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T-2940-72
Jean Des Rosiers (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Decary— Montréal, les 15 et 16 mai 1974; le 5 février 1975.
Impôt sur le revenu—Déductions—Le demandeur et d'au- tres personnes constituent une compagnie aux fins d'acheter un immeuble—Location de l'immeuble à titre personnel à la compagnie et sous-location subséquente au nom de la compa- gnie—Pertes d'exploitation—S'agit-il d'une réduction indue ou factice de revenu?—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 11, 12, 27(1)c), 137(1), 138(1) et 138 A —Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, S.C. 1932-33, c. 41, art. 6(2), S.C. 1939-40, 2' session, c. 34, art. 6(2)—Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1948, c. 52, art. 12(2), 125(1)—Loi d'inter- prétation, S.R.C. 1952, c. 158, art. 13.
Le demandeur, employé d'une compagnie de courtage, décida d'acheter un immeuble avec deux autres collègues. Ils constituèrent une compagnie dont tous trois étaient actionnai- res, l'objet premier de cette compagnie étant d'acquérir l'im- meuble. Suite à l'achat, les trois actionnaires louèrent l'immeu- ble à titre personnel à la compagnie en vertu d'un «net net lease». Les co-actionnaires entreprirent alors de sous-louer l'im- meuble. Puisqu'ils étaient tous trois courtiers et qu'ils n'au- raient pu obtenir l'aide d'autres courtiers pour trouver des sous-locataires si l'on avait su qu'ils étaient locataires, ils sous-louèrent l'immeuble au nom de la compagnie. La sous- location présenta des difficultés; en 1968 et 1969, les dépenses excédèrent les revenus provenant de la location, ce qui entraîna des pertes d'exploitation. Chaque actionnaire imputa le 1 de ces pertes à son revenu provenant d'autres sources en vertu de l'article 27(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Subséquem- ment, le demandeur acheta à perte les actions des deux autres. La Commission de révision de l'impôt conclut qu'en vertu de l'article 137(1), de telles déductions réduisaient indûment et de façon factice le revenu du demandeur, décision dont ce dernier interjeta appel.
Arrêt: l'appel est accueilli; aux fins de l'article 137(1) c'est le caractère même du motif du débours ou de la dépense, c'est-à- dire l'affaire ou l'opération, qui détermine si une déduction entraîne une réduction indue ou factice. C'est donc ce caractère découlant de l'affaire ou de l'opération qu'il faut retenir pour décider ce qui est indu ou factice. C'est l'affaire ou l'opération qui caractérise la déduction et ce caractère provient des mots «réduirait indûment ou de façon factice le revenu». L'article 137(1) porte sur une «affaire ou opération» par opposition à «une opération ou série d'opérations», termes utilisés à l'article 138(1); en l'espèce, il s'agissait d'une série d'opérations. Les faits ne permettent pas de conférer à l'opération un caractère Factice ou indu. Il n'est pas question d'opération fictive ou de fraude, il n'y a non plus aucune preuve de «dissimulation» ou «d'évasion».
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
H.-P. Lemay, c.r., et M. Gilbert pour le demandeur.
B. Schneiderman et C. Bonneau pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lemay, Paquin & Gilbert, Montréal, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DECARY: Il s'agit de déterminer si une perte subie par trois actionnaires d'une compagnie propriétaire d'un immeuble, à cause de dépenses encourues par eux en tant que locataires dudit immeuble, est une perte déductible aux fins de l'article 27(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le Bureau de Revision de l'Impôt a jugé que la déduction de ces dépenses avait réduit indûment et de façon factice le revenu du demandeur.
Le demandeur en a appelé devant cette Cour de cette décision du Bureau de Revision de l'Impôt. Cet appel est un procès de novo et est, en fait et en droit, un appel de la notification du Ministre.
Le demandeur fut le premier témoin entendu. Il est un comptable agréé, non en exercice, et est un officier de la maison de courtage immobilier Armand Des Rosiers Inc. La maison Armand Des Rosiers Inc. était mandatée pour vendre un immeuble appartenant à Engineering Products of Canada Limited et monsieur Denis de ladite maison de courtage était celui à qui l'exécution de ce mandat avait été confiée vu qu'il est spécialisé dans la vente d'immeubles à fins industrielles depuis de nombreuses années.
La maison Armand Des Rosiers Inc. ne parve- nant pas à vendre l'immeuble et d'un autre côté Engineering Products of Canada Limited rédui- sant son prix, le demandeur considéra et finale- ment décida d'acheter l'immeuble. La compagnie- venderesse consentit un prix de $300,001 aux con ditions suivantes: payer $1.00 comptant et assumer
une hypothèque de $300,000 à un intérêt de 7 1 / 2 % par année.
Le demandeur se joignit à deux courtiers de la maison Armand Des Rosiers Inc. pour acheter l'immeuble, messieurs Denis et Lefebvre qui ne disposaient pas de mêmes moyens financiers que ceux du demandeur. Le demandeur voulut donc se protéger en agissant de telle sorte que lui-même et messieurs Denis et Lefebvre seraient obligés per- sonnellement à faire des paiements. Le plan sui- vant fut établi: une compagnie est incorporée dont l'objet principal est d'être propriétaire de la bâtisse; le demandeur et messieurs Denis et Lefeb- vre deviennent actionnaires de cette compagnie; ils louent personnellement la bâtisse achetée par la compagnie à un loyer établi par un bail net com- prenant, comme tous les baux de cette nature, plusieurs dépenses à être assumées par eux.
La compagnie Placements Ronis Inc. fut incor- porée le 7 mars 1967; le 15 mars 1967 elle acheta l'immeuble; le contrat de vente ne contient aucune clause dérogeant à l'usage; le demandeur, mes sieurs Denis et Lefebvre ont souscrit chacun cent vingt-six actions ordinaires de la valeur nominale de $1.00 chacune de la compagnie pour totaliser un montant de $378 de capital-actions émis et payé sur une capitalisation autorisée de $40,000; le capital émis et payé et même le capital autorisé peuvent sembler, à première vue, être inadéquats à l'achat d'un immeuble de $300,000 mais je crois que les dispositions du bail passé le lendemain entre la compagnie et ses trois actionnaires démon- trent que la capitalisation était, au fait, suffisante pour les fins poursuivies par les actionnaires.
Il est important de noter dès maintenant que la preuve révèle que le loyer établi entre la compa- gnie et les actionnaires équivaut à un loyer normal vu qu'il correspond à la valeur au marché d'un loyer dans l'immeuble. Ce témoignage de l'appe- lant et de monsieur Denis est corroboré par le fait que le loyer des baux consentis dans l'édifice dépassent par seulement cinq ou six sous le pied carré celui payé par l'appelant et ses co-actionnai- res à la compagnie.
Dans le bail entre la compagnie et les co-action- naires, il est prévu que Placements Ronis Inc. servirait de prête-nom pour l'octroi des baux à être donnés. La raison invoquée, pour ce faire, était que les trois actionnaires, étant des courtiers de la maison Des Rosiers, n'auraient pas eu l'aide d'au- tres courtiers pour obtenir des sous-locataires si l'on avait su qu'ils étaient locataires. A mon avis, une telle raison est valable.
Quant à la faible capitalisation de Placements Ronis Inc., je crois que la nature du bail justifie cet état de choses: les actionnaires ont loué toute la bâtisse à un loyer qui tient compte des obligations hypothécaires de la compagnie et conséquemment la compagnie n'avait pas besoin de capital pour faire face à ses obligations puisqu'elles étaient rencontrées par le montant du loyer payé par les trois co-actionnaires.
Le loyer auquel s'étaient engagés de payer les trois co-actionnaires s'est avéré onéreux parce qu'ils n'ont pas pu sous-louer des parties de l'im- meuble aussi rapidement qu'ils avaient escompté le faire. La raison donnée est que l'activité économi- que pré -Expo '67 était terminée.
Placements Ronis Inc. fut partie à un contrat confiant la gérance de l'immeuble à la maison Armand Des Rosiers Inc. Aucun montant ne fut jamais payé à cette maison pour la gérance. Ce contrat aurait normalement être passé entre les trois locataires et Armand Des Rosiers Inc. On a fait grand état de ce fait durant l'audition mais je ne crois pas que ce contrat soit de quelque impor tance que ce soit pour décider de la question.
Pour les années 1968 et 1969 les dépenses encourues par les trois co-locataires excédèrent les revenus de loyer et conséquemment ils ont encouru une perte d'exploitation. Ce sont ces pertes que chacun des trois actionnaires a appliquées, chacun pour un tiers, contre son revenu d'autres sources en vertu des dispositions de l'article 27(1)e) de la Loi.
Le savant procureur du demandeur a prétendu que le fait que Placements Ronis Inc. n'a été que propriétaire recevant un loyer, excédant quelque peu au début ses obligations, n'indique pas que la compagnie n'avait pas sa raison d'être, à savoir être l'unique propriétaire de l'immeuble afin d'évi- ter les ennuis inhérents à la co-propriété et l'indivis
et à l'obligation hypothécaire conjointe et soli- daire. Conséquemment, la création de la compa- gnie n'était pas un élément d'une affaire ou opéra- tion dont la déduction des dépenses ou déboursés y afférents, si permise réduirait indûment ou de façon factice le revenu du demandeur.
Le savant procureur du Ministre a prétendu que le bail aux actionnaires était une opération ou affaire causant une déduction indue et factice du revenu et que les dépenses payées par les locataires étaient des dépenses qui auraient être encou- rues par la compagnie et conséquemment que si la déduction des dépenses était permise, elle réduirait leur revenu indûment et de façon factice; que ces dépenses étaient encourues afin de protéger un bien de nature capital: les actions du demandeur.
Afin de décider si une déduction réduit indû- ment et de façon factice le revenu, je crois qu'il est nécessaire de bien étaler les faits qui me semblent, à moi, pertinents: les témoignages des trois deman- deurs sont substantiellement identiques; il s'est avéré impossible à la maison Armand Des Rosiers Inc. d'exécuter le mandat qui lui avait été confié par Engineering Products of Canada Limited de vendre l'immeuble; le demandeur et messieurs Denis et Lefebvre étudièrent la possibilité d'ache- ter la bâtisse; ils ont examiné les lieux mais, à cause de la présence de machinerie lourde, ils n'ont pu se rendre compte de l'état réel de l'édifice et ils n'ont pas eu recours à des ingénieurs pour ce faire; les lieux n'étaient pas tel qu'ils croyaient et néces- sitèrent des réparations et rénovations comme il s'est avéré par la suite; le demandeur et messieurs Lefebvre et Denis considéraient que tout l'édifice pourrait être loué facilement et que cette opération serait profitable, ce qui s'avéra être une seconde erreur de leur part parce que l'édifice ne fut pas loué entièrement avant la fin de 1968; avant d'ef- fectuer l'achat, le demandeur, messieurs Denis et Lefebvre virent à ce qu'une compagnie soit incor- porée chacun souscrit cent vingt-six actions d'une valeur nominale de un dollar chacune ce qui donne à Placements Ronis Inc. un capital émis et payé de $378 sur un capital autorisé de $40,000; il s'agit d'une capitalisation émise mince, «thin»; le rôle que la compagnie devait jouer: être proprié- taire de l'édifice et le louer aux actionnaires sous forme de «net net lease» afin que la compagnie
puisse rencontrer ses obligations hypothécaires; la bâtisse fut achetée le 15 mars 1967 pour $300,001 payable aux conditions suivantes: payer $1.00 comptant et assumer les obligations d'une créance hypothécaire de $300,000; le lendemain de l'achat, Placements Ronis Inc. louait tout l'immeuble à ses trois actionnaires à un loyer établi suivant les normes d'un «net net lease» équivalent à $1.00 du pied carré; ce montant du loyer était celui du marché comme il s'avère des baux accordés par la compagnie vu que les mêmes locaux furent reloués pour 5 ou 6 sous de plus le pied carré; la compa- gnie agissait comme prête-nom de trois actionnai- res pour la raison que ceux-ci étant tous des agents d'immeuble travaillant pour la même maison, Armand Des Rosiers Inc. et ne voulaient pas que ce fait soit connu afin de pouvoir requérir les services d'agents d'immeuble autres que ceux d'Armand Des Rosiers Inc.; au fait, la première location fut due aux efforts d'une autre compagnie de courtage immobilier; c'est à la fin de 1968 seulement que tout l'immeuble fut loué; les rénova- tions et réparations coûtèrent beaucoup plus que $50,000, somme que le demandeur, messieurs Denis et Lefebvre avaient prévue; les emprunts bancaires et les avances des actionnaires à la com- pagnie devinrent trop coûteux pour deux des actionnaires qui durent vendre leurs actions, à perte, au demandeur parce qu'ils s'étaient endettés au delà de leur capacité de remboursement.
La version française de l'article 137(1) se lit:
137. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un déboursé fait ou d'une dépense contractée, relativement à une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.
Le sujet du verbe réduirait, à mon avis, est le pronom «qui». Bien que l'expression «affaire ou opération» précède immédiatement le pronom «qui», ce pronom tient la place de «déduction» parce que c'est une «déduction» qui réduit le revenu, non une «opération ou affaire». Dans un état de profits et pertes il y a des postes indiquant des déductions mais aucun indiquant des affaires ou opérations. La déduction est constituée par un ou des items de dépense ou déboursé; les dépenses et déboursés sont marqués du caractère de l'affaire ou de l'opération qui les a causés. La dépense ou le déboursé sera déductible ou non selon le caractère de l'affaire ou de l'opération qui en est la cause:
dépense ou déboursé d'une nature courante selon les principes comptables reconnus; dépense ou déboursé déductible en vertu d'une disposition de la loi; dépense ou déboursé d'une nature capital selon les principes comptables reconnus; dépense ou déboursé d'autre nature refusé comme déduc- tion en computant le revenu par une disposition expresse de la loi. Dans chaque cas c'est la cause de la dépense ou du déboursé, c'est-à-dire, l'opéra- tion ou l'affaire, qui détermine si la dépense ou le déboursé peut être admis comme déduction en computant le revenu.
Aux fins de l'article 137(1) c'est donc le carac- tère de la cause du déboursé ou de la dépense, c'est-à-dire, l'affaire ou l'opération, qui détermine si une déduction cause une réduction indue ou factice. Il s'ensuit que ce caractère acquis de l'af- faire ou de l'opération par le déboursé ou la dépense est celui qui doit être retenu pour décider de l'indu ou du factice, étant donné que l'indu ou le factice de l'affaire ou opération est la cause première du déboursé ou de la dépense, lequel déboursé ou dépense est la cause de la déduction, et laquelle déduction est la cause de la réduction.
Quant à l'emploi de l'expression «si elle était permise», il est à noter qu'aux articles 11 et 12 de la Loi, lorsqu'on réfère à «déduction» on emploi les mots «déduction admise>» et «déduction non admise» et non pas «déduction permise» ou «non permise». Le sens de «permettre» qui est de laisser faire ou de ne pas empêcher s'applique à une déduction plutôt qu'à une opération ou affaire. Le verbe «permettre» ne peut pas, à mon avis, s'appli- quer à une affaire ou opération car il n'est pas du ressort du Ministre de permettre ou non une affaire ou opération, mais il est de son ressort de permettre ou non la déduction d'un déboursé ou d'une dépense.
Il faut préciser la signification des mots-clefs «indûment» et «de façon factice» qui donnent le caractère à l'affaire ou à l'opération, lequel carac- tère sera celui qui marquera la réduction.
Dans Robert, Dictionnaire de la langue française:
INDÛMENT: adv... D'une manière indue ... .
INDU, UE: adj... Qui va à l'encontre des exigences de la raison, de la règle, de l'usage ... .
FACTICE: adj... Vx. Qui n'est pas de création naturelle. V. Artificiel, . .
... Mod. Qui est fait artificiellement, à l'imitation de la nature...
... Fig. Qui n'est pas naturel
«Indu» connote l'idée d'être à l'encontre de la raison, de la règle, de l'usage; «factice» connote l'idée de faux.
Voyons maintenant la version anglaise de l'arti- cle 137(1):
137. (1) In computing income for the purposes of this Act, no deduction may be made in respect of a disbursement or expense made or incurred in respect of a transaction or opera tion that, if allowed, would unduly or artificially reduce the income.
La version anglaise de l'article 137(1) emploie le mot «if allowed» lequel mot a également été employé aux articles 11 et 12 de la Loi. Le verbe «to allow» est défini dans The Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles:
Allow: v... 2. To accept as true or valid, to admit 1548... 3. trans. To concede, permit (an action, etc.) 1558... II. Fr. allouer .. .
1. to assign as a right or due-1596; to give, or let any one have, as his share, or as what he needs ME; to portion, endow -1712.
2. To place to one's credit, count to one-1667; hence, to deduct from the debit, to abate -1530; gen. to add or deduct (so much) on account of something not formally appearing 1663....
Je crois qu'il y a une certaine variante entre les deux versions: la version française a employé le mot «permise» bien qu'aux articles 11 et 12 qui traitent des déductions on a employé le mot «admettre». La version anglaise, en employant le verbe «allowed», qui vient du français «allouer», à l'article 137(1) et aux articles 11 et 12, ne laisse aucun doute qu'on réfère à «deduction». Je conclus qu'il faut interpréter les deux versions à l'effet que «permise» se rapporte à «déduction» comme «allowed» se rapporte à «deduction».
Dans la version anglaise les mots-clefs «unduly» et «artificially» sont définis dans The Shorter
Oxford English Dictionary on Historical Principles:
Artificially: Adv. artificial.
Artificial: ... adj. I. Opp. to natural. 1. made by or resulting from art or artifice; not natural. 2. Made by art in imitation of, or as substitute for, what is natural or real 1577. 3. Factitious; hence, feigned, fictitious 1650. 4. Affected 1598.. .
Unduly: ... adv. late ME ... 1. Without due cause or justifi cation; unrightfully, undeservedly. 2. To excess; beyond the due degree 1779 ... .
Quant à la définition de «artificially» je ne crois pas que l'on puisse raisonnablement dire que des dépenses ne sont pas naturelles ou dire qu'elles sont «feigned», mais on peut le dire pour une opération ou une affaire. «Unduly» connote l'idée d'absence de justification ou l'idée d'excès. Ce deuxième sens d'excès n'apparaît pas dans la défi- nition française d'«indûment»; ce sens rejoint l'idée présente à l'article 12(2) de la Loi, à savoir la raisonnabilité du quantum d'une dépense ou d'un déboursé. Dans la version anglaise comme dans la version française, les mots «indûment» et «de façon factice» et les mots «unduly» et «artificially» quali- fient de ce caractère l'opération ou l'affaire, cause des déboursés ou dépenses, et l'opération ou l'af- faire qualifie ces déboursés et dépenses du même caractère; les dépenses et déboursés qualifient de ce même caractère la déduction qui, elle, qualifie, toujours de ce même caractère, la réduction.
Je crois qu'il est impossible d'interpréter cet article autrement qu'en déterminant le caractère de l'affaire ou opération qui a donné lieu à une dépense ou un déboursé, laquelle dépense ou lequel déboursé sera entaché de ce caractère tout comme le sera la déduction réclamée. Je suis donc d'ac- cord avec l'interprétation de l'article 137(1) à l'effet que c'est l'affaire ou l'opération qui caracté- rise la déduction et ce caractère est celui provenant des mots «réduirait indûment ou de façon factice le revenu».
Je crois que l'article 137(1) justifie de recourir au même dictionnaire: Robert, Dictionnaire de la langue française, pour la définition des mots: «affaire», «opération», «permettre».
AFFAIRE: sens (II)
Convention, marché, négociation, tractation, traité, tran saction. Entreprise, opération commerciale, spéculation. Une bonne (elliptiqt. une «affaire»: un marché avantageux) affaire, une affaire d'or. Une mauvaise affaire. Une grosse, une petite affaire. Proposer une affaire à quelqu'un. S'intéresser, prendre part à une affaire. Entreprendre, lancer une affaire. Prendre une affaire en main. Etre à la tête d'une affaire. Administrer, conduire, diriger, gérer une affaire. S'occuper d'une affaire. Conclure, régler, terminer une affaire. L'affaire est dans le sac. V. Sac. Réussir, manquer, rater, une affaire. Se retirer de son affaire. Son affaire va bien, va mal, marche bien, marche mal. Entendre son affaire, connaître son métier.
Je pense que cette définition connote l'idée de différentes étapes d'un plan constituant une «affaire». Ibid:
OPERATION: sens (II) est ainsi défini.—
Démarche de l'esprit, acte ou série d'actes, supposant réflexion et combinaison de moyens* en vue d'obtenir un résultat déterminé. V. Accomplissement, entreprise, exécution, travail. Les opérations essentielles de la médecine (cit. 7) clinique. La première opération en histoire consiste à se mettre à la place des hommes que l'on veut juger (Cf. Entrer, cit. 50). L'analyse est l'opération qui ramène l'objet à des éléments déjà connus (Cf. Intuition, cit. 2). Opérations industrielles, chimiques, pharmaceutiques, techniques. V. Manipulation, traitement. Les opérations qui conduisent de l'obtention de la matière première à la fabrication du produit fini (Cf. Intégra- tion, cit. 1). Machine (cit. 15) qui se charge de la plupart des opérations.
OPERATION: sens (VI) est ainsi défini. —
(XVIII' s.) V. Affaire (II, 1°), spéculation. Opération com- merciale (Cf. Courtier, cit. 4; effet, cit. 40), financière, immo- bilière (Cf. Idéal 2, cit. 23). Opérations de bourse, ventes et achats réalisés dans une bourse* de marchandises ou de valeurs. Opération au comptant, à court terme, à long terme. Combiner une opération. Opération d'envergure (cit. 6), auda- cieuse (Cf. Marché, cit. 28), imprudente, malhonnête. Opéra- tion avantageuse, désastreuse.—Fam. Vous n'avez pas fait une belle opération!—Par anal. La guerre, mauvaise opération et qui ne rapporte rien (Cf. Dommage, cit. 6).— Opération de banque: ensemble des actes juridiques accomplis à l'occasion du commerce des banques. —Opérations comptables, de compta- bilité. Opérations de dépenses et de recettes (Cf. Exercise, cit. 22; et aussi Journal, cit. 1).
Il faut remarquer les expressions: «acte ou série d'actes» au sens (II), et «l'ensemble des actes juri- diques» au sens (VI), car chaque expression con note l'idée de plan et d'étapes d'une opération. Ibid.
PERMETTRE:
Laisser* faire quelque chose, accepter qu'une chose soit, se produise ... , ne pas l'empêcher.
PERMETTRE DE ... :
Suivi de l'infinitif. Donner le droit*, la liberté, le pouvoir de ...
Entre laisser faire quelque chose et donner le droit de faire quelque chose, je choisis le sens «de donner le droit de» pour être retenu pour l'inter- prétation de l'article. Rien dans la Loi permet au Ministre de ne pas reconnaître l'existence juridi- que d'une affaire ou opération, mais les dépenses et déboursés y afférents peuvent être admis, permis, ou non, en computant le revenu.
Dans le Shorter Oxford Dictionary le mot «transaction» est ainsi défini:
Transaction:
[ad. L. transactionem, f. transigere; see prec.] 1. Roman and Civil Law. The adjustment of a dispute between parties by mutual concession; compromise; hence gen. an arrangement, an agreement, a covenant. Now Hist. exc. as in 3b. 2. The action of transacting or fact of being transacted —1655. 3. That which is or .has been transacted; a piece of business; in pl. doings, proceedings, dealings —1647. b. Theol. In ref. to the Atonement, `transaction' has senses ranging from 1 to 3. (In sense 1 chiefly in deprecation.) 1861. 4. The action of passing or making over a thing from one person, thing, or state to another —1691. 5. pl. The record of its proceedings published by a learned society. Rarely in sing. —1665.
3. Discoursing of the Court of France, and the transactions there Clarendon. Hence Transactional a., ly adv.
Ibid.
Transact:
v. 1584. [f. L. transact—, transigere to drive through, accom plish, f. TRANS — f agree to drive, do, act.] 1. intr. To carry through negotiations; to have dealings, do business; to treat; also, to manage or settle affairs. Now rare. b. fig. (usu. dyslogistic.) To have to do, to compromise 1888. 2. trans. To carry through, perform (an action, etc.); to manage (an affair); now esp. to carry on, do (business) 1635. 3. To deal in or with; to traffic in, negotiate about; to handle, treat; to discuss. arch. 1654. 4. To transfer —1889. 1.b. In his criticism.. he seems to us a little to 't.' with cant 1890. 2. A country fully stocked in proportion to all the business it had to t. Adam Smith.
Je crois que le deuxième sens de «transaction»: «the action of transacting» et le troisième sens: «that which has been transacted; a piece of busi ness,» conviennent à l'article 137(1), bien qu'il semble que le choix de ce mot n'est pas aussi heureux que celui de «affaire» ou «opération».
Étudier la génèse de l'article 137(1) et de l'arti- cle 12(2) peuvent aider à cerner la portée de l'article 137(1).
L'article 12(2) de la Loi de 1948 est issu de l'article 6(2) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu. Cet article 6(2) vient du c. 41 des Statuts 23-24 Geo. V, et se lit comme suit:
(2) Le ministre peut rejeter comme dépense la totalité ou toute fraction de traitement, gratification, commission ou d'ho- noraires d'administrateur qui, à son avis, excède ce qui est raisonnable pour les services rendus.
La version anglaise était ainsi libellée:
(2) The Minister may disallow as an expense the whole or any portion of any salary, bonus, commission or director's fee which in his opinion is in excess of what is reasonable for the services performed.
Il est patent que ces deux versions avaient pour objet de déterminer la raisonnabilité du quantum d'une dépense, ce qui peut être la totalité ou une portion du montant de la dépense, eu égard aux services rendus, mais non la dépense elle-même à cause de son caractère ou nature. C'est donc le quantum qui est visé et non la dépense.
Par le c. 34 des Statuts 39-40, 2e session, étant 4 Geo. VI, article 17, l'article 6(2) fut abrogé et remplacé par le suivant:
(2) Le ministre est autorisé à rejeter toute dépense qu'il peut discrétionnairement déterminer comme excédant ce qui est raisonnable ou normal en ce qui concerne l'entreprise du contri- buable, ou faite relativement à une opération ou affaire qui, à son avis, a indûment ou artificiellement réduit le revenu.
La version anglaise se lit:.
(2) The Minister may disallow any expense which he in his discretion may determine to be in excess of what is reasonable or normal for the business carried on by the taxpayer, or which was incurred in respect of any transaction or operation which in his opinion has unduly or artificially reduced the income.
L'on remarque d'abord que l'article n'a plus trait à des dépenses spécifiques: salaires etc ... ; s'applique à toute dépense; ne mentionne plus le rejet de la totalité de la dépense spécifique; permet le rejet de ce qui excède ce qui est raisonnable ou normal; emploie normal en sus de raisonnable, créant un choix entre deux critères; la raisonnabi- lité ou la normalité, deux concepts complémentai- res. Le nouveau concept de normalité se réfère sûrement aux usages et coutumes concernant l'entreprise.
Mais un nouveau concept beaucoup plus impor tant apparaît dans la Loi: c'est là, la naissance de l'article 137(1): le rejet de toute dépense faite relativement à une affaire, laquelle dépense, à l'avis du Ministre, a indûment ou artificiellement réduit le revenu.
Je note que le droit de rejeter la totalité du quantum d'une dépense ou déboursé sous l'ancien
article 6(2) dépend maintenant de l'indu ou de l'artificiel d'une opération ou affaire, et que le droit de rejeter une portion de la dépense ou déboursé dépend de la raisonnabilité ou normalité de la dépense et que ce n'est que ce qui excède cette raisonnabilité ou normalité qui peut être rejeté.
Je crois que ces dispositions de l'article 6(2) du chapitre 34 indiquent clairement que c'est l'affaire ou l'opération qui, à cause de son indu ou artificia- lité, caractérise de cette empreinte la dépense ou déboursé qui peut être rejeté discrétionnairement en sa totalité.
Il n'y eut aucune modification dans la Loi jus- qu'en 1948, lorsque la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu fut abrogée et remplacée par la Loi de l'impôt sur le revenu, étant le c. 52 des Statuts de 1948.
Les deux concepts qui étaient formulés dans un même article, l'article 6(2), devinrent l'objet de deux articles différents: l'article 12(2) et l'article 125(1).
L'article 12(2) se lisait en français:
(2) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard d'une mise de fonds ou d'une dépense autrement déductible, sauf dans la mesure la mise de fonds ou la dépense était raisonnable dans les circonstances.
La version anglaise était:
(2) In computing income, no deduction shall be made in respect of an outlay or expense otherwise deductible except to the extent that the outlay or expense was reasonable in the circumstances.
Cet article conserve le critère de raisonnabilité mais abandonne celui de normalité; permet de refuser le montant d'une dépense qui excède ce qui est raisonnable; élargit le champ d'application du critère en référant aux circonstances plutôt qu'à l'entreprise du contribuable.
A mon avis la portée de l'article est plus grande à cause de l'élimination des critères de normalité et du genre d'entreprise parce que le critère de raisonnabilité est caractérisé par les circonstances, ce qui le rend subjectif.
L'on doit noter l'emploi, en français, de l'expres- sion «mise de fonds» pour «outlay». Cette coquille sera corrigée dès 1952.
Le concept d'indu ou d'artificialité est mainte- nant l'objet de l'article 125(1) de la Loi:
125. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un déboursé fait ou d'une dépense subie, relativement à une transaction ou opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de façon factice le revenu.
La version anglaise se lit:
125. (1) In computing income for the purposes of this Act, no deduction may be made in respect of a disbursement or expense made or incurred in respect of a transaction or opera tion that, if allowed, would unduly or artificially reduce the income.
Le fait que les deux concepts aient été énoncés dans un même article 6(2) indique à mon avis, qu'il y a eu et qu'il y a encore une certaine relation entre l'article 12(2) et l'article 125(1) qui devien- dra 137(1), ne serait-ce que leur origine commune.
L'article 12(2) délimite sa portée à la raisonna- bilité par rapport aux circonstances et identifie son objet: le rejet de la portion d'un déboursé ou d'une dépense; son champ d'application est délimité clairement.
L'article 137(1) délimite sa portée à l'indu et au factice et identifie son objet: le rejet de tout déboursé ou dépense afférent à une opération ou affaire jugée indue ou factice; son champ d'appli- cation ne peut pas être facilement circonscrit. En effet, ces critères d'indu et de factice sont des critères de moralité nécessairement variables.
Que dans une affaire ou opération il y ait cer- tains éléments employés à moins bon escient que d'autres, ne devrait pas avoir pour effet de rendre toute l'opération ou toute l'affaire factice ou indue, et toutes les dépenses y afférentes non déductibles.
Les dispositions de l'article 137(1) sont énormes en accordant au Ministre un pouvoir qui permet d'abolir, à toutes fins pratiques, les dispositions spécifiques des articles 11 et 12 de la Loi, puisque tout déboursé ou dépense y jugé non-déductible est indu et sa déduction n'est pas fondée, ce qui est un des sens d'indu.
Cet article 137(1), à mon avis, est l'article qui a la plus grande portée de tous les articles de la Partie VI de la Loi car ses points de repère sont les plus imprécis de ceux de tous les autres articles l'on prévoit soit, le jugement du conseil du Trésor
ou soit l'identification de la preuve à établir pour que l'article puisse s'appliquer. Rien de tel à l'arti- cle 137(1).
L'article 13 de la Loi d'Interprétation ne permet pas de recourir à la notation marginale de l'article 137(1), mais il est permis sous l'autorité des arrêts de recourir à l'en-tête qui, dans le cas présent, est: «Dissimulation de matière imposable» pour la Partie VI de la Loi et de recourir également au contexte de l'article 137(1).
L'en-tête de la Partie VI: «Dissimulation de matière imposable» souligne, en employant le mot «dissimulation», un acte conscient de la part du contribuable afin de tromper le fisc. Ce titre en anglais est d'ailleurs traduit par «Tax Evasion» ce qui ne laisse aucun doute quant au fait qu'il s'agit d'un acte conscient.
Quant au contexte, à l'article 138(1) de la Loi, il est intéressant de noter «que si l'une des principa- les fins d'une ou plusieurs opérations ... était d'ir- régulièrement éviter ou réduire les impôts ... le conseil du Trésor peut donner les directives qu'il juge appropriées pour déjouer la dissimulation ou la réduction de la matière imposable».
Cet article 138(1) a substantiellement le même objet que l'article 137(1) excepté que le pouvoir d'agir n'est pas entre les mains du Ministre, mais entre celles du conseil du Trésor; il s'agit à 138(1) d'une arme moins dangereuse que celle de 137(1) puisqu'il faut l'approbation du conseil du Trésor bien que cette arme, l'article 138(1), a le même objet, à savoir, nullifier la réduction ou l'«avoid- ance» de la matière imposable.
A mon avis, «dissimulation» implique le fait de camoufler, de déguiser un acte pour lui donner une apparence qui n'est pas la sienne propre, tandis qu'«avoidance» connote l'idée d'éviter par des moyens légaux ou, au moins, légalistes, un plus lourd fardeau fiscal. Il y a sûrement une différence entre les deux versions.
L'on doit souligner également qu'à cet article 138(1) le législateur a employé le mot «irrégulière- ment éviter ou réduire les impôts». S'il n'est pas de bon ton d'éviter irrégulièrement des impôts cela suppose, ipso facto, qu'il est de bon ton d'éviter ou réduire régulièrement les impôts. «Régulier» et «irrégulier» doivent s'entendre non pas comme
signifiant d'une façon coutumière ou intermittente, mais en suivant ou ne suivant pas les règles du jeu.
Il est étonnant que cet article 138(1), qui est d'une application exceptionnelle, étant donné qu'il requiert une référence au conseil du Trésor, soit d'une portée moins étendue que l'article 137(1), parce que réduire ou éviter selon les règles, ne tombe pas sous son application. Cette référence à l'article 138(1), à «irrégulièrement», implique qu'il s'agit d'une chose qui est contraire aux règles, qui n'est pas conforme à la norme. Dans Robert, Dic- tionnaire de la langue française, on définit:
RÉGULIER:
Qui est conforme aux règles, ne fait pas exception à la norme....
Ibid.
IRRÉGULIER:
2°(Abstrait). Qui n'est pas conforme à la règle établie, à l'usage commun ....
Cette référence aux normes, à l'usage, aux règles doit être retenue. Je crois que cet article 138(1) jette une lumière très forte sur l'interpréta- tion qui doit être donnée à l'article 137(1).
L'article 138A requiert également d'être étudié. Il s'agit d'un article donnant discrétion au Ministre en deux cas: diminution ou dissimulation de biens d'une corporation dont un des objets est d'éviter de l'impôt ou bien existence de corpora tions dont un des motifs de leur existence est de réduire l'impôt.
Au paragraphe (3) de l'article 138A, le Bureau de Revision de l'Impôt ou la Cour fédérale peut conclure dans le premier cas, que l'opération ou la série d'opérations n'avait pas l'effet que lui a imputé le Ministre, et dans le deuxième cas, qu'au- cun des principaux motifs de l'existence des corpo rations était de diminuer l'impôt. Des critères bien identifiés sont prévus à cet article.
Ce qui est à mon avis frappant dans les disposi tions de cet article, c'est que le législateur a pris soin d'employer pour le premier cas l'expression «opération ou série d'opérations». A l'article 137(1), l'on emploie le mot «opération ou affaire», non l'expression «opération ou série d'opérations».
Une opération et une série d'opérations ne sont pas la même chose.
Dans le cas que nous étudions, il y a eu une série d'opérations, non une opération, et l'article 137(1) ne mentionne qu'une opération. De plus à l'article 138(1) qui est la référence au conseil du Trésor, il faut que l'on ait réduit ou évité l'impôt d'une façon irrégulière, c'est-à-dire, par des moyens contraires à la norme, aux règles et à l'usage par des moyens légalistes plutôt que légaux.
Je crois qu'il faut se référer à cette norme, ces règles et ces usages pour déterminer si l'opération ou affaire présente à été indue ou factice.
A mon avis, les faits en preuve ne permettent pas de donner un caractère factice ou indu à l'opération. Le demandeur et ses co-locataires ont agi comme auraient agi des agents d'immeuble, se groupant pour acquérir un immeuble et, en ce faisant, ont suivi la règle, la norme et l'usage. Qui dit opération ou affaire indue ou artificielle réfère, à mon avis, à un «sham», un trompe-l'oeil. Il n'y a rien de tel dans la présente affaire. Le demandeur et ses co-locataires ont choisi entre plusieurs voies celle qui est la moins onéreuse quant à leurs obligations fiscales, mais il n'y a rien d'indu ou de factice dans la voie choisie.
L'idée, à mon avis, de l'indu et du factice est une autre façon de désigner le principe bien connu de la forme et la substance, principe auquel on ne recourt pas à tout instant, mais seulement quand la nature d'une transaction bien que libellée «A» est, en droit et en fait, «B».
Le savant procureur de la Couronne a invoqué un autre moyen, à savoir, que le demandeur et ses co-locataires ont encouru ces dépenses non qua locataires mais qua actionnaires. Je ne puis sous- crire à ce moyen de droit, car il pourrait s'appli- quer à toute personne qui est actionnaire d'une compagnie privée qui encourt des dépenses et agit d'un chef autre que celui d'actionnaire.
Il serait certes étonnant que les dispositions de l'article 137(1) qui sont laissées au bon jugement du Ministre seul, soient interprétées d'une façon plus sévère que pourraient l'être celles de l'article 138(1), qui elles sont laissées, non au seul juge-
ment du Ministre, mais au jugement du conseil du Trésor ou, encore, que celles de l'article 138A la preuve à établir est clairement identifiée.
L'en-tête de la partie VI, auquel l'on peut avoir recours, indique «dissimulation» et «evasion». Il n'y a ni «dissimulation», ni «evasion» dans le cas présent.
L'appel est admis avec dépens.
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