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T-2272-72
La Reine (Demanderesse) c.
F. E. Cummings Construction Co. Ltd. et Cana- dian Surety Co. (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Collier— Ottawa, les 24 et 29 mai 1974.
Pratique et procédure—Avis à tierce partie—Prorogation du délai imparti pour le dépôt de l'avis—Absence de compé- tence sur les avis à tierce partie—Loi sur la Cour fédérale, art. 17(1) à (4)—Règles 3(1)c), 402(2)a), 1729—Limitations Act, S.R.O. 1970, c. 246.
La demanderesse réclame des dommages-intérêts suite à des défauts dans un bâtiment que lui a construit la défende- resse Cummings. La défenderesse Cummings émit des avis à tierce partie adressés à des sous-traitants et d'autres person- nes auxquels elle réclame un dédommagement. Ladite défenderesse a alors demandé (1) la prorogation du délai imparti pour le dépôt et la signification de l'avis à tierce partie contre Ingram et Pye, l'une des tierces parties concer- nées et, (2) des instructions relativement à l'avis à tierce partie. Ingram et Pye ont demandé la radiation de l'avis à tierce partie ou, subsidiairement, des précisions.
Arrêt : 1. On ne doit pas examiner l'objection relative à la prorogation du délai imparti, fondée sur le motif que la Limitations Act provinciale était entrée en jeu, avant le dépôt de plaidoiries entre la défenderesse Cummings et les tierces parties concernées. Comme aucune des parties con- cernées ne subirait de préjudice et, exerçant son pouvoir discrétionnaire, la Cour proroge le délai imparti.
2. L'objection selon laquelle la Cour n'est pas compétente pour connaître des procédures à tierce partie doit être admise conformément aux décisions rendues en vertu de la Loi sur la Cour de l'Échiquier, car il n'existe pas de diffé- rence fondamentale entre la situation existant en vertu de cette loi et celle existant en vertu de l'article 17(1) à (4) de la Loi sur la Cour fédérale. La requête demandant des instruc tions est rejetée et, en conséquence, les procédures à tierce partie sont suspendues.
Arrêts suivis: Le Roi c. Consolidated Distilleries Ltd. (Consolidated Exporters Corporation Limited —tierce partie.) [1929] R.C.É. 101, confirmé par [1930] R.C.S. 531 sub. nom. Consolidated Distilleries Limited c. Con solidated Exporters Corporation Ltd.; Le Roi c. La Banque de Montréal (La Banque Royale du Canada— tierce partie) [1933] R.C.S. 311; Le Roi c. Sauvageau [1947] R.C.É. 16; La Reine c. Hochelaga Warehouses Ltd. [1972] C.F. 1395; La Reine c. The J. B. & Sons Co. Ltd. [1970] R.C.S. 220. Arrêt examiné: Johannes - son c. La municipalité de West St-Paul [1952] 1 R.C.S. 292.
REQUÊTES.
AVOCATS:
I. Whitehall et M. Kelen, pour la demanderesse.
Peter D. Rasmussen, pour la défenderesse Cummings.
B. Hebert, D. Mc William et G. Potvin pour les tierces parties concernées.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada, pour la demanderesse.
Hewitt, Hewitt et Cie, Ottawa, pour la défenderesse Cummings.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE COLLIER: La présente affaire com- prend trois requêtes.
1. Une requête présentée par la défenderesse F. E. Cummings Construction Co. Ltd. (ci- après appelée «la défenderesse») visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti pour lui permettre de déposer et de signifier un avis à tierce partie contre Ingram et Pye.
2. Une requête présentée par la défenderesse pour demander des instructions relativement à l'avis à tierce partie conformément à la Règle 1729.
3. Une requête présentée au nom d'Ingram et Pye, en date du l er mars 1974, telle que modi- fiée par une autre requête en date du 15 mai 1974, visant à obtenir la radiation de l'avis à tierce partie signifié à Ingram et Pye ou, sub- sidiairement, enjoignant la défenderesse de fournir des précisions sur les allégations con- tenues dans l'avis à tierce partie. Elle demande aussi un autre redressement.
Il convient de faire l'historique de la présente affaire du point de vue de la procédure et d'ex- poser certains faits. L'action fut introduite par une déclaration en date du 10 août 1972. Elle fut signifiée à la défenderesse le 28 août 1972. Un accord intervenu entre la demanderesse et la défenderesse autorisa cette dernière à ne pas déposer sa défense dans les délais habituels. En fait, on procéda aux interrogatoires préalables avant le dépôt de la défense.
La déclaration se fonde sur un contrat passé entre la demanderesse et la défenderesse le 17 novembre 1965, aux termes duquel la défende- resse devait construire un entrepôt de pièces d'avion et ouvrages annexes à l'Aéroport inter national d'Ottawa. La déclaration précise que la défenderesse construisit le bâtiment et qu'un ingénieur délivra un certificat définitif d'achève- ment le 25 janvier 1967. En outre, selon la déclaration, le 21 septembre 1967 ou aux envi rons de cette date, on constata que le toit du bâtiment présentait des défauts ou des vices de construction. La défenderesse, assure-t-on, a négligé d'apporter les rectifications nécessaires (conformément à son contrat) et la demande- resse réclame le remboursement d'une somme considérable dépensée pour effectuer les réparations.
La défense fut déposée le 24 janvier 1974. En vertu de la Règle 402(2)a), on peut déposer une défense dans les trente jours de la signification de la déclaration. Les avocats semblent conve- nir que, dans des circonstances normales, on aurait déposer et signifier tout avis à tierce partie avant le 2 octobre 1972 ou, en tout cas, avant le 24 janvier 1974.
Les interrogatoires préalables susmentionnés ont eu lieu en décembre 1972. Le 31 janvier 1973, les avocats de la défenderesse écrivirent à Ingram et Pye, architectes de la demanderesse pour le projet de construction, leur faisant part de l'intention d'adjoindre leur cabinet en tant que partie. Un certain nombre de rencontres et un échange de correspondance s'ensuivirent; l'affidavit de McGee, déposé sous serment le 17 avril 1974 les rapportent intégralement. Le dos sier qui m'est soumis ne révèle aucun autre contact entre la défenderesse et Ingram et Pye et, jusqu'au 18 février 1974, on ne prit aucune autre mesure juridique.
A cette date, la défenderesse émit cinq avis à tierce partie à l'égard des personnes suivantes:
Ingram et Pye, T. P. Crawford Limited, George Hannaford & Sons Limited, Miner Rubber (The Miner Company Limited (?)) et F. Hyde & Company.
Les poursuites engagées contre la dernière des tierces parties susmentionnées furent aban-
données. Certaines des tierces parties ont déposé, en réponse aux avis, des actes de com- parution, avec ou sans condition. Vu la suite des événements, les comparutions en question ne sont plus pertinentes, sauf dans le cas d'Ingram et Pye.
Ce cabinet a présenté une requête (voir la requête 3, avant modification) le l er mars 1974 visant à obtenir une ordonnance:
a) radiant l'avis à tierce partie à son égard;
b) subsidiairement, enjoignant d'apporter des précisions à l'avis;
c) prorogeant le délai dans lequel Ingram et Pye peuvent déposer un acte de comparution.
Le 17 avril 1974, les avocats de la défende- resse déposèrent une requête visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti «pour le dépôt et la signification de l'avis à tierce partie aux présentes ...» (voir la requête 1). L'avis à tierce partie en cause n'est pas précisément mentionné mais, devant moi, l'avo- cat d'Ingram et Pye et la défenderesse ont con- sidéré que la requête s'appliquait à l'avis à tierce partie concernant Ingram et Pye.
Les requêtes 1 et 3 (avant modification) m'ont été soumises le 23 avril 1974. On a alors soulevé le problème de la compétence de la présente cour pour connaître des différentes procédures à tierce partie. Il semblait souhaita- ble aux parties et à moi-même d'essayer de mettre un certain ordre dans ce qui s'était pro- duit antérieurement de sorte qu'on puisse enten- dre, en une seule fois, toutes les objections concernant toutes procédures à tierce partie, y compris toutes celles ayant trait à la compé- tence. En conséquence, une ordonnance fut rendue le 25 avril:
a) prorogeant le délai imparti pour le dépôt et la signification des nouveaux avis à tierce partie contre les tierces parties prévues précé- demment, sauf Ingram et Pye;
b) permettant auxdites tierces parties de déposer un acte de comparution condition- nelle, après la signification;
c) enjoignant la défenderesse de demander des instructions relativement à l'avis à tierce partie;
d) ordonnant le dépôt d'un avis de toutes les objections concernant les procédures à tierce partie;
e) ordonnant la présentation de la requête d'Ingram et Pye (n° 3) en même temps que la demande d'instructions. (Il y a manifestement une erreur au paragraphe 5 de mon ordon- nance du 25 avril);
f) préservant les droits des tierces parties de s'opposer à la prorogation du délai accordé à l'alinéa a).
Suite à un oubli de ma part, on n'a pas exa- miné la requête 1 dans l'ordonnance du 25 avril, mais elle n'est aucunement déterminante. On l'a réintroduite à la date de la présente audience.
Il convient maintenant d'examiner le fond de chaque avis à tierce partie, chacun d'eux demandant un dédommagement:
Ingram et Pye: à l'égard du contrat (conclu entre la demanderesse et la défenderesse) aux motifs que, dans ledit contrat, il y avait des erreurs dans les devis qu'ils avaient fournis.
George Hannaford & Sons Limited: on pré- tend que cette compagnie, aux termes d'un contrat de sous-traitance en date du 2 mars 1966, a fourni et installé un toit-terrasse en béton. Il y a lieu de croire qu'il y avait des vices de construction; l'action principale se fonde sur ce point.
The Miner Company Limited: elle s'est enga gée, soutient-on, à choisir certains adhésifs à utiliser pour faire adhérer un revêtement en caoutchouc sur la dalle de béton du toit.
T. P. Crawford Limited: cette compagnie, soutient-on, s'est engagée, aux termes d'un contrat de sous-traitance en date du 30 novembre 1965, à fournir toute la toiture, etc. en conformité des devis du contrat principal.
Un autre affidavit de McGee, déposé sous serment le 2 mai 1974, étudie quelque peu les relations de nature contractuelle ou autres entre les tierces parties et la défenderesse. Il est fait mention de certaines conditions du contrat prin-
cipal qui furent incorporées aux contrats de sous-traitance conclus avec la George Han- naford & Sons Limited et la T. P. Crawford Limited, mais rien ne laisse entrevoir l'existence de certains rapports juridiques, exprès ou impli- cites, entre ces deux tierces parties et la deman- deresse. Selon l'affidavit de McGee, le contrat principal spécifiait l'adhésif de la toiture [TRA- DUCTION] «tel que recommandé par le fabricant de matériaux de toiture (The Miner Rubber Company Limited)». L'affidavit révèle en outre que la Miner Company a fourni le revêtement en caoutchouc de la toiture demandé dans le contrat principal. Finalement, l'affidavit fait valoir qu'Ingram et Pye ont dressé les plans et les devis contenus dans le contrat principal et que le plan du toit était incorrect.
Je vais maintenant examiner les requêtes: Requête 1
Il semble approprié d'examiner en même temps les objections avancées par les trois autres tierces parties relativement à l'ordon- nance déjà rendue prorogeant le délai de dépôt et de signification des avis à leur encon- tre. Ce sont les mêmes que celles présentées au nom d'Ingram et Pye. On y fait valoir que la Cour ne doit pas exercer son pouvoir dis- crétionnaire en vertu de la Règle 3(1)c) et proroger ledit délai dans les circonstances présentes, car les délais de prescription énon- cés à la Limitations Act, S.R.O. 1970, c. 246, sont entrés en jeu. On ajoute que les causes d'action entre la défenderesse et les tierces parties n'ont pu naître postérieurement au 21 septembre 1967, date à laquelle on s'est rendu compte des vices du toit. Le délai de prescrip tion est de six ans.
A ce stade des procédures je n'ai pas l'in- tention de trancher les problèmes de prescrip tion. C'est pourtant ce qu'on me demande de faire. Selon moi, il devrait au moins y avoir des plaidoiries écrites entre la défenderesse et les tierces parties et probablement un accord portant sur les éléments de preuve ou les faits, avant qu'on ne demande à la Cour de décider si les dispositions relatives à la pres cription s'appliquent. Bien qu'au vu des pré- sentes procédures, il puisse, semble-t-il, exis-
ter une prescription prima facie, il pourrait par exemple y avoir un accord conclu entre une ou toutes les tierces parties et la défende- resse portant expressément ou implicitement renonciation à toutes formes de prescription. Ce serait alors une question de plaidoirie et de preuves, le problème devant être tranché à un stade ultérieur.
Écartant donc le problème de la prescrip tion, la Cour a un pouvoir discrétionnaire de proroger, dans les circonstances appropriées, le délai imparti. Il est vrai que la présente action fut intentée en 1972 mais, apparem- ment, la défenderesse n'était pas tenue de déposer une défense jusqu'à une date récente. Cela ne peut influer sur les droits des tierces parties mais, au vu du dossier qui m'est soumis, j'estime que ce retard ne leur a causé aucun préjudice.
Par conséquent, la Cour va rendre une ordonnance prorogeant jusqu'au ler mars 1974 inclus (date du dépôt de la requête 3 (avant modification)) le délai imparti pour le dépôt et la signification de l'avis à tierce partie contre Ingram et Pye.
Requêtes nos 2 et 3
On peut examiner conjointement la requête 2 et la partie restante de la requête 3. Ingram et Pye cherchent subsidiairement à obtenir une ordonnance demandant qu'on fournisse des précisions supplémentaires sur les allégations contenues dans l'avis à tierce partie. Un avis à tierce partie équivaut à un bref d'assignation. Ce n'est pas une déclara- tion. L'avocat d'Ingram et Pye prétend que le présent avis à tierce partie contient si peu de détails que son client n'est pas à même de décider s'il doit présenter une défense et que, par conséquent, il faut ordonner de fournir des précisions supplémentaires. Cet argument ne semble pas fondé. Une copie de la déclara- tion a été signifiée avec l'avis à tierce partie. Selon moi, Ingram et Pye ne peuvent avoir de difficulté à vérifier le bien-fondé de l'alléga- tion de leur implication dans le litige et à décider s'ils doivent présenter un acte de comparution.
Il est tout à fait exceptionnel d'ordonner de fournir des précisions sur un bref d'assigna- tion ou un avis à tierce partie. La cause d'action exposée dans l'un ou l'autre docu ment est, cela va sans dire, approfondie dans la déclaration de l'action principale ou dans celle versée dans les procédures à tierce partie conformément à une ordonnance demandant des instructions.
La requête demandant des précisions est irrecevable.
J'en viens maintenant à la requête de la défen- deresse demandant des instructions. La date de présentation de cette requête est le moment approprié pour considérer les objections relati ves aux procédures à tierce partie. La dernière objection présentée au nom des trois tierces parties porte que la présente cour n'a pas com- pétence pour admettre ou entendre les procédu- res à tierce partie. Selon moi, cette objection est bien fondée. Je me reporte aux arrêts suivants: Le Roi c. Consolidated Distilleries Ltd. (Con- solidated Exporters Corporation Limited — tierce partie) [1929] R.C.É. 101, confirmé par [1930] R.C.S. 531 sub. nom. Consolidated Dis tilleries Limited c. Consolidated Exporters Cor poration Ltd.; Le Roi c. La Banque de Montréal (La Banque Royale du Canada—tierce partie) [1933] R.C.S. 311; Le Roi c. Sauvageau [1947] R.C.É. 16; La Reine c. Hochelaga Warehouses Ltd. [1972] C.F. 1395; La Reine c. The J. B. & Sons Co. Ltd. [1970] R.C.S. 220, le juge Pigeon aux pp. 232 et 233.
Les quatres premières affaires concernent toutes les procédures à tierce partie devant la Cour de l'Échiquier ou devant la Cour fédérale et, dans chaque affaire, la cour en cause a soutenu qu'en l'espèce, elle n'était pas compé- tente. Dans chacune de ces affaires, la Cou- ronne était demanderesse et la défenderesse était un sujet qui, en se retournant vers une tierce partie, cherchait à obtenir des dommages- intérêts ou un autre redressement à l'égard de la réclamation de la demanderesse.
Je ne vois aucune différence dans les procé- dures à tierce partie introduites en l'espèce. On a avancé qu'on pouvait établir une distinction avec les quatre affaires susmentionnées vu les
faits et que, dans la présente affaire, on pouvait juger la Cour compétente. On soutient que le contrat de construction des installations de l'aé- roport mis en cause par la Couronne relève de la catégorie de «l'aéronautique» sur laquelle le Parlement a compétence exclusive'. Du fait que les demandes de dédommagement découlent du contrat, objet de l'action principale, et, qu'elles s'y rapportent à certains égards, on fait alors valoir que la présente cour est compétente.
Je ne peux accepter cette façon de voir. Dans l'arrêt La Banque de Montréal (précitée), la Couronne a intenté une action contre la Banque de Montréal, son banquier, afin de recouvrer les fonds tirés de son compte, elle mettait en cause des chèques soumis à des endossements faux ou non autorisés. La Banque de Montréal, par voie de procédures à tierce partie dans lesquelles elle se fondait sur l'article 50 de la Loi des lettres de change, demanda des dommages-intérêts à la Banque Royale du Canada. Cette banque, à l'origine, avait effectué les opérations sur les chèques en cause. Non seulement la réclamation de la Couronne relevait-elle à bon droit de la compétence de la Cour de l'Échiquier, mais elle semble avoir été fondée également sur une question relevant de la compétence législative du Parlement (lettres de change). La procédure à tierce partie en elle-même était fondée sur la même loi. Le juge en chef Duff, en rendant le jugement de la Cour, déclara aux pp. 315 et 316:
[TRADUCTION] Nous sommes certains que, nonobstant la vaste portée de ces articles, ils ne confèrent pas aux juges de la Cour de l'Échiquier le pouvoir d'édicter une règle pour étendre le champ des matières relevant de la compétence de la Cour de l'Échiquier. Le problème de fond est de savoir si la demande de l'appelant exposée dans l'avis à tierce partie en vertu de l'article 50 de la Loi des lettres de change constitue une demande à l'égard de laquelle la Cour de l'Échiquier est compétente. L'article 30 de la Loi, dans la mesure il est pertinent, définit cette compétence en ces termes:
30. La Cour de l'Échiquier a juridiction concurrente au Canada, en première instance
a) dans tous les cas se rattachant au revenu il s'agit d'appliquer quelque loi fédérale, y compris les actions, poursuites et procédures par voie de dénonciation pour l'application de peines, et les procédures par voie de
' Voir l'arrêt Johannesson c. La municipalité de West St-Paul [1952] 1 R.C.S. 292.
dénonciation in rem, et aussi bien dans les poursuites qui tam pour amendes ou confiscations que lorsque la pour- suite est intentée au nom de la Couronne seule;
* * * *
d) dans toutes autres actions et poursuites d'ordre civil en droit commun ou en équité dans lesquelles la Couronne est demanderesse ou requérante.
La prétention principale des avocats des appelants portait que la procédure, par voie de dénonciation, étant une action ou une poursuite «d'ordre civil * * * dans lesquelles la Couronne est demanderesse * * *», la Cour, vu les termes précis de cet article, a «juridiction concurrente» avec les tribunaux provinciaux—en l'espèce, avec la Cour suprême de l'Ontario, la cause d'action ayant pris naissance dans cette province. Dans une telle action, cette cour serait compétente pour entendre et juger la demande telle que soumise par voie d'avis à tierce partie et on prétend donc que la Cour de l'Échiquier est habilitée à exercer une compétence de cet ordre.
Nous ne pouvons faire droit à ce raisonnement ingénieux. La Cour suprême de l'Ontario est compétente, en vertu des lois et règlements qui la régissent, pour connaître et juger les demandes dans ce qu'on appelle les procédures à tierce partie. Par exemple, on peut préférer examiner dans l'action principale, les demandes d'indemnisation faites par un défendeur à une tierce partie par suite de la réclamation dont il fait l'objet dans l'action principale. Mais il ne fait aucun doute que la procédure à tierce partie constitue une procédure portant sur le fond et non pas simplement acces- soire à l'action principale. Ces règles sont au fond des règles de pratique et non des principes juridiques et ont été intro- duites pour plus de commodité et pour empêcher les actions en chaîne. Nous estimons donc que l'article 30, en vertu du sous-alinéa mentionné, qui accorde à la Cour de l'Échiquier
«juridiction concurrente * * * dans * * * les actions * * * d'ordre civil * * * dans lesquelles la Couronne est demanderesse», ne l'habilite pas à examiner la réclamation en cause.
La dernière question a trait à la rédaction de l'alinéa a) conférant juridiction à la Cour
dans tous les cas se rattachant au revenu il s'agit d'appliquer quelque loi fédérale * * *
Il va de soi que l'expression «appliquer quelque loi fédérale» a, en elle-même, un champ d'application assez large pour inclure une réclamation en vertu de l'article 50 de la Loi des lettres de change. Il n'y a aucun doute que l'action principale relève strictement des mots «cas se rattachant au revenu». Il ne fait aucun doute également que, dans un certain sens, la demande à tierce partie se rattache au revenu puisqu'il s'agit d'une demande par laquelle le défendeur cherche à se faire dédommager par la tierce partie au titre d'une dette que la Couronne lui réclame. Il y aurait également beaucoup à dire sur les motifs d'ordre pratique pour lesquels on devrait conférer à la Cour la compétence pour connaître de telles demandes de dédommagement. Tout bien considéré, cepen- dant, nous estimons, compte tenu du contexte, que cette demande ne relève pas de l'intention véritable de l'alinéa a).
Je ne peux établir de distinction avec l'arrêt La Banque de Montréal. Les articles de la Cour
de l'Échiquier que mentionne ici la décision de la Cour suprême sont sensiblement différents des articles actuels de la Loi sur la Cour fédéra- le' (voir les paragraphes 17(1) à (4)). Je ne considère pas les différences fondamentales au point de rendre inapplicables les principes énon- cés par la Cour suprême.
La requête demandant des instructions est rejetée. Si je comprends bien la pratique, lors- qu'on ne fait pas droit à une ordonnance deman- dant des instructions ou lorsqu'on la refuse, les procédures à tierce partie sont, à toutes fins pratiques, suspendues.
Il s'ensuit finalement que la requête visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai imparti pour le dépôt et la signification de l'avis à tierce partie à l'encontre d'Ingram et Pye est accueillie. La requête présentée par Ingram et Pye est jugée ainsi qu'on l'a exposé précédem- ment dans ces motifs. La requête visant à obte- nir des instructions est, comme je l'ai déclaré, rejetée. Dans les circonstances, je pense qu'une ordonnance équitable en matière de dépens doit porter que la défenderesse va payer, quelle que soit l'issue de la cause, les dépens jusqu'à la date des différents avis à tierce partie.
z S.R.C. 1970, c. 10 (2e Supp.).
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