Tanasie Lazarov (Requérant)
c.
Le Secrétaire d'État du Canada (Opposant)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Pratte, le
juge suppléant Choquette —Montréal, les 9, 30
mai et le ler août 1973.
Citoyenneté—Examen judiciaire—Rejet de la demande par
le Secrétaire d'État sur la foi d'un rapport de police confi-
dentiel—Droit du requérant d'être entendu—Audi alteram
partem.
En vertu de l'article 10(1) de la Loi sur la citoyenneté
canadienne, le Secrétaire d'État a refusé d'accorder au
requérant un certificat de citoyenneté bien que la Cour de la
citoyenneté l'ait jugé apte à l'obtenir. Dans sa décision, le
Secrétaire d'État fait état d'un rapport de police confidentiel
mais n'en révèle pas la teneur. Le requérant demande l'an-
nulation de la décision.
Arrêt: il convient de renvoyer l'affaire au Ministre pour
nouvel examen compte tenu du fait que la règle audi alteram
partem s'appliquait en ce qui concerne tout le contenu du
rapport confidentiel mentionné dans sa décision et sur lequel
toute décision ultérieure peut se fonder et pour nouvelle
décision une fois que le requérant aura eu l'occasion d'être
entendu.
Arrêt désapprouvé: Dawhopoluk c. Martin [1972] 1
O.R. 311; arrêts analysés: Durayappah c. Fernando
[1967] 2 A.C. 337; Reg. c. Gaming Board, Ex p. Benaim
(C.A.) [1970] 2 W.L.R. 1009; In re H.K. [1967] 2 Q.B.
617.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
A. H. J. Zaitlin, c.r., pour le requérant.
Alain Nadon pour l'opposant.
PROCUREURS:
A. H. J. Zaitlin, Montréal, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'opposant.
LE JUGE THURLOW—La présente demande,
introduite en vertu de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, vise à obtenir l'examen et
l'annulation d'une décision du Secrétaire d'État
par laquelle il a refusé d'accorder au requérant
un certificat de citoyenneté en vertu de la Loi
sur la citoyenneté canadienne.
Le requérant invoquait plus précisément à
l'appui de sa demande de certificat le paragra-
phe 10(1), l'une des dispositions qui, dans cette
loi, confèrent au Ministre le pouvoir, dans des
situations données, d'accorder des certificats de
citoyenneté. Certaines de ces dispositions exi
gent que le requérant démontre à un tribunal
certains faits pertinents, alors que d'autres lais-
sent au Ministre le soin de juger de l'existence
de ces faits. Néanmoins, dans tous les cas, la loi
utilise pour conférer ce pouvoir les mots «Le
Ministre peut, à sa discrétion, accorder un certi-
ficat, etc.».
Le paragraphe 10(1) est rédigé comme suit:
10. (1) Le Ministre peut, à sa discrétion, accorder un
certificat de citoyenneté à toute personne qui n'est pas un
citoyen canadien, qui en fait la demande et démontre à la
satisfaction du tribunal
a) qu'elle a atteint l'âge de vingt et un ans, ou qu'elle est
le conjoint d'un citoyen canadien et réside avec lui au
Canada;
b) qu'elle a résidé au Canada pendant au moins douze des
dix-huit mois qui précèdent immédiatement la date de sa
demande;
c) que le demandeur ou la demanderesse
(i) a été licitement admis au Canada pour y résider en
permanence et a, depuis cette admission, résidé au
Canada pendant au moins cinq des huit années qui
précèdent immédiatement la date de sa demande; toute-
fois, aux fins du présent sous-alinéa, chaque année
entière passée au Canada par l'auteur de la demande
avant son admission licite au Canada pour y résider en
permanence est censée être une demi-année de rési-
dence au Canada comprise dans la période de huit ans
visée au présent sous-alinéa,
(ii) a servi hors du Canada dans les forces armées du
Canada au cours d'une guerre dans laquelle le Canada
était ou est engagé ou relativement à toute action exer-
cée par le Canada aux termes de la Charte des Nations
Unies, du Traité de l'Atlantique-Nord ou d'un autre
instrument similaire de défense collective dont le
Canada peut être signataire,
(iii) a été légalement admise au Canada pour y résider
en permanence et est l'épouse d'un citoyen canadien, ou
(iv) a lieu de domicile au Canada depuis au moins vingt
ans immédiatement avant le le' janvier 1947 et n'était
pas, à cette date, sous le coup d'une ordonnance
d'expulsion;
d) qu'elle est de bonne vie et moeurs et n'est pas sous le
coup d'une ordonnance d'expulsion;
e) qu'elle possède une connaissance suffisante de l'anglais
ou du français ou, si elle ne possède pas cette
connaissance,
(i) qu'elle était âgée de quarante ans ou plus lors de son
admission licite au Canada pour y résider en perma-
nence et qu'elle a résidé continûment au Canada pen
dant plus de dix ans.
(ii) qu'elle avait moins de quarante ans lors de son
admission licite au Canada pour y résider en perma
nence et qu'elle a résidé continûment au Canada pen
dant plus de vingt ans, ou
(iii) qu'elle est le conjoint, la veuve ou le veuf d'un
citoyen canadien;
f) qu'elle possède une connaissance suffisante des res-
ponsabilités et privilèges de la citoyenneté canadienne et a
l'intention d'observer le serment d'allégeance énoncé à
l'annexe II; et
g) qu'elle se propose d'avoir de façon permanente son
lieu de domicile au Canada.
En l'espèce, le requérant, citoyen roumain,
qui a été licitement admis au Canada à titre
d'immigrant reçu en 1937 et a résidé et a été
domicilié au Canada de façon continue depuis
cette date, a présenté une demande à la Cour de
la citoyenneté en avril 1972. Nonobstant la
révélation d'un dossier faisant état d'un certain
nombre de condamnations pour des infractions
criminelles commises au Canada entre 1945 et
1955, il a réussi à démontrer à la satisfaction du
tribunal qu'il remplissait les conditions édictées
aux alinéas a) à g) de l'article 10(1). En consé-
quence, le tribunal a jugé, conformément à la loi
et en la forme prescrite, que le requérant était
une personne apte à obtenir la citoyenneté cana-
dienne. Toutefois, le Ministre a refusé de lui
accorder un certificat, par une décision rédigée
de la façon suivante:
[TRADUCTION] Demande de citoyenneté de
Tanasie (Tony) Lazarov
J'ai examiné la demande de citoyenneté présentée pour la
troisième fois par Tanasie Lazarov. Compte tenu des rensei-
gnements confidentiels que m'a récemment fournis la Gen-
darmerie royale du Canada, et en vertu du pouvoir discré-
tionnaire que me confère la Loi sur la citoyenneté
canadienne, je rejette cette demande.
Il est admis que cette décision a été prise sans
que le requérant ait eu la possibilité de se faire
entendre à cet égard.
Je dois souligner à ce stade que l'exposé
conjoint des faits énumère un plus grand.
nombre de condamnations que la demande pré-
sentée par le requérant, et fait notamment état
d'une condamnation en 1959. Mais l'avocat du
Ministre n'a pas invoqué cet argument et n'a pas
laissé entendre que la décision se fondait sur ce
point.
Le requérant prétend en premier lieu que les
conclusions de la Cour de la citoyenneté à
l'égard des conditions posées aux alinéas a) à g)
de l'article 10(1) et sa déclaration sur l'aptitude
du requérant à obtenir la citoyenneté cana-
dienne sont définitives et lient le Ministre; que,
tout en ayant le droit d'examiner la demande
sous l'angle de l'opportunité administrative, le
Ministre n'a ni le pouvoir ni le droit de revenir
sur les conclusions de la Cour ou de retenir des
conclusions incompatibles avec celles de la
Cour sur cette affaire; que si le Ministre ou la
police disposaient de renseignements donnant à
penser que le requérant n'était pas une personne
apte à obtenir la citoyenneté, ces renseigne-
ments auraient dû être soumis à l'appréciation
de la Cour de la citoyenneté; et que le Ministre
n'avait ni la compétence ni le pouvoir de procé-
der à une nouvelle appréciation des preuves
relatives à l'aptitude du requérant à obtenir la
citoyenneté, ou de substituer sa propre opinion
à celle de la Cour.
La question de savoir dans quelle mesure le
Ministre peut ignorer les conclusions de la Cour
de la citoyenneté à l'égard des conditions préci-
ses énumérées aux alinéas a) à g) de l'article
10(1) et tirer ses propres conclusions à cet
égard, est une question importante, mais je ne
pense pas, d'après le dossier, qu'elle se pose ou
qu'on doive la trancher ici. Dans sa plaidoirie
sur ce point, l'avocat du requérant s'est particu-
lièrement attaché aux conclusions de la Cour
selon lesquelles le requérant était de bonne vie
et moeurs, au sens de l'alinéa d), possédait une
connaissance suffisante des responsabilités et
privilèges de la citoyenneté canadienne et avait
l'intention d'observer le serment d'allégeance,
au sens de l'alinéa f), ainsi qu'aux conclusions
de la Cour selon lesquelles le requérant était
apte à obtenir la citoyenneté canadienne. Il a
cherché à démontrer que la décision du Ministre
constituait en quelque sorte une infirmation de
ces conclusions. Il se peut que ce soit bien le
cas, tout comme il se pêut que, sans vouloir
nécessairement infirmer les conclusions de la
Cour, le Ministre ait simplement exprimé à leur
égard certaines réserves résultant d'un soupçon
raisonnable que le requérant n'était pas apte à
obtenir la citoyenneté, fondé soit sur des faits
qui_ avaient été portés à la connaissance de la
Cour, soit sur d'autres renseignements dont il
disposait. Toutefois, on ne peut faire dire à la
décision du Ministre plus qu'elle ne dit et il est
vain de spéculer sur ce qu'elle peut supposer.
Le Ministre y fait allusion à un rapport de police
confidentiel, dont la teneur n'a été ni citée dans
sa décision ni portée à la connaissance de la
Cour. Ce rapport peut porter entièrement sur
des questions tout à fait étrangères à celles que
la Cour de la citoyenneté a examinées et, sans
connaître ce document ou sa teneur, il est
impossible, à mon sens, d'affirmer que la déci-
sion du Ministre comporte un élément nécessai-
rement incompatible avec les conclusions de la
Cour de la citoyenneté.
Je dois ajouter qu'au cours de la plaidoirie,
l'avocat du requérant a demandé à la Cour d'or-
donner la production du rapport, mais après
quelque discussion sur le point de savoir pour-
quoi on avait omis de l'inclure parmi les docu
ments énumérés par l'ordonnance de directives,
il a consenti que la demande soit tranchée
d'après les documents tels qu'énumérés.
L'autre argument important avancé par l'avo-
cat du requérant, quoique formulé de différen-
tes façons, consiste à dire que le Ministre devait
observer la règle audi alteram partem en ce qui
concerne la teneur du rapport de police en ques
tion avant de l'invoquer pour rejeter la
demande.
En réponse à cet argument, l'avocat du Minis-
tre a fait valoir que, comme la loi n'impose
aucune norme, aucun principe, ni aucune forme
procédurale à l'exercice par le Ministre de sa
discrétion, on doit considérer cette fonction
comme étant de nature purement administra-.
tive; et que, puisque le requérant n'a aucun droit
absolu à un certificat et qu'aucun de ses droits
existants n'est touché ou mis en cause par la
décision, la règle audi alteram partem ne s'appli-
que pas.
A l'appui de ce point de vue, on a invoqué
l'arrêt Dawhopoluk c. Martin [1972] 1 O.R. 311.
où la même question s'était posée, bien qu'en
termes différents, au sujet de la même disposi
tion législative. Dans cette affaire, le juge
Addy a radié une déclaration qui demandait
notamment une [TRADUCTION] «décision enjoi-
gnant les défendeurs d'accorder au demandeur
une audience équitable et complète, de l'aviser
des allégations portées à son encontre et de
permettre, le cas échéant, le contre-interroga-
toire des témoins sur les preuves que le Ministre
a utilisées dans l'exercice de son pouvoir discré-
tionnaire». Les motifs pour lesquels le Ministre
avait refusé d'accorder un certificat n'avaient
pas été communiqués au demandeur, bien que
ce dernier ait plusieurs fois essayé de savoir
pourquoi on lui avait refusé la citoyenneté.
Le juge Addy a adopté la thèse soutenue par
le Ministre, selon laquelle la règle audi alteram
partem ne s'appliquait pas. Il a jugé que l'article
10 confère manifestement au Ministre un pou-
voir discrétionnaire de rendre une décision à
caractère administratif: qu'aucune procédure ou
audience judiciaire n'y est exigée ou prévue;
qu'on ne peut obliger le Ministre, en de telles
matières, où son pouvoir discrétionnaire porte
sur la cjéation d'un_dxoit, à révéler à la Cour les
motifs de la décision qu'il prend à titre de Minis-
tre; et que ce genre de discrétion ministérielle se
distingue nettement des cas où la loi accorde un
pouvoir discrétionnaire permettant de prendre
une décision relative à l'existence ou à l'étendue
de droits acquis.
Cette interprétation est suffisamment —large
pour s'appliquer aussi à la présente affaire; mais
on relève au moins une différence entre les
deux situations: dans la présente affaire, la déci-
sion du Ministre est manifestement fondée sur
des renseignements qui n'ont pas été fournis à la
Cour de la citoyenneté.
En toute déférence,, je ne peux conclure que
la discrétion conférée par l'article 10 consiste
simplement à rendre une décision de caractère
purement administratif, ou qu'il soit crucial de
distinguer entre un pouvoir discrétionnaire por-
tant sur des droits acquis et un autre portant sur
l'acquisition d'un droit :A mon sens, il s'agit de
déterminer si la fonction du Ministre en vertu
du paragraphe en question, fonction qui est
manifestement de nature administrative, doit
néanmoins être soumise à un processus judi-
ciaire ou quasi judiciaire/ On ne dispose pas
d'un critère unique ou absolument sûr à cette
fin, puisque la loi qui crée ce pouvoir ne tranche
pas expressément la question; toutefois, un cer-
tain nombre d'arrêts éclairent le problème et en
suggèrent, de façon peut-être assez incertaine,
une solution.
Dans l'affaire Durayappah c. Fernando
[1967] 2 A.C. 337 le problème est envisagé par
Lord Upjohn de la manière suivante, à la page
348:
[TRADUCTION] Quant à l'application de la règle audi alte-
ram partem, la Cour suprême s'est conformé à la décision
antérieure dans l'affaire Sugathadasa c. Jayasinghe (1958)
59 N.L.R. 457; il s'agit là d'un arrêt rendu par trois juges de
la Cour suprême, portant sur le même article et la même
question, savoir, la compétence d'un conseil pour exercer
ses fonctions. Cette décision établissait que,
en règle générale, les expressions telles que «lorsqu'il juge
que ...», «lorsqu'il juge établi que ...», «si le ... juge
opportun de ou ...» ou «si le ....est convaincu que ...»,
utilisées isolément, sans que d'autres termes ou circon-
stances y apportent des atténuations, excluent toute obli
gation d'agir de façon judiciaire.
Leurs Seigneuries sont en désaccord avec cette interpréta-
tion. Ces différentes formulations ont un rôle introductif par
rapport à la substance du texte et ne sont pas d'un grand
secours quant à l'application de la règle audi alteram partem.
La loi peut être très claire sur ce point et, si c'est le cas,
cadit quaestio. Si ce n'est pas le cas, alors on doit appliquer
le principe énoncé par le juge Byles dans l'affaire Cooper c.
Wandsworth Board of Works (1863) 14 C.B.N.S. 180, à la
p. 194, où il déclarait:
Un grand nombre de décisions, depuis l'affaire du Dr
Bentley (1723) 1 Stra. 557; 8 Mod. Rep. 148, jusqu'à des
arrêts très récents, établissent que, même si la loi ne
prévoit pas expressément que les parties doivent être
entendues, les principes de justice de common law sup-
pléent à cette omission du législateur..- ---
Si le droit était différent, alors on aurait dû trancher dans
un autre sens les affaires telles que Capel c. Child (1832) 2
Cromp. & Jer. 558, où le texte était en fait très voisin de
celui de l'article 277. Cet arrêt est d'ailleurs un repère
important dans l'évolution du principe audi alteram partem.
La solution de la présente affaire ne saurait ressortir d'un
simple examen des premiers mots de l'article 277. Il faut se
livrer à une analyse plus serrée. Bien entendu, on a cité à
leurs Seigneuries le récent arrêt Ridge c. Baldwin [1963] 2
All E.R. 66, H.L. (E), où l'on a soigneusement scruté ce
principe. Dans cette affaire, on n'a pas essayé de classer de
façon exhaustive les situations auxquelles devrait s'appli-
quer le principe audi alteram partem. De l'avis de leurs
Seigneuries, on aurait tort d'entreprendre une telle classifi
cation. En dehors de situations bien définies, telles que les
licenciements, la privation d'un droit de propriété ou l'expul-
sion de clubs, il existe un vaste domaine où l'on ne peut
fonder l'application de ce principe que sur des considéra-
tions extrêmement générales. Par exemple, comme l'a souli-
gné Lord Reid, à [1964] A.C. 40, 76, alors qu'il analysait
l'affaire Rex c. Electricity Commissioners 39 T.L.R. 715,
C.A., Lord Bankes, à [1924] 1 K.B. 171, 198, a décelé un
élément judiciaire dans la nature même du pouvoir, et Lord
Atkin en a fait autant. J'ouvre ici une parenthèse pour
rappeler qu'il n'y a cependant pas lieu de supposer que leurs
Seigneuries sont nécessairement d'accord avec l'analyse de
cet arrêt par Lord Reid ou avec ses critiques de l'arrêt
Nakuda Ali c. Jayaratne 66 T.L.R. (Pt. 2) 214 P.C. En
dehors des cas relevant de ces catégories bien définies, on
ne peut formuler de règle quant à une application générale
du principe, qui se superposerait à ce que peut exiger le
texte. D'après leurs Seigneuries, pour savoir s'il y a lieu
d'appliquer le principe, il faut constamment tenir compte de
trois éléments. Ces trois éléments sont les suivants: premiè.,
renient, la nature du droit de propriété mis en cause, de laF
situation dont bénéficie celui qui allègue l'injustice, du poste;
qu'il occupe ou du service qu'il doit fournir) Deuxièmement,
les circonstances ou les situations dans lesquelles la per-
sonne qui se prévaut du droit d'exercer un contrôle est
fondée à intervenir. Troisièmement, une fois établi ce droit
d'intervenir, les sanctions que cette dernière personne est
effectivement fondée à imposer à l'autre. Ce n'est qu'en
examinant tous ces éléments qu'on peut décider correcte-
ment de l'application du principe. En conséquence, leurs
Seigneuries vont maintenant examiner les faits de cette
affaire en tenant compte de ces considérations.
Dans l'arrêt Reg. c. Gaming Board, Ex p.
Benaim (C.A.) [1970] 2 W.L.R. 1009, il s'agis-
sait de déterminer si une commission, dont il
fallait obtenir l'autorisation avant de pouvoir
demander aux juges de paix un permis de
maison de jeu, était tenue d'observer les princi-
pes de justice naturelle pour statuer sur une
demande d'autorisation. Le maître des rôles,
Lord Denning, avec qui les autres membres de
la Cour d'appel sont tombés d'accord, présente
la question de la façon suivante à la page 1016:
[TRADUCTION] A mon sens, Me Hogg place le débat à un
niveau trop élevé. Il est erroné de considérer que la maison
Crockford avait des droits dont on la prive. Elle n'a jamais
eu, et n'a toujours pas aujourd'hui le droit d'exploiter ces
jeux de hasard—la roulette, le chemin de fer, le baccarat,
etc.—pour son propre bénéfice. Ce qu'elle cherche en fait à
obtenir, c'est un privilège—j'allais dire une franchise—d'ex-
ploitation d'une maison de jeu pour son bénéfice, ce qui n'a
jamais été permis jusqu'à présent dans ce pays. Il leur
incombe de démontrer qu'on peut leur faire confiance à cet
égard.
Si M' Hogg est allé trop loin de son côté, je pense que Me
Kidwell a fait de même du sien. Il a avancé que le Gaming
Board était libre d'accorder ou de refuser un certificat à sa
guise. Il n'est pas plus tenu, a-t-il dit, d'obéir aux règles de
justice naturelle que ne le sont d'autres organismes adminis-
tratifs tels que, par exemple, le Board of Trade, qui accorde
des permis d'expansion industrielle, ou la Television Author
ity, qui distribue les contrats de production d'émissions de
télévision. Je ne peux souscrire à cette opinion. J'estime que
le Gaming Board est tenu d'observer les règles de justice
naturelle. La question est donc de savoir quelles sont ces
règles?
Il n'est pas possible de décrire avec précision les situa
tions où l'on doit appliquer les principes de justice naturelle;
il n'est pas davantage possible de préciser la portée et le
contenu de ces principes. Tout dépend de ce qui est en t
cause; voir les observations de Lord Tucker dans l'arrêt
Russell c. Norfolk (Duke of) [1949] 1 Mi E.R. 109, à la p.
118, et celles de Lord Upjohn dans l'arrêt Durayappah c.
Fernando [1967] 2 A.C. 337, à la p. 349. A une certaine
époque, on a affirmé que ces principes ne s'appliquaient
qu'aux décisions judiciaires et non aux décisions administra-i
tives. L'arrêt Ridge c. Baldwin [1964] A.C. 40, a éliminé
cette hérésie. On a aussi soutenu, à une autre époque, quel
ces principes ne s'appliquaient pas à l'octroi ou au retrai
des permis. C'était là aussi une erreur. Les arrêts Reg. c
Metropolitan Police Commissioner, Ex parte Parker [1953] 1
W.L.R. 1150, et Nakkuda Ali c. Jayaratne [1951] A.C. 66,:,
ne font désormais plus jurisprudence en la matière. Voir ài
cet égard les observations de Lord Reid et de Lord Hodson
dans l'arrêt Ridge c. Baldwin [1964] A.C. 40, aux pp. 77-79
et 133.
Laissons donc de côté ces distinctions et examinons les
fonctions et les obligations de ce Gaming Board. A mon
sens, c'est le cas des immigrants qui permet avec celui-ci les
rapprochements les plus révélateurs. Ils n'ont pas le droit
d'entrer dans le pays, mais ont le droit d'être entendus. Le
juge en chef Lord Parker a bien établi le principe applicable
dans ce cas dans l'arrêt In re H.K (An infant) [1967] 2 Q.B.
617. Il déclarait à la p. 630:
. même si un agent de l'immigration n'est pas investi
d'un pouvoir judiciaire ou quasi judiciaire, il doit en tout
cas donner à l'immigrant la possibilité de le convaincre
que les données du paragraphe lui sont applicables. A
cette fin, l'agent de l'immigration doit lui faire savoir
quelle est sa première impression, de façon à lui permettre
de le détromper. A mon sens, il ne s'agit pas là d'agir oui
d'être tenu d'agir de façon judiciaire, mais d'être tent
d'agir de façon équitable.
Ces mots me semblent s'appliquer au Gaming Board. La
loi prévoit expressément qu'en décidant de l'octroi d'un
certificat, cette commission «ne doit considérer que» les
éléments énumérés. Il s'ensuit, à mon sens, que la commis
sion a le devoir d'agir de façon équitable. Elle doit accorder
au requérant la possibilité de la convaincre que les données
du paragraphe lui sont applicables. Elle doit lui laisser savoir
quelles sont ses impressions pour lui permettre de la détrom-
per. Mais je ne pense pas qu'elle doive fournir des docu
ments à l'appui de sa décision, comme si elle le démettait
d'une charge, comme dans l'affaire Ridge c. Baldwin [1964]
A.C. 40, ou comme si elle le privait de ses biens, comme
dans l'affaire Cooper c. Wandsworth Board of Works (1863)
14 C.B.N.S. 180. Après tout, elle ne l'accuse pas d'avoir fait
quelque chose de mal. Elle se renseigne simplement au sujet
de sa capacité et de sa diligence et considère ses moeurs, sa
réputation et l'état de son crédit. Son but est de protéger
l'intérêt général, de s'assurer qu'on peut faire confiance aux
exploitants de cette maison de jeu.
Vu les maux qui sont à l'origine de cette législation, la
commission peut et doit examiner les garanties que présen-
tent les requérants. Elle peut et doit recevoir les rapports de
la police nationale et étrangère, s'ils contiennent des rensei-
gnements sur les requérants. Elle peut et doit recevoir tous
renseignements de toute autre source sûre. La plupart de ces
renseignements seront confidentiels. Mais cela ne signifie
pas qu'on ne devra pas accorder aux requérants la possibi-
lité de les contester. On doit leur donner , cette possibilité,
sous la réserve suivante: je ne pense pas que la commission
doive informer les requérants de ses sources d'information
si cela risque de mettre ses informateurs en danger ou d'être
autrement contraire à l'intérêt public. Même dans un procès
criminel, on ne peut demander à un témoin quelle est sa
source de renseignements. Le juge en chef, Lord Eyre, en a
exposé clairement la raison dont l'affaire Hardy [Rex c.
Hardy] 24 State Trials 199, p. 808:
... il existe une règle qui est universellement reconnue,
vu son importance pour le public dans la détection des
crimes, savoir, qu'on ne doit pas révéler sans nécessité
l'identité des personnes qui ont permis de faire cette
détection.
Et le juge Buller ajoutait, à la p. 818: «... si vous citez le
nom de l'informateur dans des affaires de ce genre, per-
sonne ne voudra témoigner et la justice sera déjouée.» Cette
règle a été énergiquement réaffirmée dans les affaires Attor-
ney -General c. Briant (1846) 15 M. & W. 169, et Marks c.
Beyfus (1890) 25 Q.B.D. 494. Le même raisonnement s'ap-
plique tout aussi rigoureusement aux enquêtes faites par le
Gaming Board. Le Parlement a créé cet organisme pour
répondre à l'existence de maisons de jeu mal famées et
pouvoir les contrôler. D'amères expériences ont démontré
que ces clubs avaient des liens étroits avec le crime orga-
nisé, souvent violent, le trafic de la protection et le bandi-
tisme. Si le Gaming Board était tenu de révéler ses sources
de renseignement, personne ne voudrait «donner» ces clubs,
de peur de représailles. Il en est de même pour les détails de
ces renseignements. Si la commission était tenue d'en révé-
ler tous les détails, cela risquerait de révéler l'identité de
l'informateur et de mettre sa vie en péril. Toutefois, sans
révéler tous les détails, il me semble que la commission'
devrait dans chaque cas pouvoir donner au requérant des'
renseignements suffisants sur les objections soulevées
contre lui pour lui permettre d'y répondre. Ce serait là agir'
avec un minimum d'équité. Et justement, la commission doit
à tout prix être équitable. Si elle ne l'est pas, les tribunaux
n'hésiteront pas à intervenir.
'Dans l'arrêt In re H.K. (An Infant) [1967] 2
Q.B. 617, mentionné par Lord Denning, Lord
Salmon déclarait, aux pages 632 et 633:
[TRADUCTION] Je ne doute pas un instant qu'en exerçant les
pouvoirs que lui confère cet article, l'agent de l'immigration
est tenu d'agir en conformité des principes de justice natu-
relle. Il va de soi que ceci ne signifie pas qu'il doit suivre la
procédure judiciaire et faire enquête dans toutes les formes,
et encore moins qu'il doit tenir une audience semblable à un
procès; mais il doit agir, comme le juge en chef Lord Parker
le déclarait, en conformité des principes ordinaires de jus
tice naturelle. Si, par exemple, et je suis sûr que ceci ne se
produirait jamais, on pouvait démontrer qu'en prenant une
ordonnance refusant l'admission, il avait agi de façon par-
tiale, malhonnête ou arbitraire, la Cour aurait le pouvoir
d'intervenir au moyen d'un bref de prérogative. Comme sa
Seigneurie l'a exposé, il existe une assez abondante jurispru-
dence selon laquelle les tribunaux ne peuvent intervenir que
si le détenteur d'un pouvoir exerce une fonction judiciaire
ou quasi judiciaire. Bien sûr, un agent de l'immigration
exerce une fonction administrative plutôt que judiciaire.
Toutefois, à ma connaissance, on n'a jamais, jusqu'à mainte-
nant, défini de façon exhaustive une fonction quasi judi-
ciaire. Il me semble en tout cas que cela vise les cas où les
circonstances dans lesquelles il s'agit d'exercer un pouvoir
conféré par la loi et de prendre une décision influant sur les
droits fondamentaux d'autres personnes sont telles que la loi
lui impose implicitement le devoir d'agir de façon équitable.
Lorsque le Parlement a adopté le Commonwealth Immi
grants Act de 1962, il a privé des citoyens du Common
wealth de leur droit absolu d'entrer au Royaume-Uni. Il a
établi les conditions en vertu desquelles ils pouvaient y
entrer et a laissé aux agents de l'immigration le pouvoir de
décider si ces conditions étaient remplies. Leur décision est
d'une importance vitale pour les immigrants, puisque leur
avenir peut fort bien en dépendre. A mon sens, il ressort'
implicitement de la loi qu'en exerçant leur pouvoir et en
prenant ces décisions, les responsables doivent agir confor-
mément aux principes de justice naturelle.
J'examinerai maintenant les éléments dont
parlait Lord Upjohn dans l'arrêt Durayappah c.
Fernando et les dispositions de la Loi sur la
citoyenneté. Il est manifeste, à mon avis, que la
présente affaire ne relève pas de ce qu'il appe-
lait les catégories bien définies, c'est-à-dire, les
licenciements, les atteintes au droit de propriété
et l'expulsion de clubs, mais qu'elle relève au
contraire d'un vaste domaine où l'on ne peut
fonder l'application de ce principe que sur des
considérations extrêmement générales, et à
l'égard duquel on n'a formulé aucune règle
quant à une application générale du principe, qui
«se superposerait» (ce qui, à mon sens, veut
dire «distincte de») à ce que pourrait exiger le
texte des dispositions pertinentes.
Je reviens au premier des trois éléments fon-
damentaux, c'est-à-dire, la nature de l'objet du
litige. Rien à mon sens ne permet de douter de
l'importance que présente pour une personne
qui vit dans ce pays depuis longtemps, la pos
session des avantages procurés par la qualité de
citoyen canadien et la possibilité de recourir à
une procédure d'acquisition de cette citoyen-
neté. D'ailleurs, il me semble que c'est juste-
ment là l'objet des diverses dispositions qui,
dans la loi, portent sur les demandes que peu-
vent faire les personnes n'ayant pas qualité de
citoyen canadien. Toutes ces dispositions pré-
voient que le Ministre, à sa discrétion, peut
l'octroyer mais, comme on l'a déjà souligné,
dans de nombreux cas c'est au Ministre et non à
la Cour de la citoyenneté qu'il revient de statuer
sur les faits. Dans ces derniers cas, c'est donc à
lui qu'incombe entièrement la décision; le
requérant me paraît alors de toute évidence
avoir droit à une audience à l'égard de tous les
problèmes soulevés par sa demande. A mon
sens, cette procédure n'obligerait pas à s'écarter
considérablement du cours normal de ces affai-
res; et ce ne serait pas faire violence au texte du
paragraphe 10(1) que de reconnaître un droit
implicite de contester les faits ou les renseigne-
ments invoqués pour justifier le refus de la
demande en vertu de cette disposition, et cela
plus particulièrement dans les affaires dont la
Cour de la citoyenneté n'a pas été saisie. A cet
égard, on notera que pour ce qui est des affaires
dont est saisie la Cour de la citoyenneté, on a
prévu à l'article 12 du Règlement' qu'une
demande peut être renvoyée au tribunal en vue
d'éclaircir toute question au sujet de laquelle il
reste des doutes ou pour obtenir un supplément
de preuve. Le même article exige que le requé-
rant fournisse au Ministre toute preuve ou
éclaircissement, à la demande du Ministre.
Laissant de côté les questions soulevées par
le refus d'accorder des certificats à certaines
catégories de personnes pour des motifs géné-
raux d'ordre administratif, questions qui me
paraissent ici sans intérêt, je crois cependant
que lorsqu'on envisage de rejeter une demande
pour un motif propre à un requérant en particu-
lier, la nature du droit de citoyenneté et son
importance pour cette personne sont telles que,
d'une façon ou d'une autre au cours de la procé-
dure, on devrait au moins lui accorder la possi-
bilité de contester ce motif.
Quant au deuxième de ces trois éléments fon-
damentaux, c'est-à-dire les circonstances dans
lesquelles s'exerce ce pouvoir discrétionnaire, il
appert qu'il y a lieu pour le Ministre d'exercer
son pouvoir discrétionnaire dès qu'il est saisi
d'une demande et qu'il a toute latitude pour agir,
en l'absence dans la loi de directives précises
relativement aux motifs pour lesquels il doit
accorder ou refuser un certificat aux personnes
qui ont les qualités prescrites. Il semble difficile
d'imaginer un pouvoir discrétionnaire plus
étendu; mais même dans ces conditions, il est à
mon sens soumis au principe exprimé par le
Lord chancelier Halsbury dans l'affaire Sharp c.
Wakefield [1891] A.C. 173, où il déclarait à la
page 179:
[TRADUCTION] Les magistrats détiennent un pouvoir
étendu qu'en leur qualité de magistrat, ils doivent exercer de
façon judiciaire; et quand on dit que les autorités ont un
pouvoir discrétionnaire, cette expression signifie qu'elles
doivent agir conformément aux règles de la raison et de la
justice et non suivant un point de vue personnel (l'affaire,
Rooke 5 Rep. 100, a), suivant le droit et non suivant leur
fantaisie. Il ne s'agit pas d'être arbitraire, vague ou fantai-
siste mais juridique et régulier. Et il faut rester dans les
limites auxquelles un homme honnête et apte à remplir ses
fonctions devrait se tenir (Wilson c. Rastall 4 T.R. à la p.
757).
et par le maître des rôles Lord Greene, dans
l'affaire Associated Provincial Picture Houses
Ltd. c. Wednesbury Corporation [1948] 1 K.B.
223, où il déclarait à la p. 229:
[TRADUCTION] ... une personne à qui on confère un pouvoir
discrétionnaire doit, pour ainsi dire, se comporter de façon
juridiquement correcte. Elle doit se pencher attentivement
sur les questions qu'elle doit examiner. Elle doit écarter de
son propos les aspects qui sont sans rapport avec ce qu'elle
est chargée d'examiner.
Voir aussi l'affaire Padfield c. Minister of
Agriculture [1968] A.C. 997 à la p. 1007. Ceci
dit sur la nature du pouvoir discrétionnaire, la
seule circonstance entourant l'exercice de ce
pouvoir en l'espèce qui m'apparaisse influer sur
la question de savoir si l'on doit le soumettre à
un processus judiciaire ou quasi judiciaire est la
suivante: le Ministre doit examiner la demande
présentée en la forme qu'il a prescrite et don-
nant vraisemblablement les renseignements qu'il
demande au requérant et à la Cour de la
citoyenneté; on peut en déduire que si le Minis-
tre entend tenir compte d'autres faits, le requé-
rant doit avoir la possibilité d'être entendu â.
leur sujet. On ne trouve rien ici qui soit précisé-
ment comparable, ni même à peu près compara
ble à ce qu'on a envisagé à cet égard dans
l'affaire Durayappah c. Fernando.
Sur la question des sanctions, il y a peu de
chose à ajouter à ce que j'ai déjà dit. Il ne s'agit
pas d'un cas où l'on prive une personne de ses
biens et il est vrai que le requérant peut présen-
ter une nouvelle demande au bout de deux ans;
mais la qualité de citoyen comporte des droits et
des privilèges et refuser la demande d'une per-
sonne à qui on l'accorderait par ailleurs, à partir
de considérations qu'on n'a pas portées à sa
connaissance et qu'elle n'a pas eu la possibilité
de contester, va à l'encontre du sens commun
de la justice, même si cette personne peut léga-
lement présenter une nouvelle demande après
un délai relativement court. On a l'impression
que le requérant n'est pas traité de façon équita-
ble et que l'équité exige qu'il ait au moins la
possibilité de présenter son point de vue sur ces
éléments de la décision.
En dernier lieu, il ne me semble pas y avoir de
raison convaincante de ne pas appliquer la règle
à une affaire de ce genre. Cette fonction du
Ministre est sans aucun doute délicate; elle le
rend responsable envers le peuple canadien de
l'octroi de la citoyenneté à des étrangers alors
que, pour une raison ou une autre, il n'est pas
souhaitable qu'ils deviennent citoyens. On ne
doit pas rendre sa tâche plus difficile qu'elle ne
l'est. En revanche, une personne peut vivre au
Canada sans bénéficier de la citoyenneté et la
tâche de déterminer quand la lui accorder et
quand la lui refuser ne semble pas plus délicate
ou plus difficile que celle du Gaming Board
dans l'affaire susmentionnée avec laquelle on
peut établir un certain nombre de parallèles.
Considérant les deux genres de situations, il me
semble que les raisons pour lesquelles le droit
exige le respect des principes de justice natu-
relle sont au moins aussi fortes dans une affaire
de citoyenneté que dans une affaire où quel-
qu'un cherche à obtenir un permis d'exploitation
d'un établissement de jeu.
En conséquence, à mon avis, la règle audi
aiteram partem s'applique chaque fois que le
Ministre se propose d'exercer son pouvoir dis-
xétionnaire de refuser une demande compte
enu des faits relatifs à un requérant donné ou à
sa demande; et on doit accorder au requérant,
d'une façon ou d'une autre, l'occasion de pré-
senter son point de vue sur une considération
qui, en l'absence d'une réfutation ou d'une
explication, entraînerait le rejet de sa demande,
s'il n'a pas déjà eu la possibilité de le faire au
cours des procédures devant la Cour de la
citoyenneté. Ceci ne veut pas dire qu'on doit
nécessairement lui communiquer le texte ou la
teneur d'un rapport confidentiel;, mais on doit le
lui faire connaître suffisamment bien pour lui
permettre de répondre aux allégations pertinen-
tes qui, si on ne leur oppose aucune dénégation
ou explication entraîneront le rejet de sa
demande. On doit donc lui donner une possibi-
lité raisonnable de les contester ou de s'en
expliquer.
J'annule donc la décision du Ministre et lui
renvoie la question pour nouvel examen,
compte tenu du fait que la règle audi alteram
partem s'applique à l'égard de toute matière
contenue dans le rapport confidentiel mentionné
dans sa décision du 23 novembre 1972 et sur
laquelle il pourra fonder sa nouvelle décision;
avant que soit rendue cette nouvelle décision, le
requérant devra avoir eu la possibilité de répon-
dre ou d'exposer son point de vue à l'égard de
ces sujets.
* * *
LE JUGE PRATTE et LE JUGE SUPPLÉANT CHO-
QUETTE ont souscrit à l'avis.
1 12. Lorsqu'un tribunal a inscrit, sur la formule prévue
par le Ministre, qu'il est convaincu qu'une personne men-
tionnée au paragraphe (1) de l'article 9 satisfait aux exigen-
ces du paragraphe (1) de l'article 10 de la loi,
a) le Ministre peut ordonner que la demande soit ren-
voyée au tribunal en vue d'éclaircir toute question au
sujet de laquelle il reste des doutes ou qui réclame un
supplément de preuve; et
b) la personne doit fournir au Ministre toute preuve ou
tout éclaircissement demandés par lui.
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