Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Requérant)
c.
Stilianos Zevlikaris (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett.
Pratique—Immigration—Appel d'une décision de la Com
mission d'appel de l'immigration—Demande de prorogation
du délai d'appel—A-t-on démontré l'existence des «motifs
spéciaux»—Loi sur la Commission d'appel de l'immigration,
S.R.C. 1970, c. I-3, art. 23(1)—Règle 324 de la Cour
fédérale.
REQUÊTE par écrit en vertu de la Règle 324 de
la Cour fédérale.
AVOCATS:
E. Kucher pour le requérant.
R. Trombinski pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—La présente
affaire porte sur une requête déposée par écrit
en vertu de la Règle 324 et visant à obtenir une
prorogation du délai dans lequel la demande
d'autorisation d'appel peut être faite aux termes
de l'article 23 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration, S.R.,_1970, c. I-3, dont
le paragraphe (1) se lit comme suit:
23. (1) Sur une question de droit, y compris une question
de juridiction, il peut être porté à la Cour d'appel fédérale un
appel d'une décision de la Commission visant un appel
prévu par la présente loi, si permission d'interjeter appel est
accordée par ladite Cour dans les quinze jours après le
prononcé de la décision dont est appel ou dans tel délai
supplémentaire qu'un juge de cette Cour peut accorder pour
des motifs spéciaux.
D'après les documents déposés à l'appui de la
requête, les faits qui nous intéressent sont les
suivants:
1. Le 10 février 1971, une ordonnance
d'expulsion a été rendue contre l'intimé.
2. L'intimé a interjeté appel de l'ordon-
nance d'expulsion devant la Commission
d'appel de l'immigration dans le délai
imparti (24 heures).
3. Le 10 décembre 1971, l'intimé a signé
une [TRADUCTION] «formule d'avis de
désistement d'appel en présence d'un
fonctionnaire à l'immigration».
4. Le document en question a été expé-
dié à la Commission d'appel de l'immigra-
tion à Ottawa qui l'a reçu le 16 décembre
1971.
5. Dans l'intervalle, soit le 14 décembre
1971, l'intimé a informé les fonctionnai-
res du requérant qu'il avait changé d'avis
et ne désirait plus se désister de son
appel.
6. La Commission d'appel de l'immigra-
tion, par une ordonnance du 30 août
1971, signée le ler septembre 1971, a fait
droit à une requête [TRADUCTION] «pour
avis d'appel tardif» et, par une autre
ordonnance rendue le même jour, a rejeté
l'appel. Dans l'exercice des pouvoirs que
lui confère l'article 15 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, la
Commission a ensuite ordonné de sur-
seoir à l'exécution de l'ordonnance d'ex-
pulsion jusqu'au 30 août 1974.
7. L'avocat du requérant a reçu copie de
cette dernière ordonnance le 5 septembre
1971.
8. Le 27 octobre 1972, l'avocat du
requérant a reçu copie des motifs de la
décision de la Commission.
9. Le 30 novembre 1972, le requérant a
déposé un avis de requête visant à obte-
nir une prorogation du délai dans lequel
on peut accorder l'autorisation d'interje-
ter appel aux termes de l'article 23(1) de
la Loi sur la Commission d'appel de l'im-
migration. Celle-ci a été rejetée le 4
décembre 1972 (les motifs étant datés du
l er décembre 1972), sous réserve du droit
du requérant de déposer une nouvelle
demande.
10. Le présent avis de requête a été
déposé le ler janvier 1973, et il est
appuyé par des affidavits dont l'un est
accompagné de documents indiquant
qu'un des avocats qui représentent l'in-
timé a consenti à ce que soit rendue une
ordonnance prorogeant le délai dans
lequel une demande d'autorisation d'ap-
pel peut être faite.
Il y a lieu de souligner dès le départ que bien
que la Commission d'appel de l'immigration ait
rendu deux ordonnances signées le ler septem-
bre 1971, savoir
a) l'ordonnance faisant droit à la requête pour
«avis d'appel tardif» et
b) l'ordonnance rejetant l'appel de l'ordon-
nance d'expulsion et exerçant les pouvoirs
prévus à l'article 15,
seule la dernière de ces ordonnances peut faire
l'objet d'un appel devant cette Cour aux termes
de l'article 23 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration. Par suite, vu que l'avis
de requête visant à obtenir une prorogation du
délai n'indique pas laquelle de ces deux ordon-
nances est visée, il y a lieu de considérer que
l'avis de requête vise à obtenir que soit rendue
une ordonnance prorogeant le délai dans lequel
une ordonnance accordant la permission d'inter-
jeter appel de l'ordonnance dans laquelle la
Commission a exercé les pouvoirs que lui con-
fère l'article 15.
Le principal problème que pose la présente
requête est que la demande par écrit du requé-
rant, déposée aux termes de la Règle 324, n'in-
dique pas quelle question de droit le requérant
se propose de soulever en appel si la permission
est accordée. La seule indication que j'ai pu
trouver dans les documents au dossier est que
l'un des affidavits mentionne que l'avocat du
requérant a attiré l'attention de ce dernier sur la
dissidence du colonel Campbell relativement à
un appel éventuel. Je retiens des motifs du
colonel Campbell qu'il ne souscrivait pas à la
décision de la majorité de permettre l'appel et
que, pour cette raison, il n'a pas traité la ques
tion de savoir si les pouvoirs prévus à l'article
15 devaient être exercés. Tout ce que je peux en
conclure est que la question de droit sur laquelle
le requérant veut fonder son appel est celle de
savoir s'il y a eu, devant la Commission, un
appel aux termes duquel la décision dont il
désire faire appel pouvait régulièrement être
rendue.'
Si l'on prend pour acquis qu'il s'agit là de la
question de droit qui doit être soulevée en
appel, je ne crois pas qu'il y ait lieu d'accorder
une prorogation du délai.
L'avocat du requérant était présent à l'au-
dience de la requête et à l'audience d'appel
devant la Commission et il connaissait ou aurait
dû connaître l'état des procédures d'appel au
moment de l'audience. Il était aussi bien placé
pour conseiller son client sur un appel éventuel
de cette décision, fondé sur l'inexistence d'un
avis d'appel, au moment où il a reçu la décision
datée du ler septembre 1971 qu'il pouvait l'être
au moment où il a reçu les motifs de la décision
de la Commission. Je ne trouve pas de «motifs
spéciaux» qui justifieraient d'accorder un délai
supplémentaire à cause du temps écoulé à atten-
dre les motifs de la décision sur une question
comme celle-ci. Par suite, sans exprimer d'opi-
nion sur la valeur de l'explication fournie pour
le temps écoulé depuis la réception des motifs,
je suis d'avis qu'il n'existe aucun «motif spé-
cial» justifiant le temps écoulé entre le 5 sep-
tembre et le 27 octobre 1972, eu égard plus
particulièrement au délai normal de 15 jours
prévu dans la loi. Je suis donc d'avis que la
présente requête doit être rejetée, à moins qu'un
argument de droit qui puisse raisonnablement
être soutenu soit tiré des motifs de la Commis
sion, ce que je n'ai pas réussi à faire, auquel cas
la question du «motif spécial» justifiant le
retard devrait être examinée à la lumière de
cette question de droit.
Il s'ensuit donc que si le requérant ne pré-
sente pas de nouveaux arguments à la Cour, eu
égard aux motifs qui précèdent, dans un délai de
10 jours, ou dans tout autre délai que la Cour
peut fixer sur requête, ma décision est qu'à
l'expiration de ce délai, la présente requête sera
rejetée.
Il est peut-être utile d'ajouter, pour éviter tout
malentendu, que j'ai tenu compte du fait qu'un
consentement écrit a été déposé au dossier au
nom de l'intimé. A mon avis, pareil consente-
ment ne donne pas au juge le pouvoir de proro-
ger le délai en l'absence des «motifs spéciaux»
que requiert l'article 23(1). Or, je ne vois en ce
moment aucun «motif spécial» dans cette
affaire.
' Cette question semble reposer sur celle de savoir s'il y a
véritablement eu retrait d'appel aux termes de la Règle 7 des
Règles de la Commission d'appel de l'immigration, qui se lit
comme suit:
7. Lorsqu'un avis d'appel a été signé et signifié, il ne
peut être retiré que par un avis écrit, signé par l'appelant
ou son conseiller, et doit être
a) signifié à un fonctionnaire à l'immigration qui
avisera immédiatement le registraire de ce retrait; ou
b) déposé directement auprès du registraire.
Les faits qui se dégagent des documents déposés devant
cette Cour ne nous permettent pas de répondre à cette
question. Ils ne me convainquent pas qu'un avis écrit a été
signifié ou déposé avant que le contre-ordre ne soit donné.
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