Frank Cotroni (Requérant)
c.
Le procureur général du Canada (Intime)
Cour d'appel (A-219-73), le juge en chef Jac-
kett, les juges Thurlow et Pratte —Montréal, les
24 et 25 janvier 1974.
Extradition—Examen judiciaire—Admissibilité de certai-
nes preuves documentaires—Le pouvoir discrétionnaire du
juge doit-il être exercé avant d'admettre la preuve—Y a-t-il
eu déni de «l'application régulière de la loi» et de la justice
fondamentale—Loi sur l'extradition, S.R.C. 1970, c. E-21,
art. 16—Déclaration canadienne des droits, articles la) et
2e).
Le requérant a présenté une demande fondée sur l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale visant à obtenir l'annulation
d'un mandat d'incarcération lancé en vertu de la Loi sur
l'extradition aux motifs que
(1) c'est à tort qu'on a admis certaines preuves documen-
taires en vertu de l'article 16 de la Loi, sans que le juge ait
exercé son pouvoir discrétionnaire avant ladite admission, et
(2) l'admission de la preuve documentaire était contraire
à la Déclaration canadienne de droits.
Arrêt: La demande est rejetée,
(1) l'expression «les dépositions ... peuvent ... être
reçues en preuve», à l'article 16, signifie que les dépositions
de la catégorie décrite audit article sont «recevables» ou
«admissibles» en preuve; le premier argument est donc
rejeté;
(2) l'admission de la preuve documentaire sans accorder
au fugitif la possibilité de contre-interroger les déposants
n'est pas un «déni de l'application régulière de la loi garantie
par l'article 1 a) de la Déclaration canadienne des droits, ni
de son droit, en vertu de l'article 2e) de cette dernière, à une
audition impartiale selon les principes de justice fondamen-
tale»: Armstrong c. L'État du Wisconsin [1973] C.F. 437.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
Kenneth C. Binks, c.r., W. J. Simpson et L.
A. Landreville, c.r., pour le requérant.
L. P. Landry, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Binks, Chilcott et Simpson, Ottawa, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Les
deux arguments essentiels présentés à l'appui de
cette demande fondée sur l'article 28 visant à
obtenir l'annulation d'un mandat d'incarcération
lancé en vertu de la Loi sur l'extradition, sont
les suivants:
en premier lieu, c'est à tort qu'on a admis
certaines preuves documentaires en vertu de
l'article 16 de la Loi, sans que le juge d'extra-
dition ait exercé son pouvoir discrétionnaire,
qui, selon les plaidoiries, doit être exercé
avant que les documents ne soient admis en
vertu dudit article et, en deuxième lieu e l'ad-
mission de cette preuve documentaire était
contraire à la Déclaration canadienne des
droits.
La question relative à la Déclaration cana-
dienne des droits a déjà été tranchée par cette
cour, à l'encontre des prétentions du requérant,
dans l'affaire Armstrong c. Wisconsin [1973]
F.C. 437, et il semble que la Cour suprême du
Canada ait refusé d'autoriser qu'il soit interjeté
appel de ladite décision. Dans les circonstances,
nous sommes tous d'avis qu'il faut rejeter cet
argument.
Le premier argument se fonde sur une cer-
taine interprétation de l'article 16 de la Loi sur
l'extradition, S.R.C. 1970, c. E-21 qui se lit
comme suit:
16. Les dépositions ou déclarations reçues dans un État
étranger, sous serment ou sous affirmation, si l'affirmation
est permise par la loi de cet État, et les copies de ces
dépositions ou déclarations, et les certificats ou les pièces
judiciaires étrangers établissant le fait d'une déclaration de
culpabilité, peuvent, s'ils sont régulièrement légalisés, être
reçus en preuve dans toutes procédures en vertu de la
présente Partie.
L'argument du requérant se fonde essentielle-
ment sur l'interprétation de l'expression «les
dépositions ... peuvent ... être reçues en
preuve» de façon à imposer au juge d'extradi-
tion l'obligation d'exercer son pouvoir judiciaire
discrétionnaire (autre que les pouvoirs judiciai-
res discrétionnaires applicables en droit à l'ad-
mission de la preuve dans les affaires criminel-
les) avant de pouvoir admettre un document en
vertu de l'article 16. Il est vrai que cette inter-
prétation ne serait pas possible si les mots en
question étaient «les dépositions ... sont . . .
admissibles en preuve». A notre avis cependant,
l'expression «les dépositions ... peuvent .. .
être reçues en preuve», à l'article 16, signifie
simplement que les dépositions de la catégorie
décrite audit article sont «recevables» ou
«admissibles» en preuve. Pour cette raison, le
premier argument doit aussi être rejeté. Il est
donc inutile d'examiner les autres problèmes
soulevés par le premier argument du requérant.
C'est pourquoi nous sommes tous d'avis que
cette demande fondée sur l'article 28 doit être
rejetée.
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