T-2263-72
La Reine (Demanderesse)
c.
Lagueux & Frères Inc. (maintenant Industries
Maibec Inc.) (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Décary—
Montréal, les 21 et 28 mai 1974.
Impôt sur le revenu—Contrats conclus par le contribuable
pour se procurer de la machinerie—Contrat de vente ou
bail—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 137(1)—Code civil de
la province de Québec, art. 1013.
Le contribuable se procura des machines en vertu de
contrats conclus avec des compagnies de location de
machinerie ou avec des compagnies de finance qui achètent
de la machinerie et passent un contrat avec le contribuable.
Dans les deux cas, le contrat prévoyait le paiement du prix
d'achat par versements, ainsi que de l'intérêt des frais
d'administration et des frais de transport; il accordait une
option d'achat pour le montant de $1 une fois payée la
somme due. Le Ministre établit la cotisation du contribuable
pour les années d'imposition 1966 et 1967, en se basant sur
le fait que les contrats étaient des contrats de vente et non
de location. La Commission de révision de l'impôt décida
que les contrats étaient des baux et infirma les cotisations.
La Couronne interjeta appel.
Arrêt: l'appel est accueilli et les cotisations rétablies; il
n'était pas nécessaire de recourir à l'article 137(1) de la Loi
de l'impôt sur le revenu pour déterminer si la déduction des
dépenses afférentes aux divers contrats réduit indûment ou
de façon factice le revenu de la défenderesse intimée. En
cas de doute sur la nature d'un contrat, on doit se reporter à
l'article 1013 du Code civil de la province de Québec. En
vertu des termes des contrats, la totalité des paiements a été
effectuée pour l'achat des machines; l'ensemble des paie-
ments effectués pendant la période de la prétendue location
est entièrement déductible du prix d'achat et correspond
parfaitement à ce dernier plus l'intérêt payable pendant la
période de la prétendue location, sur le solde du prix
d'achat. Les contrats constituaient donc des ventes condi-
tionnelles sous condition suspensive et non des baux.
Arrêts examinés: Thibault c. Auger [1950] C.S. 343;
Gravel c. Massicotte et Couillard (1932) 52 B.R. Qué.
146; Carey c. Carey (1912) 42 C.S. 471 et A.R. Wil-
liams Machinery and Supply Co. Ltd. c. Morin [1933]
R.C.S.570.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
G. Drolet et A. Côté pour la demanderesse.
C. Desaulniers et M. Regnier pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
la demanderesse.
Stikeman, Elliott et Cie, Montréal, pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement prononcés en
français par
LE JUGE DÉCARY: Il s'agit d'un appel pour les
années 1966 et 1967 où le Ministre a émis une
cotisation en vertu de laquelle il a considéré que
les contrats qui font l'objet du litige sont des
contrats d'achat et non des contrats de location.
L'affaire a été entendue devant la Commission
de Révision de l'impôt où il fut décidé que
lesdits contrats étaient des baux et conséquem-
ment les cotisations furent infirmées. Il faut
donc déterminer la nature des contrats qui font
présentement l'objet du litige.
Cette détermination à mon avis ne peut pas se
faire sans analyser chacun des contrats et sans
poser un diagnostic en droit civil.
L'avocat de la défenderesse a assigné un
témoin, M. Sévère Théberge, Directeur général
et Secrétaire-Trésorier de la défenderesse. Les
opérations de la défenderesse consistent à
exploiter une scierie et pour ce faire elle s'ap-
provisionne auprès de la compagnie Lagueux &
Théberge. Les actions des deux compagnies
sont possédées par les mêmes personnes. Le
témoin a affirmé que la compagnie se servait de
la formule de contrat intitulée «location», afin
d'avoir une meilleure position financière liquide
puisque de cette façon la mise de fonds est faite
sur une base mensuelle et qu'il n'y a pas de
dette telle quelle apparaissant au bilan. Le
témoin a dit que la compagnie approchait un
fabricant de machinerie lourde et ensuite agis-
sait en sorte qu'une compagnie prêteuse ou de
location achète la machinerie voulue et la loue à
la défenderesse. Tous les contrats en cause pos-
sèdent une option d'achat que la défenderesse
peut exercer à un prix nominal et très inférieur à
la valeur marchande de la machinerie à l'époque
où l'option est exercée. Le témoin a confirmé
que le coût de la machinerie était le même, que
la machinerie soit achetée ou louée, excepté
lorsqu'il y a des versements mensuels, l'intérêt
et les frais d'administration sont ajoutés.
Le procureur de la demanderesse a fait enten-
dre monsieur Michel Philippon, contrôleur de la
défenderesse. Le témoin a souligné que la façon
de procéder de la compagnie pour obtenir la
possession de la machinerie permettait de ne
pas indiquer au bilan les montants mensuels à
être déboursés, et ce, pour fins bancaires. Cette
affirmation me paraît peu sérieuse vu que ces
dépenses apparaissent à l'état de profits et
pertes et que le résultat des opérations, à savoir
la perte ou le profit, apparaît au bilan. A mon
avis il ne s'agit que d'une entrée comptable à un
endroit ou à un autre des états financiers selon
que l'on considère le contrat comme un contrat
de location ou comme un contrat de vente. Le
témoin a également établi que pour les fins
d'assurance, lorsque l'option d'achat est exer-
cée, la machinerie est évaluée à un montant
correspondant à la valeur au marché à l'époque
de l'exercice de l'option. En contre-interroga-
toire, le témoin a avoué que la défenderesse est
partie à d'autres contrats dont la formulation est
différente de ceux qui font l'objet d'analyse
devant la Cour.
Monsieur Gagnon, courtier en machinerie
lourde, a été appelé comme témoin par la
demanderesse et à mon avis, la partie essentielle
de son témoignage a été d'établir que le coût
initial d'une machinerie est le même si la machi-
nerie est payée comptant ou si la machinerie est
louée, mais que les frais d'intérêt et les frais
d'administration s'ajoutent au coût initial lors-
que la machinerie n'est pas payée comptant. Au
fait, dans un contrat dit de location, le présumé
locataire paie de l'intérêt et des frais d'adminis-
tration pour l'usage de l'équipement vu qu'il n'a
pas acquitté en entier le prix d'achat. Il a égale-
ment été établi par ce témoin que la valeur
marchande de la machinerie à l'époque où l'op-
tion est exercée est toujours plus élevée que le
montant payable lors de l'exercice de l'option; il
a également établi que s'il s'agit d'une compa-
gnie locatrice de machinerie et non une compa-
gnie de finance, la compagnie locatrice s'occupe
de l'entretien de la machinerie.
Il convient maintenant d'étudier les contrats
auxquels la défenderesse a été partie.
Le premier contrat en date du 1e` avril 1967
est entre la défenderesse et Corporate Plan
Leasing Limited. Il comportait deux objets: un
camion et un Lift Truck Plant. Ce contrat est
pour une période de trente-six mois avec un
paiement mensuel de $95.16 et à la fin du
,contrat $95.16 par année, cela pour le camion;
le Lift Truck Plant requiert un paiement men-
suel de $286.71 et à la fin du contrat $286.71
par année. Le 30 avril 1967, Corporate Plan
Leasing Limited a accordé à la défenderesse
une option d'achat à un prix équivalent à 5% de
la balance due à la fin de la période du contrat,
c'est-à-dire, avant le renouvellement du contrat.
La défenderesse doit obtenir «tous les permis,
licences et enregistrements requis pour l'emploi
de l'équipement»; doit payer tous «honoraires,
frais, déboursés et taxes»; avoir des polices
d'assurance sur l'équipement et ne pas vendre
l'équipement sans consentement préalable de
Corporate Plan Leasing Limited.
Il est en preuve que le prix total de la présu-
mée location, si on y enlève les frais d'intérêt et
d'administration, est équivalent au prix du
marché et qu'à l'exercice de l'option, la valeur
du marché de l'équipement est supérieure au
montant nominal que la défenderesse doit
payer.
Le deuxième contrat concerne un écorceur et
un convoyeur à rouleau et autres équipements
accessoires au fonctionnement dudit rouleau.
Ce contrat a une durée de soixante mois à un
montant mensuel de $625, ce qui fait un mon-
tant total de $37,500. Ce contrat est passé avec
Industrial Acceptance Corporation Limited, en
date du 28 septembre 1966. Entre autres fac-
teurs relevés, ce contrat prévoit que toute trans
formation ainsi que tout entretien, réparation ou
remplacement seront faits aux frais de la défen-
deresse. Également, le coût de tout permis
devra être assumé par la défenderesse.
L'article 23 dudit contrat doit être cité en
partie:
23. Dans la mesure non-prohibée par la loi, le locataire
renonce à tous les droits, avantages et protection qu'accorde
l'article 19 de la Loi sur les Ventes conditionnelles, Statuts
refondus de l'Alberta, et convient que les dispositions de
The Limitation of Civil Rights Act, Statuts refondus de la
Saskatchewan, tels qu'amendés, ne s'appliquent pas à ce
contrat de location ou tout contrat ou instrument renouve-
lant ou prolongeant ou qui est subsidiaire à ce contrat de
location, ou aux droits, pouvoirs ou recours du bailleur, son
ayant droit, ou toute autre personne aux termes de ce
contrat de location ou aux termes de tout contrat ou instru
ment renouvelant ou prolongeant ou subsidiaire à ce contrat
de location.
On remarque à ce contrat qu'à la première
page, Industrial Acceptance Corporation Limi
ted est décrit comme bailleur et ensuite au
même contrat dans un paragraphe intitulé
«Vente, Cession et Garantie», que:
Le bailleur par les présentes, vend, cède et transporte à
Industrial Acceptance Corporation Limited (ci-après appelée
la «Corporation») tous ses droits, titre et intérêts au et dans
le contrat de location qui précède et couvrant la location à
bail du matériel qui y est décrit, ainsi que tous loyers et
autres montants maintenant ou ultérieurement payables par
le locataire y nommé et tous droits et recours du bailleur qui
s'y rapportent, et de plus, le bailleur vend, cède et transporte
à la Corporation le matériel y décrit, sous réserve des droits
dudit locataire tels que stipulés dans ledit contrat " de
location.
Je ne vois pas comment, si Industrial Accept
ance Corporation Limited est bailleur, elle
puisse se transporter à elle-même ses droits.
Ceci à mon avis indique que Industrial Accept
ance Corporation Limited est créancière de la
défenderesse pour la vente de machinerie qui
est décrite.
Le 20 octobre 1966, Industrial Acceptance
Corporation Limited avisait la défenderesse que
l'équipement pourrait être acheté pour $1.00 à
l'expiration du contrat. Quant à l'option de cet
achat, il faut noter que le montant de $37,500
doit être payé avant que la défenderesse puisse
exercer cette option.
Ce montant de $37,500 est la valeur au
marché de cet équipement à la date du contrat;
le montant de $1.00, payable pour exercice de
l'option est inférieur à la valeur marchande de
l'équipement cinq ans après la signature du con-
trat, tel qu'il a été démontré en preuve.
Le troisième contrat est en date du 20 décem-
bre 1966 et est passé entre la défenderesse et
Hewitt Equipment Limited. Il s'agit d'un mon-
tant de $52,134.30 pour un traxcavateur et une
fourchette «Pulpwood». La période du contrat
est de vingt-neuf mois à un montant mensuel de
$1,477, comprenant l'assurance, après un paie-
ment initial de $7,000.
L'on voit aux conditions générales du contrat
que toutes les taxes de vente provinciales et
municipales sont à la charge de la défenderesse.
Les pièces brisées doivent être remplacées par
la défenderesse; toutes les taxes locales, munici-
pales, provinciales et fédérales devraient être
acquittées par la défenderesse. Hewitt Equip
ment Limited prend soin au paragraphe 15 de
dire qu'elle demeure en tout temps propriétaire
de la machinerie, ceci me paraît pour le moins
redondant si Hewitt Equipment Limited est
vraiment propriétaire de l'équipement.
Le 27 décembre 1966, l'on accordait une
option d'achat à la défenderesse, laquelle peut
être exercée durant la période de location, pour
la balance due après déduction à 100% des
loyers payés. Un contrat avec une telle stipula
tion ressemble étrangement à une vente à
tempérament.
Le 3 avril 1967, un contrat intervint entre la
défenderesse, et E. W. Bliss Company (Canada)
Ltd. relativement à un système de gicleurs auto-
matiques à air comprimé avec tous les accessoi-
res nécessaires à un tel système pour un mon-
tant total de $16,230 avec un paiement initial de
$2,730 et un versement mensuel de $225 pour
une période de soixante mois. En vertu du con-
trat la défenderesse s'engage à payer toutes
taxes et cotisations, à assurer le système pour le
terme du contrat soit avec une clause de perte
totale dans la police d'assurance sur l'immeuble
ou encore soit par une assurance spécifique sur
l'item seulement.
Le 20 avril 1967, une option d'achat était
accordée à la défenderesse pour le montant de
$1.00, en plus de tous montants de loyer dus ou
qui deviendront dus pour le reste du terme du
bail.
A mon avis, ce contrat avec les autres con-
trats revus jusqu'ici démontrent que, même si
l'option est exercée avant la fin du bail, tous les
versements à échoir doivent être acquittés avant
d'exercer l'option.
Le 11 mai 1966, en vertu d'un contrat passé
entre Tab Rentals Limited, la défenderesse et
Lagueux et Théberge Inc., la défenderesse pre-
nait possession de quatre véhicules. Le lende-
main, Tab Rentals Ltd. et la défenderesse se
donnaient mutuellement promesse irrévocable
d'achat et de vente de tous les véhicules à un
prix équivalent à 5% de la valeur originale du
véhicule.
Je crois qu'une telle entente faite une journée
après le soi-disant bail démontre bien la vraie
nature de la première entente, vu que cette
promesse bilatérale d'achat et de vente consti-
tue nettement un contrat de vente.
Je crois que cette analyse de ces cinq contrats
et options est suffisante pour démontrer qu'il ne
s'agit pas de location mais de vente sous condi
tion suspensive ou à tempérament ou de
crédit-bail.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, ni même
utile, de recourir aux dispositions de l'article
137(1) de la Loi de l'Impôt pour déterminer si la
déduction des dépenses afférentes aux divers
contrats réduit indûment ou de façon factice le
revenu de la défenderesse. A mon avis, la
nature des droits et obligations crées aux con-
trats passés par la défenderesse doit s'établir
d'après les dispositions du Code civil.
Le droit fiscal, à mon avis, est un droit acces-
soire qui n'existe qu'au niveau des effets décou-
lant des contrats. Une fois la nature des contrats
déterminée par le droit civil, la Loi de l'Impôt
intervient, mais seulement alors, pour imposer
des conséquences fiscales à ces contrats. Sans
contrat, sans droit et sans obligation il ne peut y
avoir d'incidence fiscale. L'application de la Loi
de l'Impôt est soumise à un diagnostic civil que
ce diagnostic soit de droit civil ou de droit
commun.
Il n'y a aucune nécessité pour déterminer la
nature des contrats de recourir à la théorie
populaire en droit fiscal de la forme et de la
substance, si le droit privé du lieu où est inter-
venu le contrat, en l'occurence ici, le Code civil
de Québec, contient des dispositions qui ont la
même portée que cette théorie.
Les dispositions de l'article 1013 du Code
civil indiquent le critère à suivre en cas de doute
quant à la nature d'un contrat:
1013. Lorsque la commune intention des parties dans un
contrat est douteuse, elle doit être déterminée par interpréta-
tion plutôt que par le sens littéral des termes du contrat.
La décision rendue dans Thibault v. Auger',
est explicite sur ce point [à la page 345]:
Quand il s'agit d'interpréter un contrat, il faut rechercher
l'intention des parties, peu importe le nom qu'elles lui
donnent.
Elles peuvent bien déclarer vendre ou louer une chose,
mais il n'est pas en leur pouvoir de changer le sens du
contrat lui-même et si ce contrat, qu'elles appellent louage,
présente tous les caractères d'une vente, il sera régi, non par
les principes de louage, mais par ceux de la vente.
Et ceci sera déterminé d'après les termes du contrat
lui-même, de l'objet en vue et des circonstances qui ont
entouré la passation d'un tel contrat.
Des auteurs française se sont prononcés sur la
nature de tels contrats qu'ils appellent «location
vente». Je cite Mazeaud sur le sujet:
La location-vente consiste en un bail assorti d'une pro-
messe de vente ... .
Si le contrat comporte réellement un bail et une vente
distincts, il est licite et produit tous ses effets ...
Mais très fréquemment, la location-vente déguise une
vente à tempérament avec réserve de propriété; les loyers
convenus ne sont, en réalité, que des fractions du prix de
vente, et le prix fixé dans la promesse de vente n'est que la
dernière de ces fractions. Les tribunaux écartent alors l'ap-
parence; prenant en considération l'importance des loyers
stipulés par rapport au prix fixé dans la promesse de vente,
ils analysent la location-vente en une vente à tempérament
avec réserve de propriété. 3
La jurisprudence québécoise a eu à quelques
reprises l'occasion d'analyser des contrats simi-
laires. La Cour d'Appel, dans l'affaire Gravel c.
Massicotte et Couillard 4 , a considéré un sembla-
ble contrat comme étant une vente condition-
nelle et non un bail:
1 [1950] C.S. 343.
2 Planiol & Ripert, Traité pratique de droit civil français,
no. 220, p. 260, Mazeaud, Leçons de droit civil, vol. 3, no.
923,p.754.
Mazeaud, op. cit., p. 754.
4 (1932) 52 C.B.R. 146, à la page 151.
Toutefois, les obligations du prétendu locataire paraissent
être, d'après le contrat, celles de tout propriétaire ordinaire.
Sans doute, les parties à un semblable contrat peuvent
bien lui donner le nom de bail; il n'en est pas moins vrai
cependant, que nos tribunaux ont eu souvent à apprécier de
tels contrats, que parfois ils lui ont reconnu plutôt un
caractère de vente déguisée, alors surtout qu'il s'agissait
d'immeubles avec translation de possession aux mains du
locataire avec assujettissement à toutes les obligations d'un
véritable propriétaire; dans l'espèce, le prétendu loyer est de
$250 par mois, faisant $3,000 par année; cependant, il y est
stipulé que les intérêts à 7% devront courir sur toute la
balance du montant de $27,500; d'autres clauses obligent le
locataire à entretenir les lieux, et à payer les taxes et
cotisations municipales, à payer les assurances, etc.
Dans Carey c. Carey 5 , on retrouve les consi-
dérations suivantes:
Pour déterminer la nature d'un contrat, ... on doit recher-
cher quelle a été la commune intention des parties, plutôt
que de s'arrêter au sens littéral des mots, mais on doit aussi
tenir compte de la qualification donnée au contrat.
Après avoir attentivement examiné la preuve faite et
l'écrit lui-même, je suis arrivé à la conclusion qu'il ne
contient pas de bail; il contient soit une vente sous condition
suspensive, soit une vente sous condition résolutoire.
Dans l'écrit, on se sert ... des mots: locataire, loyer mais
il n'y a, ni loyer, ni locataire. Le locataire, c'est l'acheteur et
le loyer, c'est le prix de vente.
En échelonnant les versements, la demanderesse a eu en
vue de permettre au défendeur de payer un capital qu'il ne
pouvait pas solder tout d'un coup.
Dans A.R. Williams Machinery & Supply Co.
Ltd. c. Morin 6 , le savant juge Cannon, de la
Cour Suprême, après avoir revu la jurispru
dence du Québec, dit à la page 580:
Cette solution donnée à plusieurs cas analogues ne lie pas
cette cour. Mais nous voulons indiquer la tendance de la
jurisprudence de la province de Québec. Nous n'y déro-
geons pas en refusant de permettre à l'intimée d'agir comme
bailleresse contre l'intervenante, à l'encontre de ses droits
de propriétaire, lorsque tout indique que le contrat en ques
tion, ou pour employer l'expression des auteurs, le but
essentiel de l'opération juridique, était d'assurer à la compa-
gnie défenderesse n'ayant pas les capitaux nécessaires pour
réaliser de suite l'acquisition, non la possession précaire à
titre de locataire, mais bien la propriété définitive de l'im-
meuble en question.
Tenant compte des faits prouvés, des arrêts et
de la doctrine cités, la Cour considère que la
totalité des paiements ont été faits dans l'opti-
que de l'achat des machineries, en effet, l'en-
5 (1912) 42 C.S. 471,à la page 475.
6 [1933] S.C.R. 570.
semble des paiements effectués pendant la
période de soi-disant location sont entièrement
déductibles sur le prix d'achat et correspondent
parfaitement au prix d'achat des machineries
auquel on a ajouté l'intérêt payable pendant la
période de soi-disant location sur la balance du
prix d'achat. Je suis donc convaincu qu'il s'agit
de ventes conditionnelles, sous condition sus-
pensive, et qu'il ne peut s'agir de baux.'
L'appel est admis et les cotisations sont défé-
rées au Ministre pour plus ample étude et nou-
velles cotisations pour tenir compte de l'élément
intérêt et frais d'administration, le tout avec
dépens.
Il est intéressant de noter que le législateur a statué, sur
de tels contrats, par un nouvel article du Code civil:
1603. Les dispositions du présent chapitre ne s'appli-
quent pas au crédit-bail consenti par une personne qui fait
le commerce de prêter ou de consentir du crédit et qui, à
la demande du locataire, a acquis d'un tiers la propriété du
bien qui fait l'objet du contrat pourvu que
1. le crédit-bail soit consenti pour des fins commercia-
les, industrielles, professionnelles ou artisanales;
2. le crédit-bail porte sur un bien meuble;
3. le locataire ait procédé lui-même au choix du bien;
4. le locateur cède expressément au locataire les garan-
ties qui lui résultent de la vente intervenue avec le tiers; et
que
5. la cession des garanties soit acceptée sans réserve
par le tiers.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.