Uarco Incorporated (Appelante)
c.
Phil Borden Limited (Intimée)
Division de première instance, le juge Kerr—
Ottawa, le l er mai et le 11 juin 1973.
Marques de commerce—Demande d'enregistrement d'une
marque de commerce américaine au Canada—Demande
antérieure d'un concurrent—S'agit-il d'une marque de com
merce utilisée antérieurement au Canada—Vente d'articles
américains au Canada—Y a-t-il eu «emploi»—Loi sur les
marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 2, 4, 16.
L'appelante, une compagnie du Delaware, qui déploie son
activité aux États-Unis depuis 1894, utilise la marque de
commerce UARCO en association avec des articles qu'elle
fabrique, savoir de la papeterie et des machines de bureau.
Le 5 novembre 1968, elle a demandé l'enregistrement de la
marque de commerce au Canada. L'intimée s'est opposée à
la demande car elle avait déposée une demande d'enregistre-
ment de la même marque de commerce le 18 juillet 1968. Le
registraire des marques de commerce a rejeté la demande de
l'appelante au motif que cette dernière n'avait pas employé
ladite marque de façon continue au Canada avant la date de
sa demande, au sens de l'article 4 de la Loi sur les marques
de commerce et qu'en conséquence, la marque prêtait à
confusion avec celle demandée par l'intimée. En appel
devant cette Cour, l'appelante a établi qu'elle avait vendu en
1963 une machine portant la marque UARCO à une compa-
gnie canadienne et qu'en 1967 et 1968, elle avait expédié à
des clients canadiens des articles provenant de es usines
américaines dans des boîtes ou des cartons portant la
marque UARCO.
Arrêt: l'appelante «employait» la marque au Canada avant
le 18 juillet 1968 au sens des articles 2,4 et 16 de la Loi sur
les marques de commerce et elle avait donc droit à l'enregis-
trement de la marque.
APPEL d'une décision du registraire des mar-
ques de commerce.
AVOCATS:
W. R. Meredith, c.r., et John C. Singlehurst
pour l'appelante.
M. J. O'Grady pour l'intimée.
PROCUREURS:
Meredith et Finlayson, Ottawa, pour
l'appelante.
Soloway, Wright, Houston, Killeen et
Greenberg, Ottawa, pour l'intimée.
LE JUGE KERR—Il s'agit d'un appel d'une
décision du registraire des marques de com
merce en date du 6 décembre 1971, faisant droit
à l'opposition de l'intimée et rejetant la
demande d'enregistrement de la marque de com
merce «UARCO» de l'appelante conformément à
l'article 37(8) de la Loi sur les marques de
commerce.
La demande de l'appelante visant à obtenir
l'enregistrement de la marque de commerce a
été déposée le 5 novembre 1968 et modifiée le
11 décembre 1968. L'intimée avait déposé
auparavant, le 18 juillet 1968, une demande
d'enregistrement de cette même marque de
commerce. Le registraire a considéré que les
dates à retenir étaient celles du 18 juillet et du 5
novembre 1968, qu'il n'était pas établi que l'ap-
pelante avait exploité la marque de commerce
au Canada avant le 18 juillet 1968 et que l'appe-
lante n'était pas fondée, en vertu de l'article 16
de la loi, à obtenir l'enregistrement de la marque
de commerce car cette marque crée de la confu
sion avec la marque de commerce de l'intimée
qui avait déjà fait l'objet d'une demande d'enre-
gistrement au Canada le 18 juillet 1968.
Le litige dans cette affaire porte sur le point
de savoir si l'appelante a, antérieurement au 18
juillet 1968, distribué au Canada ses marchandi-
ses sous cette marque de commerce. Le problè-
me de la confusion, au sens de l'article 6 de la
loi, ne se pose pas car la marque de commerce
est la même dans les deux demandes d'enregis-
trement et les articles attachés à cette marque
sont pratiquement les mêmes et se composent
de papeterie de bureau telles que formules de
commande carbonées ainsi que du matériel et
des machines destinés à la manutention des
feuilles de papier, l'une de ces machines étant
une «coupeuse» (qui découpe le papier en feuil-
les à partir de bobines), une autre étant un
«éplucheur de stencils» (qui enlève la feuille de
carbone d'entre les deux pages du stencil) et une
troisième, une machine destinée à la manuten-
tion des cartes de crédit.
L'appelante, une compagnie du Delaware, a
succédé en titre à une compagnie de l'Illinois du
même nom. Son histoire remonte à 1894. C'est
à cette époque qu'elle a été constituée sous le
nom de United Autographic Register Company,
nom qu'elle a changé en 1945 en Uarco Incor
porated afin de faire figurer sa marque de com
merce dans sa dénomination sociale. Elle
déploie son activité aux États-Unis depuis 78
ans et possède plusieurs usines de fabrication au
Michigan, en Illinois, au Connecticut, au Texas,
en Californie et en Oregon ainsi que des filiales
et des entreprises associées dans d'autres pays.
Ainsi que l'indique l'affidavit de son vice-prési-
dent, Burton L. Hinman, elle a obtenu aux
États-Unis l'enregistrement de sa marque de
commerce UARCO en 1913, 1923, 1943, 1949,
1950 et le 10 novembre 1964. Dans sa
demande, elle a fait état du dépôt de sa marque
de commerce aux États-Unis le 10 novembre
1964 ainsi que de l'emploi de cette marque au
Canada remontant au mois de novembre 1958 et
de son intention de l'utiliser au Canada.
L'intimée est une compagnie canadienne,
constituée le 12 décembre 1962 et ayant son
siège social à Montréal. Les principaux adminis-
trateurs en sont Phil Borden et Louis Bloom.
Dans sa demande d'enregistrement de la marque
de commerce (pièce R-11), elle a affirmé son
intention de l'utiliser au Canada.
L'appelante a demandé l'enregistrement de la
marque de commerce pour les articles suivants:
[TRADUCTION] 1) papier de bureau à formule continue, fai-
sant état de l'utilisation de la marque au Canada depuis
novembre 1958;
2) papier de bureau en rames, faisant état de l'emploi de la
marque au Canada depuis janvier 1960;
3) matériel de manutention des feuilles de papier, plus pré-
cisément des coupeuses, faisant état de l'emploi de la
marque au Canada depuis mai 1963;
4) caisses enregistreuses avec ou sans tiroir-caisse, faisant
état de l'emploi de la marque au Canada depuis mai 1967;
5) enveloppes à formule continue, faisant état de l'emploi
de la marque au Canada depuis avril 1968;
6) matériel de manutention de papier de bureau, et plus
précisément éplucheurs de stencils, supports de feuilles,
imprimeuses, porteurs de feuilles, massicots, plateaux d'ali-
mentation à butées avec ou sans sélecteur d'interligne et
distributeurs d'étiquettes; régleuses pour mise en format;
reliures à feuillets mobiles; attaches pour papier et papier
carbone, faisant état de leur emploi projeté au Canada;
7) caisses enregistreuses, avec ou sans tiroir-caisse; maté
riel de manutention de papier de bureau y compris coupeu-
ses, éplucheurs de stencils, supports de feuilles, imprimeu-
ses, porteurs de feuilles, massicots, supports de carbones à
usage multiple destinés aux stencils sans carbone pour
machines à écrire, plateaux d'alimentation à butées avec ou
sans sélecteur d'interligne et distributeurs d'étiquettes; ali-
menteurs de feuilles pour machine avec tabulateur et régleu-
ses de mise en forme des feuilles; classeurs de bureau;
papier de bureau en rouleau et en rame; reliures à feuillets
multiples; classeurs; bandes enregistreuses; enveloppes à
formule continue; crayons et papier carbone, faisant état de
l'emploi de la marque aux États-Unis et de son enregistre-
ment à l'égard desdits articles aux États-Unis, le 10 novem-
bre 1964 sous le n° 779831.
L'opposante (l'intimée dans cet appel) a
déposé une déclaration d'opposition au motif
que la demande de dépôt n'est pas conforme à
l'article 29 de la Loi sur les marques de com
merce du fait du caractère erroné des dates
données comme étant celle de première utilisa
tion au Canada et qu'en outre, la requérante
(l'appelante) n'est pas la personne autorisée à
enregistrer la marque de commerce étant donné
qu'à la date du dépôt de la demande (soit le 5
novembre 1968), la requérante n'avait pas uti-
lisé la marque au Canada et donc qu'à cette
date, la marque de commerce prêtait à confu
sion avec la marque de commerce UARCO utili
sée antérieurement au Canada par l'opposante
et pour laquelle une demande d'enregistrement
avait été déposée par l'opposante le 18 juillet
1968 sous le n° 314811. L'opposante considère
que, vu l'absence d'emploi antérieur par la
requérante, la demande devait être considérée
comme visant à faire enregistrer une marque
projetée, et que, si l'on tient compte de la
demande antérieure et de l'usage antérieur qu'en
a fait l'opposante, la requérante n'a pas droit à
l'enregistrement de la marque de commerce en
vertu des dispositions de l'article 16 de la Loi
sur les marques de commerce.
Les deux parties ont précisé leur position par
affidavit et par des plaidoiries écrites devant le
registraire des marques de commerce. Elles ont
été entendues à l'audience.
L'affidavit d'Adolph Pocius, daté du 10
février 1970, constitue le témoignage de l'appe-
lante devant le registraire. Dans sa décision, le
registraire a déclaré à ce sujet:
[TRADUCTION] . . . Les preuves présentées au nom de la
requérante portent que certains produits ont été expédiés en
1963, en 1967 et en 1968 à des clients au Canada. Les
pièces annexées à l'affidavit sont les suivantes:
A) Plan d'une «coupeuse» portant la date du 23 août 1963
sur lequel apparaît le terme UARCO; ceci ne constitue pas
la preuve de l'emploi de la marque de commerce UARCO au
sens de l'article 4 de la Loi sur les marques de commerce.
B) Imprimé publicitaire montrant une caisse enregistreuse
et des feuilles portant le terme UARCO et qui auraient été
expédiées le 15 mai 1967. Même conclusion que pour le
document «A».
C) et E) Ces pièces ont été retirées du dossier.
D), E), G) et H), feuilles de caisses enregistreuses, feuilles
de contrôle perforées et enveloppes à formule continue
expédiées les 29 mai 1967, 26 avril 1968, 30 avril 1968 et
22 avril 1968.
Le déposant déclare simplement que les produits susmen-
tionnés ont été expédiés aux clients aux dates indiquées (qui
sont antérieures à la date de dépôt de l'opposante). La
preuve de l'emploi d'une marque de commerce est une
simple question de fait qui peut être aisément établie par des
allégations précises appuyées par des doubles de factures,
de commandes, de connaissements et autres documents. La
force probante du témoignage de la requérante est si faible
qu'elle m'interdit de conclure que la requérante a utilisé,
sans interruption au Canada à compter des dates indiquées à
l'affidavit, la marque UARCO en tant que marque de com
merce au sens de l'article 4 de la Loi sur les marques de
commerce.
Quant au témoignage de l'intimée, voici ce
qu'en conclut le registraire dans sa décision:
[TRADUCTION] L'affidavit de Phil Borden déposé en
preuve au nom de l'opposante porte que celle-ci a fait
enregistrer le 10 juin 1968 à Montréal le nom commercial de
l'entreprise «UARCO BUSINESS SYSTEMS» sous le régime de la
Loi des déclarations des compagnies et sociétés du Québec;
que ce nom commercial apparaît conformément aux instruc
tions de la société dans l'annuaire téléphonique de Montréal
en 1968; que, grâce à l'opposante, le terme «UARCO» a
acquis une grande notoriété dans la ville de Montréal ainsi
qu'au Canada au moins depuis le 10 février 1968, qu'à cette
date l'opposante s'est mise à faire de la publicité et des
affaires sous ce nom; que l'opposante s'occupe et n'a jamais
cessé de ce faire de l'achat, de la vente et du commerce en
général de papier et de matériel de bureau sur une assez
grande échelle depuis au moins 1968; que l'opposante se
fournit auprès de 39 entreprises dont les noms apparaissent
sur une liste annexée à l'affidavit; que l'opposante est le
fournisseur sous le nom de «UARCO BUSINESS SYSTEMS» de
plus de 100 entreprises canadiennes et qu'elle s'est consti-
tuée une clientèle, un achalandage et une réputation sous le
nom de UARCO; que les principaux dirigeants de l'opposante
ont mené une enquête très complète relative à l'emploi fait
au Canada, par la requérante, de la marque de commerce
UARCO; que, malgré leur très grande connaissance du milieu
industriel concerné, ils n'ont pu trouver ni entreprise ni
particulier travaillant dans cette branche au Canada sachant
que la requérante utilisait la marque de commerce UARCO au
Canada ou que les Canadiens travaillant dans cette branche
associaient cette marque de commerce et les articles ou les
services de la requérante. La seule pièce annexée à cet
affidavit est la liste de 39 fournisseurs de la UARCO BUSINESS
SYSTEMS de Montréal.
A mon avis, l'enregistrement du nom commercial UARCO
BUSINESS SYSTEMS sous le régime de la Loi des déclarations
des compagnies et sociétés du Québec ainsi que la présence
du nom commercial dans l'annuaire téléphonique de Mon-
tréal ne prouvent pas que l'opposante a utilisé le terme
UARCO comme marque de commerce au sens de la Loi sur
les marques de commerce. D'autre part, les affirmations de
l'opposante selon lesquelles, après avoir effectué des recher-
ches serrées, cette dernière n'a pu trouver ni entreprise ni
particulier sachant que la requérante utilisait la marque
UARCO au Canada, ne sont que des preuves par ouï-dire et je
n'y attacherai aucune force probante. En conséquence, l'op-
posante n'a pas réussi à démontrer qu'elle était fondée à se
prévaloir de l'antériorité de l'usage de la marque UARCO.
En appel devant cette Cour, l'intimée fonde
principalement son argumentation sur la priorité
de sa demande et non sur l'antériorité de l'em-
ploi de la marque de commerce.
Au cours de l'appel, l'appelante a déposé
d'autres éléments de preuve par affidavit au
sujet de l'emploi qu'elle fait de la marque de
commerce au Canada. Ils émanent des person-
nes suivantes:
William E. Lorenzen —Pièce A-1
Noel Wakelin —Pièce A-2
Douglas Gordon —Pièce A-3
James J. Vollinger —Pièce A-4
Burton L. Hinman —Pièce A-5
Russell C. Schulke —Pièce A-6
William R. Fesselmeyer —Pièce A-7
Le juge en chef adjoint a permis à l'intimée
de procéder à l'interrogatoire de Hinman sur
son affidavit; cet interrogatoire (pièce R-10)
s'est déroulé à Chicago. Le dossier de demande
de l'appelante au bureau des marques de com
merce a lui aussi été admis en preuve.
Dans son affidavit Adolph Pocius déclare être
au service de l'appelante depuis environ 20 ans
et travailler comme directeur de son usine de
construction mécanique de Chicago. Il connaît à
fond les registres de l'usine et il en a récemment
examiné un certain nombre dans différentes
usines afin de retracer les expéditions de pro-
duits au Canada. Voici les expéditions qu'il a
retracées et dont les plans ou les échantillons
figurent en annexe à l'affidavit:
Date de
l'expédition Client Produit
Pièce «A» le 16 mai 1963 Ford Motor Matériel de
Company, papeterie
Oakville (Ontario).
Pièce «B» le 15 mai 1967 Tom House, Caisses
Wallserville enregistreuses
(Ontario).
le 9 juin 1967 Tom House, Caisses
Wallserville enregistreuses
(Ontario).
Pièce «D» le 29 mai 1967 Tom House, Caisses
Wallservil le enregistreuses
(Ontario).
Pièce «F» le 26 avril 1968 Massey-Ferguson, Formules de
Toronto (Ontario). contrôle perforées
Pièce «G» le 30 avril 1968 Massey-Ferguson, Formules de
Toronto (Ontario). contrôle perforées
Pièce «H» le 22 avril 1968 Canadair Ltd, Enveloppes à
p Montréal (P.O.). formule continue
La Pièce «A» se compose du plan d'une cou-
peuse, modèle 1740. La Pièce «B» indique que
le terme UARCO figure sur les machines. Les
Pièces «D», «F», «G» et «H» indiquent que le
terme UARCO figure sur les formules.
Dans son affidavit, William E. Lorenzen
déclare être le coordinateur des contrats de l'ap-
pelante au niveau national et travailler depuis
1945 sans interruption au service de la compa-
gnie. Il a conservé un dossier relatif à la vente
de la coupeuse, n° de série 20142, livrée en
1963 à la Ford Motor Company, Canada, Ltd, à
Oakville et mentionnée à l'affidavit de Pocius
car, au cours des années qui ont suivi, ce sont
les bureaux de l'appelante à Détroit qui se sont
chargés du service après vente. Des doubles de
la facture, de l'avis d'expédition, des instruc
tions pour l'installation de la machine, d'une
commande de pièces de rechange et d'autres
documents relatifs à la machine sont annexés à
l'affidavit. La machine a ensuite été déménagée
d'Oakville à l'usine Ford de Windsor (Ontario),
où il l'a vue fonctionner. Depuis 1963, la men
tion UARCO figure sur un des côtés en lettres
métalliques et Lorenzen estime que cette
marque est utilisée au Canada depuis mai 1963
sans interruption.
Dans son affidavit, Burton L. Hinman déclare
être vice-président de l'appelante (fabrication et
opérations internationales) et travailler à son
service depuis 25 ans. Je reproduis ici dans leur
intégralité certains paragraphes de son affidavit:
[TRADUCTION] 5. En 1967 et 1968, tout comme actuelle-
ment, les articles de papeterie de bureau étaient expédiés
aux clients dans des cartons ou des emballages en carton
ondulé sur lesquels était imprimée la marque de commerce
«UARCO» en caractères gras. Sur chacun de ces cartons est
apposé (ce qui est la règle depuis 1967 et 1968) une éti-
quette encollée portant en grosses lettres la marque de
commerce «UARCO». Les différents éléments du matériel de
manutention des feuilles portent tous bien en vue la marque
de commerce «UARCO» sous forme de plaque ou en lettres
métalliques. Les divers éléments de ce matériel de manuten-
tion des feuilles ont été expédiés dans des cartons portant la
marque de commerce «UARCO» soit imprimée soit inscrite
sur des étiquettes apposées sur le carton.
6. Au cours des années 1967 et 1968, antérieurement à
ces dates et postérieurement à ces dates, la compagnie a
vendu de la papeterie de bureau et du matériel de manuten-
tion des feuilles à des ressortissants canadiens. Ces ventes
se sont effectuées directement des États-Unis, les articles
étant expédiés des États-Unis aux clients canadiens à leur
adresse respective au Canada. Dans les livres de la compa-
gnie les ventes aux clients canadiens n'ont pas été comptabi-
lisées séparément de celles faites dans les autres pays, y
compris aux États-Unis, de sorte qu'il paraît impossible de
retrouver dans les livres la trace de toutes les ventes aux
clients canadiens.
7. Voici un calcul partiel des ventes de papeterie de
bureau aux clients canadiens mentionnés:
(Ce tableau comprend quelque 27 commandes
de papeterie vendues à différents clients au
Canada: Canadair, Massey-Ferguson, Ford
Motor Company et Avco-Delta Corporation et
pour des montants allant de $50.80 à
$1,786.47).
8. La Uarco Incorporated a employé sa marque de com
merce «UARCO» sur les articles, les emballages, les factures,
les documents d'expédition et sur l'ensemble des documents
utilisés normalement lors d'opérations commerciales avec
des clients canadiens en 1967, en 1968 et postérieurement.
11. La Uarco Incorporated a obtenu l'enregistrement de
sa marque de commerce «UARCO» aux États-Unis comme
l'attestent les copies annexées à mon affidavit:
Enregistrement N° 93,137, enregistré le 19 août 1913
174,663, le 23 octobre 1923
402,927, le 24 août 1943
518,311, " le 6 décembre 1949
533, 148, le 7 novembre 1950
779,831, " le 10 novembre 1964.
Lors de son contre-interrogatoire, Hinman a
indiqué entre autre que sa connaissance précise
quant à l'étendue de l'emploi de la marque de
commerce de la compagnie au Canada s'arrêtait
aux opérations inscrites dans les livres de l'en-
treprise. Certaines des factures annexées indi-
quaient que les marchandises devaient être
expédiées aux États-Unis et non directement au
Canada. Depuis le 15 avril 1970, l'appelante
possède la Drummond Business Forms à Drum-
mondville (Québec) et cette compagnie vend ses
articles sous son nom, sauf en ce qui concerne
le matériel fabriqué pour son compte par l'appe-
lante qu'elle stocke et vend sous le nom de
UARCO. L'appelante, depuis qu'elle a acquis
cette filiale, effectue bon nombre de ses opéra-
tions au Canada par l'intermédiaire de cette
dernière mais il reste un fort pourcentage de ce
matériel et de la papeterie de bureau que la
filiale ne fabrique pas et que l'appelante envoie
directement de ses usines américaines au
Canada. Avant d'acheter la compagnie Drum-
mond, l'appelante avait des vendeurs en contact
avec les clients canadiens mais ne possédait pas
de bureaux de vente au Canada.
Dans son affidavit, Russell C. Schulke déclare
qu'il travaille au service de l'appelante sans
interruption depuis 1946 et qu'en 1967 et en
1968, il était directeur de son service des
ventes, que la papeterie de bureau fabriquée par
la compagnie était emballée dans des cartons
portant distinctement la marque de commerce
UARCO. Des photos de ces cartons figurant sur
diverses annonces, brochures et publications
ont été annexées à l'affidavit et versées au
dossier.
William R. Fesselmeyer déclare dans son affi
davit que depuis 1957 il est directeur de l'usine
de l'appelante à Watseka (Illinois), qu'il est au
service de l'appelante depuis 1936 et qu'au
moins depuis 1957, des cartons contenant de la
papeterie de bureau fabriquée dans cette usine
sont envoyés directement au Canada, à des
clients canadiens qui les paient. Les livres de
l'usine révèlent, au sujet de l'expédition d'enve-
loppes à formule continue à la Canadair, déjà
mentionnée dans l'affidavit de Pocius, l'exis-
tence d'une commande, d'une déclaration d'ex-
portation de neuf cartons, d'un connaissement,
d'une note d'emballage et d'une facture. Ils indi-
quent aussi que la marque de commerce était
apposée sur les cartons contenant la papeterie
de bureau expédiés au Canada et reçus par les
clients canadiens de la compagnie de 1967 à
1972 sans interruption.
Dans son affidavit, Noel Wakelin déclare
qu'en 1963 il travaillait pour le compte de la
Ford Motor Company à Oakville et qu'il a com
mandé à la UARCO une coupeuse modèle 1740,
n° de série 20142, qu'il a reçue à Oakville et qui,
après réception, a été mise en exploitation sur
place avant d'être transférée à Windsor. Il
affirme que le terme UARCO figurait en lettres
métalliques sur le côté de la machine.
Douglas Gordon déclare dans son affidavit
être directeur du centre de données de la Ford à
Windsor et qu'une coupeuse UARCO modèle
1740, n° de série 20142, y est utilisée.
James J. Vollinger, actuellement gérant du
service de crédit de l'appelante, déclare être au
service de cette compagnie de façon continue
depuis 1955. Il atteste l'exactitude de la compta-
bilité d'exploitation de l'entreprise en ce qui
concerne les comptes à recevoir. Or il ressort de
ces comptes que, le 2 juillet 1963, la Ford a
payé à cette compagnie $1300 pour la coupeuse
susmentionnée.
L'intimée soutient que les affidavits déposés
au nom de l'appelante n'établissent pas que
cette marque de commerce était, au sens où
l'entend la Loi sur les marques de commerce,
véritablement «employée» par l'appelante au
Canada antérieurement au dépôt de la demande
d'enregistrement de l'intimée du 18 juillet 1968.
L'avocat a fait valoir à ce sujet que l'appelante
n'avait jamais eu d'organisation commerciale au
Canada et n'avait jamais mené d'opérations
commerciales au Canada sous son nom propre
et au vrai sens du terme. Il a ajouté que si elle a
expédié des marchandises au Canada, ce n'était
qu'en petites quantités, pour de faibles mon-
tants, et à l'occasion d'opérations isolées et spo-
radiques, et qu'il n'existait pas suffisamment de
preuve de la livraison, au Canada, d'articles de
l'appelante ou des emballages portant la marque
de commerce, et que les expéditions ont été
effectuées f. à b. depuis les États-Unis par
transport routier, que le transfert de propriété et
la prise de possession s'effectuant au lieu d'ex-
pédition aux États-Unis, l'appelante n'avait rien
transféré au Canada. Il soutient enfin qu'il
appartient à l'appelante de prouver le caractère
erroné de la décision du registraire et que les
éléments de preuve supplémentaires présentés
lors de l'appel n'ajoutent rien d'essentiel à ceux
dont avait disposé le registraire.
L'avocat de l'appelante a souligné qu'il était
clairement démontré par les affidavits que l'ap-
pelante avait largement fait usage de la marque
de commerce au Canada et que celle-ci formait
partie intégrante de ses opérations et ventes
dans ce pays plusieurs années avant le dépôt de
la demande de l'intimée (ceci depuis au moins
1963). Il a déclaré que l'appelante avait effec-
tué de nombreuses expéditions de ses articles à
des clients canadiens dans le cours normal de
ses affaires. Le transfert de possession de ces
articles avait eu lieu au Canada et ces articles, et
leurs emballages, portaient la marque de com
merce. Il a ajouté qu'il existait un réseau de
commerce international selon lequel les clients
canadiens commandaient des articles de l'appe-
lante qui les expédiait, la livraison et le transfert
de propriété s'effectuant au Canada et le prix
étant payé par les clients canadiens. Il a indiqué
qu'il existait un contraste marqué entre l'entre-
prise et les droits de l'appelante couverts par la
marque de commerce originale UARCO et la der-
nière position peu fondée adoptée par l'intimée.
D'autre part, l'avocat de l'appelante a inclus
dans sa plaidoirie le commentaire de l'arrêt
Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manu
facturing Ltd. publié au 4 C.P.R. (2d) 6, arrêt
rendu par le juge Heald de cette Cour'.
L'article 2 de la Loi sur les marques de com
merce dispose que «l'emploi» à l'égard d'une
marque de commerce signifie tout emploi qui,
aux termes de l'article 4, est réputé un emploi
en liaison avec des marchandises ou services.
Les articles 4(1) et 16(1) et (3) disposent:
4. (1) Une marque de commerce est censée employée en
liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la
propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la
pratique normale du commerce, el➢e est apposée sur les
marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces
marchandises sont distribuées ou si elle est, de quelque
autre manière, liée aux marchandises au point qu'avis de
liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou
possession est transférée.
16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon
l'article 29 en vue de l'enregistrement d'une marque de
commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son
prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au
Canada en liaison avec des marchandises ou services, a
droit, sous réserve de l'article 37, d'en obtenir l'enregistre-
ment à l'égard de ces marchandises ou services, à moins
que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a
en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle ne créât de la
confusion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou
révélée au Canada par une autre personne;
b) une marque de commerce à l'égard de laquelle une
demande d'enregistrement avait été antérieurement pro-
duite au Canada par quelque autre personne; ou
e) un nom commercial qui avait été antérieurement
employé au Canada par une autre personne.
(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'arti-
cle 29 en vue de l'enregistrement d'une marque de com
merce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des
articles 37 et 39, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des
marchandises ou services spécifiés dans la demande, à
moins que, à la date de production de la demande, cette
marque ne créât de la confusion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou
révélée au Canada par une autre personne;
b) une marque de commerce à l'égard de laquelle une
demande d'enregistrement a été antérieurement produite
au Canada par une autre personne; ou
e) un nom commercial antérieurement employé au
Canada par une autre personne.
Selon moi, la preuve établit qu'en mai 1963,
l'appelante a vendu et expédié la coupeuse sus-
mentionnée à la Ford Company à Oakville
(Ontario) et qu'elle a vendu et expédié d'autres
articles entre 1967 et 1972 à partir de ses usines
aux États-Unis pour livraison à ses clients cana-
diens au Canada, que ces clients ont payé les
articles et que les articles ainsi que leurs embal-
lages portaient la marque de commerce UARCO,
marque de l'appelante. Il est établi que la Ford
Company a reçu cette coupeuse à Oakville, où
elle l'a utilisée puis transférée à Windsor, et l'on
peut raisonnablement estimer que les autres
clients canadiens ont reçu leurs articles au
Canada dans le cours normal du commerce
international entre les deux pays. Il existait à
mon avis un réseau direct (voir l'arrêt Manhat-
tan Industries (précité)) de vente et de livraison
des articles, selon les usages commerciaux, par-
tant de l'expédition des articles des usines de
l'appelante aux États-Unis pour se terminer à la
réception réelle de ces articles par les clients
canadiens au Canada. Or l'appelante a effectué
nombre d'opérations commerciales portant sur
ces articles au Canada avant et après le 18
juillet 1968, y compris pendant l'année 1972.
Vu cette évaluation des éléments de preuve, on
peut dire qu'antérieurement au 18 juillet 1968,
l'appelante a «employé» la marque de com
merce au Canada au sens où l'entendent les
articles 2, 4 et 16 de la Loi sur les marques de
commerce. En conséquence il est fait droit à
l'appelante sur le point fondamental de l'antério-
rité de l'emploi de la marque de commerce au
Canada. Cette dernière est donc autorisée à
faire enregistrer cette marque de commerce
puisque la question de la confusion n'est pas
soulevée et qu'en appel, l'intimée n'a apporté
que très peu d'éléments, si tant est qu'elle en ait
apporté, visant à démontrer le caractère erroné
de la décision du registraire selon laquelle elle
n'avait pas réussi à établir l'antériorité de l'em-
ploi de la marque de commerce. De plus, j'ap-
prouve la conclusion du registraire selon
laquelle l'intimée n'avait pas réussi à établir
l'emploi antérieur de la marque de commerce.
Le deuxième moyen d'appel avancé par l'ap-
pelante porte que l'intimée a déposé au bureau
du protonotaire du district de Montréal, le 10
juin 1968, une déclaration sous le régime de la
Loi des déclarations des compagnies et sociétés
du Québec du 3 juin 1968. Par cette déclaration,
elle annonçait son intention d'entreprendre
l'achat, la vente et la commercialisation de
matériel et de papeterie de bureau sous le nom
commercial et la raison UARCO BUSINESS SYS
TEMS. Par la suite, le 11 juillet 1968, elle a
déposé au bureau du protonotaire la déclaration
suivante:
[TRADUCTION]
DISSOLUTION
LA PHIL BORDEN LTD, déclare par les présentes qu'elle a
cessé son activité sous le nom commercial et la raison
UARCO BUSINESS SYSTEMS. Montréal, le 11 juillet 1968.
Ce même jour, le 11 juillet 1968, Phil Borden et
Louis Bloom ont, selon l'appelante, produit une
déclaration au même bureau déclarant leur
intention d'exploiter une entreprise, à partir du
11 juillet 1968, à titre de fabricants, distribu-
teurs et vendeurs de papeterie de bureau de
toute sorte et de toute provenance, ainsi que
d'imprimeurs, sous le nom commercial et la
raison UARCO BUSINESS SYSTEMS. Toutes ces
formalités étaient antérieures à l'annonce de la
demande d'enregistrement de la marque de com
merce de l'appelante qui soutient, sur la base
desdites déclarations déposées le 11 juillet
1968, et dont le registraire n'a pas eu connais-
sance, que l'intimée ne peut se libérer du far-
deau de la preuve prévu par l'article 17(1) 2 de la
Loi sur les marques de commerce, qu'elle «.. .
n'avait pas abandonné cette marque de com
merce ou ce nom commercial créant de la con
fusion, à la date de l'annonce de la demande du
requérant», et que la demande de l'intimée ne
vise pas une «marque de commerce projetée»
au sens où l'entend la définition' de l'article 2 de
la loi vu la déclaration selon laquelle l'intimée
avait cessé son activité sous le nom UARCO
BUSINESS SYSTEMS le 11 juillet 1968 et vu que
le même jour Phil Borden et Louis Bloom ont
déposé une déclaration selon laquelle ils dési-
raient exploiter une entreprise sous ce nom
commercial.
En réponse à cette argumentation, l'intimée a
produit un affidavit de Louis Bloom (pièce
R-12) déposé sous serment le 28 février 1973
dans lequel il est notamment déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] 3. L'annulation dudit enregistrement a eu
lieu le 11 juillet 1968, ou vers cette date, date à laquelle a
été effectué un autre enregistrement de la déclaration de
mise en activité d'une entreprise à ladite adresse sous le
nom commercial et la raison Uarco Business Systems en
mon nom et en celui de Phil Borden qui est aussi dirigeant et
administrateur de la Phil Borden Ltd. La Phil Borden Ltd.
est une compagnie constituée en vertu de la Partie 1 de la
Loi sur les corporations canadiennes et elle est contrôlée par
Phil Borden et par moi-même.
4. Phil Borden et moi-même avons toujours voulu que
tous les droits attachés au Canada à la marque de commerce
«UARCO», qui est la marque de commerce en cause dans le
présent appel, restent la propriété de la Phil Borden Ltd.
mais que le nom commercial englobant le terme «UARCO»
puisse être employé activement au Canada par une société
de personnes composée dudit Phil Borden et de moi-même
et que ladite société utilise la marque de commerce «UARCO»
au Canada conformément à un accord d'usager inscrit
devant être conclu entre cette société de personnes et la Phil
Borden Ltd. Une telle décision n'a été prise que pour des
raisons commerciales et non parce qu'on a envisagé la
possibilité de transférer les droits de propriété attachés à la
marque de commerce «UARCO» en tant que tels à une autre
compagnie, société de personnes ou particulier autre que
l'intimée Phil Borden Ltd.
5. En juillet 1968, Phil Borden et moi-même avions l'in-
tention, et nous l'avons toujours, de conclure un accord
d'usager inscrit avec la Phil Borden Ltd., conformément aux
dispositions de la Loi sur les marques de commerce à cet
égard, puis d'employer ladite marque de commerce au
Canada pour le compte de ladite Phil Borden Ltd. si la
demande d'enregistrement de cette marque de commerce
était effectivement accordée à la Phil Borden Ltd. par le
registraire des marques de commerce.'
L'intimée a affirmé qu'il s'agissait de l'enre-
gistrement d'un nom commercial et non d'une
marque de commerce et que, si l'intimée réus-
sissait à obtenir l'enregistrement de la marque
de commerce, il lui serait alors possible de l'uti-
liser ou de conclure des accords sur l'emploi
permis.
L'article 49 de la loi établit un système relatif
à l'emploi permis d'une marque de commerce
par des usagers inscrits et le paragraphe (5)
prévoit la production d'une demande en vue de
l'inscription d'une personne comme usager ins-
crit de la marque de commerce concurremment
à la production d'une demande d'enregistrement
d'une marque de commerce ou à toute époque
postérieure. Le paragraphe (7) confère au regis-
traire un pouvoir discrétionnaire concernant la
recevabilité d'une demande d'emploi permis.
La demande d'enregistrement de la marque de
commerce de l'intimée n'était pas accompagnée
d'une demande d'enregistrement de la société de
personnes ou de quiconque à titre d'usager ins-
crit et elle contient une déclaration portant que
la requérante a l'intention d'utiliser ladite
marque de commerce au Canada, apparemment
conformément à l'article 29e).
Les affidavits de Bloom et de Borden (pièces
R-12 et R-13), principaux dirigeants et adminis-
trateurs de l'intimée, permettent l'interprétation
suivante: en juillet 1968, ils avaient l'intention
d'employer la marque de commerce au Canada
par l'intermédiaire de la société de personnes
qu'ils avaient formée et non par l'intermédiaire
de l'intimée si ce n'est que cette dernière devait
permettre à la société de personnes de l'em-
ployer. Si c'était là l'emploi qu'avait l'intention
d'en faire l'intimée, je pense qu'il fallait le
porter à la connaissance du registraire. Dans
Fox's The Canadian Law of Trade Marks, Sème
éd., on peut lire à la page 274:
[TRADUCTION] ... Selon la procédure britannique, le fait de
s'adonner au trafic des marques de commerce dans le sens
de les enregistrer sans avoir l'intention de les employer mais
simplement dans le but de les transférer ou de ne permettre
leur emploi que pour tirer un bénéfice de cette permission,
est désapprouvé parce que contraire à l'intérêt public. Il est
probable que le registraire considère ces méthodes comme
étant contraires à l'intérêt public au sens de l'art. 49(7).
A mon avis, il est douteux que l'intimée
puisse avoir droit à l'enregistrement de sa
marque de commerce en se fondant sur une
intention d'emploi aussi restreinte, mais je ne
connais ni décision ni usage canadiens faisant
autorité sur ce point et, compte tenu du fait que
je tranche l'appel au fond sur le seul point de
l'emploi antérieur de la marque de commerce au
Canada, il ne me semble pas nécessaire de
rendre un jugement définitif sur le moyen
secondaire invoqué, soit l'emploi projeté.
En conséquence, l'appel est accueilli avec
dépens. La décision du savant registraire des
marques de commerce est infirmée et l'affaire
lui est renvoyée pour qu'il prenne toutes mesu-
res conformes aux présents motifs.
Voici un extrait du commentaire de l'arrêt:
[TRADUCTION] Ce jugement vient sanctionner les réalités
du commerce international ainsi que le véritable sens d'une
marque de commerce. Les articles vendus f. à b. aux États-
Unis et destinés au marché canadien avaient comme indica
tion d'origine le vendeur ou fabricant américains. Au lieu de
la vente, ces articles mentionnent les États-Unis en tant que
fournisseur. Il serait contraire aux principes du commerce
international de refuser au propriétaire de la marque dont les
articles traversent la frontière pour être vendus dans ce
pays, le bénéfice de l'emploi de cette marque de commerce
dans ce pays. De nombreuses marques de renommée inter-
nationale sont commercialisées au Canada par l'intermé-
diaire de distributeurs. Ces marques sont celles du fournis-
seur d'origine et non celles du distributeur. Voir Jaczynski et
autres c. Lemieux (1951), 15 C.P.R. 57, 12 Fox Pat. C. 109;
Wilkinson Sword (Canada) Ltd. c. Juda (1966), 51 C.P.R.
55, [1968] 2 R.C.É. 137, 34 Fox Pat. C. 77.
Si la position technique adoptée par l'intimée avait été
retenue, nombre de grandes marques de commerce réputées
seraient mises en difficulté. D'un point de vue purement
technique, l'art. 4 de la loi exige qu'au moment du transfert
de propriété des articles, il existe une liaison entre la marque
et ces articles. Il n'exige aucunement que celui qui opère le
transfert soit le propriétaire de la marque au moment de ce
transfert au Canada. La première partie de l'art. 16(3) porte
que la marque doit être utilisée au Canada. On nous suggère
que cet article n'exige pas que le propriétaire de la marque
soit celui qui opère le transfert au Canada. On peut parler
d'emploi de la marque si les articles proviennent bien du
propriétaire de la marque et s'il y a transfert de propriété au
Canada selon les règles commerciales s'appliquant à ces
articles. Il suffit donc qu'il y ait une liaison entre la marque
et les articles au moment du transfert de propriété.
Il ne s'agit donc pas de se demander qui utilise la marque
mais à qui appartient la marque que l'on utilise. Du moment
que les articles proviennent du propriétaire, on peut dire
qu'on utilise effectivement sa marque même si le proprié-
taire n'effectue directement aucune vente au Canada. Le
propriétaire de la marque de commerce a vendu les articles
destinés au marché canadien. Le propriétaire de la marque
de commerce a mis les articles sur le marché dans le cours
normal des affaires.
2 17. (1) Aucune demande d'enregistrement d'une marque
de commerce qui a été annoncée selon l'article 36 ne doit
être refusée, et aucun enregistrement d'une marque de com
merce ne doit être rayé, modifié ou tenu pour invalide, du
fait qu'une personne autre que l'auteur de la demande
d'enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieure-
ment employé ou révélé une marque de commerce ou un
nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande
de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il
incombe à cette autre personne ou à son successeur d'établir
qu'il n'avait pas abandonné cette marque de commerce ou
ce nom commercial créant de la confusion, à la date de
l'annonce de la demande du requérant.
3 2. ... «marque de commerce projetée» signifie une
marque qu'une personne projette d'employer aux fins ou en
vue de distinguer des marchandises fabriquées, vendues,
données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés,
par elle, de marchandises fabriquées, vendues, données à
bail ou louées ou de services loués ou exécutés, par
d'autres;
' Phil Borden a produit un affidavit dans le même sens
(pièce R-13).
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