T-998-75
In re Donald Keith Nicholson et in re La Commis
sion nationale des libérations conditionnelles
Division de première instance, le juge Mahoney—
Halifax, le 15 avril; Ottawa, le 20 mai 1975.
Redressements extraordinaires—Certiorari—Pénitenciers—
Détenu sous surveillance obligatoire déclaré coupable d'in-
fractions—La Commission des libérations conditionnelles
révoque la surveillance obligatoire—Le requérant s'est vu
refuser toute possibilité d'influer sur la décision de la Com-
mission—Règles 319, 400 et 603 de la Cour fédérale—Décla-
ration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44 1S.R.C. 1970,
Ann. IIIJ art. 2e).
La révocation de la surveillance obligatoire constitue une
décision administrative relevant du pouvoir discrétionnaire de
la Commission et non une décision judiciaire, susceptible d'exa-
men en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. La
Commission n'a pas violé les droits conférés au requérant par la
Déclaration canadienne des droits, et particulièrement par son
article 2e). La liberté d'un détenu à liberté conditionnelle est
une faveur et non un droit et les garanties dont bénéficient les
droits de l'individu face à la volonté de la société ne font pas
obstacle à cette privation de liberté.
Arrêts suivis: Sherman and Ulster Ltd. c. Le commissaire
des brevets (1974) 14 C.P.R. (2 e ) 177; Ex parte McCaud
(1965) 1 C.C.C. 168 et Howarth c. La Commission natio-
nale des libérations conditionnelles (1975) 18 C.C.C. (2 e )
385.
REQUÊTE.
AVOCATS:
P. Harvison pour le requérant.
D. Richard pour l'intimé.
PROCUREURS:
Les services juridiques pénitenciaires, Sack-
ville (N.-B.), pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Cette demande a été pré-
sentée par avis de requête introductif déposé le 1e 1
avril 1975 et je l'ai entendue à Halifax le 15 avril
1975. Les avocats s'étaient mis d'accord au préala-
ble, sous réserve de mon approbation, pour sou-
mettre des plaidoiries écrites. C'est avec réticence
que, sur les sollicitations de l'avocat du requérant,
j'ai donné mon approbation, compte tenu du fait
qu'au pire, en l'absence de faits nouveaux, le
requérant serait libéré le 8 mai. Ma réticence
s'avéra bien justifiée: les plaidoiries écrites
n'étaient pas achevées avant cette date et donc, du
point de vue pratique, le requérant ne peut bénéfi-
cier de ma décision.
L'intimé soulevait une exception préliminaire
relative à l'introduction de procédures aux fins de
jugement déclaratoire par voie d'avis de requête
introductif. J'ai trouvé cette exception bien fondée
pour les raisons que j'ai exposées dans l'arrêt
Sherman & Ulster Ltd. c. Le commissaire des
brevets' et je n'ai pas l'intention de les répéter ici.
Il suffit de dire que, par suite de la modification
apportée à la Règle 603 de cette cour et entrée en
vigueur le 6 mars 1973 2 , on doit introduire une
procédure visant un jugement déclaratoire en vertu
de la Règle 400 et non par voie de demande en
vertu de la Règle 319. En raison de cette décision
que j'ai rendue à l'audience, la procédure s'est
poursuivie seulement en ce qui concerne le bref de
certiorari.
Le requérant purgeait une peine de deux ans
d'emprisonnement à compter du 26 octobre 1972
lorsque, le 26 mars 1974, il a été mis en liberté
sous surveillance obligatoire en vertu de l'article
15(1) de la Loi sur la libération conditionnelle de
détenus'. Le 23 septembre 1974, sa libération sous
surveillance obligatoire a été suspendue; en consé-
quence le 4 octobre, un nouveau mandat d'incarcé-
ration a été émis par un magistrat qui le même
jour, sur déclaration sommaire de culpabilité, a
condamné le requérant à deux peines simultanées
de trois mois d'emprisonnement, l'ayant reconnu
coupable d'infractions prévues aux articles 233 et
295 du Code criminel 4 , à savoir le délit de fuite et
l'emprunt non autorisé de véhicule. Le 13 janvier
1975, le requérant a été amené devant un magis-
trat qui l'a informé de la révocation de sa surveil
lance obligatoire par la Commission nationale des
libérations conditionnelles le 17 décembre 1974.
En ce qui concerne les procédures devant la
Commission qui ont conduit à la révocation de la
surveillance obligatoire du requérant, celui-ci
n'avait pas
(1974) 14 C.P.R. (2e) 177, la page 179.
2 DORS/73-128.
S.R.C. 1970, c. P-2.
4 S.R.C. 1970, c. C-34.
a) été préalablement avisé par écrit de l'audition;
b) eu la possibilité de se présenter à l'audition;
c) eu la possibilité de se faire représenter par un avocat;
d) eu la possibilité d'examiner les preuves sur lesquelles la
Commission s'est fondée pour parvenir à sa décision;
e) eu la possibilité de soumettre des preuves à la
Commission;
f) eu la possibilité de présenter des observations pour son
propre compte.
Voici les dispositions applicables de la Loi sur la
libération conditionnelle de détenus:
11. La Commission, en étudiant la question de savoir s'il
faut octroyer ou révoquer la libération conditionnelle, n'est pas
tenue d'accorder une entrevue personnelle au détenu ni à
quelque personne agissant au nom de celui-ci.
15. (2) L'alinéa 10(1)e), l'article 11, l'article 13 et les arti
cles 16 21 s'appliquent à un détenu qui est assujetti à la
surveillance obligatoire comme s'il était un détenu à liberté
conditionnelle en libération conditionnelle et comme si les
modalités de sa surveillance obligatoire étaient des modalités de
sa libération conditionnelle.
16. (4) La Commission doit, lorsque lui est renvoyé le cas
d'un détenu à liberté conditionnelle dont la libération condition-
nelle a été suspendue, examiner le cas et faire effectuer toutes
les enquêtes y relatives qu'elle estime nécessaires et immédiate-
ment après que ces enquêtes et cet examen sont terminés, elle
doit soit annuler la suspension, soit révoquer la libération
conditionnelle.
La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Ex p.
McCaud 5 a confirmé un refus d'habeas corpus
pour l'unique raison que la révocation de la libéra-
tion conditionnelle constituait une décision admi
nistrative relevant du pouvoir discrétionnaire de la
Commission des libérations conditionnelles et
n'était en aucune façon une décision judiciaire.
Cette cour-ci, dans l'arrêt Howarth c. La Com
mission nationale des libérations conditionnelles 6 ,
a confirmé récemment l'arrêt McCaud en statuant
qu'une telle décision n'était pas susceptible d'appel
en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale'. L'arrêt Ex p. McCaud constitue aussi la
réfutation directe de la thèse du requérant selon
laquelle la Commission des libérations condition-
nelles, en procédant comme elle l'a fait, a violé les
droits que lui confère la Déclaration canadienne
des droits et, en particulier son article 2e) que
voici:
(1965) 1 C.C.C. 168.
6 (1975) 18 C.C.C. (2') 385.
S.R.C. 1970, (2' supp.) c. 10.
... aucune loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer
comme
e) privant une personne du droit à une audition impartiale de
sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la
définition de ses droits et obligations;
La liste des griefs du requérant est plus détaillée
que celle de l'affaire Ex p. McCaud, mais leur
portée est la même. On a nettement refusé au
requérant la possibilité d'influer de quelque façon
sur la décision de la Commission nationale des
libérations conditionnelles qui lui a enlevé la
liberté. En examinant l'arrêt Howarth dans son
ensemble, il semble que l'on doive déduire du rejet
par la Cour de la position soutenue dans l'opinion
dissidente que la liberté du détenu à liberté condi-
tionnelle est une faveur que la société lui accorde
par l'intermédiaire des rouages administratifs de la
Commission nationale des libérations conditionnel-
les et non un droit qui lui appartient en tant que
membre de la société. Il s'ensuit que les garanties
dont bénéficie l'individu face à la volonté collective
de la société d'empiéter sur ses droits ne font pas
obstacle à la privation de liberté par l'intermé-
diaire des mêmes rouages.
Le requérant ne pourrait avoir gain de cause que
si j'avais conclu que la Commission des libérations
conditionnelles avait excédé ses pouvoirs en agis-
sant comme elle l'a fait. Je ne peux pas parvenir à
cette conclusion. La demande est rejetée. Il n'y
aura pas d'ordonnance concernant les dépens.
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