T-1731-72, T-1732-72
The International Nickel Company of Canada,
Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Urie—
Toronto, les 6, 7, 10 et 11 décembre 1973;
Ottawa, le 7 janvier 1974.
Impôt sur le revenu—Revenu de l'extraction—Allocation
d'épuisement—Calcul du bénéfice—Calcul du bénéfice pour
déterminer l'allocation d'épuisement—Recherche scientifique
pour acquérir le «savoir-faire»—Dépenses de capital—Loi de
l'impôt sur le revenu, art. 72(1)—Règlements de l'impôt sur le
revenu, art. 1201.
Le Ministre a établi de nouvelles cotisations de la compa-
gnie demanderesse dans lesquelles il déduisait de ses bénéfi-
ces imputables à la production de métaux bruts les sommes
de $4.36 millions pour l'année 1967 et de $5.89 millions
pour l'année 1968, aux fins de calculer l'allocation d'épuise-
ment à laquelle la demanderesse avait droit en vertu de
l'article 11(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de
l'article 1201(2) des Règlements de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel est accueilli.
(1) Les dépenses susmentionnées au titre de recherche
scientifique, engagées par la demanderesse et déductibles en
vertu de l'article 72(1)a) de la Loi, étaient des dépenses de
capital: The International Nickel Company of Canada Lim
ited c. M.R.N. [1971] C.F. 213.
(2) Au règlement 1201, le mot «bénéfices», se rapportant
à la détermination de la base de calcul de l'allocation d'épui-
sement de la demanderesse, est utilisé dans le même sens
que celui dans lequel on a jugé qu'il l'était dans la Loi de
l'impôt sur le revenu. Les bénéfices doivent être déterminés
en fixant la différence entre les recettes raisonnablement
imputables à la production de métal brut dont la compagnie
minière Vire son revenu et les dépenses engagées dans le but
de produire ces recettes. Puisqu'il a été jugé que les dépen-
ses de recherche scientifique étaient des dépenses de capi
tal, elles ne sont pas déductibles lors du calcul de la base de
la déduction pour épuisement de la demanderesse.
Arrêts examinés: M.R.N. c. Anaconda American Brass
Limited [1956] A.C. 85; Whimster & Co. c. Inland Reve
nue Commissioners (1925) 12 T.C. 813, 823; M.R.N. c.
Irwin [1964] R.C.S. 662; Associated Investors of
Canada Limited c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96; Que-
mont Mining Corporation Limited c. M.R.N. [1967] 2
R.C.É. 169; M.R.N. c. Imperia! Oil Limited [1960]
R.C.S. 735; Home Oil Company Limited c. M.R.N.
[1955] R.C.S. 733; Heather c. P. E. Consulting Group
Limited (1973) 48 T.C. 293.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Stuart Thom, c.r., et T. E. J. McDonnell
pour la demanderesse.
N. A. Chalmers, c.r., et B. J. Wallace pour
la défenderesse.
PROCUREURS:
Osier, Hoskin et Harcourt, Toronto, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE URnE—Par la présente, la demande-
resse interjette appel à la Cour des nouvelles
cotisations d'impôt sur le revenu établies par le
ministre du Revenu national pour les années
1967 et 1968, dans lesquelles il déduisait
$4,363,282.00 pour l'année 1967 et $5,890,-
205.00 pour l'année 1968 des bénéfices de la
demanderesse imputables à la production de
métaux bruts tirés des ressources qu'elle exploi-
tait, afin de calculer l'allocation d'épuisement à
laquelle elle avait droit en vertu de l'article
11(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu et du
règlement 1201(2) des Règlements établis en
conformité de ladite loi. Les litiges dans ces
deux appels sont les mêmes et la Cour a décidé,
par ordonnance rendue le 22 août 1973, de
juger ensemble les deux actions sur preuve
commune.
Les parties ont convenu par un accord daté
du 8 août 1973 que les questions à trancher
étaient les suivantes:
1. en ce qui concerne les années 1967 et
1968: les dépenses de recherche scientifique,
déductibles en vertu de l'article 72(1)a) 1 de la
1 72. (1) n peut être déduit dans le calcul du revenu, pour
une année d'imposition, d'un contribuable qui a exercé des
affaires au Canada et qui a fait des dépenses à l'égard de
recherches scientifiques dans l'année, le montant par lequel
l'ensemble de
a) toutes les dépenses de nature courante faites au
Canada dans l'année
(i) pour des recherches scientifiques se rapportant aux
affaires et directement entreprises par le contribuable
ou pour son compte,
(ii) en paiement à une association approuvée qui entre-
prend des recherches scientifiques relatives au genre
d'affaires du contribuable,
Loi de l'impôt sur le revenu et engagées par la
demanderesse au cours de l'année peuvent-
elles être déduites lors du calcul des bénéfices
aux fins de l'article 1201(2)a) 2 des Règle-
ments établis en vertu de la Loi de l'impôt sur
le revenu?
(2) la question de la déductibilité des dépen-
ses de recherche scientifique lors du calcul
des bénéfices, aux fins de l'article 1201(2)a)
des Règlements, pour les années suivant
1965, est-elle res judicata, en raison du juge-
ment de la Cour fédérale du Canada dans
l'affaire The International Nickel Company of
Canada Limited c. M.R.N. [1971] C.F. 213?
(3) si l'on conclut que lesdites dépenses de
recherche scientifique sont déductibles lors
du calcul des bénéfices provenant de l'entre-
prise de la demanderesse, l'article 4 3 de la Loi
de l'impôt sur le revenu, la demanderesse est
autorisée à déduire le même montant lors du
(iii) en paiement à une université, collège, institut de
recherches approuvés ou autre institution semblable
devant servir aux recherches scientifiques relatives aux
genres d'affaires du contribuable,
(iv) en paiement à une corporation résidant au Canada
et exemptée de l'impôt sous le régime de la présente
Partie par l'alinéa gc) du paragraphe (1) de l'article 62,
et
(v) en paiement à une corporation résidant au Canada
pour des recherches scientifiques relatives aux affaires
du contribuable;
2 1201. (2) Lorsqu'un contribuable exploite une ou plu-
sieurs ressources, la déduction accordée est de 33 1/3 p. 100
de
a) l'ensemble de ses bénéfices de l'année d'imposition qui
peuvent raisonnablement être attribués à la production de
pétrole, de gaz, de métal brut ou de minéraux industriels
de toutes les ressources qu'il exploite, .... [C'est moi qui
souligne.]
3 4. Sous réserve des autres dispositions de la présente
Partie, le revenu provenant, pour une année d'imposition,
d'une entreprise ou de biens est le bénéfice en découlant
pour l'année. [C'est moi qui souligne.]
calcul de son revenu en vertu de l'article 4,
conformément à l'article 72(1) de la Loi.
Dans ses plaidoiries, l'avocat de la demande-
resse soutient que les dépenses: de recherche :
scientifique étaient d'es dépenses de capital et se
rallie donc à la conclusion de mon collègue, le
juge Cattanach, dans l'arrêt The International
Nickel Company of Canada c. M.R.N. (précité);
selon ce point de vue, ces dépenses ne sont pas
déductibles lors du calcul des «bénéfices» de la
demanderesse aux fins du règlement 1201(2), le
mot «bénéfices», ainsi utilisé, devant être inter-
prété en conformité de son utilisation dans le
contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu et en
conformité des principes établis par la
jurisprudence.
L'avocat de la défenderesse n'a pas insisté
sur le fait que les dépenses de recherche scienti-
fique n'étaient pas des dépenses de capital au
sens de la conclusion du juge Cattanach dans
l'affaire précédente. Il soutient cependant que la
preuve soumise dans l'affaire présente est diffé-
rente de celle présentée dans l'affaire précé-
dente et que l'on n'a pas débattu devant le juge
Cattanach le fait que le mot «bénéfices» au
règlement 1201 n'a aucun rapport avec la déter-
mination du revenu aux termes de l'article 4 de
la Loi, seul autre texte où l'on trouve le mot
«bénéfices»; il ajoute qu'on doit effectuer le
calcul des bénéfices en conformité de son sens
ordinaire et des principes comptables générale-
ment acceptés. S'il en était ainsi, pour calculer
le bénéfice, on devrait déduire des revenus nets
les dépenses engagées pour la recherche scienti-
fique lors de l'exercice financier courant puis-
qu'on peut leur attribuer d'une part des revenus
courants et d'autre part des revenus futurs. On
devrait aussi les comptabiliser avec des dépen-
ses de recherche antérieures auxquelles les
bénéfices de l'année courante sont attribuables.
Puisque la demanderesse n'établissait pas de
correspondance entre les dépenses pour la
recherche et des projets donnés dans sa compta-
bilité, il n'était pas possible de déterminer quel
montant devrait être attribué aux revenus cou-
rants. Pour cette raison et d'autres raisons vala-
bles, il soutient que la pratique comptable la
meilleure consistait à imputer lesdites dépenses
aux revenus nets de la période courante.
A mon avis, la preuve qu'on m'a soumise au
sujet de la nature et de la teneur des recherches
scientifiques effectuées par la demanderesse
n'est aucunement différente de celle produite
devant le juge Cattanach dans l'affaire précé-
dente. A la page 229, il décrit succinctement la
nature des travaux, telle qu'elle ressort de la
préuve soumise, et j'estime qu'aucun témoi-
gnage dans la présente affaire n'y apporte de
modification:
En raison de la nature et de l'étendue de son entreprise
l'appelante dépense dans le cas présent des sommes consi-
dérables pour les recherches scientifiques et elle le fait
depuis plusieurs années. Elle emploie un personnel haute-
ment qualifié qui a pour fonction exclusive de consacrer son
temps tout entier et sa haute compétence à l'étude continue
des procédés existants utilisés par l'appelante dans le but de
les améliorer et de les rendre plus efficaces ainsi que des
projets concernant les possibilités de procédés et de métho-
des qui n'ont pas été essayés jusqu'à présent ou la décou-
verte de procédés inconnus. Si ces études prouvent l'effica-
cité de ces nouveaux projets, il en a résulté, et il en résultera
encore pour l'appelante, des dépenses plus importantes pour
construire une usine afin d'utiliser le procédé ainsi décou-
vert ou l'amélioration d'un procédé déjà utilisé. C'est grâce à
ces recherches constantes de moyens meilleurs que l'appe-
lante s'est maintenue à l'avant-garde dans son domaine.
Ceci implique nécessairement des dépenses continues
engagées par l'appelante pour les recherches scientifiques.
C'est un programme continu et sans fin.
A la page 231, il faisait remarquer que la
demanderesse distinguait soigneusement les
dépenses de recherche scientifique qui avaient
pour but de créer de nouveaux procédés ou
d'améliorer les procédés existants, de celles qui
avaient pour but de maintenir ou de faire fonc-
tionner les procédés existants, en se fondant sur
les renseignements fournis par des archives con
servées par les nombreux services de recherche
de la demanderesse. La preuve soumise démon-
tre que cette distinction a été maintenue pour
les années 1967 et 1968. Ces dépenses ont été
déduites à juste titre lors du calcul de la base de
la déduction pour épuisement aux fins du règle-
ment 1201 parce qu'elles pouvaient «raisonna-
blement être attribuées à la production de métal
brut». On soutient qu'en plus de ces dépenses,
on aurait dû déduire, pour les années 1967 et
1968, les dépenses engagées dans le but de
créer de nouveaux procédés ou d'améliorer les
procédés existants. A mon avis, on ne m'a pré-
senté aucune preuve portant que ces dernières
dépenses engagées en 1967 et 1968 pouvaient
«raisonnablement être attribuées à la production
de métal brut» pour ces deux années. Comme le
faisait remarquer le juge Cattanach à la page
232:
Pour les propres buts commerciaux de l'appelante, toutes
ces dépenses de recherches scientifiques furent incluses
dans les coûts d'exploitation et non en tant que coûts en
capital. La distinction fut faite dans le but de préparer les
déclarations d'impôt sur le revenu. -
Je n'attache pas grande importance à cette pratique de
comptabilité ou de tenue de livres. Il n'est pas très facile de
classer les dépenses de recherches scientifiques et je peux
facilement comprendre pourquoi, à des fins commerciales,
l'appelante considère que ces dépenses affectent ses bénéfi-
ces ou pertes nets. Mais d'autres considérations entrent en
ligne de compte aux fins de l'impôt sur le revenu.
Il est tout à fait compréhensible qu'une entreprise com-
merciale traite, dans ses livres de comptabilité et pour son
propre compte, certaines catégories de dépenses comme des
dépenses ordinaires qui sont en fait, aux fins de l'impôt sur
le revenu, des dépenses de capital et inversement, plusieurs
postes intitulés dans la comptabilité d'une entreprise, res-
sources de capital, sont aux fins de l'impôt sur le revenu,
imposables comme revenu.
L'intitulé d'un poste dans les livres de comptabilité n'est
pas le critère véritable ou adéquat de la nature de la
dépense.
D'après la déclaration de Lord Cave, si j'en comprends
bien le fond, une dépense est une dépense de capital quand
elle est faite dans le but d'assurer un élément d'actif ou un
avantage pour le bénéfice permanent de l'entreprise.
Le but de l'appelante, en entreprenant et en poursuivant
son programme de recherches scientifiques, était d'acquérir
pour elle-même un fonds de «savoir faire» scientifique
auquel elle pourrait faire appel en cas de besoin. Certains
projets furent abandonnés. D'autres s'avérèrent stériles.
D'autres enfin se poursuivirent pendant de nombreuses
années. Plusieurs projets furent entrepris qui expliquent la
nature continue des dépenses ainsi que le fait que certains
projets demandent plusieurs années pour atteindre leur
apogée. Il est sans importance que certains projets aient
échoués si le but est que s'ils avaient été réalisés, un élément
d'actif ou des avantages auraient été obtenus. Si l'objectif
final était un élément d'actif ou un avantage de capital, alors
les dépenses antérieures à ce dernier sont aussi de capital.
Après avoir examiné l'ensemble des faits qui,
comme je l'ai affirmé plus haut, étaient pour
l'essentiel les mêmes qu'en l'espèce, le juge
Cattanach a conclu que les dépenses de recher-
che scientifique engagées par l'appelante et
déduites par cette dernière en vertu des articles
72, 72A et 11(1)j), dans le calcul de son revenu
imposable pour l'année en cause, constituaient
des dépenses de capital et qu'en conséquence
ces dépenses n'étaient pas déductibles lors de la
détermination de la base de calcul de l'allocation
pour épuisement aux fins du règlement 1201.
Pour ces motifs, je me rallie entièrement à sa
conclusion et, sous réserve de mes conclusions
concernant les plaidoiries de la défenderesse,
que je vais examiner, je conclus qu'en 1967 et
1968 les dépenses effectuées par la demande-
resse pour la recherche scientifique, autres que
celles dont le but était de maintenir ou de faire
fonctionner des procédés existants, étaient des
dépenses de capital.
Ayant conclu de la sorte, j'estime qu'il reste
seulement à déterminer dans le présent appel si
cette conclusion peut être modifiée par la thèse
de la défenderesse portant que les «bénéfices»
dans le contexte du règlement 1201 doivent être
des «bénéfices» calculés en conformité des
principes comptables généralement acceptés. A
mon sens, le point essentiel de la plaidoirie de la
défenderesse consiste à dire que, selon l'usage
comptable généralement admis, on fait corres-
pondre les frais engagés au revenu qui en
découle, afin de pouvoir mesurer le revenu net
périodique. Il existe trois sortes de coûts; les
premiers sont les coûts contingents qui ne sont
pas directement liés à la production. Ils sont
traités comme des dépenses imputables au
revenu de la période pendant laquelle on les a
engagés, alors que les coûts liés plus directe-
ment à la production, les coûts de production
(c: à-d. les fournitures, frais généraux, salaires
de production, etc.) sont inclus dans le coût des
produits et ne sont recouvrés qu'au moment de
leurs ventes. Le troisième type de coûts com-
prend les frais de conservation engagés par une
compagnie en vue de rester compétitive dans
l'avenir. Les deux principes de base concernant
le traitement de ces coûts sont les suivants:
a) il faut, à un moment donné, les faire cor-
respondre au revenu et
b) il faut, dans les livres comptables de la
compagnie, les traiter de la même manière
d'un exercice comptable à un autre afin de
présenter avec exactitude le résultat des acti-
vités de l'entreprise, sans les distorsions qui
apparaîtraient si l'on changeait de méthode, à
moins de prendre note soigneusement de tous
ces changements et de les annexer aux états
où figurent lesdits changements.
La demanderesse a constamment considéré le
coût des recherches scientifiques comme des
coûts contingents et elle les a toujours imputés
aux gains courants. En théorie, comme l'ont
expliqué les experts appelés par les parties, on
devrait les reporter et les amortir sur des exerci-
ces futurs au cours desquels on pense en tirer
un profit. Ces témoins ont cependant admis que,
selon l'usage prédominant à l'heure actuelle, les
coûts de recherche constants sont considérés
comme des coûts contingents et comme des
coûts de conservation de l'entreprise et sont
portés au passif de l'exercice comptable au
cours duquel ils ont été payés. Comme nous
l'avons remarqué, c'est en fait la méthode adop-
tée par la demanderesse comme le montrent ses
bilans vérifiés présentés au public et à ses
actionnaires.
Toutefois, on a aussi admis qu'il y a d'autres
considérations déterminantes aux fins de l'impôt
sur le revenu et que, lors du calcul du revenu
imposable de la compagnie, on ne peut déduire,
des dépenses que dans la mesure où la Loi le
prévoit.
Selon la défenderesse, les «bénéfices» men-
tionnés au règlement 1201 n'ont aucun rapport
avec le «revenu» tel que défini et décrit dans la
Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'avocat de la défenderesse soutient que le mot
«bénéfices» au règlement 1201 signifie plutôt le
bénéfice ou les gains nets d'une compagnie,
déterminés selon les principes comptables géné-
ralement acceptés. Puisque, selon ces principes,
lors du calcul des bénéfices, les dépenses de
recherche scientifique ne sont généralement pas
reportées à d'autres années, mais, dans la plu-
part des cas (et en particulier dans celui de la
demanderesse), sont au contraire imputées aux
revenus de l'année pendant laquelle elles ont été
effectuées, il faut alors les déduire toutes afin
de déterminer la base de calcul de la déduction
pour épuisement de la demanderesse (ci-après
appelée base de la déduction pour épuisement).
Au cas où je déciderais qu'on ne peut justifier
une telle théorie, la défenderesse soutient subsi-
diairement que, puisqu'à un certain moment il
faut faire correspondre les , coûts au revenu,
selon l'usage comptable courant, il faut imputer
chaque année aux revenus nets les frais de
recherche scientifique reportés et correspondant
aux réalisations qui en ont découlé et qui ont
produit un revenu au cours de l'exercice en
cause, ainsi que les projets de recherche ache-
vés au cours de cette même année. Il soutient
que si on ne le fait pas ces frais resteront alors
dans l'oubli et ne seront jamais imputés à un
revenu comme l'exige l'usage comptable. Puis-
qu'on ne peut faire correspondre les coûts à
aucune réalisation particulière, la demanderesse
ne tenant pas ses livres de manière à pouvoir
déterminer lesquels correspondent à un projet
donné, tous les frais de recherche engagés au
cours d'une année doivent être imputés au
revenu net afin de pouvoir calculer la base de
déduction pour épuisement. Il convient donc de
rejeter la thèse de la demanderesse.
La défenderesse a cité un expert, , P. H.
Lyons, comptable agréé et expérimenté, qui
témoigna que [TRADUCTION] «une entreprise
devrait déduire des revenus courants le coût des
mesures lui permettant de rester compétitive
dans un milieu économique en évolution ... ces
dépenses discrétionnaires, incluant les recher-
ches et la mise en valeur, ne sont pas reportées,
mais habituellement déduites en cours d'exer-
cice». Ce témoignage est corroboré par ceux des
experts de la demanderesse, bien qu'ils l'expri-
ment différemment. J. A. Milburn, par exemple,
expert comptable chevronné expose cette théo-
rie au paragraphe 3b) de son affidavit, versé au
dossier en conformité des règles de la Cour, de
la manière suivante:
[TRADUCTION] 3b) A mon avis, même si l'on déduit les
dépenses de, recherche scientifique en cours d'exercice, elles
n'ont pas le même caractère que les dépenses relatives aux
salaires, fournitures et matières premières liées directement
à la production. Ces dépenses favorisent la production de la
période où elles ont été engagées et l'on fait donc correspon-
dre ces dépenses aux revenus en les portant au poste des
frais d'exploitation au moment de la vente des produits. Par
contre on ne peut considérer que les dépenses de recherche
scientifique ont essentiellement pour but d'améliorer la pro-
duction au cours de la période où elles ont été engagées. On
ne tirera éventuellement profit de ces dépenses qu'au cours
de périodes comptables ultérieures. C'est essentiellement
parce qu'il est difficile de déterminer quand et dans quelle
mesure on en tirera avantage dans l'avenir, qu'il est accepta
ble, en comptabilité, de déduire de telles dépenses au cours
de la période où elles ont été engagées.
Pour ce motif, j'admets le témoignage des
experts dans cette mesure seulement. Même si
Lyons affirme dans son affidavit que [TRADUC-
TION] «si la compagnie, sans suivre la méthode
du report dans ses livres, adoptait la méthode du
report à d'autres fins, elle devrait alors tenir des
livres comptables parallèles afin d'appliquer
correctement le principe du report», je ne peux
cependant admettre que, même si un tel principe
est exact, on puisse l'appliquer pour calculer la
base de la déduction pour épuisement d'une
compagnie minière.
On ne peut soutenir un tel point de vue, car il
néglige deux choses, savoir, a) que toutes les
dépenses sont imputées aux gains périodiques
de la demanderesse en conformité de la
méthode qu'elle a constamment appliquée, au
cours des ans, à ses fins commerciales propres,
et ces dépenses ne sont donc pas indéfiniment
reportées ou laissées dans l'oubli comme on l'a
prétendu, et b) que la demanderesse ne tient pas
deux sortes de livres «parallèles», mais une
seule. Ce qu'elle fait, par contre, c'est se confor-
mer au règlement 1201(2) en effectuant un
calcul afin de déterminer sa base de déduction
pour épuisement. Ce faisant, elle n'a pas exclu
du calcul de ses profits (c'est-à-dire ses gains
nets) les dépenses de recherche scientifique
qu'elle avait effectivement exclues lors du
calcul de ses gains nets dans ses états financiers
vérifiés, comme l'exige l'usage comptable. Ces
dépenses sont calculées à partir d'une seule et
unique série de comptes établis par la demande-
resse. Le litige ne porte pas sur le montant des
dépenses engagées par la demanderesse pour les
recherches scientifiques, au cours des années en
cause. La prétention subsidiaire de la défende-
resse doit donc, à mon avis, être rejetée et la
seule question à trancher reste donc l'argument
principal du Ministre, savoir si la demanderesse
était autorisée en droit à ne pas déduire les frais
de recherche scientifique lors du calcul de la
base de ses déductions pour épuisement.
A mon avis, le mot «bénéfices» aux fins de ce
calcul doit être pris dans le contexte de la Loi
en conformité de laquelle les règlements où ce
mot apparaît ont été promulgués; il faut aussi
l'interpréter conformément aux principes établis
par la jurisprudence.
Dans l'affaire M.R.N. c. Anaconda American
Brass Limited [1956] A.C. 85, où il s'agissait de
déterminer si l'on avait utilisé à bon droit la
méthode Lifo de réévaluation des stocks pour
calculer les surplus de bénéfices de l'intimée en
vertu de la Loi sur la taxation des surplus de
bénéfices, on avait soutenu qu'aux fins fiscales,
le revenu annuel était calculé selon l'usage
comptable généralement accepté à moins que la
Loi n'en dispose autrement. Cette prétention fut
rejetée par le Conseil privé. A la page 100, le
vicomte Simonds citant une partie du jugement
rendu par Lord Clyde dans l'affaire Whimster &
Co. c. Inland Revenue Commissioners [(1925)
12 T.C. 813 la page 823], affirmait:
[TRADUCTION] En premier lieu, les profits de toute année ou
de tout exercice comptable doivent être considérés comme
étant constitués par la différence entre les recettes de l'en-
treprise encaissées pendant cette même année ou ce même
exercice comptable et les dépenses effectuées pour réaliser
ces recettes. En second lieu, le compte des profits et pertes
qu'il faut établir pour constater cette différence doit être
établi conformément aux principes usuels de la comptabilité
commerciale, dans la mesure où ils sont applicables; il doit
de plus être conforme, selon le cas, aux règles de la Loi de
l'impôt sur le revenu ou aux règles précisées dans les
modifications apportées à cette loi par les dispositions et
annexes des lois qui régissent les droits sur les profits
excessifs. Par exemple, les principes usuels de la comptabi-
lité commerciale exigent que la valeur du stock en magasin,
au début et à la fin de l'exercice, soit inscrite dans le compte
de profits et pertes d'une entreprise commerciale ou indus-
trielle, au prix contant ou au prix courant, suivant celui qui
est le plus bas, bien que la législation fiscale soit muette sur
ce point.
Cette déclaration fut citée et approuvée par le
juge Abbott, dans l'affaire M.R.N. c. Irwin
[1964] R.C.S. 662.
A la page 102, le vicomte Simonds affirmait
en outre:
[TRADUCTION] Ces mêmes considérations démontrent claire-
ment que le témoignage des experts portant que la méthode
Lifo est un système de comptabilité généralement accepta
ble et, dans ce cas, le plus approprié à l'entreprise, ne peut
être retenu pour trouver une solution au présent litige. II se
peut que la Cour de l'Échiquier juge que les experts ont
raison et voie sa décision confirmée par la Cour suprême.
La question reste alors entière: cette méthode est-elle con-
forme aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Leurs Seigneuries, comme elles l'ont déjà indiqué, sont
d'avis que ce n'est pas le cas. [C'est moi qui souligne.]
La méthode à suivre pour résoudre ce problè-
me, dans un cas donné, est exposée de manière
concise par le président Jackett (tel était son
titre) dans l'affaire Associated Investors oj
Canada Limited c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96,
où il déclarait aux pages 101 et 102:
[rxnnucrioN] Aux termes de la Loi de l'impôt sur le
revenu pour déterminer le montant de l'impôt sur le revenu
payable par •l'appelante pour année donnée, il faut en pre
mier lieu déterminer le «revenu» de l'entreprise de l'appe-
lante pour ladite année (article 3). Sous réserve de disposi
tions particulières applicables en l'espèce, le «revenu»
provenant d'une «entreprise» pendant une année consiste
dans le «bénéfice» en découlant pour l'année (article 4).
Le bénéfice découlant d'une entreprise, sous réserve de
dispositions spéciales de la Loi, doit être déterminé confor-
mément aux principes commerciaux ordinaires (voir Canadi-
an General Electric Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu
national [1962] R.C.S. 3, arrêt rendu par le juge Martland, à
la page 12.) En fin de compte, il s'agit pour la Cour «d'une
question de droit». Pour se prononcer . , la Cour doit tenir
compte des faits de l'espèce et l'importance à accorder à une
circonstance particulière doit dépendre de considérations
pratiques. Puisqu'il s'agit d'une question de droit, le témoi-
gnage des experts n'est pas péremptoire. (Voir la décision du
juge Abbott dans l'affaire Oxford Motors Ltd. c. Le ministre
du Revenu national, [1959] R.C.S. 548, à la page 553, et le
juge Reid dans l'affaire Strick c. Regent Oil Co. Ltd., [1965]
3 W.L.R. 636, aux pages 645-646. Voir aussi l'arrêt Le
ministre du Revenu national c. Anaconda American Brass
Ltd., [1956] A.C. 85 à la page 102.)
Il m'incombe donc en premier lieu de décider quelle est la
manière appropriée de traiter les montants en cause, confor-
mément aux principes commerciaux ordinaires. Ceci fait, je
dois examiner si une disposition législative particulière
impose une autre manière de les traiter.
D'après la jurisprudence, les principes commerciaux ordi-
naires imposent de déterminer le bénéfice annuel d'une
entreprise en soustrayant des revenus de l'entreprise pour
l'année, les dépenses engagées afin de produire ce revenu.
Pour déterminer si l'on peut tenir compte des résultats des
diverses transactions dans le calcul du bénéfice de l'entre-
prise pour une année donnée, il faut se demander d'abord si
elles ont été conclues en vue de gagner ou produire un
revenu tiré de l'entreprise. (Comparer avec l'article 12(1)a)).
Si ce n'est pas le cas, on ne peut tenir compte de leur
résultat lors du calcul des bénéfices. Même si cette transac
tion avait été conclue aux fins de l'entreprise, s'il s'agissait
d'une opération en capital, on doit omettre de tenir compte
de ses résultats lors du calcul des bénéfices de l'entreprise
pour l'année en question. (Comparer avec l'article 12(1)b).
Voir le jugement rendu par le juge Abbott, dans l'affaire
B.C. Electric Railway Co. Ltd. c. Le ministre du Revenu
national [1958] R.C.S. 133, à la page 137.) [C'est moi qui
souligne.]
En conséquence, puisque, d'après les motifs
prononcés en appel par le juge Cattanach en
1971 dans l'affaire The International Nickel
Company of Canada, (précitée), les dépenses de
recherches scientifiques pour les années 1967 et
1968 n'étaient pas imputables à la production de
métaux bruts pendant ces années et puisqu'il
s'agit de dépenses de capital, elles ne peuvent
être déduites du revenu dans le calcul des béné-
fices annuels de l'entreprise, dans le contexte de
la Loi de l'impôt sur le revenu, bien qu'elles en
soient exclues lors du calcul du revenu imposa-
ble de la demanderesse aux fins des articles 72,
72A 4 et 11(1)j) 5 de la Loi.
Ce point de vue trouve en outre un appui dans
une autre décision de la Cour de l'Échiquier,
rendue aussi en 1967, dans l'affaire Quemont
Mining Corporation Limited c. M.R.N. [1967] 2
R.C.É. 169. Dans cette affaire, le Ministre sou-
leva une question qui semble être très similaire
à la question à trancher dans l'affaire présente.
4 72A. (1) En plus des déductions que permet pour l'an-
née l'article 72, une corporation, autre qu'une corporation
mentionnée au paragraphe (2), qui avait exercé une entre-
prise au Canada et fait des dépenses pour des recherches
scientifiques au cours d'une année d'imposition, peut
déduire dans le calcul de son revenu pour l'année 50 p. 100
du montant par lequel
a) l'ensemble
(i) de toutes les dépenses d'une nature courante faites
au Canada dans l'année, selon la description qu'en
donnent les sous-alinéas (i) à (v) de l'alinéa a) du
paragraphe (1) de l'article 72, pour des recherches
scientifiques, et
(ii) de toutes dépenses de capital faites au Canada (du
fait de l'acquisition de biens autres que du terrain) dans
l'année pour des recherches scientifiques,
excède
b) l'ensemble
(i) les dépenses pour travaux scientifiques de base de la
corporation, et
(ii) tout montant payé à la corporation dans l'année
relativement aux recherches scientifiques qu'a entrepri-
ses la corporation
(A) par Sa Majesté du chef du Canada ou d'une
province,
(B) par une personne résidant au Canada, ou
(C) par une personne ne résidant pas au Canada si
elle a droit, quant au paiement, à une déduction dans
le calcul de son revenu en raison du sous-alinéa (v) de
l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 72.
5 11. (1)j) le montant qu'autorise l'article 72 ou l'article
72A à l'égard des frais de recherches scientifiques;
Dans l'affaire Quemont, il fallait déterminer, si
l'appelante, en calculant le montant des bénéfi-
ces provenant de ses exploitations minières, afin
de déterminer la base de l'allocation pour épui-
sement, devait déduire les droits payés en vertu
de la Loi des mines de la province de Québec,
tout comme dans l'affaire présente, il s'agit de
déterminer si l'on doit déduire les dépenses de
recherche scientifique lors du calcul de la base
de l'allocation d'épuisements de la demande-
resse. A la page 200, le juge Cattanach faisait
les remarques suivantes:
[TRADUCTION] Si je comprends bien la plaidoirie du Minis-
tre, celui-ci a reconnu que les droits payés à la province de
Québec ne constituaient pas une dépense engagée en vue de
gagner un revenu et, en conséquence, les droits ainsi payés
ne peuvent pas être déduits du revenu, en vertu de l'article
12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il n'accepte
cependant pas la prémisse de l'avocat de la Quemont selon
lequel le mot «bénéfices» au règlement 1201(2)a) est syno-
nyme du mot «revenu», ou qu'il signifie la différence entre
les recettes et les dépenses engagées afin de produire ces
recettes. Au contraire il affirme que le mot «bénéfices» est
utilisé dans le règlement 1201(2)a) dans son sens courant et
ordinaire dans le commerce et signifie l'ensemble des profits
nets, ou recettes restant au contribuable tous comptes
payés.
Après avoir mentionné les affaires Anaconda
et Irwin (précitées), il cite à la page 202 un
extrait de l'arrêt M.R.N. c. Imperial Oil Limited
[1960] R.C.S. 735:
[TRADucTioN] Dans l'arrêt M.R.N. c. Imperia! Oil Limited
([1960] R.C.S. 753 [sic]), la Cour suprême a examiné le
Règlement 1201 dans sa forme initiale. Le juge Judson
prononça le jugement de trois des quatre membres de la
Cour, formant majorité. Aux pages 744 et 745, il déclarait:
... Je pense que le règlement 1201 exige maintenant que,
lors de la détermination de la base de l'allocation à accor-
der à un contribuable exploitant plusieurs puits de pétrole
ou de gaz, l'on suive la procédure suivante:
(1) Déterminer les profits ou pertes de chaque puits en
fonctionnement de la manière normale c'est-à-dire en
fixant la différence entre les recettes raisonnablement
imputables à la production de pétrole ou de gaz provenant
du puits et les dépenses engagées afin de tirer ces recet-
tes. [C'est moi qui souligne.]
Il me semble que les termes employés dans cet extrait
impliquent clairement que le juge Judson a interprété le mot
«bénéfices», tel qu'utilisé dans le règlement 1201 en sa
forme initiale, comme ayant le même sens que celui attribué
par le Conseil privé dans l'affaire Anaconda (précitée) dans
le contexte de la Loi sur la taxation des surplus de profits et
par la Cour suprême dans l'affaire Irwin (précitée) dans le
contexte de la Loi de l'impôt sur le revenu, savoir que c'est
la différence entre les recettes provenant d'une entreprise au
cours d'une année et les dépenses engagées afin de tirer ces
recettes.
Les modifications ultérieures dû règlement 1201 ne sem-
blent pas, à mon avis, modifier ce sens attribué au mot
«bénéfices» par le juge Judson dans l'affaire Imperia( Oil
(précitée).
A la page 203, il conclut de la manière
suivante:
[Txnnucriox] A mon sens, rien ne justifie l'interprétation
du mot «bénéfices», dans le contexte du règlement, dans un
sens différent de la signification donnée par la jurisprudence
au même terme dans le contexte de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
L'avocat de la défenderesse a cherché à éta-
blir une distinction entre ces deux affaires au
motif que, dans l'affaire Quemont (précitée), la
question déterminante était à son avis celle de
savoir si les droits miniers au Québec étaient
versés dans le «but de produire un revenu». En
toute déférence, j'estime impossible de dire qu'il
existe une différence notable entre une dépense
engagée dans le but de produire un revenu et
une dépense raisonnablement attribuable à la
production de métal brut dont la compagnie
minière tire son revenu.
Dans l'affaire Home Oil Company Limited c.
M.R.N. [1955] R.C.S. 733,1e juge Rand décidait
à la page 736 que les mots «qui peuvent raison-
nablement être attribués» signifient «spéciale-
ment ou directement liés» et que, ceci étant,
lorsque le paragraphe (4) du règlement 1201
dispose qu'«jl doit être déduit de l'ensemble des
bénéfices d'un contribuable pour l'année d'im-
position qui peuvent raisonnablement être attri-
bués à la production de ... métal brut ... de
toutes les ressources exploitées par lui», cela
signifie que les dépenses déduites des bénéfices
doivent être elles-mêmes spécialement ou direc-
tement liées à ces derniers. Elles avaient été
engagées en vue de produire un revenu par suite
d'une certaine production. J'estime donc que
l'arrêt Quemont appuie ma prise de position,
savoir, que le mot «bénéfices» doit être utilisé
au sens jugé correct par le juge Judson dans
l'affaire Imperial Oil (précitée) et par le prési-
dent Jackett dans l'affaire Associated Investors
(précitée).
L'avocat de la défenderesse s'est aussi forte-
ment appuyé sur une décision récente de la
Cour d'appel anglaise dans l'affaire Heather c.
P. E. Consulting Group Limited (1973) 48 T.C.
293, qui me permettrait, à son avis, de décider
que le jugement rendu en 1970 dans l'affaire
International Nickel Company ne me liait pas.
Dans cette affaire, la compagnie contribuable
avait versé certaines sommes à des fiduciaires
afin de leur permettre d'acheter des actions de
la compagnie appelante pour que les employés-
clef puissent la contrôler. Les fiduciaires devant
détenir les actions pour le compte des employés
reçurent des sommes globales pendant plusieurs
années; la compagnie contribuable prétendit
qu'il s'agissait de dépenses d'exploitation,
déductibles à bon droit lors du calcul de ses
impôts. La Couronne prétendit qu'il s'agissait de
paiements de capital ne pouvant être déduits.
Si j'ai bien compris, l'avocat de la défende-
resse établit une correspondance entre les paie-
ments annuels de l'affaire Heather et les paie-
ments effectués par la demanderesse dans
l'affaire présente au motif que le total des paie-
ments annuels était imprévisible et que la com-
pagnie pouvait à tout moment cesser de faire les
versements destinés aux fiduciaires et ainsi
mettre fin au système lui-même au même titre
que la demanderesse en l'espèce, si elle l'esti-
mait souhaitable pouvait annuler toutes recher-
ches à tout moment. Il s'est notamment appuyé
sur un extrait, à la page 325 du jugement rendu
par le lord juge Buckley, que voici:
[TRADucnoN] La compagnie exploitait une entreprise d'in-
génieurs-conseils en organisation et gestion; la valeur de ses
services dépendaient dans une large mesure de la qualité et
de la compétence des personnes qu'elle employait et je
pense que l'on peut dire qu'elle dépendait aussi de la possi-
bilité pour ses employés de remplir leurs fonctions d'ingé-
nieurs-conseils en organisation et gestion sans être arrêtés ni
gênés par l'intervention de personnes moins qualifiées
qu'eux pour traiter des problèmes dont ils devaient s'occu-
per. Il s'agissait donc d'une affaire dans laquelle l'indépen-
dance—par indépendance je veux dire absence de surveil
lance hiérarchique paralysante—au même titre que les
qualifications du personnel, était essentielle à la bonne
marche de l'entreprise de la compagnie et, à cet égard, il me
semble que le second objectif déterminé par les commissai-
res dans ce cas était directement lié à la conduite des
activités de la compagnie. [C'est moi qui s l ouligne.]
Selon le point de vue de l'avocat, les dépenses
de recherche scientifique étai e nt essentielles au
fonctionnement de la compagnie au même titre
que les paiements effectués par la compagnie
contribuable dans l'affaire Heather, que la Cour
d'appel jugea déductibles des revenus de la
compagnie. En toute déférence, je ne pense pas
que l'on puisse considérer cette affaire similaire
à l'affaire Heather ou que cette dernière
m'oblige à arriver à une conclusion différente de
celle que j'ai mentionnée plus tôt.
La difficulté à déterminer si une dépense est
une dépense de revenu ou de capital et la façon
dont la Cour doit procéder pour essayer de
découvrir la bonne catégorie sont exposées avec
une clareté remarquable par le maître des rôles,
Lord Denning, à la page 321 de l'affaire
Heather:
[TRADucrnoN] La question—s'agit-il d'une dépense d'ex-
ploitation ou d'une dépense de capital?—est une question
continuellement posée par les hommes d'affaires, les comp-
tables et les avocats. La réponse est souvent facile, parfois
elle l'est moins. La difficulté provient de la nature de la
question. Elle suppose en effet que toute dépense peut être
toujours placée dans l'une ou l'autre des catégories, mais
c'est tout bonnement impossible. Certains cas se trouvent à
la frontière des deux catégories et ce n'est pas une ligne de
démarcation claire; il s'agit plutôt d'une zone floue et mal
définie où tout un chacun peut se perdre. Différentes per-
sonnes peuvent arriver à des conclusions différentes et
pourtant également correctes. On peut comparer cette zone
au passage du jour à la nuit, ou du rouge à l'orange. Tout le
monde peut saisir la différence, sauf dans les cas marginaux,
où c'est le règne du doute. On peut se prononcer pour l'un
ou l'autre. Dans ces cas marginaux, les praticiens—qu'ils
soient comptables ou juristes—sont obligés de choisir l'une
ou l'autre catégorie. Ainsi, grâce à la coutume ou au droit, à
la pratique ou à la doctrine, la frontière est délimitée avec
plus de certitude. Au moins en ce qui concerne cette zone,
où l'on ne peut dire qu'une décision est correcte ou fautive,
la seule règle sûre consiste à s'appuyer sur la jurisprudence.
Il faut donc examiner les affaires antérieures pour détermi-
ner si le problème en cause a déjà été posé. Si c'est le cas,
adoptez la solution donnée et, dans le cas contraire, adoptez
la solution donnée dans l'affaire la plus proche possible.
A la page 322 de l'arrêt Heather, Lord Den-
ning déclarait:
[TRADUCTION] La preuve présentée par les comptables a
toujours été d'un grand secours aux tribunaux. Il convient
de donner du poids à la pratique, mais les tribunaux ne se
sont jamais considérés liés par elle. 11 serait erroné de le
faire. Déterminer ce qu'est un capital et ce qu'est un revenu
reste une question de droit à trancher par les tribunaux. Ils
ne doivent pas être détournés de leurs principes par la
preuve apportée par les comptables, si éminents soient-ils.
Dans ces motifs, j'ai tenté de passer en revue
la jurisprudence applicable; ceci fait, j'en viens
à la même conclusion que le juge Cattanach
dans l'arrêt International Nickel (précité), rendu
en 1970, savoir que les dépenses de recherche
scientifique sont, en droit, des dépenses de
capital.
Je ne peux contester la preuve présentée en
l'espèce par d'éminents comptables en ce qui
concerne l'application habituelle des principes
comptables dans le commerce. Cependant, en
droit, le sens du mot «profit», tel qu'utilisé au
règlement 1201, est, à mon avis, le sens donné
par le juge Judson dans l'affaire Imperial Oil
(précitée), quel que soit l'intitulé du poste cor-
respondant dans les livres de la compagnie,
même si ces derniers sont conformes à l'usage
comptable aux fins de la vérification. Puisque
nous avons conclu que les dépenses de recher-
che scientifique étaient des dépenses de capital,
elles ne sont pas, à mon sens, déductibles lors
du calcul de la base de la déduction pour épuise-
ment de la demanderesse. Les appels de la
demanderesse sont donc accueillis.
Vu cette conclusion, il ne m'est pas néces-
saire d'examiner la question de savoir si la ques
tion est res judicata ni d'examiner la prétention
subsidiaire de la demanderesse portant que si
l'on décidait que les • dépenses de recherche
scientifique en question étaient des dépenses
d'exploitation, la demanderesse aurait alors le
droit de les déduire en vertu de l'article 12(1)a)
ainsi qu'en vertu de l'article 72, lors du calcul de
son revenu imposable pour l'année.
Les appels sont accueillis et les cotisations
pour les années 1967 et 1968 sont déférées au
Ministre pour qu'il prenne les mesures nécessai-
res en conformité des présents motifs. La
demanderesse a droit à ses dépens' taxés pour
chacun des appels jusqu'au moment de l'audi-
tion et à un seul mémoire de frais pour l'audi-
tion puisque les appels ont été jugés sur preuve
commune.
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