Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Huron Steel Fabricators (London) Limited
(Intimée)
et
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Herman Fratschko (Intime')
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Cameron et Sweet —Toronto, les 30 et
31 mai et le 29 juin 1973.
Preuve—Impôt sur le revenu—Exemption de l'obligation
de produire—Le Ministre certifie que pour des raisons d'inté-
rêt public il ne peut produire les déclarations d'impôt d'un
tiers—Loi de l'impôt sur le revenu, article 241—Loi sur la
Cour fédérale, art. 41(1).
Le ministre du Revenu national a établi les cotisations à
l'impôt sur le revenu de la Huron Steel Co. et de Fratschko,
son actionnaire majoritaire, pour certaines années, alléguant
que certains accords intervenus entre la Huron Steel Co.,
Fratschko et la Pelon étaient fictifs, que les sommes devant
être versées en vertu de ces accords par la Huron Steel Co.
à la Pelon Holdings Ltd. pour ses services d'expert-conseil
représentaient en fait le paiement par Fratschko à un certain
Peckham des actions de ce dernier dans la Huron Steel Co.,
que la Pelon Holdings Ltd. n'a rendu aucun service d'expert-
conseil à la Huron Steel Co. et que Peckham était le proprié-
taire réel de toutes les actions de la Pelon Holdings Ltd. à
toutes les époques en cause. La Huron Steel Co. et
Fratschko ont interjeté appel de ces cotisations. Lors de
l'interrogatoire préalable, il fut admis que le Ministre fondait
ses allégations sur les déclarations d'impôt sur le revenu de
la Pelon Holdings Ltd. pour les années en cause, mais le
Ministre, s'appuyant sur l'article 41(1) de la Loi sur la Cour
fédérale, a refusé de produire les déclarations réclamées par
les demandeurs, au motif que le fait de l'obliger à produire
les déclarations d'impôt sur le revenu de tiers étrangers au
litige serait de nature à compromettre le caractère exhaustif
et la précision des renseignements que doit fournir le contri-
buable. La Cour a examiné les déclarations en cause et n'y a
rien trouvé qui puisse porter atteinte à un intérêt public.
Arrêt: confirmant le jugement du juge Heald, les déclara-
tions d'impôt sur le revenu doivent être produites.
Le juge Thurlow et le juge suppléant Sweet: l'article 241
de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas dans ce
cas et n'empêche pas la communication. Le refus de pro-
duire les déclarations, en raison d'un intérêt public en vertu
duquel il faudrait exempter de divulgation les déclarations
de toute une catégorie de contribuables ou de contribuables
particuliers, est sans fondement. En outre, l'article 41 de la
Loi sur la Cour fédérale est une disposition de procédure et
ne confère aucun droit fondé sur des raisons d'intérêt public
qui n'ont pas été auparavant considérées suffisantes pour
justifier une exemption de l'obligation de produire.
Arrêt discuté: Re Snider [1954] R.C.S. 479.
Le juge suppléant Cameron: dans l'affaire présente, la
communication demandée doit être ordonnée en raison des
circonstances particulières.
APPEL de la décision du juge Heald [1972]
C.F. 1007.
AVOCATS:
G. W. Ainslie, c.r., et E. A. Bowie pour
l'appelant.
J. A. Giffen, c.r., et G. L. Bladon pour les
intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Giffen, Pensa, Lewis, Bladon et Wilson,
London, pour les intimés.
LE JUGE THURLow—Ces appels portent sur
la question suivante: les déclarations d'impôt
sur le revenu d'une compagnie dissoute,, que
j'appellerai la Pelon, pour les années 1964, 1965
et 1966, sur lesquelles il est admis que le Minis-
tre s'est fondé pour établir les cotisations à
l'impôt sur le revenu des intimés dans la pré-
sente instance, devraient-elles être exemptées
de la divulgation au motif que l'intérêt public
protégé par l'exemption de divulgation l'em-
porte sur l'intérêt public protégé par leur com
munication aux intimés pour qu'ils les utilisent
pour établir leurs droits.
La demande d'exemption a été présentée dans
un affidavit du sous-ministre du Revenu natio
nal pour l'impôt, dont les paragraphes 4 à 7 se
lisent ainsi:
[TRADUCTION] 4. J'ai examiné avec soin les déclarations
d'impôt déposées par la Pelon Holdings Limited pour les
années d'imposition 1964, 1965 et 1966; chacune de ces
déclarations d'impôt comprend la déclaration d'impôt sur le
revenu des corporations exigée par le défendeur, de même
qu'un bilan et un état du compte d'exploitation de la Pelon
Holdings Limited.
5. J'estime que le fait d'obliger le défendeur, soit lors d'un
interrogatoire préalable soit lorsqu'une partie réclame la
production ou le droit d'examen de certains documents, à
produire ou à communiquer les déclarations de revenu de
tiers étrangers au litige, ainsi que les états financiers justifi-
catifs, serait de nature à compromettre le caractère exhaus-
tif et la précision des renseignements que la loi oblige le
contribuable à fournir dans sa déclaration de revenu.
6. J'estime que la pratique adoptée par le défendeur et
consistant à refuser de produire lors d'un interrogatoire
préalable les déclarations de revenu de tiers au litige est
indispensable à une application correcte de la Loi de l'impôt
sur le revenu et à la protection du fisc.
7. Pour les motifs d'intérêt public énoncés aux deux para-
graphes précédents, j'estime que les déclarations de revenu
et les états financiers justificatifs pour les années fiscales
1964, 1965 et 1966 remis au défendeur par la Pelon Hold
ings Limited sont des documents faisant partie d'une catégo-
rie et contenant des renseignements qui devraient être
exemptés de la production et de la divulgation.
Après avoir examiné cet affidavit et les décla-
rations d'impôt en question, le juge de première
instance a conclu qu'en l'espèce, l'intérêt public
dans la bonne administration de la justice l'em-
portait de loin sur l'intérêt public que pourrait
protéger une exemption de l'obligation de pro-
duire l'ensemble de cette catégorie de docu
ments. Il a, en conséquence, ordonné la produc
tion des déclarations d'impôt. Après avoir
examiné l'affidavit à la lumière des arguments
avancés au cours de l'audience d'appel et les
déclarations d'impôt, je partage son opinion
selon laquelle ces déclarations devraient être
produites.
Il convient de noter que le seul intérêt public
précisé dans l'affidavit comme étant susceptible
de subir un préjudice du fait de la divulgation
des déclarations de tiers à un litige donné, est
celui qui est mentionné au paragraphe 5, c'est-à-
dire l'intérêt public dans le caractère exhaustif
et la précision des renseignements que la loi
oblige le contribuable à fournir dans sa déclara-
tion de revenu. A mon sens, ceci revient à faire
état, en des termes quelque peu différents, d'un
prétendu intérêt public à exempter une catégorie
de documents de la divulgation au motif qu'il est
nécessaire de garantir la sincérité et l'honnêteté
des personnes qui produisent des déclarations
d'impôt sur le revenu. J'estime qu'un tel motif,
avancé seul, me paraît bien faible et peu con-
vaincant et je pense qu'il est encore moins vala-
ble si l'on tient compte du fait que le contribua-
ble est tenu, de par la loi, de rédiger une
déclaration exacte et sincère, les déclarations
mensongères et les omissions étant sévèrement
sanctionnées. Voir les arrêts Conway c. Rimmer
[1968] A.C. 910 et La Reine c. Lewes Justices
[1971] 2 All E.R. 1126.
L'affirmation de l'existence d'un prétendu
intérêt public, et j'estime que c'est l'unique
motif dont fait état l'affidavit, ne permet pas
d'exempter de la divulgation les déclarations en
question en l'espèce en invoquant ce qu'on a
souvent appelé dans le passé la prérogative de la
Couronne. Cette immunité interdit toute utilisa
tion d'un document dans une instance, même
avec le consentement des parties, et l'avocat de
l'appelant qui a mentionné cette prérogative de
la Couronne prise au sens classique ne s'en est
pas prévalu. Il n'a pas non plus soutenu que
l'article 241(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu
s'appliquait en l'espèce. Son argumentation
repose, si je ne m'abuse, sur l'article 41 de la
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, c. 10 (2e
Supp.),'' et sur le fait que l'article 241 de la Loi
de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, 2
indique que les renseignements dont les contri-
buables font état dans les déclarations d'impôt
sur le revenu sont des renseignements con-
fidentiels et qu'il est d'intérêt public de leur
conserver ce caractère confidentiel. Sauf cir-
constances exceptionnelles, l'intérêt dans l'ad-
ministration de la justice ne l'emporte pas
sur cet intérêt; or les présentes affaires ne sont
pas exceptionnelles et le juge de première ins
tance a commis une erreur en arrivant à la
conclusion que l'intérêt public dans la bonne
administration de la justice l'emportait sur l'in-
térêt public à ne pas divulguer les déclarations
d'impôt ainsi que l'établit l'affidavit. En particu-
lier, il soutient que le juge de première instance
n'a pas indiqué pourquoi, à son avis, l'intérêt
public en faveur de la divulgation des docu
ments l'emportait sur l'intérêt public mentionné
dans l'affidavit et qu'il a omis de tenir compte
du fait que (1) les conclusions du Ministre et les
documents sur lesquels le Ministre s'appuyait
pour les faire ont été révélées au cours de
l'interrogatoire préalable; (2) que, même si l'on
divulgait ces documents, ils ne seraient pas
admissibles en preuve et ne pourraient donc
servir d'élément de preuve au procès et (3) que,
le Ministre ayant refusé de produire les déclara-
tions, il ne lui sera pas possible de les utiliser au
procès en vertu des règles de procédure.
J'estime que, dans l'affidavit, il ne s'agit pas
du prétendu intérêt public visant à conserver le
caractère confidentiel des déclarations d'impôt
sur le revenu et l'on n'y précise pas que c'est cet
intérêt public qu'on doit examiner en regard de
l'intérêt public dans la bonne administration de
la justice. Par conséquent, je ne pense pas qu'on
puisse affirmer que le juge de première instance
a commis une erreur en arrivant à ses conclu
sions, même si en fait il ne lui a accordé aucune
importance. Je ne suis pas non plus convaincu
qu'il a omis de tenir compte des trois éléments
dont je viens de faire état. J'ai examiné les
déclarations d'impôt et je ne pense pas qu'on
puisse dire que le Ministre a complètement
divulgué les documents sur lesquels il s'est
fondé pour établir les cotisations si ce n'est dans
la mesure où il a indiqué qu'eu égard à certains
aspects de la question, les déclarations consti-
tuaient ses sources de renseignement. Il est
facile de concevoir différentes manières dont
les déclarations d'impôt, qu'elles soient admises
en preuve ou non, pourraient être d'une grande
utilité aux intimés dans ce procès, notamment
dans leur tentative d'attaquer les arguments
avancés par le Ministre. De plus, dans une telle
situation, il n'importe absolument pas que le
Ministre se soit mis dans l'impossibilité de les
utiliser au procès à cause de son refus de les
divulguer.
L'avocat des intimés a fait état de trois faits
précis dont le Ministre a supposé l'existence en
se fondant sur les déclarations en question et
dont les intimés doivent prouver l'inexactitude
pour obtenir gain de cause, savoir (1) à toutes
les époques en cause, Peckham était le proprié-
taire réel de toutes les actions de la Pelon; (2) à
toutes les époques en cause, la Pelon n'a jamais
fourni de services à l'intimée Huron et (3) au
cours des années 1966, 1967 et 1968 la Pelon
était inactive. Le droit fiscal impose au contri-
buable la charge de réfuter les hypothèses sur
lesquelles se fonde l'imposition et, vu la diffi
culté d'en rapporter la preuve dans la plupart
des affaires, il n'est pas possible de supposer ou
d'accepter à la légère qu'on ne trouvera rien
dans les documents sur lesquels se fonde la
cotisation qui pourrait fournir des arguments au
contribuable ou l'aider à réfuter les hypothèses
du Ministre. Dans la présente espèce, le Minis-
tre reconnaît que ses hypothèses sont fondées
sur les déclarations en question et ceci me
semble établir clairement à la fois l'intérêt
qu'ont les intimés dans la divulgation de ces
déclarations, opinion que confirme mon examen
des déclarations, et qu'il faudrait un intérêt
public très puissant dans le sens de l'exemption
pour l'emporter sur l'intérêt public dans la
bonne administration de la justice qui serait
servie par leur divulgation.
La thèse du Ministre suivant laquelle il existe
un intérêt public puissant en faveur du refus de
communiquer les déclarations semble reposer
sur la remarque de Lord Reid dans l'arrêt
Conway c. Rimmer [1968] A.C. 910 à la p. 946
où il a déclaré au cours de son examen de l'arrêt
In Re Joseph Hargreaves Ltd. [1900] 1 Ch. 347
[TRADUCTION] «si l'État ordonne à une per-
sonne de révéler ses affaires personnelles dans
un certain but, il faut un argument très solide
pour justifier que ces renseignements soient uti-
lisés à d'autres fins» et sur le passage du juge-
ment du maître des rôles, Lord Denning, dans
l'arrêt Alfred Crompton Amusement Machines
Ltd. c. Commissioners of Customs and Excise
[1972] 2 W.L.R. 835 à la p. 859 où il examine le
caractère confidentiel de certains documents
comme pouvant justifier leur exemption de la
production. La thèse du Ministre se fonde aussi
sur les motifs des trois juges de la Cour d'appel
d'Angleterre dans l'arrêt Norwich Pharmacal
Co. c. Commissioners of Customs and Excise
[1972] 3 All E.R. 813.
En ce qui concerne le commentaire de Lord
Reid, il me semble que le Ministre ayant déjà
utilisé dans la présente espèce la déclaration
dans un but autre que celui pour lequel elle a été
produite, il serait bien malvenu d'invoquer la
nature confidentielle de cette déclaration pour
s'opposer à sa communication à la partie affec-
tée par l'usage qu'il en a fait. Quoi qu'il en soit,
le caractère confidentiel des déclarations de
l'impôt sur le revenu a été examiné par la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Re Snider
[1954] R.C.S. 479 et bien que cette affaire ne
s'applique pas directement ici, premièrement
parce que les questions qu'avait à trancher la
Cour portaient sur la production des déclara-
tions d'impôt sur le revenu non dans une ins-
tance civile mais criminelle et deuxièmement
parce que les questions portaient uniquement
sur les déclarations d'impôt sur le revenu de
l'accusé, il me semble que les remarques de
plusieurs juges de la Cour peuvent nous aider à
déterminer l'importance qu'il faut attacher au
prétendu caractère confidentiel de ces
déclarations.
Le juge Rand, parlant en son nom et en celui
du juge en chef Rinfret, déclarait à la page 483:
[TRADUCTION] On soutient que les circonstances entraî-
nent une telle prérogative de la Couronne et qu'un intérêt
public découle d'un engagement de sa part, implicite dans la
Loi de l'impôt sur le revenu, envers tous les contribuables,
d'après lequel la teneur de leur déclaration ne sera révélée à
personne, si ce n'est aux fonctionnaires chargés d'appliquer
la loi. En vertu de l'article 121 de cette loi, il est interdit de
révéler des renseignements obtenus au cours de son applica
tion à toute personne «qui n'y a pas légalement droit».
Cependant, aux fins de sa thèse, M' Varcoe considère que
cet argument n'est pas pertinent à cette allégation.
Je ne peux accepter aucun de ces deux arguments. Rien
dans la loi ne me paraît indiquer un tel engagement. La
déclaration de son revenu faite par une personne pour les
fins de l'impôt n'est pas plus confidentielle que, par exem-
ple, l'état de ses biens immobiliers qui, depuis plusieurs
générations, apparaît à la vue de tous dans les rôles d'impôt
foncier. Le revenu d'une personne n'est qu'un des aspects
de sa vie privée; on voit tous les jours produire devant les
tribunaux des détails tirés de ses livres comptables ou de
quelque autre source. L'interdiction de la divulgation de ces
faits par un ministère n'est qu'une concession à une ten-
dance innée à garder pour soi ses affaires personnelles.
Dans cette société de compétition qu'est la nôtre, cette
tendance est bien naturelle et compréhensible, mais c'est la
première fois qu'on cherche à lui attribuer une importance
primordiale. Chaque jour les tribunaux judiciaires se voient
révéler les aspects les plus confidentiels et les plus délicats
des affaires de particuliers; je ne vois guère la nécessité de
rappeler ici le peu d'importance que peut présenter pour
l'évolution du droit ou de la société une donnée telle que le
revenu d'un individu. J'estime donc que la seule exemption
que l'on puisse invoquer est celle que reconnaît la loi au
bénéfice non pas de la Couronne mais des particuliers.
Le juge Kellock, parlant en son nom et en celui
des juges Kerwin, Taschereau et Fauteux (tels
étaient alors leurs titres), déclarait à la page
490:
[TRADUCTION] M' Varcoe a refusé de soutenir un tel argu
ment dans la présente espèce mais a fondé son appel sur le
fait que la Couronne s'est engagée à ce que les déclarations
d'impôt soient considérées confidentielles par le ministère.
Qu'il s'agisse d'une affaire criminelle ou d'une affaire civile,
aucun document n'est visé par la règle concernant l'exemp-
tion de divulgation au motif qu'il est d'intérêt public du seul
fait qu'il a une nature «officielle» ou «confidentielle». Dans
l'arrêt Asiatic Petroleum Company c. Anglo-Persian Oil
Company Limited [1916] 1 K.B. 822, le lord juge Swinfen
Eady déclarait à la page 830 (avec l'approbation ultérieure
du Conseil privé dans l'arrêt Robinson c. South Australia
[1931] A.C. 704, à la page 714) que le fondement de cette
règle
est que les renseignements ne peuvent être divulgués sans
nuire aux intérêts du public et non pas que ces documents
ont une nature confidentielle ou officielle, ce qui ne
suffirait pas à les exempter de la divulgation: Smith c.
East India Co., 1 Ph. 60; Hennessy c. Wright, 21 Q.B.D.,
509.
Il me semble que la loi ne contient aucune disposition
concernant le caractère confidentiel des déclarations sauf
les articles 82(2), 93 et 121, articles que j'ai déjà examinés.
Il y a lieu de souligner en outre que la Cour ne
s'est pas contentée de donner une réponse néga-
tive à la troisième question, soit celle de savoir
si les articles 81 et 121 de la Loi de l'impôt de
guerre sur le revenu et de la Loi de l'impôt sur le
revenu (qui étaient les prédécesseurs de l'article
241 de la présente loi) influent sur le droit du
Ministre de s'opposer à la production des docu
ments mentionnés dans la question I, au motif
que cela serait préjudiciable à l'intérêt public,
mais elle a déclaré:
[TRADUCTION] Le Ministre ne peut s'opposer à la production
de ces documents.
Les dispositions législatives concernant la
divulgation de documents ont subi des change-
ments notables depuis l'arrêt Snider mais il me
semble découler du raisonnement utilisé dans
cette affaire que conclure que les déclarations
d'un contribuable en vertu de la Loi de l'impôt
sur le revenu ont une nature confidentielle n'est
aucunement fondé et qu'elles ne sont pas
exemptées de la production au cours d'une ins
tance judiciaire sauf dans la mesure où le légis-
lateur l'a expressément prévu dans la loi.
Comme nous l'avons déjà mentionné, les parties
reconnaissent que les dispositions législatives
n'empêchent pas la divulgation et j'estime que
rien ne justifie une exemption basée sur un
prétendu intérêt public qu'il y aurait à protéger
de la divulgation toute la catégorie mentionnée
dans l'affidavit ou certaines déclarations d'im-
pôt, sauf évidemment si une déclaration donnée
avait un aspect spécial, si l'on peut concevoir un
tel cas, qui pourrait l'exempter de la production
pour des raisons qui permettraient d'invoquer la
prérogative de la Couronne, au sens classique
de ces termes, c'est-à-dire le cas exceptionnel
réservé par la réponse de la Cour suprême à la
question I dans l'affaire Snider.
Il existe en outre au moins une autre raison de
mettre en doute que l'article 41 de la Loi sur la
Cour fédérale crée un droit nouveau ou un fon-
dement nouveau pour une demande d'exemp-
tion. Cet article me semble consacrer dans la loi
l'autorité de la Cour d'examiner un document au
sujet duquel on demande une exemption pour
des motifs connus jusqu'ici en droit comme
étant les motifs de demande de prérogative de la
Couronne et de déterminer si l'intérêt public qui
justifie l'exemption l'emporte sur l'intérêt public
dans la bonne administration de la justice. Il
s'agit donc d'une disposition procédurale et non
pas d'une disposition qui confère des droits
nouveaux fondés sur des motifs d'intérêt public
qui n'auraient pas été retenus jusqu'ici comme
suffisant à justifier l'exemption de la
production.
Les appels sont rejetés avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET a souscrit à
l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON —Je partage
les conclusions auxquelles sont arrivées les
autres membres de la Cour et je rejette aussi les
appels avec dépens. J'en arrive à cette conclu
sion non sans quelques hésitations vu l'article
241 de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, c. 63 que mentionne dans son juge-
ment M. le juge Thurlow.
Je souscris à ces conclusions vu les circon-
stances particulières de l'affaire, savoir:
1. L'appelant a fondé les cotisations des inti-
més sur des renseignements figurant dans les
déclarations d'impôt de la compagnie Pelon
pour les années 1964, 1965 et 1966, mais
s'oppose maintenant à la communication de
ces déclarations alors qu'elles peuvent être
d'une importance capitale pour les intimés
dans leur tentative de démontrer que les
hypothèses sur lesquelles se fondent les coti-
sations sont inexactes et
2. La compagnie Pelon est maintenant
dissoute.
J'ajouterais aussi que j'estime que toute ques
tion concernant la pertinence et l'admissibilité
de ces documents lors du procès est une ques
tion que doit résoudre le juge qui siégera.
41. (1) Sous réserve des dispositions de toute autre loi
et du paragraphe (2), lorsqu'un ministre de la Couronne
certifie par affidavit à un tribunal qu'un document fait partie
d'une catégorie ou contient des renseignements dont on
devrait, à cause d'un intérêt public spécifié dans l'affidavit,
ne pas exiger la production et la communication, ce tribunal
peut examiner le document et ordonner de le produire ou
d'en communiquer la teneur aux parties, sous réserve des
restrictions ou conditions qu'il juge appropriées, s'il conclut,
dans les circonstances de l'espèce, que l'intérêt public dans
la bonne administration de la justice l'emporte sur l'intérêt
public spécifié dans l'affidavit.
(2) Lorsqu'un ministre de la Couronne certifie par affida
vit à un tribunal que la production ou communication d'un
document serait préjudiciable aux relations internationales,
à la défense ou à la sécurité nationale ou aux relations
fédérales-provinciales, ou dévoilerait une communication
confidentielle du Conseil privé de la Reine pour le Canada,
le tribunal doit, sans examiner le document, refuser sa
production et sa communication.
2 241. (1) Sauf comme l'autorise le présent article, aucun
fonctionnaire ni aucune personne autorisée ne doit
a) sciemment communiquer ni sciemment permettre que
soit communiqué à quiconque un renseignement obtenu
par le Ministre ou en son nom aux fins de la présente loi,
ni
b) sciemment permettre à quiconque d'examiner tout
livre, registre, écrit, déclaration ou autres documents obte-
nus par le Ministre ou en son nom aux fins de la présente
loi, ou d'y avoir accès.
(2) Nonobstant toute autre loi, aucun fonctionnaire ni
aucune personne autorisée ne doit être requise, dans le cas
de procédures judiciaires
a) de témoigner relativement à quelque renseignement
obtenu par le Ministre ou en son nom aux fins de la
présente loi, ni
b) de produire quelque livre, registre, écrit, déclaration ou
autres documents obtenus par le Ministre ou en son nom
aux fins de la présente loi.
(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas en ce
qui concerne les poursuites au criminel, sur acte d'accusa-
tion ou sur déclaration sommaire de culpabilité, en vertu
d'une loi du Parlement du Canada, ou relativement à des
poursuites ayant trait à l'application ou à l'exécution de la
présente loi.
(4) Un fonctionnaire ou une personne autorisée peut,
a) dans l'exercice de ses fonctions relatives à l'application
ou à l'exécution de la présente loi,
(i) communiquer ou permettre que soit communiqué à
un fonctionnaire ou à une personne autorisée un rensei-
gnement obtenu par le Ministre ou en son nom aux fins
de la présente loi, et
(ii) permettre à un fonctionnaire ou à une personne
autorisée d'examiner tout livre, registre, écrit, déclara-
tion ou autres documents obtenus par le Ministre ou en
son nom aux fins de la présente loi, et d'y avoir accès;
b) aux conditions prescrites, communiquer ou permettre
que soit communiqué un renseignement obtenu en vertu
de la présente loi, ou permettre d'examiner tout état écrit
fourni selon la présente loi, ou d'y avoir accès, au gouver-
nement d'une province à l'égard duquel des renseigne-
ments et des états écrits qu'a obtenus le gouvernement de
la province, aux fins d'une loi de la province qui établit un
impôt semblable à celui que décrète la présente loi, sont
communiqués ou fournis au Ministre selon une formule
d'échange réciproque; ou
c) communiquer ou permettre que soit communiqué, à
toute personne qui y a par ailleurs légalement droit, un
renseignement obtenu en vertu de la présente loi, ou
permettre l'examen, par toute semblable personne, de
quelque livre, registre, écrit, déclaration ou autres docu
ments obtenus par le Ministre ou en son nom aux fins de
la présente loi, ou permettre à toute semblable personne
d'y avoir accès.
(5) Nonobstant toute disposition du présent article, le
Ministre peut autoriser la remise d'une copie de tout livre,
registre, écrit, déclaration ou autre document obtenu par lui
ou en son nom aux fins de la présente loi, à la personne de
qui un tel livre, registre, écrit, déclaration ou autre document
a été obtenu ou aux représentants légaux de cette personne,
ou au mandataire de cette personne ou à tels représentants
légaux autorisés par écrit à cet égard.
(6) Une ordonnance rendue ou une directive donnée dans
le cours ou à l'occasion de toutes procédures judiciaires
requérant qu'un fonctionnaire ou toute personne autorisée
rende témoignage sur tout renseignement ou produise des
livres, registres, écrits, déclarations ou autres documents
obtenus par le Ministre ou en son nom aux fins de la
présente loi, peut, par avis notifié à toutes les parties inté-
ressées, faire l'objet d'un appel immédiatement, par le
Ministre ou par la personne contre laquelle l'ordonnance est
rendue ou la directive est donnée auprès
a) de la cour d'appel de la province dans laquelle l'ordon-
nance est rendue ou la directive est donnée, dans le cas
d'une ordonnance rendue ou d'une directive donnée par
une cour ou un autre tribunal établi en vertu ou en
conformité des lois de la province, que cette cour ou ce
tribunal exerce ou non une compétence conférée par les
lois du Canada; ou
b) de la Cour d'appel fédérale, dans le cas d'une ordon-
nance rendue ou d'une directive donnée par une cour ou
un autre tribunal établi en vertu ou en conformité des lois
du Canada.
(7) La cour à laquelle est interjeté appel en conformité du
paragraphe (6) peut permettre l'appel et annuler l'ordon-
nance ou la directive dont est appel ou rejeter l'appel, et les
règles de pratique et la procédure régissant à l'occasion les
appels à la cour s'appliquent mutatis mutandis à un appel
interjeté en conformité du paragraphe (6).
(8) Un appel interjeté en conformité du paragraphe (6)
diffère l'application de l'ordonnance ou de la directive dont
est appel jusqu'au prononcé du jugement.
(9) Quiconque, étant un fonctionnaire ou une personne
autorisée, contrevient aux dispositions du paragraphe (1) est
coupable d'une infraction et passible sur déclaration som-
maire de culpabilité d'une amende d'au plus $1,000 ou d'un
emprisonnement d'au plus 2 mois, ou à la fois de l'amende
et de l'emprisonnement.
(10) Dans le présent article,
a) «fonctionnaire» signifie toute personne employée à
une fonction de responsabilité ou occupant un tel poste au
service de Sa Majesté, ou toute personne précédemment
ainsi employée ou ayant précédemment occupé un tel
poste;
b) «personne autorisée» signifie toute personne engagée
ou employée, ou précédemment engagée ou employée, par
Sa Majesté ou en son nom pour aider à la réalisation des
objets de la présente loi et à l'application de ses disposi
tions; et
c) «cour d'appel» a le sens qu'attribuent à cette expres
sion les alinéas a) à j) de l'article 2 du Code criminel.
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