A-94-75
Central Broadcasting Company Ltd. (Requérante)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail et la
Fraternité internationale des ouvriers en électri-
cité, section locale n° 529 (Intimés)
Cour d'appel, le juge Pratte, les juges suppléants
Smith et Maguire Saskatoon, du 12 au 14 mai
1975.
Examen judiciaire—Décision du Conseil canadien des rela
tions du travail portant que la requérante a enfreint les
dispositions du Code canadien du travail en renvoyant des
employés—Code canadien du travail, S.C. 1972, c. 18, art.
184(3)a) (i).
La requérante demande l'annulation d'une décision du Con-
seil canadien des relations du travail portant qu'elle a enfreint
l'article 184(3)a)(i) du Code canadien du travail en renvoyant
21 employés. La requérante soutient: (1) que les employés
n'étaient pas membres du syndicat, et ne pouvaient donc pas
avoir été renvoyés pour cette raison; (2) que la décision se
fondait sur un rapport d'un commissaire-conciliateur qui n'au-
rait pas dû être soumis au Conseil; (3) que la décision se
fondait sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte de
la preuve soumise; (4) que le président a fait preuve d'un
manque d'objectivité.
Arrêt: la requête est rejetée. (1) Les employés, leur
employeur et l'agent du syndicat pensaient que lesdits employés
avaient effectivement adhéré au syndicat. Le fait qu'ils ne
l'aient peut-être pas fait, pour des raisons d'ordre technique ou
juridique, n'est pas pertinent. (2) Rien ne permet de supposer
que le Conseil a examiné le rapport. (3) Vu la preuve, une
personne raisonnable, au fait du droit applicable, aurait conclu
que la requérante avait enfreint l'article 184(3)a)(i). L'article
28 n'autorise pas l'annulation d'une décision pour la simple
raison que la Cour, si elle avait siégé en première instance,
serait parvenue à une conclusion différente. (4) La requérante a
bénéficié d'une audition impartiale.
EXAMEN JUDICIAIRE.
AVOCATS:
D. K. MacPherson, c.r., pour la requérante.
G. Taylor, c.r., pour le syndicat intimé.
J. Baigent et R. Germaine pour le conseil
intimé.
PROCUREURS:
MacPherson, Leslie et Tyerman, Regina,
pour la requérante.
Goldenberg, Taylor et Tallis, Saskatoon, pour
le syndicat intimé.
Gibbons, Rosenbloom, Baigent et Germaine,
Vancouver, pour le conseil intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Cette demande en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale a pour
but d'obtenir l'annulation d'une décision du Con-
seil canadien des relations du travail portant que la
requérante a enfreint les dispositions de l'article
184(3)a)(i) du Code canadien du travail en ren-
voyant vingt et un employés.
L'article 184(3)a)(i) se lit comme suit:
184. (3) Nul employeur et nulle personne agissant pour le
compte d'un employeur ne doit
a) refuser d'embaucher ou de continuer à employer une
personne, ni autrement prendre contre une personne des
mesures discriminatoires en ce qui concerne un emploi ou
une condition d'emploi, parce que cette personne
(i) est membre d'un syndicat.
Le requérant soutient d'abord que les employés
renvoyés n'étaient pas membres du syndicat intimé
et que la cause de leur renvoi ne pouvait donc pas
être leur appartenance à ce syndicat. Pour mieux
comprendre cette prétention, il faut d'abord rappe-
ler que les statuts de la Fraternité internationale
des ouvriers en électricité et les règlements de la
section locale 529 énoncent certaines conditions
qu'une personne doit remplir pour devenir membre
du syndicat; il faut aussi rappeler que, selon la
preuve soumise à l'audience devant le Conseil, on
peut soutenir que les employés renvoyés se sont
joints au syndicat intimé sans remplir toutes ces
conditions.
Cette première prétention doit à notre avis être
rejetée. Les employés en cause avaient fait les
démarches qui leur semblaient nécessaires pour
devenir membres du syndicat. Ils pensaient certai-
nement en être membres; l'employeur partageait
leur opinion et un agent du syndicat affirma qu'ils
en étaient membres. Dans les circonstances, le fait
que pour des raisons juridiques et de procédure les
employés peuvent ne pas avoir été membres du
syndicat intimé n'est pas pertinent à notre avis
pour déterminer si l'employeur, en les congédiant,
a enfreint les dispositions de l'article 184(3)a)(i)
du Code canadien du travail.
Le second moyen soulevé à l'encontre de la
décision du Conseil consistait à dire qu'elle était
fondée sur un dossier qui n'aurait pas dû lui être
soumis, savoir un rapport d'un commissaire-conci-
liateur. Pour répondre rapidement à cette préten-
tion, rien ne permet de supposer, à notre avis,
compte tenu de l'ensemble de la preuve, que le
Conseil a examiné ou même lu ledit rapport.
En troisième lieu, la requérante prétend que la
décision du Conseil n'était pas valide parce qu'elle
était fondée sur une conclusion de fait erronée ne
tenant pas compte de la preuve soumise. A notre
avis, cet argument ne peut être retenu. Le Conseil
disposait d'éléments de preuve grâce auxquels une
personne raisonnable, au fait du droit applicable,
aurait pu conclure que la requérante avait enfreint
les dispositions de l'article 184(3)a)(i). En vertu de
l'article 28, nous ne pouvons annuler une décision
pour la seule raison que si nous avions siégé en
première instance, nous serions parvenus à un
résultat différent.
Enfin, le dernier argument de la requérante
consistait à dire que l'attitude du président du
Conseil pendant l'audition révélait un manque
d'objectivité qui viciait la décision finale du Con-
seil. A notre avis cette prétention n'est pas fondée.
Même si la formulation de certaines remarques du
Conseil, lors de cette audience, laissait à désirer, il
ressort de l'ensemble de la transcription de l'au-
dience tenue devant le Conseil que la requérante a
bénéficié d'une audition équitable à laquelle elle
avait d'ailleurs droit.
Pour tous ces motifs la demande sera rejetée.
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