T-1406-74
La Reine (Demanderesse)
c.
Frank Leslie (Défendeur)
Division de première instance, le juge Addy—
Toronto, le 12 décembre 1974; Ottawa, le 10 mars
1975.
Impôt sur le revenu—Le défendeur vend une entreprise à
une compagnie qu'il contrôle et accepte un billet à ordre à titre
de paiement partiel—Dix ans plus tard, une partie du billet est
payée—S'agit-il d'un revenu du défendeur pour 1969?—Le
paiement a-t-il été fait à la suite d'une opération commerciale
authentique et non d'une affectation?—Loi de l'impôt sur le
revenu, S.R.C. 1952, c. 148, et mod. art. 8(1)a), b).
Dans le but d'acheter une entreprise qu'il dirigeait, le défen-
deur a fait constituer une compagnie dont il était l'actionnaire
principal. Le paiement du prix d'achat de $25,380 s'effectua
par l'émission au bénéfice du vendeur de 10,000 actions ordi-
naires et le solde fut garanti par un billet à ordre au montant de
$15,300. La valeur nette de l'entreprise était de $5,077.85; on
intégra au solde du prix d'achat un montant de $20,222.15,
imputé à la clientèle. Dix ans plus tard, $7,762.68 a été payé en
règlement partiel du billet. La demanderesse prétend qu'en
vertu de l'art. 8(1)a) ou b) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
ce montant aurait dû être inclus dans le revenu du défendeur
pour 1969.
Arrêt: La décision de la Commission de révision de l'impôt
est annulée et la cotisation initiale rétablie; il ne s'agissait pas
d'une opération commerciale authentique parce que le défen-
deur était actionnaire principal et que des actifs d'une valeur de
$5,075 furent cédés pour $25,380. Quant à la question de savoir
si le billet était non exécutoire étant donné l'absence totale de
contrepartie en ce qui concerne la clientèle, l'entente originale
ne différenciait nullement la clientèle des autres actifs. Le billet
à ordre ne couvrait qu'une partie du solde du prix de tous les
actifs vendus. Lorsque des parties ont conclu un contrat autre-
ment exécutoire entre eux, la Cour, une fois convaincue de
l'existence d'une contrepartie réelle, ne se souciera pas de la
suffisance de celle-ci.
Lorsqu'une obligation exécutoire a été conclue au cours
d'une année d'imposition et crée un bénéfice imposable entre
les mains du créancier obligataire et qu'elle est acquittée au
cours d'une année subséquente, c'est le moment où ledit béné-
fice a pris naissance qu'il faut retenir et non celui où le
contribuable reçoit effectivement le paiement. La dette doit
être bien garantie. Si l'actif est insuffisant pour qu'on puisse
espérer le remboursement de la dette, aucun bénéfice n'est
attribué jusqu'à ce qu'il y ait accumulation suffisante d'actifs
pour créer un bénéfice réel. En l'espèce, aucun montant supé-
rieur à la valeur réelle des actifs en 1959 n'était couvert par une
garantie. Par conséquent, aucun bénéfice n'a été attribué en
1959.
Arrêt suivi: Kennedy c. M.R.N. [1973] C.F. 839.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., et C. H. Fryers pour la
demanderesse.
D. C. Nathanson pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le procureur général du Canada pour la
demanderesse.
D. C. Nathanson, Toronto, pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ADDY: Le défendeur qui, à toutes les
époques en cause, était le détenteur majoritaire des
actions comportant droit de vote de la Headwater -
Perth Cheese & Foods Limited (ci-après appelée
«la compagnie») avait, en vertu d'un contrat de
vente conclu le 5 mars 1959, vendu à la compagnie
une entreprise d'entreposage et de distribution
d'aliments qu'il exploitait activement depuis un
certain temps. Le défendeur avait, en vertu des lois
de la province d'Ontario, fait constituer l'entre-
prise en compagnie privée pour les fins de l'acqui-
sition de ces actifs. Les lettres patentes attestant la
constitution de la compagnie portaient la date du 4
mars 1959. Le paiement du prix d'achat s'effectua
par l'émission au bénéfice du vendeur de 10,000
actions ordinaires représentant une contrepartie
totale avouée de $10,000 et le solde fut garanti par
un billet à ordre au montant de $15,300 consenti
au vendeur défendeur. Le billet à ordre portait
intérêt au taux de 3% et comportait des privilèges
et conditions extrêmement favorables à la compa-
gnie acheteuse.
Les biens corporels, autres que la clientèle,
représentaient un montant de $11,851.41 et les
exigibilités $6,773.46. La valeur nette de l'entre-
prise, la clientèle mise à part, était par conséquent
de $5,077.85. On intégra au solde du prix d'achat
un montant de $20,222.15 imputé à la clientèle. Il
est incontesté, et le défendeur l'a d'ailleurs volon-
tiers admis à l'audience, qu'en fait, la clientèle ne
représentait absolument aucune valeur.
Dix ans après la vente, c'est-à-dire en 1969, la
compagnie versa au défendeur un montant de
$7,762.68 en règlement partiel du billet à ordre
émis en sa faveur.
La demanderesse prétend que ledit montant de
$7,762.68 devrait, en vertu de l'article 8(1)a) ou
subsidiairement en vertu de l'article 8(1)b) de la
Loi de l'impôt sur le revenu', être à bon droit
inclus dans le calcul du revenu du défendeur pour
l'année d'imposition 1969. Le défendeur, d'autre
part, prétend que ledit montant constituait un
paiement fait en vertu d'une opération commer-
ciale authentique au sens de l'article 8(1)a) et ne
constituait pas une affectation prévue à l'article
8(1)b) et que, par conséquent, on n'aurait pas dû
en tenir compte dans le calcul du revenu de 1969,
puisque, quels que soient les bénéfices retirés par le
défendeur, celui-ci les a effectivement touchés en
1959, du moment de la signature de la vente,
conformément au contrat de vente et de transfert
des actifs. Voici les extraits pertinents de l'article
8(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu:
8. (1) Lorsque, dans une année d'imposition,
a) un paiement a été fait par une corporation à un action-
naire autrement qu'en vertu d'une opération commerciale
authentique,
b) des fonds ou biens d'une corporation ont été affectés de
quelque manière que ce soit à un actionnaire ou à son
avantage, ou
c) un bénéfice ou un avantage a été attribué à un actionnaire
par une corporation,
le montant ou la valeur en l'espèce est inclus dans le calcul du
revenu de l'actionnaire pour l'année.
Compte tenu du fait que le défendeur vendeur
était l'actionnaire majoritaire de la compagnie à
qui il vendait les actifs, et compte tenu également
du fait que ces actifs d'une valeur totale nette de
quelque $5,075 furent cédés à la compagnie ache-
teuse pour une contrepartie totale de $25,380, je
n'ai aucune peine à conclure que l'opération ne
peut être qualifiée d'«opération commerciale
authentique» comme l'envisage l'article 8(1)a) de
la Loi. Cependant, pourrait-on facilement avancer,
puisque la compagnie ne possédait en 1959 d'au-
tres actifs que ceux qu'elle avait achetés du défen-
deur et qu'en conséquence les actions n'auraient
représenté aucune valeur, dans ce cas, même si l'on
ne tient aucun compte des actions, la compagnie
possédait à cet époque des actifs qui n'avaient
qu'une valeur commerciale de $5,075 et devait au
vendeur un montant de $15,300; une telle opéra-
tion ne pourrait quand même être qualifiée d'opé-
ration commerciale authentique, compte tenu de
' S.R.C. 1952, c. 148 et ses modifications antérieures à 1969.
l'insuffisance marquée et très évidente de la con-
trepartie cédée par le vendeur à l'acheteur. Il
s'ensuit par conséquent, que, si «le paiement a été
fait» en 1969, le montant de $7,762.68 serait alors
imposable pour ladite année conformément à l'ar-
ticle 8(1)a), pourvu que les autres dispositions de
l'article 8(1) n'exigent pas que le montant soit
appliqué à l'année 1959 plutôt que 1969. De même
bien sûr, si les fonds de la compagnie correspon-
dant à ce montant devaient être considérés comme
ayant été affectés au bénéfice du défendeur en
1959, le montant serait alors imposable pour ladite
année, en vertu de l'article 8(1)b).
Nul doute que le défendeur en l'espèce est un
détenteur régulier du billet à l'ordre. La demande-
resse prétend donc que, vu l'absence totale de
contrepartie en ce qui concerne la clientèle, le
billet à ordre de $15,300 était non exécutoire entre
les parties initiales au billet, savoir le défendeur et
la compagnie, et elle ajoute que la promesse de
paiement de la compagnie constituait effective-
ment un engagement nul. En conséquence, l'affec-
tation ou le paiement eut lieu non pas en 1959
mais en 1969 lorsque la compagnie paya le mon-
tant de $7,762.65 sans aucune obligation légale de
sa part.
Aux fins de déterminer si le billet à ordre consti-
tuait un engagement nul, il faut examiner le con-
trat de vente initial dont il faisait partie intégrante.
Il ne fait aucun doute que toutes les formalités
prévues à The Corporations Act de l'Ontario ont
été remplies ou qu'à première vue, le contrat est
valide ou valablement conclu. Le problème n'a
jamais été soulevé par la demanderesse et le con-
trat, qui semble à première vue conforme aux
règles, est présumé avoir été valablement conclu,
une fois remplies les formalités habituelles prévues
par la loi. Le seul problème porte sur la contrepar-
tie: dans l'annexe du contrat, le montant afférent à
la clientèle fait partie des autres actifs dont le total
s'élève à $32,073 et le passif, comme je l'ai dit
antérieurement, à $6,773, soit une valeur totale
nette apparaissant au contrat de $25,300, montant
que la compagnie devait payer en cédant des
actions d'une valeur de $10,000 et le billet de
$15,300 susmentionné. Les dispositions formelles
du contrat n'établissent donc aucune distinction
entre la clientèle et les autres actifs dans la mesure
où il s'agit du paiement fait en contrepartie de la
cession de ces actifs. Le contrat ne spécifie pas que
le billet à ordre de $15,300 est consenti en contre-
partie d'une partie quelconque de la clientèle, mais
il indique simplement que le billet représente une
partie du solde du prix d'achat de tous les actifs
vendus. Il ne s'agit donc pas d'une absence de
contrepartie au billet; il aurait bien pu en être ainsi
si le contrat avait indiqué que le billet était con-
senti en paiement de la clientèle, auquel cas la
promesse de payer quelque chose sans retour cons-
tituerait un engagement nul en raison de l'absence
totale de contrepartie.
A cet égard, il est intéressant d'examiner le
paragraphe 11 de la défense qui se lit comme suit:
[TRADUCTION] 11. Le défendeur et la Headwater -Perth
Cheese & Foods Limited imputèrent à la clientèle un montant
de $20,222.15 que cette compagnie acquitta en émettant au
bénéfice du défendeur un billet à ordre au montant de $15,300,
portant intérêt au taux annuel de 3%, le solde étant garanti par
l'émission au bénéfice du défendeur d'actions ordinaires entiè-
rement libérées de la Headwater -Perth Cheese & Foods
Limited.
(Cette allégation est évidemment contraire au
libellé même du contrat ainsi qu'il a été mentionné
auparavant). Une admission, comme celle conte-
nue au paragraphe précité aurait bien pu être très
préjudiciable sinon fatale au défendeur si la
demanderesse avait choisi d'admettre l'exactitude
de cette allégation, mais voici ce que la demande-
resse a allégué dans sa réponse:
[TRADUCTION] 3. Elle admet que le montant imputé à la clien-
tèle par le défendeur et la Headwater -Perth Cheese & Foods
Limited était de $20,222.15 et, par ailleurs, elle lie contestation
avec le paragraphe 11 de la défense et déclare que les parties au
contrat d'achat et de vente ont explicitement convenu que le
billet à ordre ne faisait que garantir le prix d'achat dû et
exigible en vertu dudit contrat de vente.
La contestation ayant été liée sur ce point, la
Cour doit alors tirer une conclusion de fait qui s'y
applique et, ainsi que je l'ai dit antérieurement, la
preuve révèle que les faits corroborent l'allégation
précitée de la demanderesse.
Il faut établir une distinction fondamentale du
point de vue du droit entre le cas où il y a absence
totale de contrepartie et celui où la contrepartie
émanant de l'une des parties peut ne pas être égale
à la valeur de ce qui est promis ou donné par
l'autre partie. A l'égard des parties qui ont conclu
un contrat qui, à d'autres égards, est légal et
exécutoire, la Cour, une fois convaincue de l'exis-
tence réelle d'une contrepartie appréciable en
argent, ne se souciera pas de la suffisance de cette
contrepartie et elle ne permettra pas non plus à
une partie à un contrat de se soustraire aux obliga
tions qui en découlent pour des motifs d'insuffi-
sance de la contrepartie ou de disproportion de
l'engagement.
Il me parait donc manifeste que le contrat
conclu entre le défendeur et la compagnie, tout
comme le billet à ordre qui en faisait partie, ne
constituait pas un engagement nul. Le billet remis
en 1959 était pleinement exécutoire entre les par
ties. Le simple fait qu'un contrat ne soit pas une
opération conclue sans lien de dépendance ou ne
constitue pas une opération commerciale authenti-
que en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu ne
rend pas ce contrat nul ou non exécutoire entre les
parties. En outre, il se pourrait fort bien que le
contrat soit précisément le type de contrat qui, si
la compagnie avait eu des créanciers au moment
où il fut conclu, aurait pu être annulé à la
demande de l'un des créanciers et déclaré nul et
non exécutoire quant à eux. Mais, à nouveau, le
fait qu'un contrat puisse être annulable à la
demande des créanciers ne le rend pas nul, annula-
ble ou non exécutoire entre les parties qui y sont
directement intéressées.
Puisqu'en 1959, le défendeur a reçu un effet
négociable valable, exécutoire à l'encontre du sou-
scripteur, au montant de $15,300 plus les intérêts,
et puisque l'effet pouvait être valablement négocié
en tout temps à un détenteur régulier, il pourrait
sembler au premier abord que, suivant l'argument
avancé par le défendeur et conformément à l'arti-
cle 8(1)b), des fonds s'élevant au montant mini
mum de $15,300 z furent affectés en 1959 au
défendeur et à son avantage ou que, subsidiaire-
ment, en vertu de l'article 8(1)c), un bénéfice
correspondant à ce montant a été attribué au
défendeur et que, dans les deux cas, le montant du
billet (sous réserve peut-être d'une certaine réduc-
tion, compte tenu du faible taux d'intérêt et de la
date éloignée de l'échéance) aurait dû, conformé-
ment à la dernière partie de l'article 8(1), être
2 (Des actions au montant nominal de $10,000 ayant égale-
ment été reçues.)
inclus dans le calcul du revenu du défendeur pour
l'année 1959 et ne pourrait en aucune façon être
affecté à l'année d'imposition 1969.
En général, lorsqu'une reconnaissance de dette
légalement exécutoire a été conclue au cours d'une
année d'imposition, que cette reconnaissance crée
un bénéfice imposable entre les mains du créancier
obligataire ou du bénéficiaire et qu'elle est respec-
tée et acquittée au cours d'une année d'imposition
subséquente, c'est le moment où ladite reconnais
sance a pris naissance qu'il faut retenir et non celui
où le contribuable reçoit effectivement le paie-
ment. Ce principe fut reconnu par mon collègue le
juge Cattanach dans l'affaire Kennedy c. M.R.N. 3
et sa décision fut confirmée à cet égard par la
Cour d'appel dans l'affaire Kennedy c. M.R.N. 4 .
Dans l'affaire susmentionnée, voici comment le
juge en chef Jackett reprend en outre clairement la
distinction faite dans d'autres arrêts entre les mots
«revenu» et «bénéfice» envisagés à l'article 8(1)
(voir les pages 842 et 843 du recueil susmentionné
de l'affaire entendue devant la Cour d'appel):
Dans le cas d'un «revenu», on suppose, en l'absence de disposi
tions spéciales, que le législateur prévoit que l'impôt est dû
quand le montant est payé et non quand l'obligation naît. (Les
tribunaux rejettent naturellement l'imposition avant que le
montant du revenu soit dans les mains du contribuable.) En
l'espèce, le problème est de déterminer quand un «bénéfice» a
été «attribué» au sens de ces termes à l'article 8(1). A mon avis,
quand un actionnaire devient créancier d'une compagnie sans
contrepartie (ou sans contrepartie adéquate), il y a attribution
d'un bénéfice. (L'évaluation du montant du bénéfice peut varier
suivant le type de compagnie.)
Tout de suite après, cependant, il ajoute dans le
même paragraphe:
En revanche, quand on règle une dette, en supposant qu'elle
était bien garantie, il n'y a pas attribution de bénéfice car le
créancier a simplement reçu ce à quoi il a droit. En consé-
quence, j'estime qu'on doit tenir compte du billet à ordre de
$53,000, aux fins de l'article 8(1), pour l'année 1965 au cours
de laquelle la compagnie est devenue débitrice de l'appelant à
cet égard. [Souligné par mes soins.]
Puis, il ajoute au paragraphe suivant:
La question de savoir si l'on a attribué un bénéfice au cours
de l'année d'imposition 1965 est, à mon avis, surtout une
72 DTC 6357.
4 [1973] C.F. 839.
question de fait à l'égard de laquelle la charge de la preuve
incombe à l'appelant. [contribuable]. [Le mot entre parenthè-
ses est de moi.]
Les mots soulignés «en présumant qu'elle (la
dette) était bien garantie» ne désignent évidem-
ment pas le type d'effet servant à garantir la dette,
c'est-à-dire, si elle est garantie par une simple
promesse, un billet à ordre, un privilège ou une
hypothèque, puisque dans l'affaire Kennedy, préci-
tée, la dette n'était garantie dans ce sens que par
un billet à ordre et il est manifeste qu'un billet à
ordre ne constitue pas en lui-même une garantie.
La garantie, en ce qui concerne un billet à ordre,
dépend entièrement de la solvabilité du souscrip-
teur. Il faut considérer le type de garantie envisagé
dans le passage susmentionné comme signifiant
l'existence d'actifs suffisants à faire naître un
espoir ferme ou bien fondé que la dette sera effec-
tivement payée. Dans un tel cas, un bénéfice est en
fait attribué au moment de la naissance de la dette
légale. Inversement, s'il n'y a pas d'actifs, aucun
bénéfice n'est alors attribué, bien qu'une dette
légale puisse avoir pris naissance et qu'un bénéfice
puisse être attribué s'il y a une accumulation
suffisante d'actifs pour permettre à la reconnais
sance de dette de se transformer en un bénéfice
réel.
En l'espèce, comme je l'ai mentionné antérieure-
ment, les actifs nets cédés à la compagnie s'éle-
vaient à $5,077.85 après déduction des exigibilités
et il s'agissait là de l'ensemble des actifs de la
compagnie. A titre de garantie de ces actifs, la
compagnie a consenti au défendeur vendeur le
billet à ordre au montant de $15,300 et émis à son
bénéfice des actions d'une valeur nominale de
$10,000. Quel que soit le bénéfice légal effective-
ment attribué au défendeur en 1959, ce bénéfice
doit nécessairement excéder la valeur réelle des
actifs que le défendeur a cédés à la compagnie,
c'est-à-dire, un montant supérieur à $5,077.85.
Considérant les faits, il est manifeste qu'en 1959, il
n'existait pas la moindre garantie applicable à un
montant supérieur à $5,077.85, puisque la compa-
gnie n'avait aucun autre actif de sorte qu'à cette
époque, aucun bénéfice n'a effectivement été attri-
bué au défendeur. Il est intéressant de noter qu'au
moment de la vente, la possibilité de produire des
revenus et d'accumuler des actifs dans l'avenir
dépendait non pas de la compagnie elle-même mais
entièrement du travail, du labeur, de la compé-
tente, des connaissances et des relations d'affaires
du défendeur. La compagnie eût-elle possédé de
tels atouts, on aurait pu alors attribuer une cer-
taine valeur à cet élément que constitue la clientèle
et les actifs nets de la compagnie se seraient accrus
d'autant. Puisque, pour les motifs susmentionnés,
aucun bénéfice n'a effectivement été attribué au
moment de la vente en 1959, le Ministre était
justifié, à mon avis, d'établir la cotisation du con-
tribuable pour l'année 1969 en vertu de l'article
8(1)a) sur le montant que celui-ci a effectivement
reçu parce qu'il s'agissait d'un paiement fait par la
compagnie à l'un de ses actionnaires autrement
qu'en vertu d'une opération commerciale authenti-
que et qu'aucun bénéfice imposable afférent à ce
montant n'avait été attribué au contribuable en
1959.
La cotisation a effectivement été calculée sur le
montant de $7,956.22. Dans les plaidoiries et au
début de l'audience, l'avocat de la demanderesse a
reconnu qu'il y avait eu erreur et que le montant
de la cotisation aurait dû être calculé sur
$7,762.68 et non sur $7,956.22 et que, s'il obtenait
gain de cause, la cotisation devrait être confirmée
au montant moindre.
La décision de la Commission de révision de
l'impôt sera donc annulée et la cotisation initiale
rétablie sur le montant de $7,762.68. La demande-
resse aura droit aux dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.