74-A-346
Veronica Mills (Requérante)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Thurlow et Pratte —Ottawa, le 2 décembre
1974.
Immigration—Rejet de l'appel par la Commission d'ap-
pel—Demande de réouverture de l'appel aux fins de l'audi-
tion de preuve—Rejet de la demande par la Commission—
Appel de la décision de la Commission à la Cour d'appel
rejeté—Loi sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3, art. 14, 15 et 23—Règle 324 de la Cour
fédérale.
Après que la Commission d'appel de l'immigration eut
rejeté son appel, la requérante demanda à la Commission de
reprendre l'audition pour entendre une nouvelle preuve en
vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration. La Commission rejeta la demande. Par une
requête écrite déposée en vertu de la Règle 324, la requé-
rante demanda l'autorisation d'interjeter appel à la Cour
d'appel.
Arrêt: la demande doit être rejetée. Il s'agit de savoir si la
requérante cherche à interjeter appel «d'une décision de la
Commission visant un appel», au sens de l'article 23(1) de la
Loi sur la Commission d'appel de l'immigration. Il est
permis d'interjeter appel d'une décision rendue en vertu de
l'article 15, puisque celle-ci fait partie de la décision rendue
en appel d'une ordonnance d'expulsion prononcée en vertu
de l'article 14: Boulis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration, [1974] R.C.S. 875. Mais ce droit ne peut
s'appliquer à la présente affaire, dans laquelle on interjette
appel du refus par la Commission d'accorder une demande
de réouverture de l'audition aux fins d'entendre une nou-
velle preuve en conformité de l'article 15.
DEMANDE.
AVOCATS:
F. H. Zemans pour la requérante.
G. R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
Parkdale Community Legal Services,
Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit, dans la
présente affaire, de déterminer si la Cour peut,
en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Commis
sion d'appel de l'immigration, connaître d'un
appel interjeté d'une décision de la Commission
d'appel de l'immigration refusant la réouverture
d'une audition d'appel; il s'agissait pour la Com
mission d'exercer le pouvoir qui lui fut reconnu
par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt
Boulis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de
l'Immigration' (après son rejet d'un appel et son
refus d'exercer les pouvoirs que lui confère
l'article 15) «de reprendre un appel, d'entendre
une nouvelle preuve et, si elle le juge à propos,
de réviser la décision qu'elle a déjà rendue et
d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle pos-
sède en vertu de l'article 15» 2 , jusqu'à l'exécu-
tion effective de l'ordonnance d'expulsion.
' [1974] R.C.S. 875.
2 Voir les articles 14 et 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration:
14. La Commission peut statuer sur un appel prévu à
l'article 11 ou à l'article 12,
a) en admettant l'appel;
b) en rejetant l'appel; ou
c) en prononçant la décision et en rendant l'ordonnance
que l'enquêteur spécial qui a présidé l'audition aurait dû
prononcer et rendre.
15. (1) Lorsque la Commission rejette un appel d'une
ordonnance d'expulsion ou rend une ordonnance d'expul-
sion en conformité de l'alinéa 14 c), elle doit ordonner que
l'ordonnance soit exécutée le plus tôt possible. Toutefois,
a) dans le cas d'une personne qui était un résident perma
nent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'expulsion,
compte tenu de toutes les circonstances du cas, ou
b) dans le cas d'une personne qui n'était pas un résident
permanent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'ex-
pulsion, compte tenu
i) de l'existence de motifs raisonnables de croire que, si
l'on procède à l'exécution de l'ordonnance, la personne
intéressée sera punie pour des activités d'un caractère
politique ou soumise à de graves tribulations, ou
ii) l'existence de motifs de pitié ou de considérations
d'ordre humanitaire qui, de l'avis de la Commission,
justifient l'octroi d'un redressement spécial,
la Commission peut ordonner de surseoir à l'exécution de
l'ordonnance d'expulsion ou peut annuler l'ordonnance et
ordonner d'accorder à la personne contre qui l'ordonnance
avait été rendue le droit d'entrée ou de débarquement.
(Suite sur la page suivante)
S'il existe un droit d'interjeter appel à cette
cour d'un refus de réouverture, il ne peut décou-
ler que de l'article 23(1) de la Loi sur la Com
mission d'appel de l'immigration qui se lit
comme suit:
23. (1) Sur une question de droit, y compris une question
de compétence, il peut être porté à la Cour suprême du
Canada un appel d'une décision de la Commission visant un
appel prévu par la présente loi, si cette cour accorde la
permission d'interjeter appel dans les quinze jours après le
prononcé de la décision dont est appel ou dans tel délai
supplémentaire qu'un juge de cette Cour peut accorder pour
des motifs spéciaux.
(2) Le gouverneur en conseil peut établir des règles régis-
sant la pratique et la procédure relatives aux demandes
d'autorisation d'interjeter appel et aux appels à la Cour
suprême du Canada en conformité du présent article. Ces
règles sont obligatoires, nonobstant toute règle ou pratique
par ailleurs applicable.
(3) Aucune ordonnance quant aux frais ne doit être
rendue relativement à une demande d'autorisation d'interje-
ter appel ou à un appel à la Cour suprême en conformité du
présent article.
Une fois que la Commission a rouvert les
procédures d'appel, entendu une nouvelle
preuve et décidé de ne pas exercer les pouvoirs
que lui accorde l'article 15, on peut interjeter
appel de ce jugement; celui-ci constitue une
décision en vertu de l'article 15 qui peut entrer
en jeu «Lorsque la Commission rejette un appel
d'une ordonnance d'expulsion ....» Telle fut la
(Suite de la page précédente)
(2) Lorsque, en conformité du paragraphe (1), la Commis
sion ordonne de surseoir à l'exécution d'une ordonnance
d'expulsion, elle doit permettre à la personne intéressée de
venir ou de demeurer au Canada aux conditions qu'elle peut
prescrire et doit examiner de nouveau l'affaire, à l'occasion,
selon qu'elle l'estime nécessaire ou opportun.
(3) La Commission peut, en tout temps,
a) modifier les conditions prescrites aux termes du para-
graphe (2) ou imposer de nouvelles conditions; ou
b) annuler sa décision de surseoir à l'exécution d'une
ordonnance d'expulsion et ordonner que l'ordonnance soit
exécutée aussitôt que possible.
(4) Lorsqu'il a été sursis à l'exécution d'une ordonnance
d'expulsion
a) en conformité de l'alinéa (1)a), la Commission peut, en
tout temps par la suite, annuler l'ordonnance; ou
b) en conformité de l'alinéa (1)b), la Commission peut, en
tout temps par la suite, annuler l'ordonnance et décréter
que le droit d'entrée ou de débarquement soit accordé à la
personne contre qui l'ordonnance a été rendue.
Lire aussi les motifs du juge Abbott (p. 582) en corrélation
avec ceux du juge Martland (p. 590). [Il s'agit de toute
évidence d'un renvoi à l'affaire Grillas c. Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration [1972] R.C.S. 577, sur
laquelle l'arrêt Boulis s'appuyait—Éd.]
décision rendue dans l'arrêt Boulis c. Le minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration' au
sujet de la compétence accordée auparavant à la
Cour suprême du Canada et ce droit d'appel
était énoncé dans des termes analogues. A mon
avis, toutefois, cette décision s'applique seule-
ment pour établir qu'il existe un droit d'appel
d'une décision rendue en vertu de l'article 15,
décision qui fait partie intégrante de celle qui
tranche l'appel. Dans l'affaire Boulis, la Cour
suprême du Canada n'était pas saisie de la ques
tion de savoir si l'on pouvait interjeter appel
devant elle d'un refus de la Commission de faire
droit à une demande de réouverture de l'audi-
tion aux fins d'entendre une nouvelle preuve en
vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration; à mon avis, on doit
prendre cette décision comme se rapportant à la
question soumise à la Cour, qui, de toute évi-
dence, relevait de l'article 23 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, tel qu'il
était à l'époque, et non comme se rapportant à
une décision ordonnant la réouverture d'une
audition, question qui ne peut, à mon avis, être
considérée comme relevant des termes «une
décision ... visant un appel» ou de tout autre
sens que l'on peut à juste titre leur attribuer
dans le langage ordinaire.
La présente demande d'autorisation d'interje-
ter appel est par conséquent rejetée.
* * *
LE JUGE THURLOW: Avec quelque hésitation,
je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE PRATTE: Je souscris à ces motifs.
3 [1974] R.C.S. 875.
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