T-2422-72
John Walter Butcher (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
et
T-2536-72
Grant Edward Frost (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
et
T-2537-72
Ivan S. Gray (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance, le juge Gibson —
Toronto, le 30 octobre 1974; Ottawa, le 8
novembre 1974.
Impôt sur le revenu—Dissolution de société—Montant
payé à l'associé désengagé—Imposition dudit associé—
Imposition des associés restants—Loi de l'impôt sur le
revenu, art. 85F.
Les trois appelants et S ont exercé leur activité de comp-
tables agréés en société de 1955 à 1966, année de la
dissolution de la société; les appelants se groupèrent alors
en une nouvelle société et S continua seul. De 1962 à 1966,
les quatre associés établissaient la comptabilité de la société
selon la formule de la comptabilité d'exercice pour calculer
les bénéfices tirés de leur activité, tandis qu'individuelle-
ment, aux fins de l'impôt sur le revenu, ils payaient l'impôt
selon la méthode de la «comptabilité de caisse», alors autori-
sée par l'article 85F de la Loi. A la dissolution, l'accord
réglait les comptes entre les associés, y compris leur part
respective des bénéfices s'échelonnant du 31 mai 1965 (fin
du dernier exercice financier de la société) au 15 janvier
1966 (date de la dissolution) et S reçut alors le montant de
$37,972. Le point litigieux dans ces appels des cotisations
découle de la prétention des appelants selon laquelle le
montant était le revenu de S aux fins de l'impôt sur le
revenu et de celle de S selon laquelle il s'agissait d'un
paiement de capital que les associés restants lui avaient
versé et sur lequel ces derniers étaient tenus de payer
l'impôt sur le revenu.
Arrêt: L'appel est accueilli en partie; la preuve selon
laquelle cette somme représente la valeur pécuniaire du
droit de S aux biens corporels utilisés par la société justifie
la catégorisation de la somme de $12,484 comme la part de
S «relative aux immobilisations». La cotisation relative à ce
montant doit donc être maintenue. Quant au solde de
$25,488, ce dernier provient de la vente et de l'achat de la
part de S dans les comptes à recevoir et le temps non
facturé (qui, selon la «comptabilité de caisse» en vertu de
l'article 85F de la Loi de l'impôt sur le revenu n'était pas
inclus dans le calcul du revenu). S a procédé à la vente et les
associés restants, à l'achat. En conséquence, S aurait dû
inclure dans son revenu, conformément à l'article 85F de la
Loi, la somme de $25,488 qui représente la contrepartie
qu'il a reçue pour sa part des comptes à recevoir et du temps
non facturé. Les appels sont donc accueillis dans la mesure
où l'on n'aurait pas dû ajouter une proportion de cette
somme aux revenus respectifs des appelants pour les années
d'imposition respectivement en cause dans le présent appel;
les cotisations doivent faire l'objet d'une réévaluation en
conséquence.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
J. W. Mik pour les appelants.
W. J. A. Hobson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Blake, Cassels & Graydon, Toronto, pour
les appelants.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE GIBSON: Ces trois appels ont été
entendus sur preuve commune.
Les trois appelants et un certain Roderick J.
Smith ont exercé leur activité de comptables
agréés en société de 1955 au 15 janvier 1966,
date de la dissolution de la société. L'associé
Smith exerça ensuite son activité seul, tandis
que les trois autres, Gray, Frost et Butcher
continuèrent comme associés au sein d'une nou-
velle société.
De 1962 au 15 janvier 1966, les quatre asso-
ciés utilisaient, pour les livres de la société, la
formule de la comptabilité d'exercice pour cal-
culer les bénéfices tirés de leur activité, tandis
qu'individuellement, aux fins de l'impôt sur le
revenu, ils déclaraient leurs revenus et payaient
l'impôt selon la méthode de la «comptabilité de
caisse», autorisée à cette époque par l'article
85F de la Loi.
L'exercice financier de la société se terminait
le 31 mai; elle fut dissoute par un accord formel
le 15 janvier 1966; cet accord réglait tous les
comptes entre les associés, y compris leurs
parts respectives dans les bénéfices des sept
mois et demi de l'exercice financier qui avait
commencé le 31 mai 1965, c'est-à-dire la
période allant du 31 mai 1965 au 15 janvier
1966.
Le point en litige dans le présent appel con-
cerne la catégorisation, aux fins de l'impôt sur le
revenu, de ce que Smith a effectivement reçu à
la dissolution de la société le 15 janvier 1966.
La somme en question s'élève à $37,972.
Les trois associés restant au sein de la nou-
velle société, Gray, Frost et Butcher, soutien-
nent que cette somme était le revenu de Smith
aux fins de l'impôt sur le revenu. Smith affirme
qu'il s'agissait d'un paiement de capital que les
associés restants lui avaient versé et sur lequel
ces derniers étaient tenus de payer l'impôt sur le
revenu.
Au 15 janvier 1966, (1) les bénéfices alloués à
Smith selon la comptabilité d'exercice dépas-
saient de $37,972 ceux qui lui étaient alloués
selon la comptabilité de caisse; (2) les retraits de
Smith sur le compte bancaire de la société
dépassaient de $25,488 la part de l'encaisse
réelle à laquelle il avait droit; et (3) la somme à
laquelle Smith avait droit au 15 janvier 1966
selon la comptabilité d'exercice, dépassait ses
retraits de $12,484.
En vertu du contrat de dissolution en cause
du 15 janvier 1966, Smith a reçu les sommes
suivantes, classées par le contrat comme il suit:
[TRADUCTION] 2. . . .
a) La somme de $20,000 pour la clientèle;
b) la somme de $12,484 pour les immobilisations;
c) une somme égale à $18,000 pour les bénéfices de
l'exercice financier en cours, moins la somme de
$15,810.60 représentant le montant des retraits effectués
par Smith depuis le 31 mai 1965.
(voir pièce 4.)
Smith et les associés restants ont traité ladite
somme de $20,000 pour la clientèle comme une
recette de capital et une dépense de capital, et
ce point n'est pas en litige.
Les appelants ont tenté de mettre la somme
de $12,484 classée comme la part de Smith
relative aux «immobilisations» dans une catégo-
rie différente, mais leurs témoignages au procès
n'étayent aucune autre catégorisation. Cette
somme représente la valeur monétaire du droit
de Smith aux biens corporels utilisés par la
société jusqu'au 15 janvier 1966 et appartenant
indivisément aux quatre associés, le mobilier et
le matériel, par exemple. Au dernier bilan de la
société figure une somme importante à titre de
coût de ces biens corporels, et une déduction
pour amortissement a été réclamée et effectuée
aux fins de l'impôt sur le revenu.
Il n'est pas fait spécifiquement mention au
contrat de dissolution du 15 janvier 1966 de la
somme représentant la différence entre $37,972
et $12,484, soit $25,488.
Cette somme de $25,488 représente ce que
Smith avait tiré du compte bancaire de la
société au 15 janvier 1966 en sus de ce qui lui
revenait des recettes encaissées à titre de béné-
fices de la société. Smith n'avait pas payé d'im-
pôt sur le revenu sur cette somme à cette date.
Cette somme n'avait pas été encaissée par la
société au mois de janvier 1966, mais était
représentée par des comptes à recevoir et du
temps non facturé.
Les fonds qui avaient permis à Smith de tirer
ces $25,488 en sus de sa part de l'encaisse
avaient été empruntés par les associés à leur
banque.
Aux termes du contrat de dissolution du 15
janvier 1966, les associés renonçaient à leurs
obligations mutuelles et, en outre, entre autres
choses, ils consentaient au profit de Smith une
clause l'indemnisant et le dégageant de toute
responsabilité relativement au prêt bancaire
contracté par la société et à l'origine par tous les
associés, y compris Smith.
Le contrat de dissolution prévoyait que les
associés restants devenaient propriétaires de
plein droit des comptes à recevoir et des mon-
tants dus pour le temps non facturé et, par la
suite, ils encaissèrent ces fonds lors de la per
ception des comptes à recevoir, de la factura-
tion du temps non facturé et du recouvrement
des factures. Le prêt bancaire fut remboursé
avec l'encaisse provenant de ces sources.
La preuve montre qu'au moment de la disso
lution, ni les associés ni leurs avocats respectifs
(chargés d'établir le contrat de dissolution du 15
janvier 1966) n'avaient discuté entre eux du
point de savoir si Smith devait payer l'impôt sur
le revenu sur les $25,488 tirés en sus de sa part
de l'encaisse ou si les associés restants devaient
payer l'impôt sur le revenu relatif à cette somme
quand elle leur serait remboursée par le paie-
ment des comptes à recevoir, même s'ils étaient
seuls tenus de rembourser le prêt bancaire, qui
avait permis ce retrait supplémentaire.
Au 15 janvier 1966, date de la signature du
contrat de dissolution, Smith ne fut pas mis en
demeure de rembourser ladite somme de
$25,488, représentant l'excédent des retraits sur
sa part de l'encaisse. A cette époque également,
les associés restants avaient droit aux comptes à
recevoir et aux avoirs représentant le temps non
facturé. Lesdits associés restants étaient,
comme on l'a dit, tenus de rembourser le prêt
bancaire dans sa totalité, y compris la partie de
ce prêt correspondant à l'excédent des retraits
de Smith sur sa part de l'encaisse, c'est-à-dire
$25,488.
On a avancé d'autres arguments selon les-
quels cette somme de $25,488 devrait être clas-
sée, aux fins de l'impôt sur le revenu, comme un
paiement et une recette à titre de capital,
comme un paiement et une recette à titre de
revenu, ou comme un don.
A mon avis, ce qui s'est en fait passé relative-
ment à cette somme de $25,488 (soit l'excédent
des retraits de Smith sur sa part de l'encaisse)
au 15 janvier 1966 quand le contrat de dissolu
tion a été signé par les quatre associés, c'est une
vente et un achat des comptes à recevoir et du
temps non facturé revenant à Smith; ceux-ci
selon la «comptabilité de caisse» en vertu de
l'article 85F de la Loi, n'étaient pas encore
inclus dans le calcul du revenu. Smith a procédé
à la vente et les associés restants, à l'achat.
En conséquence, Smith aurait dû inclure dans
son revenu, conformément à l'article 85F(4) de
la Loi, la somme de $25,488 qui représente la
contrepartie qu'il a reçue pour sa part des comp-
tes à recevoir et du temps non facturé.
Les appels sont donc accueillis dans la
mesure où l'on n'aurait pas dû ajouter une pro
portion de la somme de $25,488 aux revenus
respectifs des appelants pour leurs années d'im-
position respectives en cause dans le présent
appel. Par voie de conséquence, les cotisations
pour chacune des années, objet de l'appel, sont
renvoyées pour être réévaluées, en conformité
avec les présents motifs.
Les appelants ont droit aux dépens.
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