T-2437-74
British Columbia Packers Limited, Nelson Bros.
Fisheries Ltd., The Canadian Fishing Company
Limited, Queen Charlotte Fisheries Limited,
Tofino Fisheries Ltd., Seafood Products Limited,
J.S. McMillan Fisheries Ltd., Norpac Fisheries
Ltd., The Cassiar Packing Co. Ltd., Babcock
Fisheries Ltd., Francis Millerd & Co. Ltd., Ocean
Fisheries Ltd. (Requérantes)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail et le
Conseil provincial de la Colombie-Britannique du
syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés
(Intimés)
et
Native Brotherhood of British Columbia, Fishing
Vessel Owners Association of British Columbia,
Pacific Trollers Association, le procureur général
de la Colombie-Britannique, le procureur général
de Terre-Neuve et le procureur général de la
Nouvelle-Écosse (Intervenants)
Division de première instance, le juge Addy —
Vancouver, le 15 octobre; Ottawa, le 8 novem-
bre 1974.
Compétence—Demande de bref de prohibition—Syndicat
demandant son accréditation comme agent négociateur de
pêcheur—Le Conseil canadien des relations du travail n'a
pas le pouvoir d'accorder l'accréditation—Bref de prohibi
tion accordé contre le Conseil—Code canadien du travail,
S.R.C. 1970, c. L-1, art. 2 et articles 107, 108, 122, abrogés
et remplacés par S.C. 1972, c. 18, art. 1—Loi sur les
relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends
du travail, S.R.C. 1952, c. 152, art. 53—A.A.N.B. art. 91(2),
(10), (12) et (24), art. 92(13)—Proclamation royale de 1763,
S.R.C. 1970, App. II, p. 123—Loi sur la Cour fédérale, art.
18 et 28.
Les requérantes exploitent des entreprises de transforma
tion de poisson dont les produits sont commercialisés à
l'intérieur et à l'extérieur de la province de la Colombie-Bri-
tannique. Elles se procurent du poisson grâce à des contrats
conclus dans la province avec les capitaines, les équipages
et les propriétaires des navires de pêche. La pêche se fait à
l'intérieur et à l'extérieur des eaux territoriales provinciales.
Le syndicat intimé a demandé au Conseil canadien des
relations du travail son accréditation comme agent négocia-
teur des équipages des navires dont les capitaines, les équi-
pages ou les propriétaires avaient conclu des ententes spé-
ciales avec les fabricants concernant la prise au retour du
navire de pêche. Les intervenants, Fishing Vessel Owners
Association of British Columbia et Pacific Trollers Associa
tion, représentent des propriétaires de navires indépendants
ou des membres d'équipages vendant du poisson à différents
fabricants sans aucune entente spéciale. La demande d'ac-
créditation ne les concerne pas directement, mais ces asso
ciations appuient la thèse des requérantes. Lors d'une
demande présentée en vertu de l'article 28 visant l'examen
de la compétence du Conseil à statuer sur sa propre compé-
tence, la Cour d'appel décida ([1973] C.F. 1194) que celle-ci
n'était pas une décision susceptible d'un examen en vertu de
l'article 122(1) du Code canadien du travail, du moins
jusqu'à ce que le Conseil ait rendu une décision sur la
question de l'accréditation, ce qui relève précisément de ses
pouvoirs. Le Conseil n'a pas estimé nécessaire de soulever
la question devant la Cour en vertu des dispositions de
l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale, comme celle-ci
l'avait suggéré. Les fabricants ont alors présenté cette
demande de bref de prohibition à l'encontre du Conseil par
voie d'avis introductif de requête.
Arrêt: un bref de prohibition sera délivré; la Cour est
compétente pour examiner la demande, en vertu de l'article
18a) de la Loi sur la Cour fédérale. Le conseil intimé est un
«office, une commission ou autre tribunal fédéral» contre
lequel on peut demander un redressement en vertu de l'arti-
cle 18 b) de la Loi. La clause restrictive de l'article 122(2) du
Code canadien du travail ne fait pas obstacle à la demande
de redressement lorsque cette demande est fondée sur l'ab-
sence totale de compétence du tribunal d'instance inférieure.
Ledit tribunal n'était pas compétent en l'espèce parce que le
contrat de travail conclu par les pêcheurs était au fond un
moyen de protéger leurs droits à l'intérieur de la province. Il
relève des pouvoirs de la province en vertu du paragraphe
(13), «propriété et droits civils dans la province», de l'article
92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et non des
divers pouvoirs conférés aux autorités fédérales par l'article
91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ni du
pouvoir de conclure des traités. Il n'y avait pas lieu d'exer-
cer les pouvoirs conférés au Parlement à l'égard des Indiens
par l'article 91(24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britanni-
que, comme le demandait l'un des intervenants, Native
Brotherhood of British Columbia; le fait que les équipages
des navires de pêche comprennent des Indiens ne donne pas
au Parlement un pouvoir de contrôle sur les relations de
travail en cause. Même si le Code canadien du travail, Partie
V, relève des pouvoirs du Parlement, cette loi, selon ses
propres termes, ne s'applique pas en l'espèce. Aux termes
de l'article 2 du Code canadien du travail, l'expression
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale»
signifie «tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant du
pouvoir législatif du Parlement du Canada». Les pêcheurs
en cause ne peuvent pas être considérés comme employés
«dans le cadre d'une entreprise fédérale» au sens de l'article
108 du Code canadien du travail.
Arrêt suivis: Le procureur général du Canada c. Cylien
[1973] C.F. 1166; MacDonald c. Vapor Canada Ltd.
[1972] C.F. 1156; La Commission des accidents du
travail c. Le Canadien Pacifique [1920] A.C. 184; La
Reine c. Robertson (1882) 6 R.C.S. 52; In re ►a compé-
tence sur ►es pêcheries provinciales (1896-97) 26 R.C.S.
444; P. G. du Canada c. P. G. de l'Ontario, du Québec
et de la Nouvelle-Écosse [1898] A.C. 700; P. G. du
Canada c. P. G. de la Colombie-Britannique [1930] A.C.
111 et P. G. du Canada c. P. G. de l'Ontario [1937]
A.C. 326. Arrêts appliqués: Citizens Insurance Com-
pany of Canada c. William Parsons (1881-82) 7 App.
Cas. 96; In re la Loi sur l'organisation du marché des
produits naturels, 1934, et ►a Loi modificatrice de 1935
[1936] R.C.S. 398; P. G. du Canada c. P. G. de l'Alberta
et P. G. de la Colombie-Britannique [1916] 1 A.C. 588;
Le Roi c. Eastern Terminal Elevator Company [1925]
R.C.S. 434; Toronto Electric Commissioners c. Snider
[1925] A.C. 396; Renvoi sur la validité de la Loi sur les
relations industrielles et sur les enquêtes visant ►es diffé-
rends du travail [1955] R.C.S. 529; Paquet c. La Corpo
ration des pilotes pour le havre de Québec [1920] A.C.
1029; La Cité de Montréal c. Le commissaire du port de
Montréal [1926] A.C. 299 et Underwater Gas Develop
ers Ltd. c. Ontario Labour Relations Board (1960) 24
D.L.R. (2e) 673. Arrêts approuvés: Mark Fishing Co.
Ltd. c. Le syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés
[1972] 3 W.W.R. 641 et Calder c. P. G. de la Colombie-
Britannique [1973] R.C.S. 313.
DEMANDE.
AVOCATS:
W. G. Burke-Robertson, c.r., et G. S. Levey
pour les requérantes.
Paul D. K. Fraser pour Pacific Trollers
Association.
William K. Hanlin pour Fishing Vessel
Owners of B.C.
S. R. Chamberlain pour le syndicat des
pêcheurs et travailleurs assimilés.
Norman Mullins, c.r., pour le Conseil cana-
dien des relations du travail et le procureur
général du Canada.
Donald R. Munroe pour Native Brother
hood of B.C.
Norman Prelypchan pour le procureur
général de la Colombie-Britannique, le pro-
cureur général de Terre-Neuve et le procu-
reur général de la Nouvelle-Écosse.
PROCUREURS:
Levey, Samuels et Glasner, Vancouver,
pour les requérantes.
Fraser, Hyndman, Vancouver, pour Pacific
Trollers Association.
Owen, Bird, Vancouver, pour Fishing
Vessel Owners Association of B.C.
Rankin, Robertson, Giusti, Chamberlain et
Donald, Vancouver, pour le Conseil provin
cial de la Colombie-Britannique du syndicat
des pêcheurs et travailleurs assimilés.
Le sous-procureur général du Canada pour
le Conseil canadien des relations du travail
et le procureur général du Canada.
Munroe, Fraser & Co., Vancouver, pour
Native Brotherhood of B.C.
Services du contentieux, Procureur général
de la Colombie-Britannique, Victoria, pour
le procureur général de la Colombie-Britan-
nique, le procureur général de Terre-Neuve
et le procureur général de la Nouvelle-
Écosse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE ADDY: On demande par les présen-
tes un bref de prohibition mettant fin aux procé-
dures introduites devant le conseil intimé pour
faire accréditer le syndicat intimé comme agent
négociateur officiel des équipages des navires
de pêche vendant du poisson à chacune des
requérantes.
Les requérantes (ci-après appelées les «fabri-
cants») sont toutes des compagnies dont l'entre-
prise consiste à acheter différents types de pois-
sons ou à s'en procurer grâce à des ententes
spéciales avec les capitaines, les équipages et
les propriétaires des navires de pêche. Les
fabricants transforment et emballent le poisson,
puis le vendent à l'intérieur ou à l'extérieur de la
province de la Colombie-Britannique.
Pour chacun des fabricants, le syndicat intimé
a demandé au conseil intimé son accréditation
comme agent négociateur officiel des équipages
des navires de pêche, dont les propriétaires, les
capitaines et les équipages ont conclu des enten
tes spéciales sur le partage du prix de vente de
chaque prise avec chacun des fabricants ache-
teurs, au retour du navire de pêche.
Par une ordonnance rendue le 9 septembre
1974, mon collègue le juge Walsh a autorisé les
trois premiers intervenants mentionnés dans
l'intitulé de la cause à prendre part aux procédu-
res à ce titre. Cette ordonnance autorisait en
outre les trois derniers intervenants, savoir, les
procureurs généraux de la Colombie-Britanni-
que, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse,
à intervenir s'ils le souhaitaient. Lors de l'au-
dience que j'ai présidée, leur avocat a déclaré
n'avoir pas pour le moment reçu l'instruction de
prendre une part active à l'audience, mais sou-
haitait cependant être présent en qualité d'ob-
servateur. Il a aussi affirmé qu'en raison de
l'importance des questions constitutionnelles
soulevées, ses clients lui avaient demandé de
réserver leur droit d'intervenir à tout moment
s'ils l'estimaient souhaitable, y compris dans
tout appel ultérieur. Dans les circonstances, afin
d'assurer le maintien de ce droit, j'ai ordonné
qu'ils soient inclus dans l'intitulé de la cause en
qualité d'intervenants. De toute façon, ils n'ont
pas estimé nécessaire par la suite de prendre
une part active aux présentes procédures et s'en
sont simplement tenus à leur rôle d'observa-
teurs.
L'un des intervenants, Native Brotherhood of
British Columbia (ci-après appelé «l'association
d'autochtones») représente environ un millier
d'Indiens autochtones qui forment une large
proportion des équipages des navires de pêche
visés par la demande d'accréditation du syndicat
intimé. Cette association comprend des Indiens
vivant dans des réserves, d'autres vivant hors
des réserves et enfin des Indiens émancipés.
Rien dans la preuve ne permet de déterminer les
proportions relatives de chacun de ces trois
groupes dans l'association, ni le nombre de
membres réellement engagés dans l'industrie de
la pêche. Il semble que ces Indiens fassent
tantôt partie de l'équipage d'un navire de pêche
exploité par une entreprise familiale ou tantôt
d'équipages mixtes d'autres navires de pêche. A
l'audience, l'association s'opposa à la demande,
adopta les arguments avancés au nom des inti ;
més et fit aussi valoir d'autres arguments fondés
sur le statut et les droits spéciaux de ses mem-
bres en tant qu'Indiens autochtones.
Les deux autres intervenants, savoir Fishing
Vessel Owners Association of British Columbia
et Pacific Trollers Association, représentent des
propriétaires de navires indépendants ou des
membres d'équipage ayant un droit de propriété
sur ces navires de pêche, qui, en règle générale,
vendent chaque prise à différents fabricants de
produits à base de poisson, sans aucune entente
spéciale avec ces derniers quant au décompte
ou au partage des profits et pertes de chaque
prise. Ces deux associations ne sont pas directe-
ment concernées par les demandes d'accrédita-
tion présentées par le syndicat intimé devant le
conseil intimé, mais l'issue des procédures pour-
rait les toucher, vu la probabilité d'une action
future ou d'une nouvelle législation dans ce
domaine. Elles soutiennent la demande de bref
de prohibition et ont entièrement adopté la théo-
rie et les arguments avancés par les fabricants.
Les faits sont relativement simples et incon-
testés. La plupart sont exposés dans l'affidavit
d'un certain K. M. Campbell, versé au dossier
de la présente requête au nom des fabricants.
En règle générale, ces derniers achètent du pois-
son aux pêcheurs selon des ententes écrites ou
orales qui prévoient le paiement aux pêcheurs
d'un pourcentage sur le produit de la vente de
chaque prise, livrée aux employés ou préposés
des fabricants, et éventuellement achetée par
l'un d'eux. Chaque fabricant s'occupe de la
comptabilité des paiements, établissant aussi les
montants dus pour chaque prise au propriétaire
et équipage du navire de pêche.
Certains coûts d'exploitation, arrêtés par les
parties, sont d'abord déduits du produit brut de
la vente de la prise, appelé aussi «valeur brute».
Un certain pourcentage du solde, connu sous le
nom de «part du bateau» est porté au crédit du
propriétaire du bateau. Ce bateau peut apparte-
nir au capitaine ou à la fois au capitaine et aux
membres de son équipage ou encore à d'autres
personnes ne faisant pas partie de l'équipage, y
compris, dans certains cas, les fabricants eux-
mêmes. Bien qu'il n'en soit fait aucunement
mention dans l'affidavit déposé à l'appui de
cette requête, ce fait fut pleinement admis par
toutes les parties et ressort des procédures
engagées devant le conseil. De toutes façons, la
«part du bateau» revient aux propriétaires,
quels qu'ils soient.
Du reste du produit de la prise, connu dans le
métier sous le nom de «crédit net», on déduit
encore un certain nombre d'autres frais, dont le
coût de la nourriture de l'équipage et d'autres
dépenses engagées lors du voyage pour le per
sonnel. Le solde est divisé entre les membres de
l'équipage, y compris le capitaine, selon des
proportions convenues à l'avance. Lorsque le
propriétaire ou co-propriétaire fait partie de
l'équipage, en qualité de capitaine ou autre, il
reçoit aussi sa part à titre de membre de l'équi-
page, en sus de «la part du bateau».
Lorsque la prise est faible et que le voyage se
solde par une perte (on parle alors d'un «voyage
à vide»), la perte est portée au compte du pro-
priétaire et de l'équipage selon les proportions
qu'on aurait utilisées pour calculer le «crédit
net». Le fabricant, à titre d'acheteur, s'occupe
de la comptabilité de chaque prise et pour
chaque membre de l'équipage.
Les contrats, oraux ou écrits, couvrant l'achat
du poisson aux pêcheurs par les fabricants,
déterminent les prix minimaux du poisson ainsi
que la procédure et les modalités du partage de
la «valeur brute». Les fabricants effectuent tous
leurs achats en Colombie-Britannique.
Par rapport à la volumineuse transcription des
procédures tenues devant le conseil intimé, qui
l'a transmise, cela va de soi, à cette cour en
raison de la présente demande, seulement deux
faits nouveaux semblent avoir une influence sur
la question soulevée par cette requête. Ils ont
été invoqués par les avocats lors des débats et,
pour plus de commodité, nous ne les mentionne-
rons qu'au moment où nous traiterons des ques
tions particulières qu'ils touchent.
Les requérantes fondent leur demande de
bref de prohibition sur deux motifs: elles sou-
tiennent que certaines dispositions du Code
canadien du travail' (Partie V), citées ci-après,
sont ultra vires du Parlement du Canada et
subsidiairement, si elles ne sont pas ultra vires
qu'aux termes mêmes du Code canadien du
travail, elles ne s'appliquent pas aux fabricants
dans les circonstances de l'espèce.
La compétence de la Cour pour entendre la
présente demande de bref de prohibition, prend
sa source à l'article 18a) de la Loi sur la Cour
fédérale et le conseil intimé est bien évidemment
inclus dans l'expression «un office, commission
ou autre tribunal fédéral» contre lequel on peut
demander un redressement en vertu de l'article
18b) de ladite loi.
' S.R.C. 1970, c. L-1, modifié par S.C. 1972, c. C-18, s.l.
Bien que tout spécialement invités à le faire,
ni les avocats des intimés et ni celui des interve-
nants n'étaient disposés à soutenir que l'article
122(2) du Code canadien du travail constituait
de quelque manière une exception au pouvoir
général de la présente cour d'accorder le redres-
sement demandé par les requérantes. Ils sem-
blent tous convenir, du moins tacitement, que
cette cour est compétente. Cependant, le con-
sentement des parties ne peut pas conférer la
compétence; en outre, puisqu'au cours d'une
demande d'annulation, présentée en vertu de
l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale
dans cette même affaire ([1973] C.F. 1194), la
Cour d'appel a spécifiquement déclaré qu'elle
réservait son opinion sur la question de savoir si
l'article 122(2) pouvait constituer une telle
exception, j'estime qu'en l'espèce il m'incombe
non seulement de soulever la question, mais
aussi de me prononcer à son sujet; ce que je
ferai brièvement.
Monsieur le juge Thurlow en prononçant, le 7
décembre 1973, la décision de la Cour sur la
demande d'annulation susmentionnée, présentée
en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour
fédérale, déclara [à la page 11981:
Nous ne nous prononçons pas sur la question de savoir si
l'article 122(2) peut permettre d'empêcher des procédures
au cas où le Conseil prétend exercer une compétence qui ne
lui a pas été conférée.
La Cour d'appel, en s'appuyant sur sa déci-
sion antérieure dans l'arrêt Le procureur général
du Canada c. Cylien 2 , décida que le Conseil, en
concluant ou décidant qu'il avait compétence
pour entendre la demande d'accréditation,
n'avait pas rendu le genre de décision ou con
clusion pouvant faire l'objet d'un examen en
vertu de l'article 122(1), du moins jusqu'à ce
qu'il ait rendu une décision sur la question de
l'accréditation du syndicat, ce qui relève préci-
sément de ses pouvoirs. La Cour d'appel sug-
géra alors que le moyen le plus expéditif de lui
soumettre la question serait que le conseil lui-
même la lui renvoie directement, en conformité
de l'article 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale.
Le conseil, pour des raisons que j'ignore, n'es-
tima pas nécessaire de, renvoyer cette question
z [1973] C.F. 1166.
et les fabricants m'ont soumis la présente
demande par voie d'avis introductif de requête.
L'article 122(2) du Code canadien du travail
se lit comme suit:
(2) Sous réserve du paragraphe (1), aucune ordonnance
ne peut être rendue, aucun bref ne peut être décerné ni
aucune procédure ne peut être engagée, par ou devant un
tribunal, soit sous forme d'injonction, certiorari, prohibition
ou quo warranto, soit autrement, pour mettre en question,
reviser, interdire ou restreindre une activité exercée en vertu
de la présente Partie par le conseil.
A mon avis, il n'y a rien d'extraordinaire dans
cette clause restrictive du Code canadien du
travail.
Les plus hautes instances de common law ont
rendu par le passé nombre de décisions portant
que les tribunaux d'instance supérieure qui ont
le pouvoir d'émettre des brefs de prohibition et
qui doivent exercer une surveillance sur les
tribunaux d'instance inférieure, ont non seule-
ment la compétence, mais le devoir d'exercer
ces pouvoirs nonobstant les clauses restrictives
de cette nature si la demande est fondée sur
l'absence complète de compétence du tribunal
d'instance inférieure pour examiner l'affaire qui
lui a été soumise. Ces décisions se fondent très
logiquement sur le raisonnement suivant: lors-
que le Parlement a établi un tribunal ayant com-
pétence sur certaines questions, il est tout à fait
illogique de penser que, par la simple insertion
d'une clause restrictive dans la loi constitutive
délimitant sa compétence, le législateur se pro-
posait aussi d'autoriser le tribunal à traiter cer-
taines questions qu'il n'avait pas jugé approprié
de lui confier, ou à exercer sa compétence sur
des personnes qui ne sont pas visées par ladite
loi du Parlement ou à tenir une audience illégale
et illicite.
A fortiori, le principe s'appliquerait aux cas
où le tribunal prétendrait traiter de questions
que le Parlement lui-même n'avait pas le pou-
voir de lui confier. C'est précisément la situa
tion en l'espèce si nous en croyons les requéran-
tes (les fabricants), qui prétendent que le
pouvoir de légiférer en la matière, dans les
circonstances de l'affaire présente, ressortit
exclusivement aux provinces en vertu de l'arti-
cle 92(13) de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique. Le motif subsidiaire de la requête,
savoir, le fait que la loi elle-même n'est pas
censée donner au conseil intimé de compétence
sur les requérantes, dans les circonstances de
l'espèce, conduirait nécessairement, s'il était
accueilli, à la conclusion que le Conseil a tenté
d'exercer sa compétence dans des circonstances
non prévues par le législateur dans le Code
canadien du travail, ce qui conférerait aussi à la
Cour la compétence pour intervenir.
Enfin, je tiens à rappeler qu'il importe peu
que le pouvoir ou le devoir de surveillance soit
un pouvoir général (comme c'est le cas pour les
cours supérieures des provinces) découlant de la
coutume et de la common law anglaise, en vertu
desquelles les tribunaux d'instance supérieure
l'ont traditionnellement exercé, ou que ce pou-
voir soit entièrement fondé sur une disposition
expresse de la loi telle que l'article 18a) de la
Loi sur la Cour fédérale, comme c'est le cas
pour cette cour.
Je conclus donc à ma compétence pour exa
miner les deux motifs soulevés dans la présente
demande.
A l'ouverture des débats, l'avocat des requé-
rantes et les avocats des deux intimés m'ont
assuré qu'au cas où ma décision puis à son tour,
celle de la Cour d'appel fédérale, seraient con-
traires à leur théorie dans cette affaire, ils
avaient reçu de leurs clients respectifs l'instruc-
tion catégorique de poursuivre cette affaire
devant la Cour suprême du Canada. La révéla-
tion de ces intentions futures des parties n'est
pas pour mettre à l'aise un juge de première
instance; celui-ci est alors enclin à penser que,
quelles que soient les recherches et les
réflexions ou quels que soient les trésors de
sagesse juridique qu'il pourrait, par accident ou
par dessein, offrir sur la question en litige, il
n'est pas appelé à trancher vraiment le litige et
ne sera que le premier maillon de la chaîne
procédurale qui amènera finalement la question
devant le tribunal de dernière instance de ce
pays, pour y être tranchée définitivement. Son
rôle est encore plus limité et plus banal lors-
qu'aucun fait n'est contesté et que toute la
preuve est soumise sous forme d'affidavit
(comme c'est le cas en l'espèce) et que le juge
ne peut même pas remplir son rôle normal en
concluant sur les faits ou en déterminant la
question de la crédibilité. Vu l'importance du
litige, je résisterai cependant à la tentation de
rendre une décision à pile ou face comme j'ai
menacé de le faire lorsque les avocats m'ont
solennellement déclaré leur intention de pour-
suivre l'affaire devant les instances supérieures,
quelle que soit l'issue du procès.
L'article 107(1), article d'interprétation de la
Partie V du Code canadien du travail, définit
«entrepreneur dépendant» en partie comme
suit:
107. (1) Dans la présente Partie,
«entrepreneur dépendant» désigne
b) un pêcheur qui n'est pas employé par un employeur
mais qui est partie à un contrat verbal ou écrit aux termes
duquel il a droit à un pourcentage ou à une fraction du
revenu d'une entreprise commune de pêche à laquelle il
participe;
Le mot «employé» est défini comme compre-
nant un entrepreneur dépendant. En d'autres
termes, les pêcheurs sont, aux fins de cette loi,
les employés des fabricants.
On ne peut logiquement traiter du premier
motif avancé par les requérantes (les fabricants)
selon lequel les dispositions du Code canadien
du travail sont ultra vires sans présumer
d'abord, aux fins de la question soulevée, que la
Loi est effectivement applicable à la situation
en cause.
En d'autres termes, il faut supposer que
l'énoncé de l'article 108 de la Loi couvre le cas
présent. L'article 108, le seul conférant au con-
seil intimé des pouvoirs assez étendus pour
englober les requérantes, se lit comme suit:
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le
cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces
employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux
organisations patronales groupant ces patrons et aux syndi-
cats groupant ces employés.
En se fondant sur l'hypothèse préliminaire
que cet article rend la Loi applicable en l'es-
pèce, il est évident que le conseil n'a pu obtenir
sa compétence du Parlement en vertu des pou-
voirs généraux résiduels prévus à l'article 91 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique puis-
qu'en règle générale, la question des relations de
travail est considérée ressortir au domaine de la
propriété et des droits civils, relevant de la
compétence exclusive des législatures provin-
ciales, en vertu du paragraphe 13 de l'article 92
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
savoir: «La propriété et les droits civils dans la
province», dont les mots clés sont bien sûr
«dans la province».
Il n'est pas douteux, vu la preuve, que tous
les contrats ont été conclus dans la province de
la Colombie-Britannique, que tous les fabricants
y sont installés et que tous les achats de poisson
ainsi que d'ailleurs la comptabilité s'y rappor-
tant sont effectués à l'intérieur de la province.
Bien qu'il semble n'y avoir aucune preuve
directe à cet égard, il serait aussi raisonnable de
conclure, vu l'ensemble de la preuve que, selon
toute probabilité, tous les membres d'équipage
des navires de pêche, dont le syndicat intimé
cherche à être le représentant, sont résidents de
la province de la Colombie-Britannique; de
toute façon, on pourrait certainement conclure
que la grande majorité de ces personnes y rési-
dent. Cette conclusion est corroborée, dans une
certaine mesure au moins, par le fait que le
syndicat intimé porte le nom de «Conseil pro
vincial de la Colombie-Britannique du syndicat
des pêcheurs et travailleurs assimilés» (c'est
moi qui souligne).
Il ne faut pas donner une interprétation
étroite aux termes «propriété et droits civils»
qui, dans leur sens ordinaire et courant, s'appli-
quent aux contrats et aux droits en résultant,
bien que ceux-ci ne soient spécifiquement inclus
dans aucune des catégories de sujets énumérés
à l'article 92. Voir l'arrêt The Citizens Insurance
Company of Canada c. William Parsons; The
Queen Insurance Company c. William Parsons'.
Compte tenu de la conclusion de l'article 91,
que voici:
Et aucune des matières énoncées dans les catégories de
sujets énumérés dans le présent article ne sera réputée
tomber dans la catégorie des matières d'une nature locale ou
privée comprises dans l'énumération des catégories de
sujets exclusivement assignés par le présent acte aux législa-
tures des provinces.
3 (1881-82) 7 App. Cas. 96, à la page 107.
il faut examiner si d'autres caractéristiques
excluraient la matière de la compétence de la
province et en feraient un sujet relevant consti-
tutionnellement de la compétence du Parlement
du Canada. C'est à l'article 91 que l'on doit
trouver ce pouvoir, parmi les matières spécifi-
quement énumérées dans cet article et non sim-
plement dans les pouvoirs résiduels généraux
conférés par le paragraphe d'introduction.
Parmi les rubriques vraisemblablement perti-
nentes et applicables de l'article 91, il faut con-
sidérer le paragraphe 2, savoir, «La réglementa-
tion du trafic et du commerce». Ces mots ne
doivent pas être pris dans un sens trop étendu.
Sir Montague E. Smith, en rendant la décision
du Conseil privé dans l'affaire The Citizens In
surance Company of Canada c. Parsons (préci-
tée), déclarait à la page 112:
[TRADUCTION] Les termes «réglementation du trafic et du
commerce,» pris dans leur sens le plus étendu, ont une
ampleur suffisante en dehors du contexte et des autres
parties de l'Acte pour englober chaque domaine de régle-
mentation des échanges, depuis les ententes politiques sur
les échanges, conclues avec les gouvernements étrangers et
exigeant la sanction du Parlement, jusqu'aux règlements
minutieux s'appliquant aux échanges particuliers. On cons-
tate toutefois, en examinant l'Acte, que ces termes n'ont pas
été employés dans le sens le plus étendu. Tout d'abord, le
rapprochement du paragraphe 2 avec les catégories de sujets
d'un intérêt national et général indique que le législateur, en
attribuant ce pouvoir au Parlement du Dominion, visait la
réglementation des échanges et du commerce en général. S'il
avait voulu que ces termes eussent toute la portée dont leur
signification littérale est susceptible, il n'eût pas été néces-
saire de mentionner plusieurs des autres catégories de sujets
énumérés dans l'article 91 comme, par exemple: 15, les
banques; 17, les poids et mesures; 18, les lettres de change
et les billets promissoires; 19, l'intérêt de l'argent; et même
21, la banqueroute et l'insolvabilité.
puis à la page 113:
[TRADUCTION] Par conséquent, si l'on interprète les mots
«réglementation du trafic et du commerce» en s'aidant des
divers moyens mentionnés plus haut, on voit qu'ils devraient
inclure les arrangements politiques concernant les échanges
qui requièrent la sanction du Parlement et la réglementation
des échanges dans les matières d'intérêt interprovincial. Il se
pourrait qu'ils comprennent la réglementation générale des
échanges s'appliquant à tout le Dominion. Leurs Seigneuries
s'abstiennent dans la présente circonstance de tenter d'éta-
blir les limites de l'autorité du Parlement du Dominion dans
ce domaine. Pour juger la présente affaire, il suffit, d'après
Elles, de dire que le pouvoir fédéral de légiférer pour
réglementer les échanges et le commerce ne comprend pas
le pouvoir de légiférer pour réglementer les contrats d'un
échange ou d'un commerce en particulier, tel que les affaires
d'assurance-incendie dans une seule province, et que, par
conséquent, l'autorité législative du Parlement fédéral n'en-
tre pas ici en conflit avec le pouvoir sur la propriété et les
droits civils attribué par le paragraphe 13 de l'article 92 à la
législature de l'Ontario. [C'est moi qui souligne.]
La Cour d'appel fédérale a récemment examiné
le droit en ce domaine dans l'affaire MacDonald
c. Vapor Canada Ltd. 4
Même si une grande partie des travaux peu-
vent être effectués en dehors de la province, les
droits résultant d'un contrat de travail conclu
avec des pêcheurs sont exécutoires dans la pro
vince, car le contrat est essentiellement un
moyen de protéger ces droits à l'intérieur de la
province. La situation est très similaire aux
droits résultant de la législation des accidents du
travail examinés dans l'affaire La Commission
des accidents de travail c. Le Canadien
Pacifiques.
Les principes de droit appliqués dans l'affaire
Citizens c. Parsons (précitée) ont été approuvés
et suivis par la Cour suprême du Canada dans
une décision beaucoup plus récente à l'occasion
du renvoi en 1936, sur la question de la consti-
tutionnalité de la Loi sur l'organisation du
marché des produits naturels, 1934 et la Loi
modificatrice de 1935 6 . Le juge en chef Duff
prononça le jugement de la Cour, après avoir
cité des extraits de cet arrêt, y compris les
passages que j'ai déjà cités, ainsi que la décision
rendue dans l'affaire Le Procureur général du
Dominion du Canada c. Le Procureur général de
la province de l'Alberta et autres et le Procureur
général de la Colombie-Britannique', et il
déclara à la page 410 dudit rapport:
[TRADUCTION] Il ressort de ces décisions que la réglemen-
tation du trafic et du commerce ne comprend pas, au sens de
cette expression à l'article 91, la réglementation d'activités
ou de métiers particuliers ou de types particuliers d'entrepri-
ses, comme les assurances dans une province, ou la régle-
mentation du commerce de certains produits ou de certaines
catégories de produits dans la mesure où il s'agit d'activités
locales, c'est-à-dire provinciales; mais par contre, elle com-
prend la réglementation du commerce extérieur et la régle-
mentation du commerce interprovincial ainsi que toute la
4 [1972] F.C. 1156 (voir le jugement du juge en chef
Jackett, aux pages 1171 et 1172 du recueil).
5 [1920] A.C. 184.
6 Ce renvoi est publié dans [1936] R.C.S. 398.
[1916] 1 A.C. 588.
législation accessoire nécessaire à l'exercice d'un tel pou-
voir. [C'est moi qui souligne.]
Les restrictions qu'il convient d'apporter au
sens des termes «réglementation du trafic et du
commerce» sont illustrées aussi dans l'affaire
Le Procureur général du Dominion du Canada c.
Le Procureur général de l'Alberta (précitée) où il
fut décidé que ces termes ne confèrent pas au
Parlement du Canada le droit de réglementer,
par le truchement d'un système de permis, un
commerce particulier dans lequel des Canadiens
seraient autrement libres de s'engager dans une
province et qu'une telle restriction constitue un
empiétement sur une matière réservée aux légis-
latures provinciales, savoir, la propriété et les
droits civils.
Dans l'affaire Le Roi c. Eastern Terminal
Elevator Company 8 où furent examinées par la
Cour suprême les dispositions de la Loi des
grains du Canada de 1912, réglementant le
commerce du grain, ces dispositions furent
jugées ultra vires du Parlement du Canada. Le
juge Duff (tel était alors son titre) déclarait aux
pages 447 et 448:
[TRADUCTION] La thèse avancée au nom de la Couronne
cache deux arguments fallacieux. D'abord sous prétexte
qu'une grande partie du commerce du grain est un com
merce d'exportation, elle prétend pouvoir le réglementer
localement pour être en mesure d'appliquer sa politique de
réglementation du commerce d'exportation. Il est bien évi-
dent qu'il ne s'agit pas d'un principe dont l'application est
une question de pourcentage. Si ce principe est applicable
lorsque le commerce d'exportation représente soixante-dix
pour cent de l'ensemble, il doit également l'être lorsque ce
pourcentage est de trente pour cent seulement; en outre ce
principe revient en réalité à postuler que le Dominion a le
pouvoir de réglementer presque tout le commerce de ce
pays, pourvu qu'il le fasse en établissant un système com-
prenant à la fois le commerce local, le commerce extérieur
et le commerce interprovincial; la réglementation du com
merce, selon la conception qui gouverne cette législation,
inclut la réglementation, dans les provinces, des activités de
ceux qui se sont engagés dans le commerce et des établisse-
ments locaux de ces entreprises. C'est précisément ce qu'a-
vait essayé d'établir, sans succès, la Loi des assurances de
1910. Le second argument fallacieux (il s'agit peut-être
d'une formulation différente de la même erreur) consiste à
dire que le Dominion a ce pouvoir parce qu'aucune pro
vince, pas plus que toutes les provinces agissant de concert,
ne pourrait établir un système aussi étendu. On prétend que
cette compétence résulte de la clause résiduelle parce que
les compétences des provinces sont nécessairement limitées.
C'est précisément le point de vue défendu dans le renvoi
[1925] R.C.S. 434.
relatif à la Commission de commerce [1922] 1 A.C. 191 et
même celui qui n'a pas été retenu dans l'arrêt La Compagnie
de tramways de Montréal [1912] A.C. 333 ... .
et le juge Mignault déclarait à la page 457 du
même rapport:
[TRADUCTION] Il suffit de répondre que le sujet visé par la
Loi n'est pas l'agriculture, mais un produit de l'agriculture
considéré comme un article de commerce. La réglementa-
tion du commerce particulier, objet essentiel de cette loi, ne
peut être effectuée par le Dominion au motif qu'il s'agit d'un
commerce de produits naturels.
En l'espèce, la législation porte sur les rela
tions de travail et le produit en cause est le
poisson. Ce produit est vendu et commercialisé
à l'intérieur de la province; la législation tendrait
donc à contrôler les relations entre les parties
concernant la vente de poisson dans la province.
Le Parlement ne peut légiférer en matière de
relations de travail entre les pêcheurs et les
fabricants dans une province sous le seul pré-
texte d'exercer les pouvoirs qu'il détient à
l'égard de la réglementation du trafic et du com
merce. En outre, le simple fait que la législation
pourrait éventuellement être à l'avantage du
Canada dans son ensemble n'a pas pour effet de
retirer la compétence des législatures provincia-
les dans ce domaine qui leur a été attribuée par
l'article 92 savoir, la propriété et les droits
civils. Il ne s'agit évidemment pas en l'espèce
d'une situation de crise nationale qui permettrait
au gouvernement fédéral de légiférer pour assu-
rer la paix, l'ordre et le bon gouvernement. Ces
principes furent examinés tout particulièrement
par le Conseil privé dans l'affaire Toronto Elec
tric Commissioners c. Snider et autres; Snider et
autres c. Le Procureur général du Canada et le
Procureur général de l'Ontario 9 . La loi fédérale
en cause avait pour objet de permettre le règle-
ment de différends industriels entre tout
employeur au Canada et un ou plusieurs de ses
employés. Cette loi fut jugée ultra vires bien
qu'elle ait probablement été adoptée dans l'inté-
rêt de l'ensemble du Canada; il fut jugé en outre
que, dans ce cas, le gouvernement fédéral ne
pouvait invoquer la clause relative à la paix,
l'ordre et le bon gouvernement.
9 [1925] A.C. 396.
On peut peut-être considérer un autre para-
graphe de l'article 91, le paragraphe 91(10): «La
navigation et les bâtiments ou navires (ship-
ping)» comme attributif de compétence au Par-
lement par dérogation à l'article 92(13).
Le renvoi en 1955 à la Cour suprême du
Canada de la question de la validité de la Loi
sur les relations industrielles et sur les enquêtes
visant les différends du travail 10 est d'une
grande utilité à cet égard. (Voir Renvoi concer-
nant la validité de la Loi sur les relations indus-
trielles et sur les enquêtes visant les différends du
travail et son application à certains employés de
Eastern Canada Stevedoring Co. Ltd.") Dans
ce renvoi, il fut décidé que la législation fédérale
sur les relations du travail des débardeurs était
intra vires du Parlement du Canada, car leurs
travaux étaient étroitement liés aux navires et à
la navigation et formaient une part essentielle de
cette activité. Cette affaire est en outre très
intéressante en ce qu'elle approuve le principe
énoncé dans les arrêts Paquet et un autre c. La
Corporation des pilotes pour le havre de
Québec 12 et la Cité de Montréal c. Le Commis-
saire du port de Montréal; Tetreault c. Le Com-
missaire du port de Montréal; Le Procureur
général du Québec c. Le Procureur général du
Canada; 13 selon ce principe, la catégorie de
sujets relevant de la rubrique «navigation et
bâtiments ou navires», doit être interprétée dans
son sens large. Ce jugement apporte une préci-
sion intéressante en indiquant que, même si la
législation était jugée intra vires du Parlement
du Canada, elle ne s'appliquerait pas nécessaire-
ment à tous les débardeurs, que ceux qui travail-
lent pour des services ou entreprises strictement
provinciales organisées sur le plan local n'y
seraient pas soumis et que la question de son
application, dans chaque cas particulier, dépen-
drait des circonstances de l'espèce.
Dans l'affaire Underwater Gas Developers
Ltd. c. Ontario Labour Relations Board'^, la
Cour d'appel de l'Ontario examine la question
de savoir si les relations de travail dans les
1° S.R.C. 1952, c. 152.
11 [1955] S.C.R. 529.
12 [1920] A.C. 1029.
l' [1926] A.C. 299.
14 (1960) 24 D.L.R. (29 673.
entreprises de forage sous-marin relevaient de la
compétence fédérale ou de la compétence pro-
vinciale. Il fut décidé que, même si les navires
relevaient de la Loi sur la marine marchande du
Canada et même si les travaux eux-mêmes
étaient soumis à l'approbation du gouvernement
fédéral en vertu de la Loi de la protection des
eaux navigables, les employés quant à eux rele-
vaient de la Ontario Labour Relations Act et
n'étaient pas soumis à la législation du travail
fédérale, car les travaux pour lesquels la naviga
tion et la marine marchande n'étaient que des
aspects secondaires, étaient de nature purement
locale. J'estime, comme l'affirme le jugement
précité, que même si le pouvoir de contrôler la
catégorie de sujets relevant de la navigation et
de la marine marchande doit être interprété au
sens large, décider que le Parlement aurai com-
pétence sur les questions de relations de travail
entre les pêcheurs et les fabricants pour la seule
raison qu'il a compétence sur la navigation et la
marine marchande reviendrait à déformer le
sens de ce paragraphe et celui des dispositions
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
relatives à la répartition des pouvoirs entre le
Canada et les provinces. Je conclus donc que ce
paragraphe, au même titre que celui qui confère
le pouvoir de contrôler le trafic et le commerce
ne peut justifier une telle législation.
On peut encore invoquer le paragraphe 12 de
l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique concernant «Les pêcheries des
côtes de la mer et de l'intérieur» comme attribu-
tif de compétence au gouvernement fédéral. Les
restrictions applicables aux droits du Parlement
en ce qui concerne les pêcheries, furent énon-
cées en 1882 dans l'arrêt faisant autorité en ce
qui concerne les pêcheries, La Reine c.
Robertson 15 , où la Cour suprême du Canada
confirma unanimement une décision antérieure
de l'ancienne Cour de l'échiquier. Le juge en
chef Ritchie, aux pages 120 et 121 du rapport,
déclarait:
[TRADUCTION] Compte tenu de la situation à l'époque
de la Confédération, je suis d'avis que la législation
relative aux «Pêcheries des côtes de la mer et de
l'intérieur», prévue à l'Acte de l'Amérique du Nord bri-
tannique, ne se reportait pas à «la propriété et aux droits
1S (1882) 6 R.C.S. 52.
civils»; en d'autres termes, elle ne touchait pas à la propriété
du lit des rivières ou des pêcheries, ni aux droits des
particuliers s'y rapportant, mais aux questions intéressant
les pêcheries en général, se rapportant à leur réglementation,
leur protection et leur conservation, à des questions d'intérêt
général et national et importantes pour le public, comme par
exemple l'interdiction de pêcher certains poissons à la mau-
vaise saison, de le faire d'une manière inappropriée ou
encore avec des instruments destructeurs; soit des lois se
rapportant à l'amélioration et à l'expansion des pêcheries, en
d'autres termes, toutes ces lois générales adoptées autant au
bénéfice des propriétaires des pêcheries que du public en
général, ayant un intérêt dans les pêcheries en tant que
source de richesse nationale ou provinciale; en d'autres
termes, les lois se rapportant aux pêcheries, comme celles
que les législatures locales avaient l'habitude, avant la con-
fédération ou à cette époque, d'adopter pour leur réglemen-
tation, conservation et protection, mais n'ayant aucun rap
port avec la propriété du poisson ou le droit de pêcher le
poisson et le droit du pêcheur de se l'approprier, la propriété
sur la prise ou le droit de prendre le poisson qui est la
propriété de la province ainsi que celle de l'individu, comme
d'ailleurs la terre sèche ou la terre recouverte par l'eau.
[C'est moi qui souligne.]
Il déclarait en outre à la page 123:
[TRADUCTION] Toute personne doit respecter les lois géné-
rales adoptées par le Dominion du Canada pour réglementer
«Les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur», mais
ces lois ne doivent pas être en conflit avec le pouvoir
législatif des législatures locales sur la propriété et les droits
civils, ni empiéter sur ce domaine de compétence, au-delà de
ce qui peut être nécessaire pour légiférer de manière géné-
rale et efficace pour la réglementation, la protection et la
conservation des pêcheries, dans l'intérêt du public en
général.
Cet arrêt délimite à mon avis de façon assez
rigoureuse la compétence du Parlement du
Canada dans ce domaine. Il la limite en effet à
la réglementation, à la protection et à la conser
vation des pêcheries et en exclut les droits des
particuliers dans les pêcheries elles-mêmes. Il
semble donc en découler, a fortiori, que, lorsque
le caractère réel du sujet est le droit des indivi-
dus de conclure des contrats portant sur les
produits de la prise, ce sujet doit être exclu
parce que n'étant pas nécessairement accessoire
aux pouvoirs de police et de surveillance géné-
rale sur les pêcheries, conférés au gouverne-
ment fédéral par l'article 91(12). En effet, ce
droit est une réalité complètement distincte. Le
principe énoncé dans l'arrêt Robertson (précité)
limitant le pouvoir fédéral à la surveillance et à
la réglementation des pêcheries fut suivi par la
suite par la Cour suprême du Canada dans un
renvoi intitulé In re la compétence sur les pêche-
ries provinciales 16 . Le juge en chef, sir Henry
Strong, déclara à la page 519 du rapport:
[TRADUCTION] ... et le pouvoir législatif du Parlement con-
féré par l'article 91, paragraphe 12, se limite à la conserva
tion des pêcheries par ce que l'on appelle commodément les
règlements de police. Comme cette question a été tranchée
par l'arrêt La Reine c. Robertson, 6 Can. R.C.S. 52, que je
dois suivre, j'estime que ce jugement a établi le droit appli
cable. [C'est moi qui souligne.]
L'arrêt Le procureur général du Dominion du
Canada c. Les procureurs généraux des provin
ces de l'Ontario, du Québec et de la Nouvelle-
Écosse" montre très clairement que, bien que
l'article 91(12) confère des pouvoirs législatifs
étendus à l'égard du contrôle du poisson, cette
compétence pouvant bouleverser dans une large
mesure l'exercice des droits de propriété relatifs
aux pêcheries ou à leurs produits, cet article ne
confère aucunement un droit de propriété au
gouvernement fédéral à l'égard des pêcheries.
(Voir les pages 712 et 713 du rapport
susmentionné.)
Les autorités fédérales n'ont aucunement le
pouvoir d'exiger une licence pour l'exploitation
d'une conserverie. Cette question fut aussi exa
minée par le Conseil privé qui confirma la déci-
sion unanime de la Cour suprême du Canada
lors d'un renvoi par le gouverneur général. L'af-
faire soumise au Conseil privé s'intitulait: Le
procureur général du Canada c. Le procureur
général de la Colombie-Britannique 18 . A la page
121, Leurs Seigneuries, dans leur rapport à Sa
Majesté, déclaraient:
[TRADUCTION] Leurs Seigneuries sont d'avis que la préten-
tion de l'appelant à cet égard est mal fondée. Le fait que
dans la législation antérieure sur les pêcheries, qui ne sou-
lève aucun problème de compétence législative, les ques
tions ne soient pas traitées strictement selon la définition
ordinaire de «pêcheries», ne justifie pas une interprétation
dénaturée de l'expression «pêcheries des côtes de la mer et
de l'intérieur». De l'avis de Leurs Seigneuries, les procédés
industriels par lesquels le poisson est transformé en mar-
chandise propre à la commercialisation ne peuvent, en vertu
d'aucun principe d'interprétation raisonnable, être inclus
dans le champ d'application du sujet décrit par l'expression
«les pêcheries des côtes de la mer et de l'extérieur». [C'est
moi qui souligne.]
16 (1896-97) 26 R.C.S. 444.
17 [1898] A.C. 700.
18 [1930] A.C. 111.
Il semble ressortir de cette analyse de la juris
prudence, que le poisson est en fait un des biens
qui relèvent de la compétence provinciale sur la
propriété et les droits civils et que tout contrat
ou entente conclu entre particuliers relativement
à la répartition des produits de la vente de ce
bien n'est en aucune manière un élément essen-
tiel aux pouvoirs de police ou de contrôle des
pêcheries; il ne leur est pas non plus fondamen-
talement lié ou encore nécessairement acces-
soire. Le poisson, comme le grain dans l'affaire
Le Roi c. Eastern Terminal Elevator Company
(précitée), sont des produits du sol où ils sont
récoltés et le fait que les autorités fédérales
puissent contrôler les lieux de pêche ne leur
donne pas nécessairement un pouvoir de con-
trôle, après la récolte, sur le produit lui-même,
devenu alors un article de commerce, ou sur la
commercialisation du produit à l'intérieur d'une
province.
Le fait que certaines opérations et même,
dans certains cas, la plus grande partie des
activités de pêche se produisent en dehors des
eaux territoriales provinciales ne change rien à
la situation. Cette question fut spécifiquement
traitée par la Cour d'appel de la Colombie-Bri-
tannique dans l'affaire Mark Fishing Co. Ltd. c.
Le syndicat des pêcheurs et travailleurs
assimilés 19 . Dans cette affaire, le juge en chef
Davey, à propos de la question du pouvoir légis-
latif dans ce domaine, déclarait à la page 647:
[TRADUCTION] Je ne vois aucune différence entre les droits
de propriété sur les pêcheries et la réglementation des
relations de travail dans l'industrie, puisque le pouvoir légis-
latif sur ces questions appartient aux provinces, en vertu de
l'article 92(13), à moins que le droit de réglementer les
relations de travail dans l'industrie ne soit un élément essen-
tiel ou vital de la protection et de la conservation des
pêcheries, point que je discuterai plus tard.
Il déclarait ensuite (à la page 649):
[TRADUCTION] Puisque je suis convaincu que le paragra-
phe (12) ne recouvre pas expressément la question de la
compétence législative en matière de relations de travail
entre les propriétaires des navires de pêche et leurs équipa-
ges, il devient nécessaire de déterminer si le pouvoir de
réglementer et de contrôler les pêcheries afin de les protéger
et de les conserver comprend nécessairement le pouvoir de
réglementer les termes et les conditions d'emploi des équipa-
ges des navires de pêche.
19 [1972] 3 W.W.R. 641.
Il conclut alors que la preuve n'avait pas établi
que le pouvoir de réglementer et de contrôler les
pêcheries devait inclure le pouvoir de réglemen-
ter les termes et conditions d'emploi.
En ce qui concerne cette dernière question, la
preuve en l'espèce indique qu'une interruption
prolongée des travaux dans l'industrie de la
pêche pourrait avoir un effet déplorable sur la
reproduction du poisson en raison de la sura-
bondance de poissons dans les frayères. En
toute logique on en vient donc à conclure
qu'une interruption des travaux dans les conser-
veries elles-mêmes, ou peut-être du système du
transport à partir de ces usines ou de la fourni-
ture de contenants etc. à l'industrie, entraînerait
l'arrêt des achats de poissons ce qui causerait
certainement aussi une interruption de la pêche.
Personne ne peut sérieusement soutenir qu'une
telle éventualité donnerait au Parlement le pou-
voir de légiférer en matière de relations de tra
vail dans tous ces domaines. De toute façon,
l'affaire Mark Fishing Co. Ltd. c. Le syndicat
des pêcheurs et travailleurs assimilés (précitée),
traitait spécifiquement de cette question et bien
qu'elle ne me lie pas, je la considère bien
fondée. On pourrait aussi dire en l'espèce que
l'on ne peut présumer que les arrêts de travail
seront plus probables ou plus longs parce que
les relations de travail sont régies au niveau
provincial et non au niveau fédéral. On ne peut
donc raisonnablement conclure que le contrôle
provincial des relations de travail en l'espèce
serait de nature à faire obstacle aux droits du
gouvernement fédéral de contrôler et surveiller
les lieux de pêche. Pour tous les motifs susmen-
tionnés, je ne peux accepter l'argument selon
lequel le paragraphe 12 de l'article 91 fait obsta
cle, dans les circonstances de l'espèce, à la
compétence conférée à la province dans ce
domaine par l'article 92(13).
Lors de l'audience, les avocats ont soutenu
qu'en raison des pouvoirs conférés au gouverne-
ment fédéral pour conclure des traités relatifs
aux pêcheries et à la protection réciproque de
ces dernières, accompagnés de l'obligation d'ap-
pliquer ces traités, le Parlement canadien pos-
sède de ce fait une compétence sur les relations
de travail des pêcheurs.
La question de la répartition des pouvoirs de
conclure des traités fut examinée en détail et
tranchée par le Conseil privé dans l'affaire Le
procureur général du Canada c. Le procureur
général de l'Ontario 20 . Dans cette affaire Leurs
Seigneuries, après avoir éclairci certains points
douteux résultant d'un énoncé assez ambigu
dans l'affaire dite de l'Aéronautique [1932] A.C.
54 et certains obiter dicta utilisés dans l'affaire
dite de la Radiocommunication [1932] A.C.
304, continuaient de la manière suivante (page
351):
[TRADUCTION] Leurs Seigneuries sont convaincues que ni
l'un ni l'autre de ces arrêts ne justifient l'opinion que la
compétence législative en ce qui concerne l'exécution d'un
traité canadien ressortit exclusivement au Dominion.
Aux fins des articles 91 et 92, c'est-à-dire de la répartition
des pouvoirs législatifs entre le Dominion et les provinces, la
législation en matière de traités n'existe pas comme telle. La
répartition est fondée sur des catégories de sujets: la catégo-
rie particulière de sujets faisant l'objet d'un traité détermi-
nera l'autorité législative chargée de l'appliquer. Personne ne
saurait douter que cette répartition soit une des conditions
les plus essentielles, peut-être la plus essentielle entre
toutes, du pacte interprovincial consacré par l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
Puis à la page 352:
[TRADUCTION] De ce qui précède, il faut conclure que son
nouveau statut international, et les attributions exécutives
plus étendues qui en découlent, ne confèrent pas au Domi
nion une plus vaste compétence législative. Il est vrai,
comme l'a noté le juge en chef dans ses motifs, que l'Exécu-
tif est maintenant revêtu du pouvoir de conclure des traités;
d'autre part, le Parlement du Canada, envers lequel il est
responsable, le rend comptable de ces traités. Si le Parle-
ment n'en veut pas, ils ne pourraient être faits ou alors les
ministres subiraient le sort prévu par la Constitution. Mais
cela est vrai de toutes les attributions de l'Exécutif par
rapport au Parlement. Rien dans la Constitution actuelle ne
permet d'étendre la compétence du Parlement du Dominion
jusqu'au point où elle irait de pair avec l'extension des
attributions de l'Exécutif du Dominion. Si les nouvelles
attributions portent sur les catégories de sujets énumérés à
l'article 92, la législation les appuyant relève uniquement des
législatures provinciales. Dans le cas contraire, la compé-
tence de la législature du Dominion est définie à l'article 91
et elle existait au départ. En d'autres termes, le Dominion ne
peut par de simples promesses à des pays étrangers se
revêtir d'une autorité législative incompatible avec la Consti
tution à laquelle il doit son existence. [C'est moi qui
souligne.]
Compte tenu de ce qui précède, il semble qu'il
soit établi en droit que même si le gouvernement
fédéral a le pouvoir de conclure des traités en
20 [1937] A.C. 326.
raison de sa compétence en matière de contrôle
des pêcheries des côtes de la mer et de l'inté-
rieur, le Parlement canadien n'a pas de ce fait
une compétence supérieure à celle que lui con-
fère le paragraphe de l'article 91 qui constitue la
source même de son pouvoir de conclure des
traités dans ce domaine, savoir, en l'espèce, le
paragraphe 12 concernant «Les pêcheries des
côtes de la mer et de l'intérieur».
L'avocat des intervenants, la Native Brother
hood, a aussi présenté un exposé très complet
sur le droit exclusif du gouvernement fédéral de
légiférer sur les questions concernant les
Indiens autochtones et leurs terres, en soutenant
qu'il avait de ce fait compétence en l'espèce. La
compétence du gouvernement fédéral relative-
ment aux Indiens autochtones est conférée par
le paragraphe 24 de l'article 91 qui se lit comme
suit: «Les Indiens et les terres réservées pour
les Indiens».
En même temps, il a soutenu que la Procla
mation royale de 1763 qui, affirme-t-on, est
encore en vigueur en Colombie-Britannique, ou,
subsidiairement, les droits aborigènes aux acti-
vités de pêche, dont jouissent les Indiens
autochtones depuis des temps immémoriaux et
que les législatures provinciales ne peuvent sup-
primer ou réglementer directement ou indirecte-
ment, donnent aux autorités fédérales le droit
exclusif de légiférer sur les questions de rela
tions de travail entre les pêcheurs et les fabri-
cants, puisque les relations de travail dans ce
domaine particulier sont intimement liées aux
droits des Indiens et que la pêche est l'une de
leurs occupations principales en Colombie-Bri-
tannique.
En ce qui concerne les droits aborigènes des
Indiens de la Colombie-Britannique, ou les
droits existants en vertu de la Proclamation
royale de 1763, il semble que, vu la décision de
la Cour suprême, rendue à la majorité, dans
l'affaire Calder c. Le procureur général de la
Colombie-Britannique 21 , les tribunaux de la
Colombie-Britannique (mais pas cette cour) sont
maintenant liés par la décision unanime de la
Cour d'appel de cette province dans l'affaire
21 [1973] R.C.S. 313.
Calder (1971) 13 D.L.R. (3e) 64. Cette cour
confirma la décision du juge de première ins
tance qui avait rejeté l'action en vue d'obtenir
une déclaration portant que le titre aborigène ou
indien sur les anciens territoires des tribus
n'avait jamais été légalement abrogé.
Il serait utile dans les circonstances que la
question soit examinée de nouveau par la Cour
suprême du Canada, en particulier compte tenu
du fait qu'il est à peu près certain que l'affaire
présente sera finalement portée devant cette
cour; pour ma part cependant, cette question est
sans pertinence en l'espèce. Le simple fait que
le contrôle des relations de travail entre les
pêcheurs et les fabricants pourrait porter
atteinte au droit de nombreux Indiens, parce
qu'un grand nombre d'entre eux font partie des
équipages de navires de pêche, ne peut servir de
fondement à la compétence fédérale. Même si
l'on décidait en fin de compte que les Indiens
détiennent effectivement certains droits territo-
riaux en vertu de leurs droits aborigènes ou de
la Proclamation royale de 1763, je ne vois pas
comment on pourrait en déduire qu'ils possè-
dent un droit exclusif sur la pêche, en particulier
la pêche en mer et dans les régions côtières. En
dépit du fait que les Indiens autochtones pour-
raient effectivement détenir des droits anciens
sur la pêche et la chasse ou certains droits
territoriaux, ils ne possèdent certainement pas
un droit exclusif en Colombie-Britannique sur
les pêcheries de l'intérieur, les pêcheries côtiè-
res ou de haute-mer.
La législation en cause n'a pas pour objet de
modifier les droits des Indiens autochtones en
tant que tels; elle ne les vise ni expressément ni
implicitement. Vu son contenu et sa forme, il
s'agit d'une législation générale en vue de régle-
menter et de contrôler les relations entre les
fabricants et tous les pêcheurs qui relèvent de la
définition d'employé donnée à l'article 107(1)b)
précité. Puisqu'il s'agit réellement d'une législa-
tion de droit du travail visant tous les citoyens
remplissant certaines conditions, le simple fait
que celle-ci touche un certain nombre d'Indiens
autochtones, en tant que membres des équipa-
ges de navires de pêche, ayant choisi de con-
clure des contrats avec les fabricants, ne peut
donner au Parlement la compétence de légiférer
dans ce domaine, pas plus que le fait qu'ils
constituent la majeure partie des personnes
engagées dans toute autre activité particulière,
métier, état ou profession, n'investirait le Parle-
ment d'une compétence sur la législation du
travail dans un tel domaine. En outre, le fait que
le métier ou état particulier en cause s'avère
être la pêche, qui est bien évidemment un métier
ou un état auquel tous les citoyens canadiens
peuvent participer sans distinction de race, ne
peut en aucune manière modifier cet aspect de
la situation. Le fait que les Indiens autochtones
jouissent d'anciens privilèges ou droits dont ne
peuvent bénéficier les autres, ne peut changer ni
mettre en échec le droit d'une province de légi-
férer d'une manière générale sur la propriété et
les droits civils dans l'intérêt des résidents de
cette province. Si les Indiens autochtones pos-
sédaient effectivement d'anciens droits aborigè-
nes ou des droits découlant de traités et si une
disposition donnée d'une telle législation y por-
tait atteinte, cette disposition ne lierait pas les-
dits Indiens ni ne s'appliquerait à eux, ce qui ne
veut cependant pas dire que la province perdrait
sa compétence initiale de légiférer ni que cette
compétence dans ce domaine reviendrait au Par-
lement en raison de ces droits.
Il est donc inutile de se prononcer sur la
question de savoir s'il existe des droits aborigè-
nes ou des droits découlant de traités pour tran-
cher ce litige et, pour les motifs susmentionnés,
le fait que les équipages des navires de pêche
comprennent des Indiens autochtones ne peut
modifier l'attribution de compétence en
l'espèce.
Le second motif invoqué par les fabricants
pour contester la compétence consiste dans le
fait que la Loi, selon ses propres termes, ne
s'applique pas à la situation présente. Comme je
l'ai déjà déclaré, l'article pertinent en l'espèce
est l'article 108 du Code canadien du travail
(précité). L'expression - «entreprise, affaire ou
ouvrage de compétence fédérale» est intégrale-
ment définie à l'article 2 du Code canadien du
travail et signifie:
... tout ouvrage, entreprise ou affaire ressortissant du
pouvoir législatif du Parlement du Canada .. .
En d'autres termes, le mot «fédéral» ne se limite
pas à un ouvrage ou à une entreprise dans
lesquels le gouvernement fédéral est effective-
ment engagé en tant que tel, mais comprend
aussi un ouvrage, une entreprise ou une affaire
relevant de la compétence législative du gouver-
nement fédéral. L'article 108 prévoit que les
dispositions de cette partie du Code canadien du
travail s'appliquent lorsque les employés (soit
les pêcheurs en l'espèce) sont «employés dans
le cadre d'une entreprise fédérale». Les
pêcheurs ne sont certainement pas employés
«à» la réalisation d'un tel ouvrage, etc. Il s'agit
donc de déterminer s'ils peuvent être considérés
comme étant employés «dans le cadre de» (in
connection with) une telle entreprise.
Le sens et l'application des termes «dans le
cadre de» (in connection with) furent examinés
par presque tous les juges de la Cour suprême
du Canada dans un renvoi, en 1955, relatif à la
Loi de 1952 sur les relations industrielles et les
enquêtes visant les différends du travail 22 déjà
mentionnée dans ces motifs. L'expression «in
connection with» («relativement à») était utili
sée à l'article 53 de cette loi qui était très
similaire à l'article 108 du Code canadien du
travail et même pratiquement identique. * La
partie pertinente de l'article 53 se lit comme
suit:
53. La Partie I s'applique à l'égard des travailleurs
employés aux ouvrages, entreprises ou affaires qui relèvent
de l'autorité législative du Parlement du Canada, ou relative-
ment à l'exploitation de ces choses, y compris, mais non de
manière à restreindre la généralité de ce qui précède:
A propos de l'expression «relativement à» le
juge Taschereau (tel était alors son titre) décla-
rait à la page 542 du rapport:
[TRADUCTION] L'expression «relativement à» à l'article
53, ne doit certainement pas être interprétée dans un sens
trop large. Je pense cependant qu'il est tout à fait impossible
de dire, dans l'abstrait, ce qui est ou ce qui n'est pas «relatif
à». Il serait présomptueux d'essayer de prévoir tous les cas
possibles. Je ne peux imaginer une formule générale qui
couvrirait toutes les éventualités et je n'essaierai donc pas
d'en énoncer une ni de fixer des limites rigides. Chaque cas
doit être traité séparément.
22 [1955] R.C.S. 529.
* N. du T.: L'expression anglaise in connection with cor
respond à l'expression «relativement à» de la Loi de 1952
(S.R.C. 1952, c. 152, Partie 2, art. 53) et à l'expression
«dans le cadre de» dans le Code canadien du travail, modifié
par S.C. 1972, c. 18, art. 108.
Voici ce que le juge Kellock déclarait à ce sujet,
à la page 556:
[TRADUCTION] Mis à part les employés du gouvernement,
l'application de la Partie I est délimitée par l'article 53 qu'il
n'est pas nécessaire de citer à nouveau. A mon avis, l'ex-
pression «relativement à», à la seconde ligne de cet article,
ainsi qu'à l'alinéa a), ne doit pas être interprétée dans un
sens indûment large, mais comme se limitant aux personnes
effectivement engagées dans l'exploitation de l'ouvrage,
entreprise ou affaire en question. On doit à cet égard déter-
miner cas par cas les limites du mot «employés» dans cet
article. Par exemple, des personnes ne fournissant que des
services temporaires à une «entreprise» du Dominion, ou
relativement à cette entreprise, ne relèveraient pas nécessai-
rement du champ d'application de ce mot tel qu'il est utilisé
à l'article 92(10).
Le juge Rand déclarait aux pages 548 et 549:
[TRADUCTION] Les critères relatifs à la portée des pou-
voirs du Dominion touchant accessoirement aux droits civils
sont difficiles à formuler de manière précise. Dans l'affaire
Grand Trunk Railway Company c. Le procureur général du
Canada [1907] A.C. 65, lord Dunedin demande si le droit
civil touché dans cette affaire était «vraiment accessoire à la
législation relative aux chemins de fer». Le fait que, comme
le soutenait la compagnie, l'interdiction, risquait d'entraîner
une augmentation de la négligence des employés, fut consi-
déré s'il s'avérait exact, suffisant à démontrer que l'interdic-
tion était accessoire à la législation. D'autres expressions ont
été utilisées: «nécessairement accessoire» dans l'affaire des
Prohibitions locales [1896] A.C. 348 à la page 360; «acces-
soirement»: Ladore c. Bennett [1939] A.C. 468. Ces expres
sions supposent que la législation sur un sujet principal
relevant d'une compétence exclusive peut inclure accessoi-
rement des sujets ou des éléments subordonnés se rappor-
tant à d'autres aspects ne relevant pas de cette compétence.
Les cas où ce pouvoir a été confirmé semblent permettre de
conclure que, si le sujet subordonné est raisonnablement
nécessaire aux fins du sujet principal ou afin d'empêcher
tout obstacle à la législation, son inclusion est dans cette
mesure justifiée. Cela revient peut-être à dire que l'élément
qui est incident peut-être rattaché d'une certaine façon au
principal. Comme le montre l'affaire G.T.R. c. Le procureur
général du Canada (précitée), où il s'agissait d'une renoncia-
tion par contrat, il n'est pas nécessaire de démontrer la
nécessité réelle; il suffit de montrer, selon la prépondérance
des intérêts et des besoins, son adéquation au sujet principal
et à la législation. Je n'interprète pas l'expression «relative-
ment à» du paragraphe introductif de l'article 53, en ce qui
concerne un sujet d'intérêt local, comme dépassant le champ
de la législation fédérale qui est défini par ces expressions.
[C'est moi qui souligne.]
Le juge en chef Kerwin déclarait à la page 535:
[TRADUCTION] ...on ne devrait donc pas interpréter la Loi
qui nous occupe comme applicable aux personnes dont les
emplois n'ont que de vagues rapports avec l'ouvrage, entre-
prise ou affaire, mais seulement à celles dont le travail est
intimement lié à ceux-ci.
Le juge Estey déclarait à la page 566:
[TRADUCTION] M' Magone a particulièrement insisté sur
les mots «à ... ou relativement à» (upon or in connection
with) du paragraphe introductif de l'article 53 et les expres
sions «pour ou concernant» (on for or in connection with) de
son alinéa a). Il prétendit que ces mots étaient assez larges
et vastes pour inclure non seulement les sujets faisant partie
intégrante d'un ouvrage, entreprise ou affaire relevant de
l'autorité législative du Parlement du Canada, ou sujets
nécessairement accessoires à ceux-ci, mais s'étendaient
aussi à toute activité, aussi faiblement ou vaguement liée
soit-elle, avec un travail, entreprise ou affaire donnés. Bien
sûr, on peut admettre que, si on prend ces expressions dans
leur sens le plus large, une telle prétention se défend, mais
on doit les lire et les interpréter en corrélation avec les
autres termes employés dans l'article et compte tenu du
contexte de la Loi. Vu sous cet angle, je ne pense pas qu'on
puisse les interpréter comme comprenant autre chose qu'une
activité formant partie intégrante de l'ouvrage, entreprise ou
affaire relevant de la compétence législative du Parlement,
ou nécessairement accessoire à ceux-ci.
Le juge Cartwright (tel était alors son titre)
déclarait à la page 582:
[TRADUCTION] Si l'on tient compte de ce fait, les termes
«relativement à» à la deuxième ligne de l'article doivent être
interprétés comme signifiant «liés à la réalisation de l'ou-
vrage, entreprise ou affaire en cause de sorte que la législa-
tion prévue à la Partie I de la Loi, appliquée aux employés
ainsi décrits, est, en substance, une législation portant sur la
réalisation de cet ouvrage, entreprise ou affaire ou y est
nécessairement incidente (pour reprendre l'expression de
lord Watson dans l'affaire Le procureur général de l'Ontario
c. Le procureur général du Canada [1896] A.C. 348 à la
page 360) ou vraiment accessoire à ces activités» (pour
reprendre les termes de lord Dunedin dans l'affaire Grand
Trunk Railway c. Le procureur général du Canada [1907]
A.C. 65 à la page 68). L'expression «relativement à» à la
deuxième ligne de l'alinéa a) doit être interprétée de la
même manière .. .
Le juge Fauteux (tel était alors son titre) décla-
rait à la page 587:
[TRADUCTION] ... l'emploi dont on parle ici serait alors un
emploi dans le contexte d'un tel travail, entreprise ou affaire
relevant de la compétence législative du Parlement du
Canada ou un emploi dans le cadre d'un tel travail, entreprise
ou affaire ou nécessairement accessoire à sa réalisation. Les
termes «relativement à» (in connection with) dans la partie
essentielle de l'article ne peuvent donc être interprétés
comme permettant de tourner la restriction ... .
Compte tenu de cet arrêt, il semble évident
que si les mots «relativement à» ou «dans le
cadre de» (in connection with) n'étaient pas pris
dans leur sens restreint de «nécessairement
accessoire à», la Loi, relevant de la législation
du travail, serait ultra vires du Parlement du
Canada conformément à la décision antérieure
du Conseil privé dans l'affaire Toronto Electric
Commissioners c. Snider (précitée) en tant que
législation générale portant sur la propriété et
les droits civils.
En examinant les mots «relativement à» ou
«dans le cadre de» (in connection with) à la
lumière des circonstances particulières de la
présente affaire, afin de décider si la Loi serait
applicable aux fabricants et aux pêcheurs, il faut
déterminer s'il s'agit d'une entreprise fédérale
dans le cadre de laquelle sont employés les
pêcheurs.
Selon la jurisprudence que nous avons citée,
l'entreprise fédérale relevant du pouvoir législa-
tif du Parlement en l'espèce consiste dans les
pêcheries, au sens limité de pouvoirs de police
et de contrôle sur l'exploitation de ces derniè-
res. Les pêcheurs sont-ils employés dans le
cadre de cette entreprise particulière?
Cette question ne serait pas difficile à tran-
cher si les autorités fédérales étaient légalement
engagées dans des entreprises de pêche. Indubi-
tablement, les contrôles et la réglementation que
le gouvernement fédéral peut à l'occasion léga-
lement imposer aux pêcheries influent fonda-
mentalement et directement sur le travail réel
des pêcheurs, ce qui ne veut absolument pas
dire qu'ils sont employés d'une manière quel-
conque dans le cadre de l'entreprise consistant à
imposer ou à faire appliquer effectivement les-
dites réglementations. Ils sont eux-mêmes assu-
jettis aux différentes activités de police et de
contrôle imposées par les lois canadiennes rela-
tivement aux pêcheries, mais ne sont pas eux-
mêmes employés dans le cadre de ces activités,
savoir, la police et le contrôle des pêcheries.
Il pourrait aussi en être autrement si le Parle-
ment avait une compétence législative sur les
entreprises et le commerce liés à la pêche. A
mon avis, ce n'est pas le cas. Sa compétence se
limite aux pouvoirs de police sur les pêcheries
elles-mêmes et, comme je l'ai déjà souligné, les
autorités fédérales ne détiennent même pas de
droit de propriété sur ces pêcheries. Le fait
qu'elles pourraient dans certains cas, en vertu
de ces pouvoirs réglementaires, faire obstacle à
toute activité de pêche ne lui confère pas la
compétence sur ces activités de pêche, en tant
qu'entreprise. Toute immixtion dans les activi-
tés de pêche n'est en fait qu'une conséquence
directe, sur la propriété ou les droits civils pro-
vinciaux, de l'exercice par le gouvernement
fédéral de sa compétence dans un domaine qui
lui est réservé et n'étend donc pas la compé-
tence du Parlement au domaine des droits civils,
réservé aux provinces, même si la législation
fédérale peut avoir un effet sur ce domaine. Le
Parlement n'aurait compétence dans ce domaine
seulement si elle était essentielle ou raisonnable-
ment nécessaire au plein exercice de sa compé-
tence dans son domaine réservé. Je ne vois
aucune exigence essentielle à cet égard, car le
gouvernement fédéral peut continuer, comme il
l'a fait jusqu'à présent, à contrôler effective-
ment les pêcheries sans contrôler les relations
de travail des pêcheurs. Il s'ensuit donc que les
pêcheurs ne peuvent être considérés comme
employés «dans le cadre» d'une entreprise
fédérale.
Je conclus donc que les termes de l'article
108 du Code canadien du travail, dans les cir-
constances de l'espèce, ne rendent pas la Loi
applicable aux relations de travail entre les
pêcheurs et les fabricants, mais que de toute
façon, même si c'était le cas, la Loi serait
inconstitutionnelle à cet égard et ultra vires du
Parlement du Canada en ce qu'elle aurait alors
pour but de régler un sujet spécifiquement
réservé aux provinces en vertu du paragraphe
13 de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique.
Les requérantes auront donc droit au redres-
sement demandé et un bref de prohibition sera
donc délivré.
Le fait que, comme je l'ai déjà signalé, les
requérantes et intimés m'ont assuré que ma
décision, quelle qu'elle soit, ferait l'objet d'un
appel ne devrait pas m'empêcher d'appliquer le
principe généralement accepté que les dépens
suivent normalement l'issue de la cause. En
conséquence, les intimés paieront aux requéran-
tes leurs dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.