A-57-73
Jasmin Construction Inc. (Appelante) (Intimée
dans le contre-appel)
c.
Resolute Shipping Limited (Intimée) (Appelante
dans le contre-appel)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Hyde—Montréal, le
26 septembre; Ottawa, le 13 décembre 1974.
Droit maritime—Contrat de transport de marchandises
par eau—Prix fixés à l'avance—Poids supérieur d'environ
30% au poids stipulé dans le contrat—Y a-t-il eu rupture du
contrat—Modifications de la déclaration pour y inclure une
demande de dommages-intérêts pour renseignements
inexacts—Demande reconventionnelle et contre-appel pour
de prétendus dommages subis par la cargaison—Règle 1104
de la Cour fédérale.
Appel d'un jugement de la Division de première instance
accueillant une action fondée sur la violation d'un contrat
prévoyant le transport par l'intimée de 14 unités sanitaires
mobiles du port de Québec aux ports de l'île Broughton
(Territoires du Nord-Ouest) et de la rivière Clyde, île de
Baffin (Territoires du Nord-Ouest) à bord du navire Tavast-
land. L'action résultait des dépenses engagées par l'intimée
en raison d'un excédent de poids d'environ 30% sur le poids
qu'elle avait prévu et utilisé comme base de son offre de
prix pour les opérations de transport. L'intimée réclame en
outre la somme de $110.61, représentant le montant d'un
droit de terre-plein dû au Conseil des ports nationaux et la
somme de $1,000 représentant la prime d'assurance payée
du fait que l'appelante avait omis de fournir une lettre de
crédit.
L'appelante, dans sa demande reconventionnelle, réclame
la somme de $2,707.61 soit le montant des dommages subis
par suite de la chute par dessus bord d'une des unités, lors
du chargement.
Le juge de première instance fixa à $24,722.88 les dépen-
ses supplémentaires engagées par l'intimée en raison de
l'excédent de poids de la cargaison et accueillit la réclama-
tion en se fondant sur l'enrichissement sans cause. Il
accueillit aussi les réclamations portant sur les droits de
terre-plein et l'assurance. En ce qui concerne la demande
reconventionnelle, le juge de première instance n'accorda à
l'appelante qu'un quart du montant réclamé, en raison de la
négligence du grutier, et trois quarts à l'intimée, en raison de
la négligence de l'appelante, qui avait fourni des renseigne-
ments inexacts sur le poids de la cargaison.
Arrêt: l'appel est accueilli; le juge de première instance a
commis une erreur en fondant sa décision sur l'enrichisse-
ment sans cause alors que l'action se fondait sur la rupture
de contrat. En livrant la cargaison au quai le plus proche du
navire, l'appelante s'est acquittée d'une de ses obligations
prévues au contrat et le fait que les deux parties aient pu se
tromper sur le poids des marchandises ne constitue pas une
rupture de contrat par l'appelante. Bien que la déclaration
ait été modifiée en vertu de la Règle 1104 des Règles de la
Cour fédérale afin de permettre une réclamation fondée sur
la responsabilité délictuelle de l'appelante pour avoir donné
des renseignements inexacts sur le poids de la cargaison,
cette action doit échouer car la preuve montre que les deux
parties savaient que les poids donnés n'étaient que des
approximations; l'appelante ne s'était aucunement engagée à
payer les frais additionnels et l'intimée a transporté la car-
gaison à ses propres risques après avoir décidé de conclure
ce contrat. La décision du juge de première instance relati-
vement aux droits de terre-plein et à la prime d'assurance ne
doit pas être modifiée.
En ce qui concerne la demande reconventionnelle, la
chute de l'unité résulte exclusivement de la négligence de
l'intimée qui n'a pas vérifié le poids des unités avant de
procéder à leur chargement et a utilisé une grue qui n'était
pas assez puissante pour soulever des poids supérieurs aux
poids stipulés.
APPEL.
AVOCATS:
Denis Rousseau pour l'appelante (intimée
dans le contre-appel).
W. David Angus pour l'intimée (appelante
dans le contre-appel).
PROCUREURS:
Rousseau & Charbonneau, Québec, pour
l'appelante (intimée dans le contre-appel).
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour l'intimée (appelante dans le
contre-appel).
Voici les motifs du jugement prononcés en
français par
LE JUGE EN CHEF JACKETT ET LE JUGE
PRATTE: Il s'agit d'un appel interjeté d'un juge-
ment de la Division de première instance [non
publié, T-3922-711 accordant à l'intimée la
somme de $25,833.49, avec intérêts et dépens,
et d'un appel ainsi que d'un contre-appel interje-
tés d'un jugement de la Division de première
instance accordant à l'appelante la somme de
$676.90, avec intérêts et dépens, dans sa
demande reconventionnelle; aux termes du
jugement, ce montant «peut être déduit de la
somme allouée à la demanderesse dans l'action
principale».
L'action principale était fondée sur la viola
tion d'un contrat et la déclaration, se lit en partie
comme suit:
[TRADUCTION] 1. En août 1971, la défenderesse entra en
pourparlers avec la Federal Commerce and Navigation
Company Limited (ci-après appelée la Federal), mandataire
dûment autorisé de la demanderesse, au sujet du transport
de quatorze unités mobiles sanitaires du port de Québec
(Province de Québec) aux ports de l'île Broughton (Territoi-
res du Nord-Ouest) et de la rivière Clyde, île de Baffin
(Territoires du Nord-Ouest) qu'effectuerait la demanderesse
à bord de son navire LE TAVASTLAND;
2. A la suite de négociations, un accord fut conclu entre la
demanderesse et la défenderesse, ainsi qu'en font foi les
télex datés du 27 août 1971 et du 2 septembre 1971 et une
lettre en date du 7 septembre 1971; lesdits trois documents
ont été versés au dossier (pièce P-1) et seront considérés
comme inclus entièrement dans les présentes;
3. La demanderesse s'est acquittée de toutes ses obligations
découlant du contrat et notamment, sans restreindre la géné-
ralité de ce qui précède, la demanderesse a dûment trans
porté la cargaison de la défenderesse et l'a livrée en bon état
au port de l'île Broughton et de la rivière Clyde (Territoires
du Nord-Ouest);
4. Par contre, d'importantes violations dudit contrat par la
défenderesse ont causé un préjudice et des dommages consi-
dérables à la demanderesse;
5. Sans limiter la généralité de ce qui précède, les violations
du contrat par la défenderesse portent sur les points
suivants:
a) les unités mobiles que la défenderesse a présentées à
l'embarquement pesaient beaucoup plus lourd que ce que
la défenderesse avait indiqué à la demanderesse lors des
pourparlers relatifs au contrat de transport et de sa
signature;
b) le jour prévu, la défenderesse a présenté ses marchan-
dises pour l'embarquement en dehors des heures
ouvrables;
c) la défenderesse a omis de fournir la lettre de crédit
prévue audit contrat;
d) la défenderesse a omis d'assurer la cargaison confor-
mément audit contrat;
e) la défenderesse a refusé de remettre à la demanderesse
la somme correspondant aux droits de terre-plein, confor-
mément aux usages de la profession et audit contrat;
6. En conséquence des violations du contrat par la défende-
resse, la demanderesse a subi une perte d'au moins
$36,787.18 ventilée comme suit:
a) Frais supplémentaires dus à la réception
de la marchandise en dehors des heures ou-
vrables $ 898.11
b) Droit de terre-plein 185.58
c) Assurance 1,000.00
d) Délai d'embarquement de 3 jours du fait
de l'excédent de poids des unités 8,550.00
e) Frais supplémentaires pour le matériel de
levage et la main-d'oeuvre du fait de l'excédent
de poids des unités sanitaires 11, 603.49
f) Surveillance spéciale imputable à l'excédent
de poids de ces unités 300.00
g) Perte de temps pendant la traversée ainsi
qu'à file Broughton du fait de l'excédent de
poids de ces unités 14,250.00
TOTAL $36,787.18
7. A toutes les époques en cause, la Federal agissait unique-
ment en qualité de mandataire de la demanderesse, la
demanderesse étant le commettant, le transporteur et l'ex-
ploitant du navire LE TAVASTLAND;
En appel, l'intimée fut autorisée à modifier sa
déclaration en y ajoutant le paragraphe suivant:
[TRADUCTION] 10. En outre, et sous réserve de ce qui pré-
cède, la demanderesse déclare que la défenderesse a engagé
sa responsabilité délictuelle et doit lui verser la somme
susmentionnée de $36,787.18 car cette dernière, en raison
de sa négligence, de son incompétence professionnelle, de
son imprudence et de sa faute, lui a fourni des renseigne-
ments inexacts sur le poids des 14 unités susmentionnées et
a omis de fournir une lettre de crédit.
La demande reconventionnelle réclame la
somme de $2,146.89 en raison du défaut de
livraison en bon état des marchandises, objet du
contrat mentionné dans la déclaration.
Les faits les plus importants ne sont pas vrai-
ment en litige.
Au début d'août, l'appelante et l'intimée négo-
ciaient un contrat dont les lignes générales sont
énoncées dans un télex en date du 6 août 1971
envoyé par la compagnie-mère de l'intimée à
l'appelante; en voici le texte:
IL EST CONVENU ENTRE MESSIEURS JASMIN CONSTRUCTION
INC. AFFRÉTEUR, ET FEDERAL COMMERCE AND NAVIGATION
CO. LTD. AGENT POUR MESSIEURS RESOLUTE SHIPPING LTD.,
ARMATEUR, QUE LES PARTIES SUSMENTIONNÉES S'ENGAGENT
1. L'AFFRÉTEUR DE METTRE À LA DISPOSITION ET L'ARMA-
TEUR DE TRANSPORTER LA CARGAISON SUIVANTE:
14 UNITÉS MOBILES (HOUSE TRAILERS) AYANT LES DIMEN
SIONS DÉCRITES CI-DESSOUS;
12 UNITÉS DE 52 PIEDS DE LONGUEUR
12 PIEDS DE LARGEUR
14 PIEDS DE HAUTEUR
2 UNITÉS DE 52 PIEDS DE LONGUEUR
8 PIEDS DE LARGEUR
14 PIEDS DE HAUTEUR
(LES HAUTEURS EXCLUENT LES ROUES QUI PEUVENT ÊTRE
SÉPARÉES SANS DIFFICULTÉ AU DÉSIR DE L'ARMATEUR)
DEUX UNITÉS PÈSENT 30,000 LBS ET LES DOUZE AUTRES
ENVIRON 20,000 LBS CHACUNE.
AVEC LES UNITÉS SONT COMPRISES ENVIRON TRENTE TONNES
DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION QUE L'ARMATEUR A L'OP-
TION D'EMPLOYER POUR FIN D'ARRIMAGE MAIS EN AUCUN
CAS LES PIÈCES DE BOIS NE PEUVENT ÊTRE COUPÉES.
2. L'ARMATEUR EFFECTUERA LE TRANSPORT DE TOUTES LES
UNITÉS SUR LE PONT DU M.V. «TRULELAND» DE DRAPEAU
BRITANNIQUE ET CLASSIFIÉ «LLOYDS ICE CLASS 1»
3. DATES APPROXIMATIVES DE CHARGEMENT: 15 SEPTEMBRE
1971.
4. FRET PAYABLE PAR L'AFFRÉTEUR À L'ARMATEUR C.C.
DLRS 14,000 (QUATORZE MILLES DOLLARS) PAR UNITÉ SUR
UN MINIMUM DE QUATORZE UNITÉS.
5. L'AFFRÉTEUR DÉLIVRE LES UNITÉS À QUAI À QUÉBEC,
L'ARMATEUR CHARGE ET DÉLIVRE SEPT UNITÉS SUR PLACE À
BROUGHTON ISLAND ET SEPT UNITÉS SUR PLACE À CLYDE
RIVER, BAFFIN ISLAND, AUXQUELS ENDROITS L'AFFRÉTEUR,
EMPLOIERA UN BULLDOZER MUNI DES ATTACHES NÉCESSAI-
RES POUR TIRER LES UNITÉS HORS DES BARGES.
6. AUCUNE ASSURANCE RELATIVE AU NAVIRE MÊME ENCOU-
RUE LORS D'UN VOYAGE AUX ENDROITS SUS-MENTIONNÉES
N'EST PAYABLE PAR L'AFFRÉTEUR.
7. L'AFFRÉTEUR COUVRIRA À SES FRAIS TOUTES LES PRIMES
D'ASSURANCE REQUISES SUR LE CARGO DEPUIS QUAI À
QUÉBEC JUSQU'À PLACE BROUGHTON ISLAND ET CLYDE
RIVER.
Il est évident que les renseignements donnés par
télex sur le poids des unités à transporter inté-
ressaient tout particulièrement la compagnie
intimée qui était à négocier un contrat de trans
port en pontée d'une cargaison consistant en des
objets de dimensions très importantes. Helge
Tomter, directeur des services commerciaux de
la compagnie intimée, ne se trouvait pas à Mont-
réal pendant la première moitié du mois d'août;
son témoignage, portant sur la période qui suivit
son retour à Montréal, se lit comme suit:
[TRADUCTION] Q. Pouvez-vous expliquer à la Cour ce que
vous savez sur les poids, quelles démarches vous avez
faites à ce sujet, quels renseignements vous avez obte-
nus et à quel membre de la compagnie demanderesse
vous vous êtes adressé?
R. Oui. Nous pensions qu'il était important d'obtenir des
renseignements supplémentaires sur le poids des mar-
chandises; nous n'aimons pas beaucoup le terme
«approximativement»; nous estimions qu'il s'agissait là
d'un facteur important qu'il fallait déterminer aussi
précisément que possible. A la fin du mois d'août, un
des subrécargues, le capitaine Kuyper, et moi-même—
bon, je devrais dire que dans l'intervalle nous avions
été en rapport avec M. Proulx de la Jasmin Construc
tion et que nous lui avions demandé à plusieurs repri
ses quel était le poids exact de chaque unité, et que
nous avions finalement eu l'impression qu'on ne nous
donnerait pas ces poids—
A ce moment, Tomter se préoccupait suffisam-
ment de la question du poids pour demander à
l'appelante le nom de la compagnie qui fournis-
sait les unités en question; il s'agissait d'une
compagnie appelée «Treco», de Québec. Il
obtint de l'appelante la permission d'aller dans
les locaux de la Treco afin «d'inspecter» les
unités. Le capitaine Kuyper et lui-même se ren-
dirent donc à Québec le 31 août 1971 et s'adres-
sèrent au vice-président de la compagnie four-
nissant les unités en cause, et ce dernier les leur
montra. Voici son témoignage sur cette
inspection:
[TRADUCTION] Les unités étaient déjà placées dans leur
emballage. Toutes les portes et fenêtres étaient proté-
gées par des feuilles de contre-plaqué; le capitaine
Kuyper et moi-même avons commencé à vérifier leurs
dimensions à l'aide d'un ruban mesureur. Il restait bien
sûr la question du poids. Le représentant de Treco
nous déclara qu'en raison des dimensions des unités, il
n'y avait aucun moyen de les faire peser sur les
bascules publiques vu leur emplacement dans la région
de Québec et que, de toute façon, si quelqu'un voulait
en connaître le poids, ii incombait au chargeur, la
Jasmin Construction, de s'en occuper. On nous dit de
nous adresser à la Jasmin Construction et que si cette
compagnie voulait faire le nécessaire pour faire peser
les unités avant leur chargement, eh bien, ce serait à
elle de s'en occuper, comme elle pourrait.
LA COUR:
En d'autres termes, les fabricants ont affirmé ne pas
connaître leurs poids?
LE TÉMOIN:
Non. Ils nous ont donné leurs poids «approximative-
ment».
A l'issue de cette visite, l'intimée s'adressa à
nouveau à l'appelante au sujet des poids et
Tomter décrit de la manière suivante la discus
sion qui en résulta:
[TRADUCTION] Q. Bon, ainsi le lendemain vous vous êtes
à nouveau adressés à la Jasmin?
R. Nous sommes revenus à Montréal et nous sommes mis
de nouveau en rapport avec la Jasmin pour lui dire que
nous avions des inquiétudes au sujet de ces unités,
qu'elles étaient évidemment plus hautes que les mai-
sons préfabriquées ordinaires puisqu'elles compor-
taient un vide sanitaire de quatre pieds en dessous du
plancher, constituant une sorte de sous-sol; nous
avons dit à la Jasmin que nous souhaiterions qu'ils
fassent le nécessaire pour les faire peser ou faire
vérifier leurs poids. C'est à M. Proulx que nous nous
sommes adressés, ou plutôt que je me suis adressé à ce
sujet; à mon avis, ce dernier prit cette question à la
légère; il sourit et dit: «Ne vous inquiétez pas. Leurs
poids sont probablement bien inférieurs aux poids que
nous vous avons indiqués et qui sont les poids maxi-
maux.» Et qu'il n'avait aucune raison de s'inquiéter.'
' Dans son témoignage, Proulx nia avoir donné une telle
assurance. Jasmin et lui-même ont témoigné avoir indiqué
que 30,000 et 20,000 livres étaient des poids approximatifs.
Dans l'intervalle, le 27 août 1971, l'intimée
avait envoyé à l'appelante un télex se lisant en
partie comme suit:
IL EST CONVENU ENTRE MESSIEURS JASMIN CONSTRUCTION
INC., AFFRÉTEUR ET FEDERAL COMMERCE AND NAVIGATION
CO. LTD. AGENT POUR MESSIEURS RESOLUTE SHIPPING LTD.,
ARMATEUR, QUE LES PARTIES SUSMENTIONNÉES S'ENGAGENT
DÉFINITIVEMENT À:
1. L'AFFRÉTEUR DE METTRE À LA DISPOSITION ET L'ARMA-
TEUR DE TRANSPORTER LA CARGAISON SUIVANTE:
14 UNITÉS MOBILES (HOUSE TRAILERS) AYANT LES DIMEN
SIONS DÉCRITES CI-DESSOUS:
12 UNITÉS DE 52 PIEDS DE LONGUEUR
12 PIEDS DE LARGEUR
14 PIEDS DE HAUTEUR
2 UNITÉS DE 52 PIEDS DE LONGUEUR
8 PIEDS DE LARGEUR
14 PIEDS DE HAUTEUR
(LES HAUTEURS EXCLUENT LES ROUES QUI PEUVENT ÊTRE
SÉPARÉES SANS DIFFICULTÉ AU DÉSIR DE L'ARMATEUR)
DEUX UNITÉS PÈSENT 30,000 LBS ET LES DOUZE AUTRES
ENVIRON 20,000 LBS CHACUNE.
AVEC LES UNITÉS SONT COMPRISES ENVIRON TRENTE TONNES
DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION QUE L'ARMATEUR A L'OP-
TION D'EMPLOYER POUR FIN D'ARRIMAGE MAIS EN AUCUN
CAS LES PIÈCES DE BOIS NE PEUVENT ÊTRE COUPÉES.
2. L'ARMATEUR EFFECTUERA LE TRANSPORT DE TOUTES LES
UNITÉS SUR LE PONT DU M.V. «THULELAND» DE DRAPEAU
BRITANNIQUE ET CLASSIFIÉ «LLOYDS ICE CLASS 1» OU AUTRE
NAVIRE SUPPLÉANT. L'ARMATEUR DISPOSERA D'UN NAVIRE
QUI SERA APPROUVÉ PAR LE «C.T.C.»
3. DATES APPROXIMATIVES DE CHARGEMENT: 15 SEPTEMBRE
1971.
4. FRET PAYABLE PAR L'AFFRÉTEUR À L'ARMATEUR: C.C.
DLRS 14,000 (QUATORZE MILLE DOLLARS) PAR UNITÉ SUR
UN MINIMUM DE QUATORZE UNITÉS. SUR COMPLETION DU
CHARGEMENT A QUÉBEC LE FRET TOTAL EST ACQUIS LE
NAVIRE ET/OU LA MARCHANDISE PERDUE OU NON DURANT
LE VOYAGE.
5. L'AFFRÉTEUR DÉLIVRE LES UNITÉS À QUAI À QUÉBEC,
L'ARMATEUR CHARGE ET DÉLIVRE EN 1971 SEPT UNITÉS SUR
PLACE A BROUGHTON ISLAND ET SEPT UNITÉS SUR PLACE À
CLYDE RIVER, BAFFIN ISLAND, AUXQUELS ENDROITS L'AF-
FRÉTEUR EMPLOIERA UN BULLDOZER MUNI DES ATTACHES
NÉCESSAIRES POUR TIRER LES UNITÉS HORS DES BARGES.
6. AUCUNE ASSURANCE RELATIVE AU NAVIRE MÊME ENCOU-
RUE LORS D'UN VOYAGE AUX ENDROITS SUSMENTIONNÉS
N'EST PAYABLE PAR L'AFFRÉTEUR.
7. L'AFFRÉTEUR COUVRIRA À SES FRAIS TOUTES LES PRIMES
D'ASSURANCE REQUISES SUR LE CARGO DEPUIS QUAI A
QUÉBEC JUSQU'À PLACE BROUGHTON ISLAND ET CLYDE
RIVER.
8. L'AFFRÉTEUR DONNERA À L'ARMATEUR LUNDI LE 30
AOÛT, 1971, UNE LETTRE DE CRÉDIT POUR LE MONTANT DE
CENT QUATRE VINGT SEIZE MILLE DOLLARS, LE TEXTE DE
CETTE LETTRE SERA PROPOSE À L'AFFRÉTEUR PAR L'ARMA-
TEUR DÈS LUNDI LE 30 AOÛT, 1971.
Le 7 septembre 1971, la compagnie-mère de
l'intimée écrivit la lettre suivante à l'appelante:
[TRADUCTION] Selon votre télex du 2 septembre 1971,
vous avez accepté les clauses 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, et 9 de notre
télex du 27 août 1971.
Nous confirmons par la présente nos entretiens ultérieurs
au cours desquels nous avons convenu de révoquer les
changements que vous avez proposés d'apporter à la clause
8, tels que décrits dans votre télex du 2 septembre 1971. Par
contre, vous acceptez de nous fournir une lettre de crédit
pour le montant de $196,000, selon les termes et conditions
de la formule ci-jointe. Cette lettre de crédit nous sera
fournie dans les 7 jours de la date de la présente.
En outre, la clause additionnelle proposée (clause 10) sera
remplacée par la clause suivante:
roues de trailers (running gear) devront revenir à Montréal
en 1971 si possible; sinon à un autre port ou ports à notre
convenance.
Veuillez signer cette lettre et nous renvoyer l'original afin
de nous signifier votre accord sur ces points.
L'appelante accepta cette lettre.
Les employés de la compagnie intimée s'oc-
cupant du chargement et du déchargement des
unités en cause montrèrent quelque inquiétude
lorsqu'ils les virent sur le quai, le vendredi 17
septembre 1971. Voici ce qu'a déclaré Michael
O'Connor, un des témoins de l'intimée:
[TRADUCTION] Q. Maintenant, M. O'Connor, pourriez-
vous dire à la Cour comment vous projetiez d'effec-
tuer ce travail et ce que vous aviez l'intention de faire
à Québec et ce qui est arrivé?
R. Oui. Le capitaine Garvie m'indiqua au téléphone ce
que nous devions charger et la façon dont nous nous
proposions de le faire; et je lui ai demandé quel était le
poids de chaque unité. Selon lui, il y avait deux unités
pesant trente mille (30,000) livres au maximum et
douze (12) unités pesant vingt mille (20,000) livres au
maximum. Il m'a dit qu'il s'agissait là de poids maxi-
maux et qu'après ses conversations avec notre bureau
principal à Montréal, il avait l'impression que ces
unités, que les poids qu'il m'avait indiqués étaient les
poids maximaux; nous avons discuté alors de la puis-
sance des appareils et de la grue que nous avions
l'intention d'acheter ou de louer pour le déchargement
des unités à leur destination respective, l'île Broughton
et la rivière Clyde. Si je me souviens bien, Lou Parker
et moi-même sommes arrivés à Québec un vendredi.
Nous avons immédiatement examiné les unités qui se
trouvaient à l'embarcadère et j'ai fait remarquer au
capitaine Garvie qu'il n'y avait aucune inscription de
poids sur ces unités; il répondit: «De toute façon, le
bureau principal nous a indiqué les poids; il doit s'agir
des poids réels.» Je lui ai alors fait remarquer: «il n'est
pas courant de voir des unités de ce genre sans aucune
inscription de poids» et j'ai insisté pour que nous
obtenions les poids exacts puisque j'avais la lourde
responsabilité du déchargement des unités à l'île
Broughton ou à la rivière Clyde.
Néanmoins, l'intimée commença à construire
des cadres d'arrimage sur le pont du navire
devant servir au transport, en supposant que les
unités ne pesaient pas plus que 20,000 lbs et
30,000 lbs respectivement et organisa le charge-
ment de façon à soulever les unités se trouvant
sur le quai et à les poser sur le pont du navire
avec des appareils ne pouvant être utilisés sans
danger pour des objets pesant plus de 30,000
lbs.
Le dimanche 19 septembre 1971, l'intimée
procéda au premier levage et la grue bascula de
sorte que l'unité tomba en travers du plat-bord
et fut partiellement immergée.
L'intimée décida alors de faire peser les
autres unités (maisons mobiles) qui étaient
encore à quai. Le mardi 21 septembre 1971, la
compagnie-mère de l'intimée envoya à l'appe-
lante un télex se lisant comme suit:
[TRADUCTION] M.S. TAVASTLAND À QUÉBEC,
CHARGEMENT D'UNITÉS PRÉFABRIQUÉES À DESTINATION DE
L'ÎLE DE BROUGHTON ET DE LA RIVIÈRE CLYDE (T.N.-o.)
CONCERNANT LE TRANSPORT DE 14 UNITÉS D'HABITATION
MOBILES DE QUÉBEC À L'ÏLE DE BROUGHTON ET À LA RIVIÈRE
CLYDE, NOUS VOUS RENVOYONS AU TÉLEX DATÉ DU 27 AOÛT
1971, ET EN PARTICULIER À LA CLAUSE N° 1, QUI SPÉCIFIE LE
POIDS DES UNITÉS DE LA MANIÈRE SUIVANTE:
«DEUX UNITÉS PÈSENT 30,000 LBS ET LES DOUZE AUTRES
ENVIRON 20,000 LBS CHACUNE»
ET À VOTRE TÉLÉGRAMME DU 2 SEPTEMBRE 1971 DANS
LEQUEL VOUS ACCEPTEZ L'OFFRE, Y COMPRIS LA CLAUSE N° 1
SPÉCIFIANT LE POIDS DES UNITÉS.
COMME NOUS L'AVONS DÉJÀ SIGNALÉ DANS NOTRE TÉLEX DE
CE MATIN (21 SEPTEMBRE 1971 , 11H11), NOUS NOUS SOMMES
RENDUS COMPTE DE L'EXCÈS DE POIDS DE CERTAINES UNITÉS
MENTIONNÉES PAR RAPPORT AUX POIDS STIPULÉS ET ACCEPTÉS.
PLUS PRÉCISÉMENT, LES PESÉES EFFECTUÉES AUJOURD'HUI PAR
DYNAMOMÈTRE ONT PERMIS D'ÉTABLIR LES POIDS SUIVANTS:
BLEU N° 1: 27,400 LBS.
BLEU N° 4: 30,800 LBS.
ROUGE N° 1: 28,200 LBS.
D'AUTRES PESÉES SONT PRÉSENTEMENT EFFECTUÉES ET NOUS
ESPÉRONS ÊTRE EN MESURE D'ÉTABLIR LE POIDS DE TOUTES
LES UNITÉS QUI N'ONT PAS ENCORE ÉTÉ CHARGÉES. PARMI
CELLES-CI SE TROUVENT LES 7 UNITÉS BLEUES.
IL SEMBLE QUE LES POIDS RÉELS DES UNITÉS SOIENT TRÈS
SUPÉRIEURS AUX POIDS STIPULÉS ET ACCEPTÉS, EN PARTICU-
LIER SI L'ON TIENT COMPTE DU FAIT QUE LES POIDS STIPULÉS
ET ACCEPTÉS À L'ORIGINE INCLUENT LES ROUES ET QUE LES
POIDS MENTIONNÉS PLUS HAUT NE LES COMPRENNENT PAS. À
TITRE PROVISOIRE LE POIDS DES ROUES A ÉTÉ ÉVALUÉ À
ENVIRON 1800 LBS PAR UNITÉ. NOUS TENONS À VOUS SIGNA-
LER QUE LE POIDS DE LA CARGAISON EN PONTÉE PEUT NUIRE À
LA STABILITÉ D'UN NAVIRE ET QUE LES POIDS STIPULÉS ET
ACCEPTÉS PROVISOIREMENT NOUS PERMETTAIENT DE PRÉVOIR
UN POIDS TOTAL APPROXIMATIF DE 150 TONNES COURTES POUR
LES 14 UNITÉS. TOUS LES CALCULS RELATIFS À LA STABILITÉ
DU NAVIRE POUR CE VOYAGE ONT ÉTÉ EFFECTUÉS À PARTIR DE
CES POIDS AUXQUELS FUT AJOUTÉE UNE MARGE RAISONNABLE
POUR LE MATÉRIEL D'ARRIMAGE, ETC., ET ÉVENTUELLEMENT
DES CHANGEMENTS MINEURS DANS LE POIDS RÉEL DES UNITÉS.
ON NE POUVAIT AUCUNEMENT PRÉVOIR QUE LES POIDS DES
UNITÉS DÉPASSERAIENT DE 40 OU 50 TONNES COURTES LE
POIDS ACCEPTÉ.
NOUS TENONS À VOUS SOULIGNER QUE LES 50 TONNES ADDI-
TIONNELLES SONT ÉQUIVALENTES À UNE AUGMENTATION DE
30% DU POIDS RÉELLEMENT STIPULÉ.
VU CE QUI PRÉCÈDE, NOUS VOUS AVISONS QUE:
1. VOUS ÊTES LIBRE DE VÉRIFIER NOS PROCÉDÉS DE PESÉE.
SI POSSIBLE, NOUS SOUHAITERIONS QUE VOUS PRODUISIEZ
LES CERTIFICATS OFFICIELS INDIQUANT LES POIDS TELS QUE
STIPULÉS ET ACCEPTÉS DANS LES TÉLEX SUSMENTIONNÉS.
2. SI VOUS AVEZ LA POSSIBILITÉ DE RÉDUIRE LE POIDS DES
UNITÉS SANS RETARDER LES OPÉRATIONS DE CHARGEMENT
VOUS POUVEZ LE FAIRE MAIS NOUS VOUS DEMANDONS QUE
CE SOIT FAIT DE TOUTE URGENCE.
3. NOUS NOUS DÉGAGEONS DE TOUTE RESPONSABILITÉ POUR
TOUTES CONSÉQUENCES, TOUS DOMMAGES ET/OU PERTES
POUVANT RÉSULTER DE L'EXCÉDENT DE POIDS DE CES
UNITÉS.
À CET ÉGARD, LE NAVIRE A ÉTÉ ÉQUIPÉ DES GRUES, ETC.
DONT LA PUISSANCE DE LEVAGE CORRESPOND AUX POIDS DES
UNITÉS TELS QUE SPÉCIFIÉS À L'ORIGINE. NOUS VOUS
TENONS RESPONSABLES DE TOUT DOMMAGE POUVANT ÊTRE
SUBI PAR CET ÉQUIPEMENT ET NOUS NOUS DÉGAGEONS DE
TOUTE RESPONSABILITÉ POUR TOUT DOMMAGE QUE L'EXCÉ-
DENT DE POIDS PEUT CAUSER À LA CARGAISON.
4. NOUS VOUS TENONS RESPONSABLES DU PAIEMENT DE
TOUS FRAIS ADDITIONNELS CORRESPONDANT AU POIDS SUP-
PLÉMENTAIRE DE LA CARGAISON PAR RAPPORT AUX POIDS
STIPULÉS À L'ORIGINE.
AFIN DE CONSIGNER CLAIREMENT LES FAITS ÉNONCÉS PLUS
HAUT NOUS AVONS L'INTENTION DE NOMMER IMMÉDIATE-
MENT UN EXPERT INDÉPENDANT QUI ÉTABLIRA LES FAITS
SUSMENTIONNÉS ET NOUS VOUS INVITONS À NOMMER VOTRE
PROPRE EXPERT QUI PRÉPARERA UN RAPPORT COMMUN AVEC
NOTRE EXPERT OU UN RAPPORT INDÉPENDANT.
COMPTE TENU DE L'EXTRÊME URGENCE DE CETTE OPÉRATION
NOUS ESSAIERONS DE LIMITER LES DOMMAGES DANS LA
MESURE DU POSSIBLE EN PROCÉDANT AU CHARGEMENT ET
AU TRANSPORT DE CES UNITÉS JUSQU'À LEUR DESTINATION.
NOUS N'AVONS EN CE MOMENT NI LE TEMPS NI LA POSSIBI-
LITÉ D'ENTREPRENDRE AUTRE CHOSE QUE LESDITES EXPERTI-
SES ET LES OPÉRATIONS DE PESÉE DÉCRITES CI-DESSUS.
IL EST CERTAINEMENT INUTILE DE VOUS DIRE QU'EN TANT
QUE PROPRIÉTAIRES ET EXPLOITANTS DE NAVIRES PROFES-
SIONNELS, AYANT UNE VASTE EXPÉRIENCE DANS L'EXÉCU-
TION DE NOMBREUX PROJETS AUSSI DIFFICILES QUE CELUI-CI,
NOUS CONSIDÉRONS QUE CETTE APPARENTE CARENCE DE
RENSEIGNEMENTS EXACTS COMME UNE NÉGLIGENCE TRÈS
GRAVE NE SERAIT-CE QUE PARCE QU'ELLE POURRAIT ENTRAÎ-
NER DES RISQUES INUTILES POUR NOTRE PERSONNEL ET
NOTRE ÉQUIPEMENT.
NOUS VOUS SERIONS RECONNAISSANTS D'ACCUSER RÉCEP-
TION DE CE TÉLEX PAR TÉLÉGRAMME.
Il n'existe aucune preuve d'une réponse à ce
télex, mais il fut établi que les unités confiées à
l'appelante pour qu'elle les transporte en vertu
du contrat avaient un poids supérieur de 30%
aux poids indiqués dans le télex du 27 août
1971. Néanmoins, l'intimée reconstruisit les
cadres d'arrimage sur le pont du navire afin
qu'ils puissent supporter un poids supérieur et
elle engagea effectivement les dépenses supplé-
mentaires et encourut les risques éventuels que
pouvait comporter le transport de telles unités
en conformité des termes du télex du 27 août.
Voici comment Bell, vice-président de la com-
pagnie intimée, explique pourquoi on procéda
au chargement des unités en dépit du fait que
leurs poids dépassaient considérablement les
poids prévus au contrat:
[TRADUCTION] LA COUR:
Vous dites que si vous aviez connu les poids, vous
n'auriez jamais accepté le contrat; pourtant lorsque
vous en avez pris connaissance, vous avez entrepris le
transport.
LE TÉMOIN:
Oui. Eh bien, vous savez ce qui arrive lorsque vous
êtes confronté à un problème de ce genre et que votre
réputation est en jeu; à ce moment nous n'envisagions
rien d'autre que transporter là-bas ces fameuses unités.
Dans une large mesure le gouvernement soutenait
notre client, la Jasmin, et exerçait de fortes pressions
sur notre compagnie pour que nous effectuions ce
travail. Ils avaient vraiment besoin de ces unités dans
le nord et ils avaient déjà douze (12) mois de retard à
ce moment-là puisque d'autres compagnies avaient
refusé de les déplacer après avoir d'abord déclaré
qu'elles le feraient.
Q. Mais une fois que vous avez eu connaissance des
poids exacts de ces unités, pourquoi avez-vous accepté
de les transporter?
R. Parce que nous avions un travail à accomplir. On nous
avait déjà donné les unités—
Q. Mais vous saviez quels étaient les risques à ce
moment-là?
R. Nous le savions et nous avons pris ces risques parce
que nous devions le f aire—
Q. Pourquoi?
R. Transporter la cargaison là-bas, vous voulez dire?
Q. Oui.
Q. Bon. Vous vouliez dire que vous acceptiez les ris-
ques—au moment où le navire quitta Québec, vous
saviez exactement quels risques vous encouriez en
acceptant de transporter cette cargaison?
R. Nous avons toujours su qu'après avoir quitté Québec,
le navire transportait quatorze (14) unités qui étaient
différentes des quatorze (14) unités qui nous avaient
été décrites à l'origine. Nous avons eu recours à des
arrimeurs experts qui ont finalement réussi à embar-
quer cette cargaison bien qu'ils aient été obligés d'opé-
rer à l'extrême limite de leur capacité.
Q. Vous avez dit tout d'abord que les premiers chiffres
donnés pour les poids des unités représentaient la
capacité maximale du navire lui-même et que, bien
qu'ayant appris par la suite que les unités avaient un
poids supérieur, vous avez pourtant accepté de les
transporter vers le nord?
R. Nous nous sommes arrangés pour le faire. N'est-ce pas
suffisant? Cela éprouvait le navire à tous égards et en
fait, je pourrais, on pourrait vraiment dire, a posteriori,
que nous aurions dû leur répondre: «Écoutez, nous
n'allons pas faire ce travail pour vous». Mais étant
donné que nous affirmons avoir plus d'expérience que
les autres et que nous sommes connus pour cela, nous
sommes prêts à pratiquement n'importe quoi pour
mener à bien un contrat pour un travail qu'on nous
demande d'effectuer. Si notre client s'était adressé à
nous de bonne foi et nous avait signalé qu'il s'agissait
• là d'un travail très difficile, nous nous en serions
chargés en connaissance de cause; il est vraiment très
très difficile d'empêcher une compagnie comme la
nôtre d'entreprendre un tel travail.
Q. Bon, vous n'avez pas songé alors à laisser le navire à
quai pendant quelques jours afin de négocier un autre
contrat?
R. Voilà une question qui démontre que vous connaissez
mal l'arctique. Si je peux me permettre, je vous rappe-
lerai que si nous avions laissé le navire à quai une ou
deux journées de plus, cette cargaison ne serait jamais
arrivée à destination. Après tout il existe des phénomè-
nes tels que le gel et l'embâcle là-bas après lesquels il
est impossible de voyager.
Q. Saviez-vous au moment où vous étiez dans le port que
vous auriez des difficultés à cause du poids du charge-
ment sur le navire?
R. Oui, bien sûr. Nous avons mentionné ces difficultés
tout à fait clairement dans nos télex.
Q. Et vous avez pourtant continué?
R. En effet, nous sommes le genre de personnes à le
faire. Nous n'abandonnons pas si nous voyons un
moyen quelconque d'y parvenir. Après tout, il était de
notoriété publique qu'on avait désespérément besoin
de ces unités, et nous le savions aussi. On nous l'avait
dit—
Q. Qui vous l'avait dit?
R. Le gouvernement, je pense. Le gouvernement fédéral
s'est adressé à nous pour nous dire qu'ils avaient déjà
douze (12) mois de retard.
Q. Vous avez mentionné à différentes reprises les pres-
sions de la part du gouvernement. Comment en avez-
vous eu connaissance?
R. Parce qu'ils sont venus me voir au bureau et m'ont
demandé instamment d'effectuer ce travail, si c'était
humainement possible.
Q. Vous n'avez jamais songé à laisser certaines unités à
quai?
R. Je ne sais pas à quoi ressemblerait un hôpital compre-
nant sept (7) parties sans bloc opératoire; nous avons
effectivement songé à laisser certaines unités à quai,
mais on nous avait clairement expliqué que l'ensemble
du projet dépendait du transport de toutes ces unités.
Après tout si vous n'avez pas de salle d'anesthésie, la
salle d'opération n'est pas bien utile.
On termina le chargement et le navire prit le
large dans la nuit du 24 au 25 septembre, à
minuit.
Le gros de la somme de $36,787.18 réclamée
par l'intimée (c'est-à-dire toute cette somme
moins des droits de terre-plein se chiffrant à
$185.58 et une prime d'assurance de $1,000)
représente des dépenses faites par l'intimée en
raison du supplément de poids des unités trans-
portées par rapport aux poids stipulés dans le
contrat. Plus précisément, la somme réclamée
correspond aux dépenses supplémentaires faites
par l'intimée et qui, selon elle, se sont ajoutées
aux dépenses prévues ayant servi à calculer le
prix forfaitaire fixé pour le transport. En expo-
sant les faits ainsi que la preuve, nous nous
sommes jusqu'ici limités à ce qui se rapportait
aux montants ainsi réclamés; nous examinerons
plus tard les autres chefs de réclamation ainsi
que la demande reconventionnelle.
Les motifs du jugement du savant juge de
première instance se lisent en partie comme
suit:
Je ne peux souscrire à l'argument de la défenderesse selon
lequel le poids de ces unités n'avait pas d'importance, étant
donné que le prix n'avait pas été fixé en fonction du poids,
mais qu'ils s'agissait d'un prix fixe de $14,000 par unité. Je
ne peux davantage me ranger aux arguments de la défende-
resse lorsqu'elle affirme que la demanderesse a agi avec
imprudence en ne prévoyant pas la pesée des unités avant
de les charger. Le Treco Compagnie, fournisseur de la
défenderesse, a fabriqué les unités en cause selon les pro-
pres plans et devis de la défenderesse. C'est la défenderesse,
s'appuyant prétendument sur les indications de la Treco, qui
a fourni à la demanderesse les renseignements quant aux
poids approximatifs, et ces poids ont été stipulés dans le
contrat. Des mandataires de la demanderesse ont effective-
ment inspecté les unités alors dans le dépôt de la Treco afin
de décider, vu leur aspect général, la manière dont les
crochets et le matériel de levage pourraient être fixés et d'en
vérifier l'encombrement, mais aucun autre indication con-
cernant leur poids ne leur a été fournie. Les mandataires de
la Treco leur ont dit que ces unités ne pouvaient être pesées
sur des bascules publiques et leur ont dit de s'adresser à la
défenderesse Jasmin s'ils voulaient avoir les chiffres relatifs
au poids. Les mandataires de la demanderesse ont à nou-
veau demandé à Proulx de la compagnie Jasmin si les poids
donnés étaient exacts et il leur a répondu qu'ils n'avaient
rien à craindre et que les unités avaient sûrement un poids
inférieur à celui qui avait été indiqué. On pouvait certaine-
ment s'attendre que la défenderesse, qui avait conçu les
unités, et que la compagnie Treco, qui les avait fabriquées,
donnent avec une exactitude raisonnable le poids des unités
et la demanderesse était en droit de se fonder sur leurs
indications. Je ne peux conclure que la différence entre 215
tonnes et 150 tonnes soit faible ou sans importance, d'autant
que les parties savaient que cette cargaison allait être trans-
portée en pontée vers l'arctique, juste avant la fermeture de
la navigation dans ces eaux.
Je conclus donc que le contrat était entaché d'une erreur
sur la substance de la chose qui en fait l'objet en raison du
poids, et que ce poids était une considération principale qui
a engagé à signer ce contrat au sens de l'article 992 du Code
civil du Québec, qui dispose:
992. L'erreur n'est une cause de nullité que lorsqu'elle
tombe sur la nature même du contrat, sur la substance de
la chose qui en fait l'objet, ou sur quelque chose qui soit
une considération principale qui ait engagé à le faire.
J'estime en outre que cette erreur est imputable aux déclara-
tions inexactes de la défenderesse en ce qui concerne le
poids des unités, même si elle les a faites de bonne foi. La
demanderesse aurait donc pu à bon droit refuser d'exécuter
le contrat. Une telle décision aurait causé un préjudice grave
à la défenderesse que le gouvernement pressait de livrer les
unités en question. Ces dernières étaient prêtes depuis près
d'un an, mais la défenderesse n'avait, semble-t-il, pas réussi
à trouver un navire prêt à les transporter dans l'arctique au
prix qu'elle était prête à payer. La preuve semble révéler
qu'on a demandé à plusieurs autres compagnies de transport
maritime de soumissionner pour ce contrat mais elles ne se
sont pas montrées intéressées ou la défenderesse n'a pas
accepté leurs soumissions. La saison de la navigation tirait à
sa fin et, si la demanderesse avait décidé de ne pas transpor
ter les unités en question à cause de l'excédent de poids et
de les abandonner sur le quai de Québec, il est très probable
qu'il n'y aurait pas eu de solution de rechange et que les
unités auraient dû encore attendre jusqu'à l'été suivant.
Le fait que la demanderesse ait accepté de les transporter
malgré le surcroît de poids et les graves dangers qui ris-
quaient d'en résulter au cours de la traversée, ne doit pas, à
mon avis, lui interdire de réclamer à la défenderesse le
remboursement de ses frais supplémentaires directement
attribuables au surcroît de poids dont la défenderesse doit
être tenu responsable. Dès que ce poids supplémentaire a
été établi, la demanderesse a avisé la défenderesse par télex
en date du 21 septembre 1971 qu'elle la tiendrait responsa-
ble des conséquences. Un peu plus tard le même jour, elle a
envoyé un télex plus détaillé dans lequel étaient indiqués les
poids des quatre unités déjà pesées et dans quelle mesure ils
dépassaient les poids figurant au contrat. Il précisait que ce
surcroît de charge nuirait à la stabilité du navire et avisait
officiellement la défenderesse qu'elle serait tenue responsa-
ble de toutes les conséquences, dommages ou pertes qui
pourraient se produire du fait de l'excès de poids, y compris
des dommages subis à la grue et aux superstructures du
navire. Il stipulait en outre que la demanderesse dégageait sa
responsabilité pour tous dommages survenus à la cargaison
du fait de l'excédent de poids et que la défenderesse serait
tenue de payer le fret supplémentaire correspondant à la
surcharge. Cette dernière prétention a été abandonnée et la
demanderesse ne fait rien figurer dans sa réclamation au
titre du supplément de fret calculé d'après le poids des
unités déterminé de la manière que nous avons indiquée.
D'ailleurs, je doute fort que, compte tenu de l'existence du
contrat à prix forfaitaire et en l'absence d'un nouvel accord
avec la défenderesse, elle aurait réussi à faire admettre sa
demande. Ce même télex déclare ensuite:
[TRADUCTION] Compte tenu de l'extrême urgence de cette
opération, nous essaierons de limiter les dommages dans
la mesure du possible en procédant au chargement et au
transport de ces unités jusqu'à leur destination.
D n'a pas été accusé réception de ces dépêches bien qu'un
représentant de la défenderesse, son contremaître de chan-
tier, Léandre Turcot, ait effectivement assisté à une partie
des opérations de pesage. Un autre télex en date du 25
septembre a notifié le départ du navire à la défenderesse
tout en mentionnant de nouveau la possibilité d'une
demande d'indemnité du fait de l'excédent de poids de la
cargaison. On ne peut donc pas dire que la défenderesse ait
souscrit aux conditions posées par la demanderesse pour
poursuivre l'exécution du contrat ni qu'elle ait admis de
violations du contrat puisqu'elle a toujours soutenu que la
question du poids n'avait pas d'importance. Toutefois, elle a
profité du fait que la demanderesse a rempli avec succès ses
obligations et, comme la demanderesse a dû engager des
frais supplémentaires considérables pour mener à bien cette
opération vu l'excédent de poids, la défenderesse bénéficie-
rait d'un enrichissement sans cause et la demanderesse
subirait un appauvrissement correspondant si elle n'était pas
indemnisée de ces frais supplémentaires imputables à la
défenderesse, qui avait fourni des indications tout à fait
inexactes concernant le poids des unités.
Le savant juge de première instance procéda
alors au calcul des dépenses supplémentaires
engagées par l'intimée en raison de l'excédent
de poids de la cargaison. Il fixa le montant de
ces dépenses à $24,722.88 et accorda cette
somme à l'intimée.
Il faut d'abord faire remarquer que si la récla-
mation de l'intimée était fondée sur l'enrichisse-
ment sans cause, comme l'a décidé le juge de
première instance, l'indemnisation à laquelle
l'intimée aurait droit ne devrait pas être calculée
selon la méthode choisie par ce dernier. Sur le
fondement de l'enrichissement sans cause, la
seule obligation de l'appelante serait de verser à
l'intimée un montant égal à la valeur des servi
ces rendus par cette dernière et non pas de
l'indemniser pour les dépenses supplémentaires
résultant du poids excessif de la cargaison.
Il faut souligner, en second lieu, un point
encore plus important: l'action se fonde sur la
rupture d'un contrat et non sur l'enrichissement
sans cause. A notre avis, il n'appartenait pas au
juge de première instance, s'il était d'avis que
l'action en dommages-intérêts devait être reje-
tée, de l'accueillir en se fondant sur la théorie de
l'enrichissement sans cause.
Lorsque l'on s'est rendu compte, à l'audition
de l'appel, que la déclaration n'alléguait peut-
être pas toutes les causes d'action qui auraient
pu être invoquées, on suggéra à l'avocat de
l'intimée d'envisager la possibilité de modifier la
déclaration 2 . Après un ajournement, l'avocat de
l'intimée demanda l'autorisation de modifier la
déclaration en y ajoutant un nouveau paragra-
phe invoquant la responsabilité délictuelle de
l'appelante, à titre de fondement subsidiaire de
la réclamation. L'avocat de l'appelante ne s'est
2 La Règle 1104 se lit comme suit:
Règle 1104. (1) La Cour pourra, à tout moment, pendant
qu'un appel ou une autre procédure est en cours devant la
Cour d'appel, à la demande d'une partie, ou même à
défaut d'une telle demande, faire tous les amendements
qui sont nécessaires pour permettre de juger l'appel ou
autre procédure, ou le point réellement en litige entre les
parties, ainsi que le révèlent les plaidoiries, la preuve ou
les procédures.
(2) Un amendement peut être fait en vertu du paragra-
phe (1), que la nécessité de le faire résulte ou non de
l'erreur, de l'acte, de l'omission ou de la négligence de la
partie qui demande l'amendement.
(3) Tout amendement doit être fait aux conditions que
la Cour estime justes quant au paiement des dépens, à la
remise ou à l'ajournement d'une audition ou à autre chose.
pas opposé à cette demande qui fut donc
accueillie.
Dans ces circonstances, il s'agit de décider
dans cet appel, du moins en ce qui concerne
cette partie de la réclamation de l'intimée, si
cette dernière a droit de recouvrer de l'appe-
lante, à titre de dommages-intérêts fondés sur la
responsabilité contractuelle ou délictuelle, le
montant de la perte subie en raison de l'excé-
dent de poids de la cargaison.
Dans la mesure où la réclamation est fondée
sur la rupture du contrat, nous sommes d'avis
qu'elle ne peut être accueillie pour la très simple
raison que la perte subie à cause du poids de la
cargaison ne résulte pas d'une rupture du con-
trat par l'appelante. A notre avis, le contrat
d'affrètement visait le transport de choses cer-
taines et déterminées qui avaient fait l'objet
d'un accord préalable. L'appelante livra les
objets qui devaient être transportés au quai où
le navire de l'intimée était amarré; ce faisant,
elle s'est acquittée de l'une de ses obligations
découlant du contrat et le fait que les deux
parties aient pu se tromper sur le poids de ces
marchandises ne constitue pas une rupture du
contrat par l'appelante.
Mais la réclamation de l'intimée peut-elle être
accueillie dans la mesure où elle est maintenant
fondée sur la responsabilité délictuelle de la
compagnie appelante qui, par sa faute (consis-
tant à fournir des renseignements inexacts sur le
poids de la cargaison) aurait incité l'intimée à
accepter de transporter la cargaison à un prix
trop bas?—Nous ne le pensons pas. Il ressort à
notre avis de la preuve qu'avant la formation du
contrat, l'intimée savait parfaitement que les
poids qu'on lui avait mentionnés n'étaient que
des poids approximatifs. Dans ces circon-
stances, nous sommes d'avis que si l'intimée a
néanmoins accepté d'effectuer le transport de la
cargaison pour un prix qu'elle considère mainte-
nant insuffisant (sans que l'appelante se soit
jamais engagée à payer des frais supplémentai-
res), cela est dû, non pas à la faute de l'appe-
lante mais plutôt, à la détermination de l'intimée
à conclure ce contrat en dépit du fait que les
renseignements donnés quant au poids de la
cargaison puissent s'avérer inexacts.
Nous sommes donc d'avis que l'intimée n'a
pas droit aux dommages-intérêts réclamés en
raison de l'excédent de poids de la cargaison.
En sus des dommages résultant du poids de la
cargaison, le savant juge de première instance a
accordé à l'intimée les sommes de $110.61 et de
$1,000. Sa décision ne doit pas être modifiée à
cet égard. La somme de $110.61 représente le
montant d'un droit que l'intimée avait dû verser
au Conseil des ports nationaux aux termes d'un
règlement pris en vertu de la Loi sur le Conseil
des ports nationaux. Selon ce règlement, ce
droit, imposé sur la cargaison, est payable par le
transporteur qui peut en réclamer le rembourse-
ment de l'affréteur. Quant à la somme de
$1,000, elle fut versée par l'intimée afin d'assu-
rer le fret. En vertu du contrat, l'appelante
devait fournir à l'intimée une lettre de crédit
émise par une banque en garantie du paiement
du fret. L'appelante a omis de le faire. En
conséquence l'intimée a jugé nécessaire d'assu-
rer le fret et à cette fin a payé une prime de
$1,000.00. A notre avis, cette dépense était
raisonnable dans les circonstances et on peut
considérer qu'elle résulte de l'omission de l'ap-
pelante d'exécuter l'une des obligations que lui
imposait le contrat.
Pour ces motifs, nous sommes d'avis que le
jugement de la Division de première instance
accueillant la réclamation de l'intimée devrait
être modifié en réduisant le montant de
$25,833.49 à $1,110.60.
Nous allons examiner maintenant la partie du
jugement de première instance qui, statuant sur
la demande reconventionnelle relative aux pré-
tendus dommages subis par la cargaison, a
accordé à l'appelante la somme de $676.90. De
ce jugement, les deux parties font appel.
L'intimée prétend que la demande reconven-
tionnelle de l'appelante aurait dû être rejetée
dans la mesure où elle se rapporte à des domma-
ges subis par des marchandises qui n'étaient pas
couvertes par le contrat de transport.
Il est établi qu'une partie au moins des dom-
mages-intérêts accordés à l'appelante représente
une indemnisation pour les dommages subis par
du matériel de plomberie qui, à l'insu des deux
parties, avait été placé dans le vide sanitaire de
l'unité mobile qui était tombée à l'eau au
moment du chargement à Québec. Le contrat ne
mentionnait aucunement cette boîte de matériel
de plomberie et c'est pour cette raison que
l'intimée prétend qu'elle n'avait aucune obliga
tion à cet égard. Nous ne pouvons souscrire à
cette prétention. Le contrat portait sur le trans
port d'unités mobiles particulières qui, à la con-
naissance de l'intimée, devaient être assemblées
pour former deux hôpitaux. Même si le contrat
ne mentionnait pas la présence du matériel de
plomberie dans l'une de ces unités, on pouvait
raisonnablement prévoir, dans les circonstances,
que ces unités contiendraient les accessoires
nécessaires à l'assemblage et au montage des
hôpitaux. Pour cette raison, nous sommes d'avis
que le contre-appel de l'intimée portant sur cette
partie du jugement doit être rejeté.
L'appelante prétend; quant à elle, que sa
demande reconventionnelle pour un montant de
$2,707.61 aurait dû être accueillie en totalité.
Le savant juge de première instance accorda
seulement un quart de la demande reconven-
tionnelle de l'appelante parce qu'à son avis:
a) elle était liée aux dommages causés par la
chute d'une des unités par dessus bord au
moment du chargement, et
b) la chute de l'unité résultait, dans la propor
tion d'un quart, de la négligence du grutier et,
dans la proportion de trois quarts, de la négli-
gence de l'appelante qui avait donné des ren-
seignements inexacts sur le poids de la
cargaison.
Nous ne pouvons souscrire à la conclusion du
savant juge de première instance selon laquelle
l'accident survenu au moment du chargement
était imputable à la faute de l'appelante. Au
moment dudit chargement, l'intimée savait que
les renseignements qu'on lui avait donnés sur le
poids des unités pouvaient ne pas être exacts.
Dans les circonstances, l'intimée avait le devoir
de s'assurer du poids des unités avant de les
charger ou d'utiliser une grue assez puissante
pour soulever des charges beaucoup plus lour-
des que les poids mentionnés par l'appelante. A
notre avis, la chute de l'unité au moment du
chargement est uniquement imputable au fait
que l'intimée a négligé de s'acquitter de ce
devoir.
Nous sommes donc d'avis que le savant juge
de première instance aurait dû accorder la
somme de $2,707.61 à l'appelante pour sa
demande reconventionnelle.
Pour toutes ces raisons, l'appel interjeté par
l'appelante à l'encontre du jugement dans l'ac-
tion principale devrait être accueilli et le mon-
tant de $25,833.49 accordé à l'intimée par ce
jugement, devrait être réduit à $1,110.61, avec
les intérêts; l'appel interjeté par l'appelante à
l'encontre du jugement relatif à sa demande
reconventionnelle devrait être accueilli et le
montant de $676.90 accordé à l'appelante
devrait être augmenté à $2,707.61, avec les
intérêts; le contre-appel interjeté par l'intimée
devrait être rejeté.
L'appelante aura droit à ses dépens pour sa
défense dans l'action principale en Division de
première instance et à ses dépens en appel du
jugement relativement à l'action principale; ni
l'appelante ni l'intimée n'auront droit à des
dépens, en première instance ou en appel, en ce
qui concerne la demande reconventionnelle,
l'appel et le contre-appel interjetés du jugement
relatif à cette demande reconventionnelle.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE —Je suis d'accord.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.