ses)
taux de rémunération entre le l er juillet 1968 et le
30 juin 1969, la condition qu'il ait reçu pour
l'une ou l'autre de ces périodes de paye au moins
10 jours de rémunération. De plus, la convention
collective prévoyait que certains employés, dont
l'appelant, recevraient une «somme forfaitaire»
égale à 2 3 / 4 pour 100 du taux qu'il touchait le ler
juillet 1969, pour la période se terminant le 30
juin 1970.
En vertu de la convention collective, l'appelant a
reçu $3,231.08 au titre de l'«indémnité de règle-
ment» et $412.64 au titre de «somme forfaitaire»,
en plus
a) de la part de rétroactivité du nouveau
barème, probablement plus avantageux, applica
ble à la période allant du l er juillet 1969 la
date de la signature de la convention collective,
soit le 4 novembre 1969, et
3 Il est vrai qu'en vertu de l'article 10 de la Loi, le multiplica-
teur, où apparaît le mot «traitement», correspond au «traitement
annuel moyen reçu par le contributeur au cours de toute
période de six ans». A mon avis, toutefois, il s'agit du traitement
moyen (rémunération) pour une période donnée, calculé sur
une base «annuelle», par opposition à une base mensuelle ou
hebdomadaire. A mon sens, le mot «annuel» ne signifie pas que
la base de calcul est le taux de base «annuel». Mon point de vue
est corroboré par le paragraphe 10 du mémoire déposé par
l'intimée devant la présente cour, dont voici l'énoncé:
[TRADUCTION] 10. L'introduction du concept de «traitement
annuel» à l'article 10 exige qu'aux fins du calcul du montant
de la pension, l'on regroupe tous les montants versés à
l'appelant à titre de rémunération pour l'exercice de ses
fonctions régulières. Les paiements irréguliers qui ne consti
tuent pas une rémunération pour l'exercice de fonctions
régulières ne feraient pas partie du traitement annuel.
Notons que, selon la prétention de l'avocat de l'intimée, sont
exclus les paiements irréguliers «qui ne constituent pas une
rémunération pour l'exercice de fonctions régulières». (C'est
moi qui souligne.)
b) du traitement, applicable dans l'avenir, cor-
respondant audit nouveau barème.
Le gouvernement soutient que ces deux paie-
ments spéciaux—c'est-à-dire les montants de
$3,231.08 et de $412.64—ne font pas partie de la
«rémunération reçue» par l'appelant «pour l'exer-
cice des fonctions régulières» du poste qu'il occupe
au sein de la Fonction publique et, par conséquent,
ne font pas partie de son «traitement» au sens de ce
terme dans la Loi sur la pension de la Fonction
publique. Ce point de vue fut suivi par le savant
juge de première instance. En toute déférence, je
ne puis souscrire à cette prétention.
En stricte analyse, selon moi, une augmentation
rétroactive du «traitement» au sein de la Fonction
publique constitué une «indemnité». Lorsque le
fonctionnaire exécute les tâches requises par les
fonctions de son poste, on lui paie un traitement
(rémunération) qui lui revient de plein droit en
contrepartie de ces services. Lorsque les taux de
rémunération sont augmentés rétroactivement, il
reçoit en fait un montant supplémentaire dûment
autorisé ou une «indemnité» à l'égard de ces servi
ces. Même si une telle indemnité est autorisée ou
convenue après coup, elle n'en constitue pas moins
un paiement (rémunération) versé en contrepartie
de ces services même si ces derniers ont déjà été
rendus. Ces paiements sont pris sur les fonds affec
tés aux traitements versés par la Fonction publique
et toute somme versée à l'employé à même les
fonds publics ne peut se justifier que comme rému-
nération des services rendus par celui-ci au gouver-
nement. A mon avis, la situation ne change pas du
seul fait que l'on désigne un paiement rétroactif
d'un nom particulier, tel qu'«indemnité de règle-
ment» ou «somme forfaitaire». Nous devons tenir
compte du fond, sans nous laisser leurrer par les
mots utilisés, (comparer avec l'arrêt Curran c.
M.R.N. 4 ) ni non plus, à mon avis, par le fait
qu'une indemnité est qualifiée d'indemnité «de
règlement». A mon avis, toute concession aux sou-
haits ou aux demandes d'une partie n'est faite
qu'en vue de parvenir à un «règlement». De ce
point de vue, je ne vois aucune différence entre les
augmentations de traitement valables pour l'avenir
et les augmentations rétroactives et, à mon avis, le
4 [1959] R.C.S. 850.
fait de donner un nom fantaisiste à une augmenta
tion rétroactive du traitement ne change pas la
situation.'
L'intimée se fonde sur l'énoncé de la définition
du terme «traitement», notamment la référence à
la rémunération pour l'exercice de «fonctions régu-
lières» d'un poste. Aucun des faits en l'espèce ne
permet, à mon avis, d'invoquer ces termes. A notre
connaissance, l'appelant n'exerça que des «fonc-
tions régulières» de son poste en contrepartie de
quoi il reçut les montants en cause.
A mon avis, l'appel devrait être accueilli et
l'intimée devrait payer à l'appelant ses dépens (en
appel et en Division de première instance); il fau-
drait en outre déclarer que les montants de
$3,231.08 et $412.64 versés à l'appelant en vertu
des articles 20.02 et 20.08, respectivement, de la
convention collective signée par le conseil du
Trésor et l'Institut professionnel du Service public
du Canada pour le «Groupe génie et arpentage
(tous les employés)», constituent un traitement
versé à l'appelant en contrepartie de son travail au
sein de la Fonction publique du Canada et doivent
être inclus dans son traitement aux fins du calcul
de la pension à laquelle il a droit en vertu de la Loi
sur la pension de la Fonction publique.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
5 A mon avis, il n'y a en l'espèce aucune ambiguïté qui, pour
déterminer le sens de la Loi sur la pension de la Fonction
publique, nous obligerait à nous reporter à la preuve relative au
point de vue des parties quant à l'effet de la convention.
Comparer avec l'arrêt Fullerton c. M.R.N. [1939] R.C.É. 13.
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