T-2575-72
La Corporation des pilotes du Bas St-Laurent
(Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël—Québec, les 15 octobre et 6
novembre 1973; Ottawa, le 22 mars 1974.
Droit maritime—Droits de pilotage—Mouillage à 8 milles
à l'extérieur du port de Québec à cause du danger de la
navigation nocturne l'hiver—Parvenu d cet endroit, les servi
ces étaient-ils accomplis—Réclamation de droits pour un
tiers additionnel de voyage—Loi sur la marine marchande du
Canada, art. 347; Règlement général de la circonscription de
pilotage de Québec, annexe A, art. 1(3) et 3(1)—Réclamation
de droits pour le second pilote pendant l'hiver—Règlement
général de la circonscription de pilotage de Québec, art.
15(9); annexe A, art. 6.
La demanderesse, qui représente certains pilotes mariti-
mes brevetés du Québec, a intenté une action contre la
Couronne dans le but de recouvrer des droits de pilotage
gagnés par les pilotes sur une période de neuf ans équivalant
(1) à un tiers de voyage que l'Autorité de pilotage aurait dû
percevoir de navires ayant mouillé à environ huit milles en
deçà de la limite est du port de Québec et (2) aux droits de
pilotage gagnés par le second pilote employé sur les navires
par les armateurs au cours de la saison de navigation d'hiver
que l'Autorité de pilotage aurait dû percevoir. La demande-
resse a prétendu qu'à cause des difficultés que comporte le
mouillage des navires la nuit dans le port de Québec pendant
l'hiver, le pilote a accompli ses fonctions en mouillant à la
rivière Maheux en vertu de l'article 347 de la Loi sur la
marine marchande du Canada et que le navire doit, par
conséquent, payer le plein montant à cet endroit. En vertu
de l'article 1(3) de l'annexe A du Règlement général de la
circonscription de pilotage de Québec, il doit être payé des
droits de pilotage représentant un tiers additionnel d'un
voyage d'aller pour la zone de pilotage sise entre les limites
de St-Roch-des-Aulnaies et Québec. Quant à la deuxième
réclamation, la demanderesse a prétendu que si l'Autorité
désigne deux pilotes et si l'armateur utilise leurs services,
celui-ci ne peut obtenir les services du second pilote pour
une somme moindre, sauf disposition expresse du
Règlement.
Arrêt: l'action est rejetée. Pour ce qui est de la première
réclamation, lorsque l'article 3(1) de l'annexe A renvoie à
des paiements de droits de pilotage pour l'amarrage d'un
navire dans une zone autre que le port de Québec, il ne
couvre pas, et c'est le cas en l'espèce, un simple arrêt
provisoire avant de compléter le voyage. Quant à la
deuxième réclamation, il est vrai que depuis la modification
(C.P. 1972-4 du 11 janvier 1972), les droits de pilotage
prévus à l'annexe A du Règlement général originaire sont
payés pour les services de chaque pilote dont les services
sont retenus par un navire. Cependant, en 1957, selon
l'article 15(6) du Règlement général, il n'était pas affecté
plus d'un pilote à un navire sauf dans le cas d'un remor-
queur et d'une remorque auquel cas un pilote pouvait âtre
affecté à chaque bâtiment. Lorsqu'une modification (C.P.
1601), apportée à l'article 15 en 1960, a permis d'affecter
deux pilotes à un navire pendant la saison d'hiver, on a, par
la même occasion, apporté une modification à l'article 6 de
l'annexe qui augmentait les droits de pilotage de cent dollars
au maximum. Mais il ne dit pas que les droits sont quadru-
plés comme l'a soutenu la demanderesse. En outre, les
services du second pilote ne pouvaient être rémunérés que
par l'armateur à ce pilote directement puisque ces montants
ne tombaient évidemment pas dans le montant que devait
percevoir le Surintendant.
ACTION.
AVOCATS:
Raynold Langlois et Guy Vaillancourt pour
la demanderesse.
François Mercier, c.r., et Paul M. 011ivier,
c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin & Laflamme, Québec,
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL —La
demanderesse, dont les lettres patentes ont été
octroyées le 9 mai 1960 par le Sous-registraire
général du Canada, représente les pilotes breve-
tés qui exercent leur profession de pilotage sur
le fleuve St-Laurent et la rivière Saguenay,
entre Québec et LesEscôumins et dont l'un des
objets est de régir l'administration des droits de
pilotage gagnés par eux mais perçus par des
préposés ou agents de la Couronne (soit le
ministre fédéral des Transports ou le Surinten-
dant) et qu'on lui remet (du moins en partie,
puisqu'une somme est retenue pour certains
frais et dépenses nécessaires au pilotage et une
autre est réservée au fonds de pension des pilo-
tes) pour qu'elle les distribue aux pilotes
concernés.
Cette Corporation exerce, par son action
contre Sa Majesté la Reine, un recours qui,
selon ses allégations, vise à récupérer des droits
de pilotage gagnés par les pilotes qu'elle repré-
sente (environ 90) que l'Autorité de pilotage
aurait erronément manqué de percevoir. Cette
réclamation comporte en fait deux parties:
1) la Corporation réclame d'abord des droits
de pilotage équivalant à un tiers de voyage qui
n'ont pas été perçus par l'Autorité de pilotage
pour des navires ayant mouillé dans la région
de la rivière Maheux, située entre Ste-Pétro-
nille et St-Laurent de l'Île-d'Orléans, par con-
séquent quelques milles à peine (environ 8
milles) en dehors et en bas de la partie Est du
port de Québec, et
2) elle réclame les droits de pilotage gagnés
par le second pilote employé par les arma-
teurs au cours de la saison de navigation
d'hiver que l'Autorité de pilotage aurait aussi,
selon la demanderesse, failli de réclamer.
C'est par voie de règlements adoptés par ses
officiers que la défenderesse a choisi de ne pas
laisser aux pilotes individuellement le droit de
percevoir leurs droits de pilotage. C'est en effet
par l'article 8 du Règlement général de la cir-
conscription de pilotage qu'on a ainsi déterminé
à qui les droits de pilotage seront payés et à qui
ils seront remis. Cet article se lit comme suit:
8. (1) Les droits de pilotage sont payés à l'Autorité et,
sous réserve du paragraphe (2), sont perçus par le
Surintendant.
(2) Le Surintendant peut autoriser un pilote à percevoir
des droits de pilotage.
(3) Les droits de pilotage perçus par un pilote sont remis
au Surintendant.
(4) Le mode et le moment de perception seront conformes
aux instructions du Surintendant.
Il me faut indiquer, dès maintenant, que les
parties se sont entendues et ont admis que si la
Cour décidait que la réclamation de la Corpora
tion est bien fondée pour ce qui est du tiers du
pilotage, un montant de $26,833.06 avec inté-
rêts devrait être accordé. Si la Cour décidait que
la réclamation pour les droits de pilotage du
second pilote utilisé au cours de la saison de
navigation d'hiver est aussi bien fondée, une
somme de $1,944,728.11 avec intérêts devrait
être adjugée.
D faut signaler que les parties, par leurs pro-
cureurs, ont aussi admis que le quantum de la
réclamation de la Corporation se chiffre aux
sommes ci-après indiquées selon que la cause
est sujette soit à une prescription trentenaire,
soit à celle de cinq ans ou de deux ans, sans que
les parties admettent que l'une ou l'autre de ces
prescriptions s'applique:
1) Prescription trentenaire, et alors tout le
quantum de la réclamation (déjà précisé) ne
serait pas prescrit;
2) Prescription cinq ans:
(a) première partie de la réclama-
tion $19,977.46
(b) deuxième partie de la réclama-
tion $1,413,279.98
3) Prescription de deux ans:
(a) première partie de la réclama-
tion $8,035.86
(b) deuxième partie de la réclama-
tion $544,188.78
Il serait bon à ce stade de résumer très briève-
ment certains faits qui ont été mis en preuve par
la demanderesse. Cette dernière a, en effet, fait
entendre plusieurs pilotes qui ont été de service
sur des navires pour lesquels elle prétend que
l'Autorité de pilotage aurait dû réclamer un tiers
additionnel de droits de pilotage. Cette preuve
démontre que ces navires étaient tous destinés,
pendant la période d'hiver, à franchir la limite
en amont du district, soit le port de Québec,
vers les Trois-Rivières ou Montréal. Ces navires
ont tous mis l'ancre dans les parages de la
rivière Maheux, comme nous l'avons vu, à quel-
ques milles en bas de Ste-Pétronille de l'Île-
d'Orléans, où il existait, selon certains témoins,
un espace d'eau moins affecté par les courants
ou le mouvement des glaces. Ce mouillage a,
dans tous les cas, été décidé par le capitaine
lorsque ce dernier fut informé qu'il ne pouvait,
selon les règlements, naviguer en amont du dis
trict de Québec à cause de l'heure tardive d'arri-
vée et que la dépense prévue, ou même la
difficulté d'amarrage à des quais dans le port de
Québec et le danger provoqué par les glaces
dans le port, rendaient le mouillage plus sûr et
moins coûteux à la rivière Maheux. Les pilotes
entendus ont, en effet, déclaré qu'il était diffi-
cile pour les navires arrivant le soir ou la nuit,
de mouiller dans le port de Québec durant la
saison d'hiver où le mouvement des glaces
poussées par le courant ou les marées compor-
tait un danger de dérive et que l'accostage aux
quais du port entraînait pour les navires, pour
les hommes de ligne ou pour les remorqueurs à
l'accostage ou au désaccostage, des dépenses ou
déboursés importants.
La demanderesse prétend que les navires,
ayant dans les circonstances mouillé à , la rivière
Maheux, étaient, dit-elle, parvenus au point le
plus près de leur destination et que, selon les
termes de l'article 347 de la Loi sur la marine
marchande du Canada, reproduit ci-après, «le
service pour lequel le pilote a été engagé est
censé avoir été accompli». Le navire doit donc
payer, ajoute-t-elle, trois tiers de droit de pilo-
tage pour avoir franchi la distance entre Les
Escoumins et la rivière Maheux, ce qui implique
d'avoir navigué à l'intérieur de trois zones de
pilotage conformément aux dispositions de l'ar-
ticle 1 de l'annexe «A» du Règlement général de
la circonscription de pilotage de Québec. L'arti-
cle 347 de la Loi sur la marime marchande du
Canada se lit comme suit:
347. Tout pilote breveté peut quitter un navire qu'il a
entrepris de piloter dès que le navire est définitivement
ancré ou amarré sans danger à son point de destination ou
aussi près de ce point qu'il peut parvenir au moment de son
arrivée, ou dès que le navire sort de la circonscription de
pilotage à laquelle s'étend le brevet du pilote, selon ce qui se ,
produit en premier lieu; et dès lors le service pour lequel le
pilote a été engagé est censé avoir été accompli. [Les
italiques sont de moi.]
L'article 1 de l'annexe «A» du Règlement
général de la circonscription de pilotage de
Québec déclare que:
1. Les droits à payer pour le pilotage sont les suivants:
(1) De Pointe-au-Père à Québec, ou inversement, ou de
Pointe-au-Père à Port-Alfred ou Chicoutimi, ou inversement:
$520 par pied de tirant d'eau plus I c. par tonneau de jauge.
(2) De Québec à Port-Alfred ou Chicoutimi, ou inverse-
ment: $6.50 par pied de tirant d'eau plus f c. par tonneau de
jauge.
(3) Pour un voyage d'aller, autre qu'un déplacement à
l'intérieur du port de Québec, entre deux lieux situés entre
Québec et une ligne tirée de la Pointe St-Roch au cap
Saint-Joseph: le tiers du droit de pilotage exigé de Québec à
Pointe-au-Père. [Les italiques sont de moi.]
(4) Pour un voyage d'aller à partir de tout lieu compris
dans les limites prescrites au paragraphe (3) jusqu'à tout lieu
ne se trouvant pas au delà de l'île Rouge ou du bas-fond
Prince, ou inversement: les deux tiers du droit de pilotage
exigé de Québec à Pointe-au-Père.
(5) Pour un voyage d'aller à partir de tout lieu compris
dans les limites prescrites au paragraphe (3) jusqu'à tout lieu
ne se trouvant au-delà de l'île Rouge ou du bas-fond Prince,
ou inversement: le plein droit de pilotage exigé de Québec à
Pointe-au-Père si le navire n'entre pas dans la rivière Sague-
nay, ou celui exigé de Québec à Port-Alfred, s'il y entre.
(6) Pour un voyage d'aller entre deux lieux situés entre
Pointe-au-Père et le bas-fond Prince ou l'île Rouge: le tiers
du droit de pilotage exigé de Pointe-au-Père à Québec.
(7) Pour un voyage d'aller à partir de tout lieu compris
dans les limites prescrites au paragraphe (6) jusqu'à tout lieu
entre le bas-fond Prince ou l'île Rouge et une ligne tirée de
la pointe Saint-Roch au Cap Saint-Joseph, ou jusqu'à tout
lieu dans la rivière Saguenay non en amont du cap de la
Trinité, ou inversement: les deux tiers du droit de pilotage
exigé de Pointe-au-Père à Québec.
(8) Pour un voyage d'aller à partir de tout lieu compris
dans les limites prescrites au paragraphe (6) jusqu'à tout lieu
situé en amont du cap de la Trinité dans la rivière Saguenay,
ou inversement; le plein droit de pilotage exigé de Pointe-au-
Père à Port-Alfred.
(9) Pour un voyage d'aller de Port-Alfred jusqu'à Chicou-
timi, ou inversement: le tiers du droit de pilotage exigé de
Pointe-au-Père à Port-Alfred.
Je passe le paragraphe (10) qui traite du calcul
et de la taxation des droits à payer en vertu de
l'article 1 et qui n'est d'aucune utilité pour la
solution de la réclamation de la demanderesse.
La pièce P-3 produite par la demanderesse,
soit une carte qui trace le fleuve et sa berge de
Québec jusqu'à Pointe-au-Père et même un peu
au-delà, comporte des lettres et des traits ou
lignes qui délimitent trois zones. L'article 1 de
l'annexe A du tarif décrit la rémunération du
pilote pour le trajet entre l'une ou l'autre de ces
lignes. Par exemple, pour que le pilote ait droit à
un tiers de pilotage, il faut que le navire ait
navigué soit de la ligne «D» à la ligne «C» ou de
la ligne «C» à la ligne «E» ou de la ligne «E» à
la ligne «B». Si le navire a navigué de la ligne
«D» à la ligne «B», le pilote a droit de recevoir
les trois tiers des droits de pilotage prévus.
Les sous-alinéas de l'Annexe qui traitent du
Saguenay ne s'appliquent pas à l'instance en
cours. La Corporation demanderesse, cepen-
dant, pour soutenir sa réclamation, s'appuie sur
les paragraphes (3), (5), (6) et (8) de l'article 1.
Le paragraphe (3) déclare, comme nous l'avons
vu, que
(3) Pour un voyage d'aller, autre qu'un déplacement à
l'intérieur du port de Québec, entre deux lieux situés entre
Québec et une ligne tirée de la Pointe St-Roch au cap
Saint-Joseph: le tiers du droit de pilotage exigé de Québec à
Pointe-au-Père.
doit être payé pour le pilotage. Le paragraphe
(4) parle de deux tiers du droit de pilotage exigé
de Québec à Pointe-au-Père pour un voyage
d'aller à partir de tout lieu compris dans les
limites prescrites au paragraphe (3) jusqu'à tout
lieu ne se trouvant pas au-delà de l'île Rouge ou
du bas-fond Prince ou inversement. Le paragra-
phe (5) traite d'un voyage d'aller à partir de tout
lieu compris dans les limites prescrites au para-
graphe (3) jusqu'à tout lieu se trouvant au-delà
de l'île Rouge ou du bas-fond Prince ou inverse-
ment pour lequel le plein droit de pilotage exigé
de Québec à Pointe-au-Père si le navire n'entre
pas dans la rivière Saguenay ou celui exigé de
Québec à Port-Alfred, s'il y entre, est payable.
Les paragraphes (6), (7) et (8) traitent de la
même façon le voyage d'un navire en sens
inverse, soit de Pointe-au-Père à Québec.
Le paragraphe qui intéresse plus particuliè-
rement la présente réclamation c'est évidemment
le paragraphe (3) qui décrit la zone de pilotage
située entre les limites «E» et «B», soit entre
St-Roch-des-Aulnaies et Québec. La demande-
resse soutient qu'un voyage à l'intérieur de cette
zone (il n'est pas nécessaire, ajoute-t-elle, que
ce voyage soit d'une limite à l'autre de cette
zone, cela peut être à tout point à l'intérieur)
donne droit à la rémunération d'un service de
pilotage. La pièce P-3, selon la demanderesse,
est uniquement une illustration des limites de
zones et ne doit pas remplacer le texte de l'An-
nexe A. La demanderesse soutient qu'un droit
de pilotage est dû dans tous les cas où. un navire
est piloté de n'importe quel endroit situé dans
une zone, sauf pour ce qui est d'un déplacement
dans le port de Québec, dont le paragraphe (3)
fait exception. Or, selon la demanderesse, c'est
bien ce qui se produit dans le cas où les navires,
comme ici, se sont arrêtés à la rivière Maheux
pour y passer la période de la nuit pour se
rendre le lendemain dans le port de Québec et,
par conséquent, le pilote de ces navires a droit
au tiers prévu à l'Annexe A puisqu'il s'agit là
d'une navigation effectuée par le pilote «entre
deux lieux situés entre Québec et une ligne tirée
de la Pointe St-Roch au cap Saint-Joseph». D
s'infère de ce texte, selon la demanderesse, que
ce pilote a droit à sa rémunération parce qu'il a
fait du pilotage à l'intérieur d'une zone sans que
nécessairement il la franchisse.
Disons dès maintenant que la rédaction de
l'article et de ses sous-alinéas contient, sous
certains aspects, des équivoques et son interpré-
tation n'est pas libre de certaines difficultés.
D'autre part, les règlements qui concernent la
deuxième réclamation de la demanderesse, ceux
en vertu desquels elle réclame le paiement d'un
double pilotage, ne sont pas exprimés avec
autant de précision qu'ils auraient pu l'être.
Nous en parlerons un peu plus loin. Pour l'ins-
tant, examinons la réclamation pour le tiers
additionnel réclamé pour les bateaux qui se sont
arrêtés à la rivière Maheux.
Nous avons vu que cet endroit se trouve à
quelque huit milles à l'Est du port de Québec,
arrêt décidé par le capitaine, lorsque, pendant
l'hiver, son navire arrive trop tard le soir pour
pouvoir procéder vers les Trois-Rivières ou
Montréal. Doit-on voir là, tel que suggéré par la
demanderesse, son point de destination ou
«aussi près de ce point qu'il peut parvenir au
moment de son arrivée et que ... dès lors, le
service pour lequel le pilote a été engagé est
censé avoir été accompli» selon le contexte de
l'article 347 de la Loi sur la marine marchande
du Canada. Je ne crois pas que l'on puisse dire
que le pilote dont le navire s'arrête pendant
quelques heures la nuit, dans ces circonstances,
ait accompli son service de pilotage et qu'il ait
droit de percevoir les trois tiers des droits
prévus pour le voyage de Pointe-au-Père à
Québec. Il s'agit en effet, selon moi, d'abord
d'un voyage incomplet puisque «Québec» ici
veut dire le port de Québec dont la limite du
côté Est se situe à quelques milles en amont de
la rivière Maheux et ensuite les services de
pilotage ne peuvent, dans les circonstances, être
considérés comme ayant été accomplis, ni, en
fait, le sont-ils. En effet, le navire aurait pu, en
payant les frais d'accostage, se rendre jusqu'à
un quai dans le port de Québec, ou même y être
ancré. Son capitaine a, cependant, préféré, et
pour d'excellentes raisons, en décider autrement
en retirant son navire pendant quelques heures à
la rivière Maheux pour y attendre le jour et
ensuite traverser le port de Québec et procéder
vers Montréal. La preuve révèle que les pilotes
ne quittaient jamais le navire à rivière Maheux
bien que des moyens auraient pu être pris pour
leur permettre de le faire si leur service de
pilotage avait été complété ou si le navire avait
alors atteint son point de destination, tel que
déterminé par l'article 347 de la Loi sur la
marine marchande du Canada. Il est, je crois,
clair qu'un navire qui s'arrêtait à la rivière
Maheux dans ces circonstances ne faisait qu'in-
terrompre un voyage qui, sans la prohibition de
circuler la nuit du port de Québec vers les
Trois-Rivières ou Montréal, aurait pu se faire
rapidement et sans arrêt, voyage, je le répète,
qui devait se continuer quelques heures plus
tard pour permettre au navire, comme nous
l'avons vu, d'arriver à Québec au lever du jour
et continuer son parcours vers Montréal. Il n'est
donc pas étonnant que pendant près de neuf ans
les parties en cause n'aient jamais considéré que
le voyage au stade de la rivière Maheux fut
terminé et le service de pilotage accompli même
au sens de l'article 347 de la Loi sur la marine
marchande du Canada. Les pilotes, il est vrai,
restaient à bord du navire pendant l'arrêt à la
rivière Maheux, l'un dormant pendant que l'au-
tre surveillait les ancres ou l'ancrage. Ils étaient
cependant rémunérés à titre de retenue «en
vertu de l'article 3(1) de l'Annexe A qui se lit
comme suit:
3. (1) Si, à la demande du capitaine ou de l'agent, un pilote
est retenu pendant plus d'une heure à bord d'un navire pour
toute raison autre que le mauvais temps ou un accident dont
il est responsable, il lui est versé une allocation de retenue
de $3 pour chaque heure en sus de ladite heure, sans
toutefois qu'il puisse lui être payé plus de $25 pour chaque
jour civil à titre de retenue.
Il est vrai qu'il n'y a pas nécessairement
incompatibilité entre le fait qu'un service de
pilotage soit accompli et qu'une retenue soit
payée. L'article 3(1) précité, en effet, démontre
que le paiement d'une . retenue peut être, dans
certains cas, exigé sans que la rémunération
pour le pilotage soit exigible et, dans d'autres
cas, l'allocation de retenue, et la rémunération
pour le service de pilotage peuvent être exigées
à la fois. Il me semble, cependant, que lorsqu'à
l'article 3, paragraphe (1) de l'Annexe l'on parle
de droits de pilotage lorsqu'un navire se déplace
dans une zone autre que le port de Québec, il ne
peut pas s'agir, comme ici, d'un simple arrêt
transitoire volontairement décidé avant d'attein-
dre la fin de la course de Pointe-au-Père à
Québec ou inversement. Si, comme je le décide,
le service de pilotage n'est pas alors accompli en
vertu de l'article 347 de la Loi, les droits à
payer à la Corporation pour le trajet complet
des Escoumins à Québec, à travers les trois
zones ou inversement selon l'Annexe A, sont
fixés à un paiement de trois tiers de droits de
pilotage pour un navire qui se rend de Poin-
te-au-Père à Québec, ou inversement, tel qu'é-
noncé dans cette Annexe, et non de quatre tiers,
tel que le réclame la demanderesse. Il me paraît,
en effet, que les services de pilotage pour un
voyage de Québec aux Escoumins, ou en sens
inverse, sont fondés essentiellement sur le prin-
cipe du voyage entre ces deux points et non sur
celui du temps pour le parcourir. On a, il est vrai
(selon la pièce P-3, la charte et les paragraphes
de l'article 1 de l'Annexe) divisé cette distance
en secteurs mais pour la totalité de ce parcours
comprenant ces secteurs, l'on a établi une
charge totale de trois tiers (3/3).
Les voyages comportant la totalité du par-
cours, pour lesquels un tarif est fixé, comme
ceux dont il s'agit dans la présente réclamation,
ne sont pas, même si des droits sont prévus
pour le déplacement d'un navire au paragraphe
(3) de l'article 1 de l'Annexe, par les termes de
la Loi et de la réglementation pertinente, trans
formés en un voyage tronqué dans les cas,
comme ici, où les navires mouillent l'ancre à la
rivière Maheux et les droits totaux pour les
services de pilotage prévus ne sont pas, par
conséquent, accrus par un droit additionnel d'un
tiers lorsque, comme ici, le court arrêt de quel-
ques heures la nuit n'est fait que pour donner
aux navires, pendant l'hiver, un abri ou refuge
simplement transitoire plus sûr et moins dispen-
dieux que celui qu'ils auraient dans le port de
Québec. La réclamation de la demanderesse
pour le tiers de droits de pilotage doit donc être
rejetée.
Examinons maintenant la seconde réclama-
tion de la demanderesse par laquelle elle
réclame la somme de $1,944,728.11 à titre de
rémunération pour les services de pilotage
rendus par le second pilote assigné par l'Auto-
rité de pilotage et dont les services ont été
acceptés et utilisés par l'armateur durant la
saison d'hiver entre 1960 et 1970 inclusivement.
Il s'agit de décider ici ce que les pilotes dont
les services ont été acceptés et utilisés par le
capitaine durant la saison d'hiver ont le droit de
recevoir comme rémunération durant cette
saison en vertu de l'article 1 de l'Annexe A, que
nous avons reproduit plus haut, telle qu'aug-
mentée par l'un ou l'autre des montants pres-
crits aux alinéas a) et b) de l'article 6, pour la
navigation d'hiver, et en plus la surtaxe prévue à
l'article 7. Voici ces articles 6 et 7 de l'Annexe
A:
6. Pendant la période comprise entre le 1°" décembre et le
8 avril suivant, les droits prescrits à l'article 1" de la
présente Annexe seront augmentés du plus petit des mon-
tants suivants:
a) Le montant des droits exigibles en vertu dudit article;
ou
b) Cent dollars.
Surtaxe
7. En plus des droits prévus dans la présente annexe, la
surtaxe suivante est exigible dans tous les cas:
a) Sur les droits de déplacement, cinquante pour cent;
b) Sur tous les autres droits de pilotage, huit pour cent.
L'Autorité de pilotage ou le Surintendant a
perçu, entre 1960 et 1970, pendant la saison
d'hiver, une fois le montant des droits de pilo-
tage prévus à l'article 1 de l'Annexe A plus une
fois le plus petit du montant exigible en vertu de
cet article, ou du montant de $100.
La demanderesse déclare que ce n'est pas là
la pleine rémunération pour pilotage qui devait
être perçue pour chaque pilote assigné à un
navire et dont les services ont été acceptés et
utilisés par le capitaine du navire. Elle soutient,
en effet, que dans le cas d'un trajet entre Les
Escoumins et Québec durant la saison d'hiver,
la rémunération qui aurait dû être perçue devrait
être deux fois les droits de pilotage prévus à
l'article 1 de l'Annexe et deux fois la surcharge
prévue à l'article 6, le tout majoré par la surtaxe
prévue à l'article 7 de l'Annexe. La prétention
de la demanderesse est que le droit de pilotage
constitue la rémunération pour le service rendu
par chaque pilote et que si l'Autorité de pilotage
assigne et l'armateur utilise les services de deux
pilotes, l'armateur ne peut obtenir les services
du deuxième pilote à rabais à moins que les
règlements ne le stipulent clairement.
La somme de $1,944,728.11 fut établie par
l'entremise de fiches de pilotage produites par
un certain nombre de pilotes, les parties s'étant
ensuite entendues pour déclarer que si toutes les
fiches en question étaient produites, la somme
ci-haut mentionnée serait atteinte et représente-
rait des montants que la demanderesse prétend
que la défenderesse aurait dû percevoir. Les
renseignements nécessaires pour établir les
droits de pilotage dans les cas qui nous concer-
nent ici sont obtenus par l'application de l'arti-
cle 7 du Règlement général de la circonscription
de pilotage de Québec qui requiert la confection
d'une fiche de pilotage. Cet article se lit comme
suit:
7. (1) Dès qu'il monte à bord d'un navire, le pilote doit
s'enquérir, auprès du capitaine ou de l'officier responsable,
du tirant d'eau, de la jauge au registre et de tous autres
détails nécessaires pour remplir la fiche de pilotage fournie
par l'Autorité.
(2) Une fois remplie, la fiche de pilotage est signée par le
capitaine ou l'officier responsable et par le pilote, et ce
dernier la remet le plus tôt possible au Surintendant.
Il faut ajouter qu'une fois la fiche de pilotage
complétée selon l'article 7, elle est remise à
l'Autorité ou à l'un des officiers de la défende-
resse, qui calcule les droits payables et la per
ception en est faite par le Surintendant, selon
l'article 8 du Règlement général de la circons-
cription de pilotage de Québec qui se lit comme
suit:
Perception des droits de pilotage
8. (1) Les droits de pilotage sont payés à l'Autorité et,
sous réserve du paragraphe (2), sont perçus par le
Surintendant.
(2) Le Surintendant peut autoriser un pilote à percevoir
des droits de pilotage.
(3) Les droits de pilotage perçus par un pilote sont remis
au Surintendant.
(4) Le mode et le moment de perception seront conformes
aux instructions du Surintendant.
Il ressort de cet article, semble-t-il, que les
droits de pilotage doivent être payés à l'Autorité
et perçus par le Surintendant, soit des préposés
de la Couronne, qui ont l'obligation de recevoir
et de percevoir ces droits pour et au nom des
pilotes de la circonscription concernée. Il me
paraît qu'il s'agit là d'une obligation statutaire
comportant une sorte de mandat forcé s'impo-
sant et aux préposés de la Couronne concernés
et aux pilotes intéressés.
Or, comme nous l'avons vu, la défenderesse
n'aurait pas, selon la demanderesse, perçu tous
les droits de pilotage qu'elle aurait dû percevoir.
Les prétentions de la demanderesse à ce sujet
sont clairement alléguées dans quelques para-
graphes de sa déclaration reproduits ci-après:
29. Le service de pilotage performé par le second pilote
lui donne le droit à la rémunération fixée par le tarif de
l'annexe A du Règlement général, i.e. le droit de pilotage
calculé suivant les articles 1, 2, 3 et 4 de l'annexe A majorés
de la surcharge hivernale prévue à l'article 6 de cette
annexe;
30. Le surintendant de ladite Autorité n'a pas perçu la
rémunération exigible pour le second pilote telle que fixée
par l'annexe A du Règlement général privant ainsi la deman-
deresse à l'acquit de ses membres de la rémunération rede-
vable à chaque second pilote;
31. C'est par erreur d'interprétation et par une application
erronée de son Règlement général et de ses amendements
que ladite Autorité de pilotage causait un préjudice à la
demanderesse à l'acquit de ses membres;
32. Par ailleurs depuis la modification au Règlement géné-
ral de la Circonscription de pilotage de Québec, ratifié par
arrêté-en-conseil (C.P. 1972-4) le 11 janvier, les droits de
pilotage prévus à l'annexe A du Règlement général originaire
sont payés pour les services de chacun des pilotes dont les
services sont retenus sur un navire;
33. La rémunération dont les pilotes ont été privés comme
conséquence de la négligence et de l'incurie des agents et
préposés de la défenderesse se chiffre à $1,944,728.11;
Il est vrai que depuis l'adoption de l'arrêté-en-
conseil C.P. 1972-4 du 11 janvier 1972, les
droits de pilotage prévus à l'Annexe A du Règle-
ment général originaire sont payés pour les ser
vices et l'on précise «de chaque pilote dont les
services sont retenus pour un navire». Il a fallu,
cependant, un texte qui le dise clairement.
Le texte du Règlement général qui s'applique
à la période en cause, cependant, est moins
explicite. Ce règlement, cependant, selon la
demanderesse, donne aux deux pilotes le droit
de recevoir chacun les droits de pilotage prévus
à l'article 1 de l'Annexe ainsi que le montant
prévu à l'article 6 de cette Annexe.
Il faut, cependant, concevoir qu'en 1957,
selon l'article 15(6) du Règlement général en
cause, il était dit qu'«Il n'est pas affecté plus
d'un pilote à un navire mais, dans le cas d'un
remorqueur ou d'une remorque, il peut en être
affecté un à chaque bâtiment; le Surintendant
indique alors lequel des pilotes est responsa-
ble».
Le 25 novembre 1960 par l'arrêté-en-conseil
C.P. 1601 l'article 15 précité est modifié en y
ajoutant le paragraphe suivant:
(9) Par dérogation au paragraphe (6), si, au cours de la
période comprise entre le 1°' décembre et le 8 avril suivant,
un pilote est demandé pour le pilotage d'un navire, sauf pour
un déplacement, deux pilotes seront affectés à ce navire.
Il est donc prescrit pour la première fois qu'à
compter du 25 novembre 1960, pendant la
période d'hiver, deux pilotes doivent être affec
tés à un navire.
Cet amendement est apporté en 1960 mais en
même temps, le 25 novembre 1960, l'article 6
de l'Annexe est adopté qui, comme nous l'avons
vu, accroît le montant du pilotage sur un navire
pendant la période hivernale, article qu'il est
bon de reproduire encore ci-après:
6. Pendant la période comprise entre le lm' décembre et le
8 avril suivant, les droits prescrits à l'article 1°r de la
présente Annexe seront augmentés du plus petit des mon-
tants suivants:
a) Le montant des droits exigibles en vertu dudit article;
ou
b) Cent dollars. [Les italiques sont de moi.]
On voit que par cet article «les droits pres-
crits à l'article l er de la présente Annexe seront
augmentés ...». Il ne déclare pas qu'ils seront
quadruplés, tel que le soutient la demanderesse.
Il ne dit pas que les droits prévus à l'article 1 de
l'Annexe reviendront à chaque pilote, avec en
plus, le plus petit des montants prévus à l'article
6 de l'Annexe mais que ces droits payables,
comme ils l'étaient avant l'adoption de l'article 6
ne seront qu'augmentés ou majorés de l'un ou
l'autre des montants prévus et applicables aux
alinéas a) ou b) de l'article 6. Je dois ajouter que
l'on ne dit pas non plus que les droits payés
seront augmentés des montants prévus à l'arti-
cle 6 car même si avant 1960, un second pilote
accompagnait ordinairement le pilote durant
l'hiver, ce qui pouvait arriver et ce qui est, en
fait, arrivé, les services de ce second pilote ne
pouvaient être payés que par l'armateur à ce
pilote directement puisque ces montants ne tom-
baient pas, évidemment, dans le montant que
devait percevoir le Surintendant.
Je ne puis, en effet, tirer soit de l'Annexe ou
de ses amendements qui s'appliquent à la récla-
mation, une déclaration ou même une inférence
que les droits mentionnés à l'article 1 de l'An-
nexe doivent être doublés quand deux pilotes
conduisent un navire pendant la saison d'hiver.
Si un tel droit supplémentaire était exigible en
raison de l'emploi d'un deuxième pilote sur un
navire pendant l'hiver, il serait prévu à l'Annexe
où les préposés de la défenderesse compétents à
fixer ces droits les auraient établis. Je ne puis
trouver, en effet, à l'article 6, qu'une augmenta
tion des droits prévus à l'article 1 de l'Annexe
qui sont ceux payables «pour le pilotage»
(comme le dit le paragraphe (1) de l'article 1 de
l'Annexe) à cette époque mais augmenter de
l'un ou l'autre des montants prévus aux alinéas
a) ou b) de l'article 6 du Règlement. Il s'ensuit
donc que la défenderesse a perçu, selon la Loi
et les Règlements, la totalité des droits payables
aux pilotes. Cette réclamation de la demande-
resse doit donc, aussi, être rejetée.
Ayant rejeté les deux réclamations, il me suf-
firait d'arrêter ici si ce n'était la possibilité d'un
appel de cette décision. A cette fin, il me paraît
d'abord qu'il ne s'agit pas ici d'un simple pou-
voir ou authority donner aux officiers ou prépo-
sés de la Couronne de percevoir les montants
dûs pour services de pilotage en vertu de l'arti-
cle 8 du Règlement général de la circonscription
de pilotage. Il s'agit d'une obligation ou d'un
devoir statutaire pour les préposés de la défen-
deresse dans ce que j'ai, durant l'enquête,
appelé une sorte de mandat coercitif imposé par
la Loi et les Règlements. Tout ceci pour dire
que dans la présente instance, la nature et
l'étendue de l'obligation des préposés de la
défenderesse ne sont pas, à mon avis gouver-
nées seulement par certaines dispositions du
Code civil, soit, par exemple, qu'il suffit pour
ces préposés d'avoir agi avec une habileté con-
venable et les soins d'un bon père de famille,
surtout lorsque le défaut des préposés de la
Couronne, si l'on interprète la Loi et les Règle-
ments, comme le veut la demanderesse, pourrait
être fondé à la fois sur des règlements imprécis
et confus préparés par des préposés de la Cou-
ronne ainsi que sur une mauvaise interprétation
de ces mêmes Règlements.
Je ne puis terminer sans souligner le fait que
la demanderesse, sur une période d'un peu plus
de neuf ans, ayant toujours accepté les droits de
pilotage tels que perçus par la défenderesse, il
serait difficile de ne pas la considérer comme
liée par cet acquiescement. Si, en effet, elle était
ainsi liée, elle ne pourrait plus réclamer au pré-
judice de la défenderesse qui, évidemment, ne
peut plus, ou difficilement, retracer les navires
en cause s'il existait encore des droits addition-
nels à réclamer, fondés sur une interprétation
des règlements différente de la sienne.
La preuve a, en effet, révélé que le Surinten-
dant des pilotes, durant une période de neuf ans,
remettait à peu près bimensuellement les droits
de pilotage reçus des propriétaires ou des agents
de navires à la demanderesse qui faisait la distri
bution de l'argent ainsi perçu aux pilotes selon
les droits de chacun. Comment, dans ces circon-
stances, même s'il fallait accepter que l'impréci-
sion ou l'ambiguité des termes des règlements
pertinents pouvaient permettre l'interprétation
que leur donne la demanderesse, cette dernière
et ses membres connaissant pleinement ces
règlements et leurs termes et travaillant à ce que
l'on peut appeler l'oeuvre commune, peut-on
écarter la conclusion qui à mon avis s'impose,
qu'ayant par leur silence et leur comportement
si longtemps acquiescé à la façon de procéder
des préposés de la défenderesse, elle ou ceux
qu'elle représente ont alors abandonné ou
renoncé à tout droit d'exiger davantage.
L'action est, par conséquent, rejetée avec les
dépens.
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