A-73-75
John Emmett McCann, Walter Alan Dudoward,
Rheal LaMarche, Ralph Cochrane, Jake Quiring,
Donald Oag, Keith Curtis Baker, Andrew Bruce et
Melvin Miller (Appelants) (Demandeurs)
c.
La Reine et Dragon Cernetic, en sa qualité de
directeur du pénitencier de la Colombie-Britanni-
que (Intimés) (Défendeurs)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Pratte et Urie—Vancouver, les 18 et 19 février
1975.
Pratique—Division de première instance interdisant aux
appelants d'être présents simultanément pendant leur procès et
n'autorisant leur comparution que pour témoigner—Appel.
Les appelants interjettent appel d'un jugement de la Division
de première instance interdisant leur présence simultanée pen
dant le procès et ne les autorisant à comparaître que pour
témoigner. Les appelants avaient été transférés sous garde d'un
établissement pénitentiaire dans un bâtiment abritant la salle
d'audience. Aucune ordonnance n'avait autorisé cette action ni
le transfert subséquent des appelants dans la salle d'audience.
A l'ouverture des débats, l'avocat des appelants demanda à la
Cour d'émettre une ordonnance autorisant la présence simulta-
née des appelants dans la salle d'audience; cette demande fut
rejetée.
Arrêt: l'appel est rejeté; la Division de première instance
n'est aucunement compétente ni ne dispose d'un pouvoir discré-
tionnaire pour exiger qu'une personne légalement sous garde
vienne assister à un procès civil autrement qu'aux fins de
témoigner. Par suite de ce défaut de compétence, le moyen
supplémentaire soulevé par l'ordonnance, à savoir des considé-
rations de sécurité, n'a pas d'importance. On ne peut en déduire
que la Cour exerçait son pouvoir inhérent de rendre des ordon-
nances pour assurer l'ordre et le décorum dans la salle d'au-
dience, de manière à interdire implicitement aux appelants
d'être présents dans la salle d'audience pendant le procès.
APPEL.
AVOCATS:
B. Williams et D. Sorochan pour les appe-
lants (demandeurs).
J. Haig et K. Burdak pour les intimés
(défendeurs).
PROCUREURS:
Swinton & Cie, Vancouver, pour les appelants
(demandeurs).
Le sous-procureur général du Canada, pour
les intimés (défendeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Par les présentes,
appel est interjeté d'un jugement de la Division de
première instance, en date du 10 février 1975,
portant que les appelants, conformément à l'avis
d'appel, [TRADUCTION] «ne sont pas autorisés à
être présents simultanément pendant toute la
durée de leur procès et qu'ils ne comparaîtront que
dans le but précis de témoigner».
Les appelants ont intenté une action devant la
Division de première instance aux fins d'obtenir un
jugement déclaratoire, alors qu'ils se trouvaient
légalement détenus dans un pénitencier fédéral.
Au début de l'audition de cette action, l'avocat
des appelants a présenté une demande orale sollici-
tant une ordonnance autorisant tous les appelants,
outre leur comparution comme témoins, à être
présents dans la salle d'audience [TRADUCTION]
«au cours de l'audition».
Au moment où cette demande a été présentée,
les appelants n'étaient pas dans la salle d'audience.
Conformément à un accord intervenu entre les
avocats des deux parties, les appelants avaient
apparemment été transférés sous garde, de l'éta-
blissement où ils purgeaient leur peine, à un
endroit situé dans une autre partie de l'édifice
abritant la salle d'audience, où ils étaient sous
garde. On ne nous a pas fait savoir en vertu de
quelle autorisation légale, s'il en est, les appelants
ont été transférés de l'établissement où ils pur-
geaient leur peine. Il appert toutefois, selon les
dires des avocats au cours des débats, qu'ils n'ont
pas été transférés en vertu d'une ordonnance d'un
tribunal. Il apparaîtrait également que leur trans-
fert subséquent des locaux, dans lesquels ils étaient
sous garde au moment de l'ouverture du procès,
jusqu'à la salle d'audience dépendait, en fait tout
au moins, de la délivrance par la Cour d'une
ordonnance, comme celle sollicitée par leur avocat
à l'ouverture de l'audition.
Après la clôture des débats intéressant la
demande, au cours desquels la Cour a exprimé
l'opinion qu'elle n'était compétente pour rendre
aucune ordonnance relativement à la présence de
personnes à un procès, si ce n'est l'ordonnance
nécessaire pour la comparution des témoins (et
qu'elle était par ailleurs préoccupée des problèmes
de sécurité au cours du procès), une ordonnance a
été rendue oralement, rejetant la demande. Aux
fins d'appel, l'ordonnance a été consignée dans un
document dont voici un extrait:
[TRADUCTION] 2. La requête des demandeurs sollicitant de la
Cour l'autorisation de demeurer simultanément dans la salle
d'audience pendant toute la durée de l'audition, tant avant
qu'après leur déposition, est rejetée.
Ce document a été signé par le juge présidant le
procès.
Par les présentes, appel est interjeté de cette
ordonnance.
Je souscris à la décision prise par la Division de
première instance portant qu'elle n'était aucune-
ment compétente et ne disposait d'aucun pouvoir
discrétionnaire pour exiger qu'une personne légale-
ment sous garde vienne assister à un procès civil
autrement que pour les besoins de produire son
témoignage, l'action soumise à la Cour étant une
action civile par opposition à une poursuite en
matière criminelle.' En fait, l'avocat des appelants
n'a aucunement prétendu, pour autant que cet
appel était concerné, que la Division de première
instance possédait une telle compétence.
Une fois que l'on a compris que cette demande,
à l'origine de l'ordonnance en cause, visait à obte-
nir une ordonnance de la Cour dont la fin première
était de jouer le rôle d'une directive adressée aux
personnes chargées de la garde des appelants leur
ordonnant d'amener ces derniers à la salle d'au-
dience, il ressort clairement, selon moi, que la
Cour n'était pas compétente pour rendre cette
ordonnance et n'avait, par conséquent, pas d'autre
alternative que de rejeter la demande.
En outre, une fois qu'il devient clair que la Cour
n'était pas compétente pour rendre une ordon-
nance dont le but et l'effet auraient été d'ordonner
aux personnes chargées de la garde des appelants
d'amener ces derniers à la salle d'audience, la
validité de l'ordonnance rejetant la demande ne se
trouve pas affectée par le fait que la Cour a
adopté, comme cela semble être le cas, un motif
supplémentaire, à savoir des considérations de
' Je n'exprime aucune opinion sur la question de savoir si la
Cour a compétence sur ce point pour l'audition d'une inculpa-
tion criminelle.
sécurité, qui pourrait ne pas avoir été un fonde-
ment valable pour rejeter l'ordonnancez si la Cour
avait été compétente pour la rendre.
En réalité, je ne peux m'empêcher de remarquer
que, la demande ayant été présentée par oral, elle
revêt différentes formes dans mon résumé du
«compte rendu d'audience», dans la rédaction de
l'ordonnance aux fins d'appel et dans l'avis d'ap-
pel; et je ne peux m'empêcher également de remar-
quer que, sous ces trois formes, elle laisse à enten-
dre qu'il s'agit simplement d'une demande
présentée par des parties à une action civile afin
d'assister dans la salle d'audience à l'audition de
leur affaire. S'il s'agissait uniquement de cela, la
demande n'aurait certainement pas été présentée.
Les parties à une action judiciaire sont d'office
présentes dans la salle d'audience et aucun tribu
nal, en vertu de notre système judiciaire, ne pren-
drait ou ne pourrait prendre une mesure destinée à
les empêcher d'entrer dans la salle d'audience
pendant l'audition de leur affaire (abstraction faite
des problèmes de décorum, d'ordre et d'espace
etc.). Si un avocat demandait à la Cour une ordon-
nance spéciale autorisant son client à entrer dans
la salle d'audience pour l'audition de son affaire, la
Cour rejetterait, à bon droit selon moi, cette
demande parce qu'inutile et occasionnant`-une
perte de temps pour tous les intéressés à l'affaire.
C'est précisément parce qu'il ne s'agissait pas
d'une requête futile mais d'une requête considérée
comme nécessaire pour opérer le transfert des
appelants de leur lieu de détention jusqu'à la salle
d'audience que, selon moi, la Cour a pris la peine
d'entendre toute l'affaire et, concluant qu'elle
n'était pas compétente pour rendre l'ordonnance,
de rejeter la requête.
Je reconnais qu'il existe un risque que l'on
puisse interpréter ce refus de rendre l'ordonnance
sollicitée, tel qu'il figure dans le document signé
par le juge présidant les débats, comme dépassant
le cadre d'un refus par la Cour d'une requête
visant à obtenir des directives pour amener des
individus légalement sous garde dans la salle d'au-
dience autrement que comme témoins. Par consé-
quent, j'ajouterais qu'à mon avis un examen de
dossier soumis à la Cour ne révèle pas qu'au
moment où la demande a été rejetée, il existait des
circonstances propres à justifier l'idée selon
2 Je n'exprime aucune opinion à ce sujet.
laquelle la Cour exerçait son pouvoir inhérent de
rendre des ordonnances pour assurer l'ordre et le
décorum dans la salle d'audience au cours des
débats, de manière à interdire implicitement aux
appelants d'être présents dans la salle d'audience
pendant le déroulement du procès.
Je suis d'avis que l'appel devrait être rejeté avec
dépens'.
* * *
LE JUGE PRATTE: J'y souscris.
* * *
LE JUGE URIE: J'y souscris.
Il faudrait remarquer que, pour faciliter le règlement de
cette affaire, on a vainement tenté d'élaborer un jugement de la
Cour qui indiquerait dans un préambule informel sa façon de
voir; et il faut remarquer que l'avocat des appelants n'a pas
sérieusement insisté dans son mémoire déposé devant cette cour
sur la demande sollicitant une ordonnance permettant aux
appelants d'assister au procès, sous réserve du droit du juge de
première instance de les écarter sur preuve établissant un bon
motif de ce faire.
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