A-110-73
J. E. Brynjolfson (Appelant)
c.
Clay's Wharf and Arrawac Charters Ltd.
(Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Urie—Vancouver, les 19 et 20 février
1975.
Droit maritime—Charte-partie—Navire endommagé par la
faute de l'affréteur—Le propriétaire dépose une réclamation
en dommages-intérêts—Effet de la clause d'assurance—Loi
sur la Cour fédérale, art. 52.
En 1972, un navire fut affrété verbalement à l'appelant par
l'intimée à des conditions semblables à celles d'une charte-par-
tie écrite entre les parties en 1971 relative à un navire similaire.
Pendant la durée de la charte-partie de 1972, le navire a été
endommagé lorsqu'il a échoué sur un rocher. A la conclusion de
l'action intentée par l'intimée contre l'appelant, le juge de
première instance conclut que ce dernier était responsable des
dommages puisqu'ils résultaient de sa faute. Le juge conclut en
outre qu'une «clause d'assurance», qui tire son origine de la
charte-partie écrite de 1971, ne pouvait jouer en faveur de
l'appelant. Compte tenu de cette opinion, le juge ne trancha pas
la question controversée de savoir si la clause portait la mention
«annulée» avant la signature des parties. L'appelant ne conteste
pas la conclusion quant à sa responsabilité; l'appel ne porte
donc que sur la «clause d'assurance».
Arrêt: l'appel est accueilli; il faut interpréter la «clause
d'assurance» comme exonérant implicitement l'appelant de
toute responsabilité à l'égard de l'intimée pour tout dommage
subi par le navire pendant la durée de la charte-partie, à
l'exception des cas de responsabilité prévus dans ladite clause.
Il faudrait en arriver à une conclusion de fait pour décider si la
clause figurait à la charte-partie de 1971. L'affaire est renvoyée
à la Division de première instance pour la poursuite du procès
sur les questions qu'il reste à trancher.
Arrêt discuté: Castellain c. Preston (1883) 11 Q.B.D. 380.
APPEL.
AVOCATS:
W. J. Wallace, c.r., pour l'appelant.
R. V. Burns pour l'intimée.
PROCUREURS:
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour
l'appelant.
Macrae, Montgomery, Spring & Cunning-
ham, Vancouver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit d'un appel
d'une décision de la Division de première instance
indemnisant l'intimée, avec intérêts et dépens,
pour les dommages subis par un navire affrété à
l'appelant et endommagé pendant la durée de la
charte-partie à la suite de l'échouement du navire
sur un rocher.
Le navire fut affrété verbalement à l'appelant en
1972, aux mêmes conditions que celles d'une
charte-partie écrite relative à un navire similaire
affrété par l'intimée en 1971, excepté ce qui con-
cerne la Location à la journée I. La charte-partie
comprenait une clause se lisant comme suit:
[TRADUCTION] 4. ASSURANCE: il est entendu et accepté que le
navire est assuré par le propriétaire pour sa pleine valeur
marchande contre le feu, les risques et les abordages maritimes,
conformément au Canadian Hulls (Pacific) Clauses 1953, sous
réserve, toutefois, du paiement par l'affréteur pour chaque
réclamation distincte, de la somme de $250 déductible du
montant de l'assurance précitée; l'affréteur consent en particu-
lier par les présentes à payer au propriétaire chacune des
réclamations individuelles; TOUTEFOIS l'affréteur endosse la
responsabilité des dommages causés au navire ou de sa perte
ainsi que du remplacement ou de la remise en état des machi
nes, de l'équipement, de l'ameublement endommagés personnel-
lement par l'affréteur ou par toute personne à bord du navire
pendant la durée de la charte-partie, si lesdits dommages ou
pertes ne sont pas couverts par ladite assurance.
Toutefois les parties ne se sont pas mises d'accord
sur la question de savoir si cette clause portait la
mention «annulée» avant la signature du contrat
rédigé selon une formule-type de charte-partie et
soumis à l'appelant pour qu'il la signe. La copie
soumise en preuve dans cette action par l'intimée
portait la même mention et l'appelant ne fut pas
en mesure de produire la copie qui lui avait été
remise au moment de la charte-partie de 1971.
Compte tenu de son opinion sur l'effet de la clause
d'«assurance», le savant juge de première instance
ne trancha pas la question de savoir à quel moment
la clause figurant sur la copie de l'intimée avait été
ainsi timbrée, cette question dépendant, du moins
en partie, de la crédibilité des divers témoins
entendus sur cette question.
La Division de première instance conclut que les
dommages incriminés résultaient de la faute de
I Les parties ne s'étaient pas mises d'accord sur ce point en
première instance, mais l'ont admis au cours des débats en
appel devant cette cour.
l'appelant et cette conclusion ne fut pas contestée
devant la présente cour.
Sans tenir compte de la clause d'«assurance»
précitée, les parties ont admis devant cette cour
que l'appelant était responsable de l'accident,
comme l'avait conclu la Division de première ins
tance. Il s'agit en effet d'un cas de responsabilité
ordinaire pour manquement à livrer l'objet du
dépôt, à la fin de celui-ci, cette obligation étant
spécifiquement prévue dans la charte-partie de
1971 (paragraphe 5d)) sous la forme de l'obliga-
tion expresse pour l'appelant de remettre le navire,
à l'expiration de la charte-partie, [TRADUCTION]
«dans le même état que lors de la livraison, à
l'exception de l'usure ordinaire». Cette responsabi-
lité résulterait aussi à mon avis, selon les conclu
sions rendues dans cette affaire, du second moyen
de la déclaration, savoir la négligence.
Devant la présente cour, le jugement en appel
n'est contesté qu'à l'égard de la clause d'assurance.
Comme je l'ai déjà indiqué, le savant juge de
première instance a conclu que cette clause ne
pouvait jouer en faveur de l'appelant. Voici son
raisonnement:
Si l'on interprète correctement cette clause,- l'affréteur n'est
pas assuré, mais seulement responsable. La première partie de
la clause prévoit uniquement l'assurance du propriétaire;
c'est-à-dire, l'assurance du propriétaire contre certains risques
pour lesquels ce dernier recouvre la perte qu'il subit, sous
réserve d'une déduction de $250, pour chaque réclamation
distincte, déduction que l'affréteur a expressément consenti à
payer. Tout assureur a un droit de subrogation dans une action
intentée par le propriétaire contre l'affréteur en cas de faute
(Castellain c. Preston (1883) 11 Q.B.D. 380). Aucune clause
ne vient exclure le droit de subrogation de l'assureur; par
conséquent, ce droit de subrogation demeure. Donc la première
partie de la clause 4 ne prévoit pas d'assurance pour l'affréteur
mais, au contraire, l'oblige à verser $250, indépendamment de
la faute, et prévoit implicitement sa responsabilité par subroga-
tion pour faute.
La dernière partie de la clause 4 se réfère expressément à
l'«assurance précitée», c'est-à-dire l'assurance du propriétaire,
et présente certaines réserves «si lesdits dommages ou pertes ne
sont pas couverts par ladite assurance»; dans ce cas l'affréteur
est responsable de tout dommage ou de toute perte causée
«personnellement par l'affréteur ou par toute personne à bord
du navire». Ceci impose une autre responsabilité à l'affréteur,
indépendamment de la faute, mais aucune disposition de l'assu-
rance ne prévoit que l'affréteur est l'assuré. Par conséquent, le
défendeur, en lisant correctement la clause, ne pouvait en
aucune manière se considérer assuré.
Je souscris au raisonnement du savant juge de
première instance selon lequel la clause d'«assu-
rance» (dans la mesure où elle était intégrée au
contrat conclu par les parties) ne prévoit pas d'as-
surance pour l'appelant à titre d'affréteur. Je con-
viens aussi qu'en ce qui concerne l'intimée en
qualité de propriétaire et l'appelant en qualité
d'affréteur, la clause ne fait qu'énoncer
expressément:
a) l'existence de l'obligation pour l'appelant de
verser à l'intimée «la franchise» de $250 dans
certaines circonstances, et
b) l'obligation pour l'appelant de réparer tous
dommages ou perte du navire, etc. causés «per-
sonnellement par l'affréteur ou par toute per-
sonne à bord du navire ... pendant la durée de
la charte-partie», lorsque ces risques ne sont pas
«couverts par ladite assurance».
Il convient de signaler toutefois qu'en prévoyant
spécifiquement l'obligation de l'affréteur de payer
au propriétaire la «franchise» en cas de dommage
causé au navire, la charte-partie stipule que l'af-
fréteur doit verser une partie de la somme qu'il
serait tenu de payer dans sa totalité si la clause
d'«assurance» n'existait pas. En outre, en ajoutant
expressément que l'affréteur endosse la responsabi-
lité de tout dommage causé à un navire ou de sa
perte, s'ils sont causés personnellement par l'affré-
teur ou par toute personne à bord du navire (ce qui
semble impliquer une faute) et dans le cas où ils ne
sont pas couverts par l'assurance souscrite à
l'égard du navire par le propriétaire, comme c'est
«entendu et accepté», la charte-partie exige expres-
sément que l'affréteur verse, sous réserve de cer-
taines conditions, des montants qu'il serait tenu de
payer, que ces conditions soient ou non remplies,
si la clause d'«assurance» n'existait pas. Il faut
signaler en outre que la charte-partie est préparée
par le propriétaire selon une formule-type servant
de contrat avec ses clients, qui le plus souvent
seront des profanes, et qu'elle est rédigée de
manière à faire croire au client qui la lit à la hâte
que, sous réserve d'obligations expresses imposées
par ladite clause, il ne serait pas tenu responsable
en cas de perte ou de dommage au navire puisque
cette perte ou ce dommage seraient couverts par
l'assurance fournie par le propriétaire. Dans les
circonstances, malgré certaines incertitudes, je dois
conclure que la clause d'«assurance» exonère impli-
citement l'appelant de toute responsabilité à
l'égard de l'intimée relativement à la perte du
navire ou à un dommage causé à celui-ci pendant
la durée de la charte-partie à l'exception des cas de
responsabilité prévus expressément par ladite
clause.
Compte tenu de cette opinion quant à l'effet de
la clause d'«assurance», il est alors nécessaire de
décider si cette clause figurait à la charte-partie de
1971. Toute réponse à cette question implique une
conclusion de fait qui dépend, en partie du moins,
de la crédibilité de témoins que nous n'avons pas
entendus.
Je suis donc d'avis que l'appel devrait être
accueilli avec dépens, que le jugement de la Divi
sion de première instance devrait être annulé et
qu'en vertu de l'article 52b)(ii) de la Loi sur la
Cour fédérale, il faudrait déclarer que la clause
d'«assurance» de la charte-partie de 1971, en fonc-
tion de laquelle fut rédigée la charte-partie en
cause, avait pour effet d'exonérer implicitement
l'appelant de toute responsabilité à l'égard de l'in-
timée pour la perte du navire affrété ou pour tout
dommage subi par ce dernier pendant la durée de
la charte-partie, à l'exception des cas de responsa-
bilité expressément prévus dans ladite clause et
qu'autrement, les conclusions de la Division de
première instance étaient correctes; conformément
à la même disposition, l'affaire devrait être ren-
voyée à la Division de première instance pour la
poursuite du procès sur les questions qu'il reste à
trancher, en fonction des présentes déclarations.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je souscris.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris.
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