T-506-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Sam Shok (Défendeur)
et
T-507-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Ben Luffman (Défendeur)
et
T-508-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Benjamin Stone (défendeur)
et
T-509-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Waldorf Hotel (1958) Ltd. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Winnipeg, les 15, 16 et 17 janvier;
Ottawa, le 20 mars 1975.
Impôt sur le revenu—Achat d'hôtel—Aucune valeur attri-
buée à l'achalandage—L'achalandage était-il représenté par
les licences de bière et de boissons alcooliques?—Loi de l'im-
pôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et ses modifications, art.
11(1)a), 20(1)a) et b) et 20(6)g).
Les défendeurs ont acheté l'hôtel Bell, établissement déte-
nant une licence de bière, de vin et d'alcool, pour $405,000. Le
Ministre a accepté ce chiffre, mais a alloué $96,350 à l'acha-
landage. La Commission de révision de l'impôt avait accueilli
l'appel des défendeurs.
Arrêt: les appels du Ministre sont accueillis. Il n'y a pas eu
de vraie négociation entre le vendeur et les acheteurs sur la
répartition de la valeur des éléments d'actif. Le vendeur n'était
intéressé que par le prix et non par la répartition. Le Ministre
n'est pas lié par la répartition contenue dans l'offre et il ne lui
est pas interdit de vérifier si l'achalandage et d'autres éléments
appréciables en argent font partie des biens achetés, sans être
mentionnés dans l'offre. Les défendeurs attachaient beaucoup
d'importance aux licences; la vente de boissons alcoolisées était
la source la plus importante de revenus de l'hôtel et le restera
vraisemblablement.
L'article 20(6)g) de la Loi parle de «biens susceptibles de
dépréciation» et «d'autre chose». En appliquant cet article, il
suffit de démontrer qu'outre «les biens susceptibles de déprécia-
tion», on achetait aussi «autre chose» pour le prix d'achat. Le
fait que les acquéreurs «aient eu l'achalandage à l'esprit»
constitue «d'autre chose». En général, le prix d'un bien, convenu
à la suite de longues négociations par des personnes de bonne
foi et traitant en toute indépendance, devrait établir la valeur
du bien; cependant il faut tenir compte de «la preuve relative au
caractère raisonnable» des répartitions «si l'acheteur et l'appe-
lante n'en sont jamais venus à un accord sur les évaluations».
Distinction établie avec les arrêts: Bohun, Bohun et Rey-
nolds c. M.R.N. 72 DTC 1268; Coopérative agricole de
Granby c. M.R.N. 70 DTC 1620 et Noralta Hotel Limited
c. M.R.N. [1954] R.C.E. 317. Arrêt appliqué: Klondike
Helicopters Ltd. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 251. Arrêts
examinés: Kamsack Hotels Limited c. M.R.N. 66 DTC 9
et Chartrand c. M.R.N. 64 DTC 433. Arrêts suivis:
Canadian Propane Gas and Oil c. M.R.N. 73 DTC 5019,
Payne Transport Limited c. M.R.N. [1964] R.C.E. 1 et
Harris c. M.R.N. [1965] R.C.É. 653.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. Storrow et J. Weinstein pour la
demanderesse.
R. Soronow, c.r., pour les défendeurs Shok,
Luffman et Waldorf Hotel.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Levin, Soronow et Harris, Winnipeg, pour les
défendeurs Shok, Luffman et Waldorf Hotel.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: La Cour est saisie
de quatre appels, par voie de procès de novo
interjetés par sa Majesté la Reine, des décisions de
la Commission de révision de l'impôt qui ont
annulé les cotisations d'impôt sur le revenu des
défendeurs, afférentes au revenu qu'ils ont gagné
en tant que copropriétaires (à parts inégales) de
l'hôtel Bell à Winnipeg.
Sur requête présentée le 18 décembre 1974 par
Me Weinstein, avocat de la demanderesse, la Cour
a ordonné que, les faits et les points litigieux étant
les mêmes dans les quatre affaires, elles soient
entendues conjointement sur preuve commune, et a
fixé les date et lieu d'audience au 15 janvier 1975
à partir de 10h30 du matin dans la ville de Winni-
peg au Manitoba.
Sur requête de Me Soronow, avocat des défen-
deurs, la Cour a autorisé le même jour ce dernier à
se démettre comme avocat de Benjamin Stone
mais à continuer de représenter les trois autres
défendeurs. Elle ordonna à Me Soronow d'aviser
Stone que les audiences débuteraient à Winnipeg
le 15 janvier 1975 et que, si celui-ci désirait se
faire représenter par un avocat, il devait en enga-
ger un pour l'audition de son affaire. Stone n'a pas
été présent et ne s'est pas fait représenter par un
avocat au cours de l'audition de ces appels.
En outre la Cour ordonna que les frais occasion-
nés à la demanderesse pour requérir la jonction des
quatre affaires soient mis à la charge du défendeur
Benjamin Stone quelle que soit l'issue de la cause
et que les frais engagés jusqu'au 16 décembre 1974
inclus par la demanderesse pour ladite requête en
ce qui concerne Sam Shok soient mis à la charge
du défendeur Sam Shok.
Les faits pertinents de ces affaires n'ont pas fait
l'objet de beaucoup de contestation et peuvent être
exposés comme suit:
L'hôtel Bell, situé à l'angle nord-ouest de la rue
Main et de l'avenue Henry à Winnipeg, a une
façade de 43 1 / 2 pieds sur la rue Main et une
profondeur de 124 1 / 2 pieds sur l'avenue Henry. Il a
été construit en brique avec garnitures en pierre en
1906. Il a quatre étages et un sous-sol entièrement
en pierre. Il contient 62 chambres d'hôtel plus un
appartement de quatre pièces occupé durant de
nombreuses années par le gérant de l'hôtel. La
partie du rez-de-chaussée donnant sur la façade
contient le vestibule, la réception et la caisse, le
comptoir de vente de bière et les chambres froides
pour la bière ainsi qu'un restaurant licencié (pou-
vant accueillir 36 personnes) et la cuisine. A l'ar-
rière, occupant la plus grande partie du rez-de-
chaussée, se trouvent les salles de consommation
pour hommes et mixtes avec 160 sièges pouvant
recevoir 135 personnes. Au sous-sol se trouvent un
système de réfrigération de bière, les installations
de chauffage, de réfrigération et le compresseur.
Depuis plusieurs années, l'hôtel détient la
licence pour débiter la bière et le vin dans ses salles
de consommation, son restaurant et pour ses instal-
lations de distribution de bière, et depuis 1970, il
est licencié pour la vente de boissons alcooliques
pour consommation sur place.
En 1962 Oswald La Freniere avait acheté l'hôtel
de la brasserie Labatt pour $75,000 et l'avait
revendu en 1970 aux défendeurs Waldorf Hotel
(1958) Co. Ltd. et Benjamin Luffman, ou à leurs
représentants, pour la somme de $415,000, rame-
née peu après à $405,000. Finalement les quatre
défendeurs avaient fait l'acquisition de l'hôtel.
Pendant qu'il était propriétaire de l'hôtel, La Fre-
niere a fait des dépenses d'immobilisation de
$80,000 pour l'immeuble et pour du nouveau
matériel, de sorte qu'il y a investi une somme
totale de $155,000. Avant d'acheter l'hôtel Bell,
La Freniere avait, pendant plusieurs années, géré
divers hôtels pour la compagnie Labatt et au cours
des dernières années il avait contrôlé la gestion de
plusieurs hôtels pour cette brasserie. Il semble
certain que la Labatt lui avait vendu l'hôtel Bell à
un très bas prix.
L'offre d'achat de l'hôtel (pièce 2 du dossier) a
été faite à La Freniere après d'assez longues négo-
ciations, au cours desquelles le prix et les condi
tions ont été débattus verbalement, la pièce 2 étant
la seule offre écrite produite au nom des
défendeurs.
Les dépositions du défendeur Luffman et de
Benjamin Stern—son ami de longue date, qui était
au moment de l'achat copropriétaire avec un
dénommé Green de l'hôtel Waldorf et qui l'est
encore—révèlent que le motif principal de l'acqui-
sition de l'hôtel Bell était de fournir un travail à
Luffman. Avant 1966, Luffman était dans le com
merce de la volaille, mais il vendit son entreprise
en 1966. L'idée leur vint d'acheter un hôtel dont
Luffman serait le gérant, quoiqu'il n'ait jamais
travaillé antérieurement dans l'hôtellerie. Stern, ou
l'hôtel Waldorf, devait fournir une partie du capi
tal nécessaire à l'achat, puisque les fonds propres
de Luffman n'y suffisaient pas. Finalement, les
défendeurs Shok et Stone fournirent aussi une
partie du capital, la participation de chacun des
défendeurs, après l'achat de l'hôtel, étant la
suivante:
Waldorf Hotel (1958) Co. Ltd. 50%
Benjamin Luffman 25%
Sam Shok 12 1 / 2 %
Benjamin Stone 121/2%
L'offre, pièce 2, porte la date du 28 novembre
1967. Elle a été acceptée le 30 novembre 1967 par
M. et Mme La Freniere, sous réserve de certaines
conditions que Stern et le défendeur Luffman
acceptèrent le 8 décembre 1967. Les défendeurs
prirent possession de l'hôtel le ler février 1968 et
depuis cette date, Luffman en a été le gérant. La
pièce 2 contient l'acceptation sous réserves de M.
et Mme La Freniere ainsi que l'acceptation des
conditions par Stern et Luffman.
Dans ce document, après l'exposé des neuf con
ditions auxquelles La Freniere avait subordonné
son acceptation, on trouve ce qui suit:
[TRADUCTION] Le prix offert pour ledit hôtel est basé sur les
chiffres suivants:
Terrain $ 15,000
Édifice 310,000
Mobilier 60,000
Équipement 30,000
Total $415,000
Il est certain que ces quatre éléments, ainsi
évalués représentaient le montant total du prix
d'achat de l'hôtel, aucun montant n'étant prévu
pour l'achalandage, les licences de boissons alcooli-
ques ou de bière. D'après Stern et Luffman,
l'achat était subordonné à l'acceptation de ces
évaluations. Lorsque le prix total a été réduit à
$405,000, les défendeurs réduisirent l'estimation
de l'édifice de $310,000 $300,000. Les défen-
deurs insistent fortement sur le fait que ces évalua-
tions ont été agréées à la suite de négociations
entre acheteurs et vendeurs n'ayant aucun lien de
dépendance. J'examinerai peu après les preuves
relatives à cette question des évaluations. A ce
stade, il est important de noter deux faits qui sont
à l'origine de la question litigieuse en l'espèce.
D'abord, tous les éléments d'actif de l'hôtel évalués
ci-dessus, à l'exception du terrain estimé à
$15,000, sont des postes pour lesquels la Loi de
l'impôt sur le revenu autorise des allocations à
l'égard du coût en capital, le montant de ces
allocations étant déductible du revenu du contri-
buable, réduisant ainsi le montant de l'impôt sur le
revenu auquel il est assujetti. Deuxièmement,
l'achalandage et la valeur des licences ne sont pas
des actifs amortissables aux fins d'impôt sur le
revenu.
Le ministre du Revenu national a accepté le prix
total de $405,000 pour l'hôtel mais non le fait
qu'aucune valeur n'a été attribuée à l'achalandage.
Il a fixé la cotisation des défendeurs pour l'année
d'imposition 1968 en effectuant une répartition
raisonnable du prix d'achat qu'il estimait être la
suivante:
Terrain $ 45,000
Édifice 160,800
Mobilier et matériel 102,850
Achalandage 96,350
Total $405,000
Sur cette cotisation, les défendeurs ne pouvaient
prétendre à l'amortissement ou aux allocations à
l'égard du coût en capital que pour les deuxième
ou troisième postes, c'est-à-dire sur des biens éva-
lués à $263,650 et non pas à $390,000 comme ils le
réclament. Les défendeurs ont interjeté appel de la
cotisation du Ministre.
La Commission de révision de l'impôt a accueilli
ces appels et renvoyé la cotisation afférente à
l'année 1968 au Ministre pour l'établissement
d'une nouvelle cotisation. Les appels en l'espèce
portent sur cette décision.
Comme indiqué plus haut, les défendeurs insis
tent fortement sur l'offre d'achat de l'hôtel (pièce
2) qui a été acceptée et particulièrement sur la
répartition de l'évaluation des éléments d'actif de
l'hôtel qui y est contenue, répartition qui se trouve
après l'énumération des conditions auxquelles l'of-
fre était assortie.
Les défendeurs n'insistent pas seulement sur le
fait que l'offre contenait cette clause de répartition
des évaluations. Luffman et Stern ont témoigné
qu'au cours des négociations, il y avait eu des
discussions à ce sujet et que La Freniere ne s'était
pas opposé à cette répartition. En outre, leur
avocat soutient que, d'après les preuves, il s'agis-
sait clairement d'un contrat conclu de bonne foi
entre personnes n'ayant aucun lien de dépendance.
Il a soutenu en outre que, si des parties n'ayant
aucun lien de dépendance, expérimentées dans leur
métier, passent un contrat en toute bonne foi, il
incombe au Ministre de prouver qu'il y avait une
simulation ou subterfuge dans la transaction et
qu'à défaut, les évaluations du contrat doivent
s'appliquer en ce qui concerne les éléments d'actif
susceptibles de dépréciation.
D'un autre côté, Luffman, qui a déclaré que les
négociations pour l'achat de l'hôtel se sont dérou-
lées sur une période de quelque trois mois, des
discussions ayant lieu environ quatre fois par
semaine, a indiqué que les discussions ont surtout
porté sur le prix d'achat et le montant du verse-
ment initial. Il ne se rappelle pas quelle était la
répartition des évaluations ni au cours des négocia-
tions ni dans l'offre d'achat.
La Freniere a déclaré que l'on n'avait jamais
discuté avec lui de la répartition de l'évaluation
des éléments d'actif figurant dans l'offre d'achat.
Il ignorait comment on était arrivé à chiffrer les
évaluations. Il se souvient de discussions relatives
aux réparations de $10,000 exigées par la Société
des alcools, à la suite de quoi il a accepté de
réduire le prix de l'hôtel de $415,000 à $405,000.
Les deux seules choses qui l'intéressaient étaient le
prix et le montant du versement initial. Il n'avait
pas d'objection à ce que ces évaluations figurent
dans l'offre, si les acheteurs le désiraient. Il était
formel à ce sujet et son témoignage n'a pas été
ébranlé par le contre-interrogatoire.
Luffman ainsi que Stern ont été interrogés au
sujet de l'achalandage et de la valeur des licences
de bière. Ils ont tous deux déclaré qu'on ne devait
accorder aucune valeur à l'achalandage et aux
licences de vente de boissons alcooliques; mais
lorsqu'on lui a demandé s'il aurait acheté l'hôtel
sans ces licences, Luffman a répondu [TRADUC-
TION] «non, nous ne pouvions exploiter un hôtel
sans ces licences». Sur ce point, le témoignage de
Stern allait dans le même sens. Il faut en conclure
que, de l'avis de Luffman et de Stern, les licences
avaient une valeur. La Freniere a été interrogé sur
la valeur des licences de l'hôtel. Il a déclaré que
l'hôtel sans les licences de boissons alcooliques,
valait la moitié du prix qu'il en avait obtenu. Il a
été formel sur ce point. Il est certain qu'à son avis
les licences ajoutaient beaucoup à la valeur de
l'hôtel.
Les défendeurs ont signalé que le titulaire d'une
licence de bière ou de boissons alcooliques ne peut
pas la céder à n'importe qui et que l'acheteur d'un
hôtel licencié doit prouver à la Société des alcools
que les locaux sont convenables et que lui-même
est digne d'avoir de telles licences qu'il doit
demander. Tout cela est vrai, mais il ne s'ensuit
pas que les licences de bière et d'alcool n'ont
aucune valeur. La Société des alcools ne délivre
qu'un nombre limité de licences dans une région,
donnée, et rien n'empêche un propriétaire qui
désire vendre son hôtel en exploitation de tenir
compte de ce qu'il estime être la valeur de sa
licence en cours de validité et d'inclure cette valeur
dans le prix qu'il propose. C'est ce que fit La
Freniere qui obtint ainsi, d'après son témoignage,
environ le double de la valeur de l'hôtel sans les
licences. La Freniere m'a laissé une bonne impres
sion de témoin honnête. Il est dans l'hôtellerie
depuis de nombreuses années et il faut bien suppo-
ser qu'il connaissait la façon dont les profession-
nels de cette industrie apprécient la valeur que les
licences de boissons alcooliques confèrent à un
hôtel. C'était aussi un témoin neutre en ce qui
concerne les points litigieux en l'espèce. Je ne vois
aucune raison de douter de son témoignage que je
considère comme étant réellement véridique. Je
suis convaincu qu'il n'y a pas eu de véritables
négociations entre lui et les défendeurs au sujet de
la répartition des évaluations du terrain, de l'édi-
fice, du mobilier et du matériel, et que, quoiqu'il
ait accepté l'offre contenant l'évaluation que les
acheteurs avaient faite de ces postes, ces évalua-
tions ne représentent pas son opinion. Il n'était pas
intéressé par les évaluations mais seulement par le
prix de l'hôtel en exploitation et par le montant du
versement initial. Si les acheteurs désiraient éva-
luer les différents postes c'était, à son avis, leur
affaire et il n'y avait aucune objection.
J'attache beaucoup d'importance à la déposition
de La Freniere. Il n'avait pas été cité comme
témoin devant la Commission de révision de l'im-
pôt qui, dans ses délibérations, n'a donc pas pu
profiter de son témoignage.
Dans ces conditions, je considère que le Ministre
n'est pas lié par les évaluations contenues dans
l'offre d'achat et qu'il ne lui est pas interdit de
vérifier si l'achalandage et d'autres éléments
appréciables en argent ne font pas effectivement
partie des biens achetés, sans être mentionnés dans
l'offre d'achat, et d'évaluer l'achalandage et les
autres éléments en question.
En outre une clause de l'offre d'achat, telle
qu'elle a été finalement acceptée, montre que les
défendeurs eux-mêmes attachaient beaucoup d'im-
portance aux licences de boisson alcoolique. Cette
clause prévoyait que l'offre d'achat était faite
[TRADUCTION] «sous réserve que les acheteurs
soient agréés par la Liquor Control Commission à
titre de titulaires des licences et, dans le cas con-
traire, l'offre d'achat sera considérée comme révo-
quée, nulle et non avenue et le dépôt qu'ils ont
effectué devra leur être remboursé».
Cette clause indique clairement que les acqué-
reurs n'achèteraient pas l'hôtel à moins qu'ils n'ob-
tiennent les licences de boissons alcooliques.
Je citerai encore une opinion, celle de E. Karl
Farstad & Associates Ltd. Farstad, estimateur
immobilier chevronné et membre de The Appraisal
Institute of Canada, ayant une expérience longue
et diversifiée notamment en matière d'évaluation
hôtelière dans le centre ville de Winnipeg, a fait
l'évaluation de l'hôtel Bell pour le ministère du
Revenu national. Dans son rapport préliminaire en
date du 18 janvier 1972 (pièce 7) ainsi que dans
son rapport définitif et complet (18 pages dactylo-
graphiées à interligne simple, plus les annexes) en
date du 24 décembre 1974 (pièce 6), on retrouve le
passage suivant:
[TRADUCTION] Cependant la rentabilité de l'hôtel en question
ne dépend pas de la location des chambres mais plutôt de la
vente de la bière et des boissons alcooliques. Compte tenu de la
difficulté qu'ont actuellement les hôtels de 40 60 chambres
ainsi que les tavernes à obtenir une licence, les anciens hôtels,
comme celui dont il est question, tirent leur valeur non pas
principalement du terrain, de l'édifice et des objets mobiliers
mais de la licence de vente de bière et de vin.
Les états financiers, certifiés par les vérifica-
teurs, établis depuis que les propriétaires actuels
ont pris possession de l'hôtel, ainsi que l'état finan
cier non vérifié (pièce 3) se rapportant à la der-
nière année complète de la gestion de La Freniere,
viennent corroborer fortement la thèse selon
laquelle les licences de vente de boissons alcooli-
ques de l'hôtel Bell ont une valeur considérable. La
pièce 3 montre que, pour l'année s'étendant du ler
septembre 1966 au 31 août 1967, la vente de bière
et de vin a atteint un montant total de $196,-
065.51, donnant un profit brut de $88,130.60. La
location de chambres avait rapporté en tout
$35,476.08 pour l'année et le profit brut sur la
nourriture et le tabac était de $1,428.55. Ainsi,
dans le chiffre d'affaires, la vente de bière et de vin
était 5' fois plus élevé que la location de cham-
bres et a rapporté un profit brut de 2 1 / 2 fois
supérieur au revenu total provenant de la location
de chambres. Le montant total des dépenses d'ex-
ploitation de l'hôtel se chiffrait à $86,353.99,
somme inférieure de $1,776.61 au profit brut réa-
lisé sur la bière et le vin. Ainsi, abstraction faite du
paiement des intérêts dus et de l'amortissement, les
bénéfices réalisés sur la vente des boissons auraient
pu couvrir toutes les dépenses d'exploitation et
laisser un léger profit.
Malheureusement on ne retrouve, ni dans la
pièce 3 ni dans les états certifiés relatifs aux
années suivantes (pièces 4 et 5), une ventilation
des dépenses d'exploitation entre les postes de
vente de boissons, de service des chambres, de
restaurant, de cuisine, de vente de tabac, d'admi-
nistration et des autres activités de l'hôtel, mais il
est évident qu'une bonne partie des $86,353.99 de
dépenses d'exploitation est imputable à des activi-
tés autres que la vente de bière et de vin.
Les derniers rapports des vérificateurs présen-
tent un tableau semblable à celui de la pièce 3.
La pièce 5 se rapporte à la période de 9 mois du
l er février au 31 octobre 1968. Elle fait ressortir
(annexe B) un total de $133,121.83 pour la vente
de bière et de vin, donnant un profit brut de
$52,531.23. L'annexe B indique aussi $1,586.37
pour la vente de nourriture donnant un profit brut
de $996.57 et $7,538.96 pour la vente de cigarettes
donnant un profit brut de $774.66. La location de
chambres figure à l'annexe A pour $26,636.67.
La pièce 4 représente l'état financier pour l'an-
née se terminant au 31 octobre 1970, avec les
chiffres correspondants pour l'année antérieure.
Au cours de l'année se terminant au 31 octobre
1969, la vente de bière et de vin a atteint un total
de $167,372.17 donnant un profit brut de
$66,328.19. La vente de nourriture représentait
$2,569.43 donnant un profit brut de $993.46. La
vente de tabac se chiffrait à $12,232.73 donnant
un profit brut de $1,323.48. Au cours de l'année se
terminant au 31 octobre 1970, on a vendu des
spiritueux en plus de la bière et du vin. L'annexe C
de la pièce révèle des ventes de bière, vin et
spiritueux pour $172,630.62 donnant un profit
brut de $68,491.96. La vente de nourriture se
chiffrait à $2,836.79 donnant un profit brut de
$1,483.50. La vente de tabac se montait à
$12,495.70 donnant un profit brut de $1,888.10.
L'annexe B indique que la location de chambres
s'est chiffrée à $37,026.06 pour l'année se termi-
nant au 31 octobre 1969 et à $33,014.05 pour
l'année suivante.
On n'a pas produit les états financiers afférents
aux années postérieures à celle qui s'est terminée
au 31 octobre 1970. Les pièces 4 et 5 font ressortir
que, malgré la baisse des bénéfices bruts provenant
de la vente de bière et de vin au cours de chacune
des trois premières années d'exploitation de l'hôtel
par ses nouveaux propriétaires, le chiffre de vente
des boissons alcooliques et les bénéfices s'y rappor-
tant ont légèrement augmentés par rapport à 1969,
du fait que la vente de spiritueux est venue s'ajou-
ter à la vente de bière et de vin en 1970 (vente
$13,057.82 et profit brut $6,929.81). Il est mani-
feste que la vente de boissons alcooliques continue,
de loin, à représenter la plus importante activité et
la principale source de revenu de l'exploitation de
l'hôtel.
On considère souvent l'achalandage comme la
probabilité que les clients, qui ont été attirés par
une maison de commerce et en ont acheté les
produits ou les services, continueront à le faire.
Cette probabilité représente une valeur pour le
propriétaire de l'affaire. Quand il la vend, il fait
l'estimation de cette valeur et en ajoute le montant
au prix qu'il demande pour les éléments corporels
et l'acheteur accepte généralement de payer un
prix où se trouve intégrée une somme ne dépassant
pas la valeur que, selon son estimation, représente
l'achalandage. Dans le cas de l'hôtel Bell, l'acha-
landage en ce qui concerne la location de chambres
est peu élevé. Pendant les quatre années auxquelles
se réfèrent les chiffres de location de chambres,
cités plus haut, le montant total de la location de
chambres a varié entre $33,000 et $37,000 l'an,
soit au total un revenu annuel moyen d'environ
$35,000. L'hôtel a 62 chambres à louer. En multi-
pliant ce chiffre par 365, on obtient un total de
22,630 «journées-chambres» par an. Le revenu
brut, d'environ $35,000 l'an, représente une
moyenne journalière d'un peu plus de $1.50 par
chambre. D'après les preuves produites par les
défendeurs, le prix de location d'une chambre
variait entre $3 et $7 par jour, mais certaines
d'entre elles étaient en fait louées au mois à un
taux inférieur à $3 par jour. Que ces chiffres
traduisent ou non un coefficient relativement élevé
de chambres inoccupées, il est certain que les
recettes sont très faibles par rapport au nombre de
chambres disponibles. Les preuves indiquent d'une
manière incontestable que beaucoup de clients ont
continué à fréquenter les salles de consommation
et les comptoirs de vente de bière de l'hôtel. Dans
l'exploitation de l'hôtel, la valeur des diverses
licences pour boissons alcooliques est, sans con-
teste, considérable. Il semble qu'avec une assez
bonne gestion, cet état de choses devrait continuer.
Compte tenu de l'augmentation considérable inter-
venue dans les coûts de construction au cours des
récentes années, il paraît peu probable qu'on
puisse, dans le voisinage de l'hôtel Bell, construire
un nouvel hôtel—de même dimension notam-
ment—et l'exploiter à profit, même si l'on avait la
certitude (ce n'est pas le cas) qu'on pourrait obte-
nir des licences semblables pour le nouvel hôtel.
Cela renforce la présomption que les licences déte-
nues par l'hôtel Bell et les autres hôtels des envi
rons continueront à représenter des éléments d'ac-
tifs précieux.
Alors se pose la question de savoir quelle valeur
attribuer aux licences ou, si l'on préfère, à l'acha-
landage? Les parties reconnaissent que les $405,-
000 représentent un prix convenable pour l'hôtel
en exploitation. La Freniere et les acheteurs se
sont entendus sur ce prix après de longues négocia-
tions. Le Ministre a reconnu que le prix fixé des
$405,000 était convenable. Van Iderstine, chef de
la section des successions et fiducies au ministère
du Revenu national à Winnipeg a clairement
admis que les $405,000 représentaient la juste
valeur de l'hôtel en exploitation. Farstad en fit de
même dans la préparation de son rapport.
Il n'y a aucune raison, à mon avis, de ne pas
partager cette opinion unanime.
La question se ramène donc à répartir convena-
blement les différents postes de cette exploitation
hôtelière pour arriver au total de $405,000.
Les méthodes scientifiques d'évaluation adop-
tées par Farstad et décrites dans son rapport m'ont
fait une très bonne impression. Les explications
qu'il en donne et les évaluations qui en résultent
ont bien résisté au contre-interrogatoire. A mon
avis, sa méthode d'évaluation est beaucoup plus
complète que celle suivie par Iderstine et le person
nel de son service. Les défendeurs n'ont soumis
aucune preuve d'aussi bonne qualité; ils se sont
entièrement fondés sur le contrat de vente et sur la
répartition qui y figure et qui attribue la totalité
du prix d'achat de $405,000 aux éléments corpo-
rels. Après une étude approfondie de toutes les
preuves, je suis arrivé à la conclusion que les
évaluations de Farstad sont vraisemblablement
plus conformes à la réalité que celles du contrat ou
celles d'Iderstine et de son service. Le Ministre
avait adopté les évaluations d'Iderstine pour éta-
blir la cotisation des défendeurs aux fins de l'impôt
sur le revenu pour l'année d'imposition 1968.
Voici les évaluations de Farstad:
Terrain $ 25,000
Édifice 200,000
Mobiliers et matériel 75,000
Achalandage 105,000
Total $405,000
Farstad était parvenu à la conclusion suivante:
[TRADUCTION] «Je ne peux évaluer l'achalandage à moins de
$100,000.»
Comme il avait estimé le terrain, l'édifice, le mobi-
lier et le matériel à $300,000, il a évalué l'achalan-
dage à $105,000, arrivant ainsi à une somme totale
de $405,000. Je pense que c'était raisonnable.
Me Weinstein, avocat de la demanderesse et Me
Soronow, avocat de tous les défendeurs, à l'excep-
tion de Stone qui ne s'est pas présenté et ne s'est
pas fait représenter par un avocat, ont cité un
certain nombre de décisions judiciaires. Je vais
maintenant examiner plusieurs d'entre elles, après
avoir cité les dispositions pertinentes de la Loi de
l'impôt sur le revenu que voici:
11. (1) Par dérogation aux alinéas a), b) et h) du paragra-
phe (1) de l'article 12, les montants suivants peuvent être
déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition:
a) la partie de ce que coûtent en capital les biens au contri-
buable, ou la somme à l'égard de ce que coûtent en capital
les biens au contribuable, s'il en est, qui est allouée par
règlement;
20. (1) Lorsque, dans une année d'imposition, il a été dis-
posé de biens d'un contribuable, susceptibles de dépréciation et
appartenant à une catégorie prescrite, et que le produit de la
disposition excède le coût en capital non déprécié, pour lui, des
biens susceptibles de dépréciation de cette catégorie, immédia-
tement avant leur aliénation, le moindre
a) du montant de l'excédent, ou
b) du montant de ce que serait l'excédent s'il avait été
disposé des biens pour ce qu'ils ont coûté en capital au
contribuable,
doit être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année.
20. (6) Pour l'exécution du présent article et des règlements
établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, les
règles suivantes s'appliquent:
g) lorsqu'un montant peut être raisonnablement considéré
comme étant en partie la cause ou considération pour la
disposition de biens d'un contribuable, susceptibles de dépré-
ciation et appartenant à une catégorie prescrite, et comme
étant en partie la cause ou considération pour d'autre chose,
la fraction du montant qui peut être raisonnablement consi-
dérée comme étant la cause ou considération de cette disposi
tion est censée être le produit de la disposition de biens
susceptibles de dépréciation appartenant à cette catégorie,
indépendamment de la forme ou de l'effet juridique du
contrat ou de la convention; et la personne envers qui on a
disposé des biens susceptibles de dépréciation est réputée
avoir acquis les biens à un coût en capital, pour elle, égal à la
même fraction de ce montant;
La première décision citée par Me Soronow est
Bohun, Bohun et Reynolds Construction Limited
c. M.R.N., 72 DTC 1268. Il s'agit d'une décision
de la Commission de révision de l'impôt, rendue
par J. O. Weldon, c.r. Les Bohun avaient vendu
une entreprise de construction à la Reynolds. Le
contrat de vente avait assigné 50% du prix d'achat
à des éléments d'actif susceptibles de dépréciation
et 50% des éléments non susceptibles de dépré-
ciation. Dans sa déclaration d'impôt sur le revenu,
la Reynolds n'avait pas tenu compte de la réparti-
tion fixée au contrat et avait réclamé l'allocation à
l'égard du coût en capital en considérant que le
montant total du prix d'achat se rapportait à des
éléments susceptibles de dépréciation. Le Ministre
avait rejeté cette déduction. La Commission de
révision de l'impôt décida que la répartition prévue
au contrat devait s'appliquer.
Dans les motifs de sa décision, Me Weldon, c.r.,
cita l'arrêt Klondike Helicopters Ltd. c. M.R.N.
[1966] R.C.É. 251 de la Cour de l'Échiquier dans
lequel le juge Thurlow, examinant l'applicabilité
de l'article 20(6)g) de la Loi de l'impôt sur le
revenu déclarait à la page 254:
[TRADUCTION] ... si le contrat a pour but de préciser le
montant payé pour les biens susceptibles de dépréciation et s'il
n'est pas simplement une simulation ou un subterfuge, il est
fort possible qu'il ait une influence déterminante.
A la page 1271 Me Weldon, c.r. déclarait
notamment:
[TRADUCTION] 1. Puisque l'acte de vente susdit en date du 13
juillet 1965 [entre les Bohun et la Reynolds] n'est évidemment
ni une feinte ni un subterfuge, on doit conclure, conformément
à la décision rendue de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire
Klondike Helicopters (précitée), qu'il établit la valeur respec
tive des biens vendus.
Il faut noter ici que dans l'arrêt Klondike, le
juge Thurlow n'a pas dit que les termes du contrat,
relatifs aux biens susceptibles de dépréciation doi-
vent avoir une influence déterminante, mais seule-
ment qu'il est fort possible qu'ils aient une
influence déterminante. Il a aussi déclaré que
c'était là l'un des éléments dont il fallait tenir
compte.
Me Weldon, c.r. n'a pas dit non plus que, dans
tous les cas, le contrat devait avoir une influence
déterminante. Il a ajouté (à la page 1272) que le
contrat avait été rédigé par les propres avocats de
la Reynolds et déclara ensuite:
[TRADUCTION] 3. Étant donné la preuve qui m'a été présentée
dans cette affaire, il n'y a pas l'ombre d'un doute quant aux
faits suivants: les vendeurs (Dick Bohun et Peter Bohun)
voulaient incontestablement, ce à quoi a consenti l'acheteur (la
Reynolds), que la répartition du prix d'achat indiquée dans
l'acte de vente soit une condition importante et essentielle de la
convention, une condition qui soit à la base de celle-ci; ... les
vendeurs (Dick Bohun et Peter Bohun) et l'acheteur (la Rey-
nolds) ont toujours été parfaitement conscients des conséquen-
ces de cette répartition au plan fiscal et ils se rendaient compte
que cette répartition déterminerait, d'une part, le montant de la
récupération de l'allocation du coût en capital qui serait, le
moment venu, ajouté au revenu imposable de chacun des
vendeurs pour leur année d'imposition 1965 et, d'autre part,
l'amortissement ou l'allocation du coût en capital dont l'ache-
teur (Reynolds) serait fondé à demander la déduction de son
revenu pour ses années d'imposition 1966 et suivantes.
En l'espèce je suis convaincu, sur la foi du
témoignage de La Freniere, que ce n'est pas lui qui
a établi la répartition des évaluations, mais qu'elle
figurait dans l'offre d'achat présentée par les ache-
teurs et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une véritable
négociation et certainement pas d'une «discussion
serrée» comme c'était nettement le cas dans l'af-
faire Bohun et Reynolds. En outre, quoique Luff -
man et Stern aient admis qu'ils savaient que la
répartition des évaluations en l'espèce pourrait
avoir des incidences fiscales, il n'y a aucune preuve
établissant que La Freniere s'en était rendu
compte. S'il en avait été ainsi, il se serait vraisem-
blablement préoccupé des conséquences fiscales de
la répartition à son égard, mais il ne s'était nulle-
ment intéressé à la répartition ou à ces effets.
Il y a lieu de noter une autre particularité. Dans
l'affaire Bohun et Reynolds, une partie qui avait
pris part aux négociations serrées ayant abouti à la
répartition des évaluations, cherchait à modifier
cette répartition unilatéralement pour en tirer des
avantages fiscaux au détriment de l'autre partie.
Tel n'est pas le cas en l'espèce. Ainsi, les faits dans
l'affaire Bohun et Reynolds diffèrent sensiblement
de ceux de l'espèce.
Me Weldon, c.r., dans la décision Bohun et
Reynolds a déclaré à la page 1273:
[TRADUCTION] Je suis d'avis que l'article 20(6)g) n'a pas pour
objet de permettre au Ministre de modifier la répartition du
prix d'achat établie dans un contrat à moins que ce dernier ne
soit une feinte ou un subterfuge.
A mon avis, cette déclaration aurait une portée
beaucoup trop générale si elle devait signifier que
le Ministre, quelles que soient les circonstances, ne
peut modifier la répartition d'un prix d'achat à
moins qu'il ne prouve que cette répartition consti-
tue une feinte ou un subterfuge. Il faut tenir
compte des circonstances et elles peuvent conduire
à une conclusion différente.
La décision Coopérative agricole de Granby c.
M.R.N. 70 DTC 1620, de la Commission d'appel
de l'impôt est, dans la mesure où elle est applicable
en l'espèce, analogue à l'affaire Bohun (précitée).
La coopérative appelante a acheté une laiterie
pour $410,000. Dans l'acte de vente, l'appelante et
le vendeur avaient stipulé que la machinerie et
l'équipement susceptibles de dépréciation étaient
vendus pour la fraction non amortie de leur coût
en capital suivant la définition sur la Loi de l'im-
pôt sur le revenu. La fraction non amortie de leur
coût en capital était de $107,217. Quelques mois
après l'achat, l'appelante fit faire une expertise de
la machinerie et de l'équipement qui aboutit à une
évaluation de $256,472. L'appelante alors réclama,
dans sa déclaration d'impôt sur le revenu, une
allocation à l'égard du coût en capital sur le
montant de $256,472. Le Ministre rejeta la récla-
mation et n'accorda l'allocation à l'égard du coût
en capital que sur $107,217.
L'affaire a été entendue à la Commission d'ap-
pel de l'impôt par Maurice Boisvert. Il déclara à la
page 1623:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute que les parties contrac-
tantes ont traité à distance et que parmi les biens vendus il y en
avait qui étaient susceptibles de dépréciation. Cela est admis et
prouvé. Il ne fait aucun doute aussi que la considération
($410,000) couvrait des biens susceptibles de dépréciation et
d'autres actifs non susceptibles de dépréciation. Le prix total
doit donc être ventilé entre les différents actifs achetés. Cela a
été fait par le vendeur et l'acheteur. Je ne vois pas comment,
pour les fins d'impôt, la valeur attribuée aux différents biens
serait changée sur la foi d'une évaluation subséquente à l'achat.
Puis à la même page, il examina la thèse de
l'appelante selon laquelle la valeur des biens sus-
ceptibles de dépréciation fixée par les parties
n'était pas raisonnable et devrait être portée à
$256,472, montant de l'estimation de l'expert. Il
déclara alors:
[TRADUCTION] Que ce soit raisonnable ou non cela importe peu
du moment que les parties contractantes se sont entendues sur
la valeur comme c'est le cas ici. L'appelante a accepté de payer
$107,217 pour les biens susceptibles de dépréciation et elle ne
peut plus changer son évaluation. Permettre un tel changement
voudrait dire que les biens qui ont bénéficié d'une allocation du
coût en capital pour tenir compte de la dépréciation recommen-
ceraient à jouir d'une autre allocation du coût en capital sur ce
qui a déjà été déprécié et cela aux frais du fisc. C'est ce que le
législateur a voulu prévenir et empêcher.
Sa décision est nettement fondée sur le fait que
les parties ont traité de bonne foi, en toute indé-
pendance et qu'au cours de leurs négociations, elles
étaient tombées d'accord pour fixer la valeur des
biens susceptibles de dépréciation.
En l'espèce, comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas
eu de vraie négociation sur la valeur des biens
susceptibles de dépréciation. Il faut aussi noter que
dans l'affaire Coopérative agricole, l'achalandage
avait été expressément et distinctement visé parmi
les éléments faisant l'objet de la vente alors qu'en
l'espèce la totalité du prix de $405,000 a été
répartie entre certains postes spécifiés, sans aucune
mention de l'«achalandage».
Kamsack Hotels Limited c. M.R.N. 66 DTC 9.
Il s'agit d'une décision rendue par la Commis
sion d'appel de l'impôt sur une affaire entendue en
novembre 1965. Trois hôtels avaient été vendus
avec mobilier et matériel. L'achalandage n'était
pas mentionné. Le Ministre rejeta les évaluations
faites par la compagnie aux fins d'allocation à
l'égard du coût en capital, fixant des évaluations
quelque peu différentes pour certaines catégories
de biens et incluant un montant pour l'achalan-
dage, le tout conformément aux évaluations faites
pour le Ministre. Il a été décidé que l'on n'avait
pas prouvé l'existence de l'achalandage. L'appel a
été accueilli sur ce point. Cependant, l'affaire a été
renvoyée au Ministre pour réexamen et nouvelles
cotisations concernant la répartition du prix
d'achat entre les différents éléments corporels.
Chartrand c. M.R.N. 64 DTC 433.
Il s'agit d'une affaire entendue à la Commission
d'appel de l'impôt par Maurice Boisvert.
Dans cette affaire aussi, il a été décidé, sur la foi
des preuves, que l'on n'avait pas prouvé la valeur
de l'achalandage et que les édifices valaient ce
qu'ils avaient coûté à l'appelant. L'appel a été
accueilli.
La première décision citée par Me Weinstein
était Noralta Hotel Limited c. M.R.N. [1954]
R.C.É. 317. C'était une décision rendue à la Cour
de l'Échiquier par le président Thorson en 1954.
Me Weinstein l'a surtout citée parce qu'elle con-
tient une déclaration concernant les cotisations
établies par le Ministre. Dans cette affaire, l'appe-
lante avait soutenu que le prix du mobilier et du
matériel achetés avec l'hôtel était de $100,000,
comme indiqué dans la promesse d'achat et qu'elle
avait droit à l'allocation à l'égard du coût en
capital sur ce montant. Le Ministre avait décidé
que le coût réel du mobilier et du matériel était de
$35,000. A la page 319 le savant président
déclarait:
[TRADUCTION] Les cotisations bénéficient d'une présomption
légale de validité et demeurent valables jusqu'à ce qu'on ait
montré qu'elles sont entachées d'une erreur de fait ou de droit.
En ce qui concerne les faits, il a été décidé non
seulement que l'appelante n'avait pas démontré
que la cotisation du Ministre, fixée à $35,000, était
erronée mais encore qu'elle était plus que suffi-
sante. L'appel a été rejeté.
En l'espèce, les défendeurs n'ont produit aucune
autre preuve pour établir que la cotisation du
Ministre était erronée, en dehors du contrat
d'achat avec son tableau d'évaluation assignant la
totalité du prix de vente au terrain, à l'édifice, au
mobilier et au matériel, c'est-à-dire aux éléments
corporels. Comme indiqué précédemment, je ne
pense pas qu'il s'agisse d'un cas où l'on doit consi-
dérer que les évaluations du contrat s'imposent. Le
jugement pourrait être rendu en faveur de la
demanderesse uniquement en tenant compte de ces
faits. Mais la demanderesse a été plus loin. En plus
de la répartition des estimations faites au sein du
Ministère par Iderstine et le personnel de son
service, et sur laquelle le Ministre a fondé sa
cotisation, ce dernier a engagé un évaluateur indé-
pendant expérimenté, Farstad, pour évaluer les
biens achetés. Son rapport et les estimations qu'il
contient constituent l'exposé de fait et d'opinion le
plus solide et le plus digne de foi dont dispose la
Cour.
L'avocat de la demanderesse s'est fondé sur
deux autres décisions:
Canadian Propane Gas & Oil Limited c. M.R.N.
73 DTC 5019; Herb Payne Transport Limited c.
M.R.N. [1964] R.C.E. 1.
Dans ces deux affaires, on a longuement discuté
de l'article 20(6)g) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, c. 148. Avant d'analyser ces
deux affaires, je pense qu'il y a lieu de signaler que
l'article 20(6)g) parle de «biens susceptibles de
dépréciation» et «d'autre chose». Il ne parle ni
d'«achalandage» ni d'aucune autre espèce de biens
non susceptibles de dépréciation. Ainsi, lorsque
cette disposition s'applique, il suffit de démontrer
qu'outre «des biens susceptibles de dépréciation», on
achetait aussi «d'autre chose» pour le prix d'achat.
L'affaire Canadian Propane Gas a été entendue
en novembre 1972 par le juge Cattanach de la
Division de première instance de la Cour fédérale.
Le sommaire contient un bon résumé de l'essen-
tiel des faits et des motifs du jugement:
[TRADUCTION] Allocations à l'égard du coût en capital—Achat
d'une entreprise par voie d'acquisition de son actif—L'acheteur
s'attendait à reprendre la clientèle du vendeur—La contrepartie
est ventilée entre les actifs susceptibles de dépréciation et
«d'autre chose»—Juste valeur marchande de ces actifs—Far-
deau de la preuve—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952,
art. 11(1)a) et 20(6)g) [Voir art. 20(1)a) de la nouvelle loi].
La compagnie appelante exploitait une entreprise d'hydrocar-
bure liquide et gazeux, s'occupant principalement de vente de
gaz propane aux consommateurs. Elle a développé son entre-
prise en achetant les entreprises d'autres détaillants de gaz en
faisant l'acquisition de leurs actifs et, le cas échéant, de leurs
actions aussi. A la suite de l'achat de trois de ces entreprises,
dont deux ont fait l'objet de nouvelles cotisations au titre de la
récupération du coût en capital parce qu'elles avaient reçu de
l'appelante plus que le montant amorti des biens en question,
l'appelante s'est basée sur les montants figurant dans le contrat
écrit pour réclamer ses allocations à l'égard du coût en capital.
Le Ministre, en établissant la cotisation de l'appelante, a
invoqué l'article 20(6)g) et réduit le coût en capital de certains
éléments d'actif susceptibles de dépréciation. Il le fit en véri-
fiant la juste valeur marchande des éléments en question et en
considérant le solde du prix d'achat comme se rapportant à
«d'autre chose» au sens de cet article. L'appelante interjeta
appel à la Division de première instance de la Cour fédérale,
soutenant l'exactitude du montant des évaluations ayant fait
l'objet de négociation de la part des parties à chaque contrat et
se rapportant aux biens susceptibles de dépréciation et préten-
dant que l'article invoqué par le Ministre n'était pas applicable.
Arrêt: l'appel est rejeté. Il y a dans chaque contrat des
clauses destinées à assurer que l'appelante conserverait les
clients des vendeurs et cela suffit à constituer «d'autre chose» à
laquelle une partie de la contrepartie peut raisonnablement se
rapporter et, en conséquence, cet article est applicable. Les
entreprises ont été achetées et vendues en pleine activité, la
contrepartie étant calculée de manière à correspondre au prix
que chaque vendeur réclamait pour son entreprise et, comme la
répartition du prix entre les biens susceptibles de dépréciation
n'a pas fait l'objet de négociations serrées, les chiffres figurant
aux contrats ne prouvent pas quel est le montant raisonnable.
L'appelante ayant reconnu l'exactitude des chiffres du Minis-
tre, il lui appartenait de détruire les hypothèses sur lesquelles
celui-là fondait ses calculs et elle n'a pas réussi à le faire. En
conséquence, on ne peut soutenir que les hypothèses du Minis-
tre ne sont pas justifiées, les montants qu'il a alloués aux biens
susceptibles de dépréciation sont exacts.
A la page 5026, le juge Cattanach, après avoir cité
l'article 20(6)g) déclarait:
Pour bien appliquer les principes énoncés à l'article précité, il
ne suffit pas d'interpréter le contrat ou la convention ou de
donner effet à ses dispositions. L'article en question porte que
la fraction du montant qui peut être raisonnablement considé-
rée comme étant la cause ou considération de la disposition de
biens susceptibles de dépréciation est censée être le produit de
la disposition, indépendamment de la forme ou de l'effet juridi-
que du contrat ou de la convention.
[Le problème à résoudre]
La première question à trancher consiste en fait à déterminer
si le montant peut être considéré comme étant en partie la
cause ou considération de la disposition de biens susceptibles de
dépréciation et comme étant en partie la cause ou considération
d'autre chose. En résumé, il faut d'abord décider si l'article
20(6)g) est applicable.
Si la réponse à la première question est affirmative, la
deuxième question à trancher est de savoir quelle fraction du
montant total peut être raisonnablement considérée comme
étant la cause ou considération de la disposition des biens
susceptibles de dépréciation et quelle fraction du montant total
peut être raisonnablement considérée comme étant la cause ou
considération d'autre chose. Il me semble que la meilleure
façon de déterminer chacun des montants susdits est d'établir la
valeur raisonnablement attribuable aux biens et de déduire
ensuite ce montant de la cause ou considération total pour
obtenir le montant relatif à autre chose.
Dans l'affaire Canadian Propane, aucune allo
cation n'avait été faite pour l'«achalandage», l'un
des principaux témoins de l'appelante ayant
déclaré que celui-ci le considérait comme dénué de
toute valeur. Mais, comme le juge Cattanach le
déclarait à la page 5027:
[TRADUCTION] Le fait qu'aucune valeur ne soit attribuée à
l'achalandage dans les contrats ne tranche pas la question.
Le juge Cattanach s'est référé au fait que l'appe-
lante (l'acheteur) espérait reprendre la clientèle
des vendeurs et a alors déclaré à la fin de la page
5027:
[TRADUCTION] Il n'est pas nécessaire que je classe une telle
expectative sous le titre d'achalandage qui n'est évidemment
pas un bien susceptible de dépréciation. Cette expectative était
un facteur que l'appelante avait présent à l'esprit quand elle a
acheté les biens en question et cela suffit pour en faire «une
autre chose» au sens de l'article 20(6)g), à laquelle on peut
raisonnablement attribuer un montant. Il s'ensuit que l'article
20(6)g) est applicable aux opérations décrites ci-dessus.
Le passage que je viens de citer s'applique direc-
tement en l'espèce. L'espoir de se voir octroyer les
licences détenues par La Freniere était aussi cer-
tainement un facteur aux yeux des défendeurs
quand ils ont acheté l'hôtel Bell. En d'autres
termes, La Freniere, en vendant l'hôtel, abandon-
nait ses précieuses licences et les défendeurs
devaient les acquérir comme le montre la clause
précisant que s'ils n'obtenaient pas les licences,
leur achat était nul et non avenu.
Dans l'arrêt Canadian Propane, le juge Catta-
nach déclara, à bon droit à mon avis, que le nœud
du litige entre les parties consistait à [TRADUC-
TION] «déterminer le montant raisonnable repré-
sentant la contrepartie des biens susceptibles de
dépréciation». Cela résulte du libellé de l'article
20(6)g).
L'appelante avait soutenu que, puisque les
achats avaient été négociés par des parties n'ayant
aucun lien de dépendance et que le prix de vente
des éléments d'actif avait été fixé à la suite de
négociations réelles, il s'ensuivait qu'on ne pouvait
mettre en doute le contenu des accords écrits
résultant de ces négociations et attribuant un prix
à ces éléments d'actif. Le savant juge n'était pas
d'accord. A son avis, le mot «raisonnable», placé
dans le contexte de l'article 20(6)g), ne traduisait
pas exclusivement l'opinion subjective du Ministre
ou de l'appelante, mais l'opinion d'un observateur
objectif qui connaît tous les faits pertinents. Sa
conclusion finale se trouve dans le paragraphe
suivant à la page 5029, et s'applique précisément
en l'espèce:
[TRADUCTION] Pour les motifs précités, j'ai conclu que l'ap-
pelante a réparti de façon unilatérale le prix de vente entre les
biens susceptibles de dépréciation et les autres. En réalité, il n'y
a eu aucune véritable répartition arrêtée aux termes de négocia-
tions entre les parties. Il s'ensuit que les répartitions arrêtées
dans les contrats ne prouvent pas ce qui est raisonnable.
Il a été décidé que l'appelante n'avait pas réussi
à s'acquitter de l'obligation de réfuter les évalua-
tions du Ministre.
En l'espèce, je conclus aussi que les défendeurs
n'ont pas réussi à s'acquitter de l'obligation de
prouver que les évaluations de la cotisation du
Ministre étaient erronées. Cependant, après avoir
établi sa cotisation en se fondant sur les évalua-
tions soumises par le personnel de son ministère, le
Ministre a engagé Farstad pour faire une évalua-
tion officielle des éléments d'actif et lui en faire un
rapport. L'avocat de la demanderesse a déposé le
rapport de Farstad comme pièce et a aussi cité
celui-ci comme témoin. En fait, on demandait à la
Cour d'examiner la cotisation du Ministre et les
évaluations du rapport Farstad, ce que j'ai fait.
Ayant conclu que les chiffres de Farstad sont plus
dignes de confiance, je les retiendrais, n'était-ce
pour une raison particulière, comme les chiffres
exacts à utiliser dans l'établissement du montant
de l'impôt à payer. Je parlerai à cette raison à la
fin de ces motifs.
J'estime que, pour les besoins de cette décision,
il n'y a lieu de se rapporter que brièvement à
l'arrêt Herb Payne Transport Limited c. M.R.N.,
et ceci dans le seul but de citer quelques paragra-
phes du jugement du juge Noël de la Cour de
l'Échiquier et d'indiquer son avis sur le caractère
probant des prix des éléments d'actif figurant dans
un acte de vente. A la page 7 et la page 8 du
Recueil des arrêts de la Cour de l'Échiquier
[[1964] R.C.É 1], on trouve ce qui suit:
[TRADUCTION] Il n'y a aucun doute qu'en général, le prix
d'un bien convenu par des personnes de bonne foi et traitant en
toute indépendance, dans une transaction commerciale, devrait
établir la valeur du bien en question aux temps et lieu de la
transaction.
Toutefois, dans le cas présent, comme nous l'avons vu, il a été
prouvé que, bien que des valeurs aient été indiquées en marge
de tous les biens susceptibles de dépréciation de l'appelante, les
parties ne s'étaient pas mises d'accord pour qu'elles soient
censées établir la valeur desdits biens. Dans le cas présent, il y a
ouverture à la détermination de la valeur de ces biens en vertu
de l'article 20(6)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui, ainsi
que nous l'avons vu, stipule en particulier que: «la fraction du
montant qui peut être raisonnablement considérée comme étant
la cause ou considération de cette disposition est censée être le
produit de la disposition de biens susceptibles de dépréciation
appartenant à cette catégorie, indépendamment de la forme ou
de l'effet juridique du contrat ou de la convention;».
La règle ci-dessus semble être obligatoire et doit s'appliquer
à tous les cas de disposition de biens susceptibles de déprécia-
tion. Cette règle doit également, à mon avis, avoir pour effet de
permettre de faire la preuve de la valeur raisonnable de la
considération applicable aux biens ordinaires de la preuve qui,
ainsi que l'a suggéré l'avocat de l'intimé, peuvent s'appliquer ici
pour empêcher qu'un témoignage soit admis à contredire les
termes d'un écrit; d'autant plus que, dans le cas sous examen,
l'acheteur et l'appelante, ainsi que nous l'avons vu, n'en sont
jamais venus à un «accord» sur l'estimation des biens de l'entre-
prise en vue de la vente de ces biens.
Vers la fin de la page 8, après s'être référé à la
question du «caractère raisonnable» des prix, le
juge Noël déclarait:
[TRADUCTION] Il ne fait non plus aucun doute que si un
acheteur et un vendeur traitant en toute indépendance arrivent
d'un commun accord à une décision en ce qui concerne la
répartition du prix entre divers biens qui paraît être raisonnable
dans les circonstances, cette répartition devrait être acceptée
par les autorités fiscales comme étant exacte et devrait lier les
deux parties.
Cependant, en l'espèce, la considération ou contrepartie des
immobilisations, telle que fixée dans la nouvelle cotisation de
l'intimé, ne me paraît pas du tout raisonnable pour les raisons
suivantes.
Alors le juge Noël procéda à l'examen détaillé
des preuves, y compris celles relatives à l'achalan-
dage, pour démontrer que la nouvelle cotisation
n'était pas raisonnable. A la fin, il accueillit par-
tiellement l'appel, mais réévalua plusieurs élé-
ments d'actif.
J'estime qu'il n'y a pas lieu de passer en revue
les autres arrêts cités par les avocats.
La raison dont j'ai parlé plus haut et qui m'em-
pêche de retenir les chiffres fixés dans le rapport
de Farstad pour déterminer le montant de l'impôt
à payer, est que, ce faisant, la cotisation du Minis-
tre serait vraisemblablement augmentée. On n'a
produit aucune ventilation relative à la nature et à
la valeur du mobilier contenu dans l'immeuble qui
m'aurait permis de déterminer ces montants avec
précision, mais il semble que le fait que les pour-
centages autorisés d'amortissement et d'allocation
à l'égard du coût en capital soient plus élevés pour
le mobilier, l'ameublement et les agencements ina-
movibles que pour les immeubles, entraînerait une
cotisation plus élevée que celle établie par le
Ministre.
Dans l'affaire Harris c. M.R.N. [1965] 2 R.C.É.
653, le juge Thurlow de la Cour de l'Échiquier
était confronté avec une situation semblable. Dans
cette affaire, le Ministre, par erreur, avait alloué
une somme de $775.02 titre de déduction pour
dépenses de location. D'autre part, il apparaissait
qu'une somme de $525 aurait dû être déduite à
titre d'allocation à l'égard du coût en capital.
L'avocat du Ministre soutenait que la meilleure
solution était de renvoyer l'affaire au Ministre
pour qu'il corrigeât les deux erreurs. Le juge Thur -
low n'était pas d'accord. Il déclarait à la page 662:
[TRADUCTION] J'estime cependant que ce n'est pas de cette
manière qu'il convient de traiter de cette affaire. Lorsqu'un
contribuable interjette appel devant la Cour, la question sur
laquelle il faut se prononcer est essentiellement celle de savoir si
la cotisation est trop élevée. Cela peut dépendre des déductions
permises lors du calcul de l'impôt et de celles qui ne le sont pas,
mais, à mon sens, une décision sur ces questions n'est nécessaire
que dans le but de conclure sur la question essentielle. La Loi
ne prévoit pas que le Ministre puisse interjeter appel d'une
cotisation devant cette cour et, puisqu'en l'espèce, le fait de
rejeter une déduction de $775.02 tout en accordant une déduc-
tion de $525 aurait pour résultat d'augmenter le montant de la
cotisation, déférer l'affaire au Ministre à cette fin aurait pour
effet d'augmenter la cotisation et donc d'accorder en fait au
Ministre un droit d'appel à cette cour. La demande d'autorisa-
tion de modification est donc rejetée.
L'arrêt Harris a fait jurisprudence. Je partage
l'interprétation que le juge Thurlow a donnée de la
loi sur ce point. En conséquence, la cotisation
établie en l'espèce par le Ministre doit être mainte-
nue. Les appels de la demanderesse sont accueillis
avec dépens et les cotisations rétablies.
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