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T-4128-73
Automatic Toll Systems (Canada) Ltd. (ancienne- ment la Shoup Canada Ltd.) (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Division de première instance, le juge Pratte— Montréal, le 14 novembre 1973; Ottawa, le 3 janvier 1974.
Impôt sur le revenu—Dépenses engagées pour résilier un mandat—S'agit-il d'une dépense d'exploitation ou d'une dépense de capital—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 12(1)a).
Le Ministre avait établi une nouvelle cotisation d'impôt de l'appelante, pour l'année d'imposition 1967, au motif qu'elle n'était pas admise à déduire de son revenu des dépenses de capital s'élevant à $60,000.
L'appelante loue des machines pour la perception automa- tique des péages; elle avait conclu un accord en vertu duquel la compagnie L.S., contrôlée par B, était mandatée pour effectuer ses ventes, car l'influence de B auprès de l'Office des autoroutes du Québec pouvait aider l'appelante à obtenir des contrats. L'influence de B disparut à la suite du change- ment du gouvernement provincial. L'appelante entreprit ses propres négociations avec l'Office, mais elle était cependant toujours obligée, en vertu du contrat conclu avec la compa- gnie L.S., de lui verser des commissions sur les nouveaux contrats. Afin d'obtenir la résiliation de l'accord, l'appelante conclut des ententes par lesquelles elle achetait (1) les droits de la L.S. dans deux contrats de louages de matériel conclus avec l'Office et (2) toutes les actions de la compagnie M, compagnie constituée à l'instigation de B et qui n'était qu'une façade, à laquelle la compagnie L.S. céda tous ses droits en vertu de l'accord conclu avec l'appelante.
Arrêt: l'appel est accueilli; l'appelante a dépensé la somme de $60,000 dans ces opérations non pas dans le but d'acqué- rir des éléments d'actif des compagnies en cause, mais simplement pour se libérer d'un contrat à titre onéreux.
Arrêt suivi: Anglo-Persian Oil Co. Ltd. c. Dale (1929-32) 16 T.C. 253.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Maurice Régnier et Robert Couzin pour l'appelante.
André Gauthier pour l'intimé.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott & Cie, Montréal, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE PRATTE—Par les présentes, il est interjeté appel de la nouvelle cotisation d'impôt de l'appelante pour l'année d'imposition 1967. Le Ministre a établi cette nouvelle cotisation au motif que l'appelante n'était pas admise à déduire de son revenu des dépenses de capital s'élevant à $60,000.
L'appelante est une compagnie canadienne dont l'activité consiste à louer des machines pour la perception automatique des péages.' Pendant un certain temps, la compagnie appe- lante n'a pas eu beaucoup de succès dans la province de Québec. L'Office des autoroutes du Québec refusait de faire affaire avec elle. Le président de l'appelante crut comprendre que cette situation changerait peut-être si sa compa- gnie s'assurait, pour la représenter au Québec, les services d'un certain Bastien, comptable à Montréal. On prit contact avec Bastien et on convint finalement que ce dernier, ou plutôt sa compagnie, «Les Signaux Électroniques de Québec Inc.» (ci-après appelée «Les Signaux»), allait représenter l'appelante dans ses négocia- tions avec l'Office des autoroutes du Québec. Les termes de cet accord furent énoncés dans une lettre, datée du 9 avril 1962, que l'appelante a adressée à la compagnie de Bastien, «Les Signaux». Voici les deux seuls paragraphes de la lettre qui nous intéressent en l'espèce:
[TRADUCTION] .. .
Il est entendu que vous allez nous représenter dans les affaires entreprises avec l'Office des autoroutes du Québec et que vous toucherez une commission. de 10% pour ces services qui sont en général ceux d'un représentant du fabricant. Les 10% qui vous seront versés, seront calculés sur le prix net que nous aurons perçu sur toutes les installa tions, qu'il s'agisse de vente ou de location de matériel ou de son entretien, pendant la période allant du 1w septembre 1961 au 1..• septembre 1967 et ci-après appelée «la Période. et ce, en ce qui concerne l'Office des autoroutes du Québec. Cette commission sera versée en monnaie canadienne.
Votre droit à cette commission prendra fin à la fin de la Période et toute disposition prévoyant le renouvellement, les extensions, les options ou le droit de choisir de renouveler
' L'appelante est une filiale en propriété exclusive d'une compagnie américaine. Le président de la compagnie améri- caine est aussi président de l'appelante. Il est à noter que certains des contrats que je vais mentionner dans ces motifs ont été conclus par la compagnie mère américaine et cer- tains autres par la filiale canadienne. Cependant, cette dis tinction n'ayant aucune importance, je vais faire comme si tous ces contrats avaient été conclus par l'appelante.
ou d'étendre tout contrat conclu pendant la Période ne sera pas censée vous conférer le droit de percevoir une commis sion si l'un quelconque de ces événements se produit à l'issue de la Période. Cependant, rien dans cet accord ne doit être interprété de manière à vous refuser le paiement de la commission sur tel renouvellement ou extension conforme aux options ou aux choix pour toute la période de ceux-ci, s'ils se produisent pendant la Période.
Entre 1961 et 1966, Bastien a prouvé qu'on n'avait pas surestimé son influence. Il a réussi à obtenir de nombreux contrats de l'Office des autoroutes du Québec. En 1966, deux de ces contrats étaient encore en vigueur. Il s'agissait de contrats de location de matériel. Le premier, daté du l er décembre 1961, devait prendre fin le 2 décembre 1966; le second, daté du 6 août 1963, devait prendre fin le 31 décembre 1968. 2 En 1966, Bastien était en train de négocier un nouveau contrat de louage à long terme qui devait remplacer les deux contrats susmention- nés. Cependant vers la fin de l'année, le prési- dent de l'appelante s'est rendu compte que les négociations n'avançaient pas. Il a alors appris qu'une élection provinciale avait eu lieu au Québec à la suite de quoi Bastien avait perdu son influence. Les fonctionnaires de l'Office des autoroutes du Québec ne voulaient plus traiter avec Bastien. Dorénavant, ce fut le prési- dent de l'appelante qui poursuivit les négocia- tions qui aboutirent à la signature, le 7 juin 1967, d'un nouveau contrat de louage de six ans signé en remplacement des deux contrats déjà mentionnés. Avant la signature de ce nouveau contrat de louage, le président de l'appelante a cependant pris contact avec Bastien: il voulait savoir à quelles conditions l'appelante pouvait mettre fin à ses rapports avec «Les Signaux». Si, comme on s'y attendait alors, l'appelante menait à bien ses négociations avec l'Office et se voyait attribuer un nouveau contrat avant le l er septembre 1967, elle serait alors tenue, aux
2 Étant donné que c'était l'appelante qui louait le matériel à l'Office des autoroutes du Québec, on se serait attendu à ce que l'appelante et l'Office soient les deux seules parties au contrat. Ce n'était pas le cas. Les parties aux deux contrats étaient d'une part l'Office et d'autre part à la fois l'appelante et «Les Signaux». Il semble que ce soit Bastien qui ait insisté pour que «Les Signaux» soit partie aux contrats, car il voulait ainsi garantir que «Les Signaux» recevrait la commission prévue.
termes de l'accord qu'elle avait conclu avec «Les Signaux», de verser à celle-ci une commis sion sur toutes les sommes reçues de l'Office des autoroutes du Québec, à titre de location, en vertu du nouveau contrat. Étant donné que Bas- tien n'avait pas participé à la négociation de ce nouveau contrat, le président de l'appelante considéra que «Les Signaux» ne devaient pas en tirer profit. A la fin de 1966, Bastien accepta la résiliation de l'accord entre l'appelante et «Les Signaux», à condition que l'appelante verse la somme de $60,000. On laissa à Bastien le choix des moyens permettant d'aboutir à ce résultat. La seule chose intéressant l'appelante était d'obtenir la résiliation de l'accord conclu avec «Les Signaux» pour une somme ne dépassant pas $60,000.
Bastien a ensuite proposé que soient signés les contrats suivants, ce que l'appelante accepta:
1. Par accord en date du 21 décembre 1966, «Les Signaux» a cédé à la compagnie les Industries Montrose Inc. tous ses droits en vertu de l'accord conclu avec l'appelante. Cette cession s'est faite au prix de $29,000 qui fut payé par l'émission, au nom de la compagnie «Les Signaux», de 29,000 actions privilégiées de la Montrose.
Les Industries Montrose Inc. n'était qu'une façade. Elle avait été constituée quelques années auparavant à l'instigation de Bastien qui en détenait toutes les actions ordinaires. Il semble que cette compagnie n'ait jamais eu d'activité.
2. Par accord conclu le 12 janvier 1967, l'ap- pelante â racheté à la compagnie «Les Signaux», pour la somme de $29,000, les 29,000 actions privilégiées des Industries Montrose Inc.
Par un accord signé le même jour, l'appe- lante a acheté à Bastien, pour la somme de $1,000, les actions ordinaires de la compagnie les Industries Montrose Inc.
3. Par accord signé le 3 janvier 1967, la com- pagnie «Les Signaux» a vendu à l'appelante, pour la somme de $30,000, tous ses droits et intérêts dans les deux contrats de louage con- clus avec l'Office des autoroutes du Québec
le 1e 7 décembre 1961 et le 6 août 1963 respectivement.
L'intimé refuse la déduction des sommes que l'appelante a payées en vertu de ces contrats.
L'avocat du Ministre a tout d'abord fait valoir que l'appelante n'a pas versé ces sommes pour obtenir la résiliation de l'accord conclu avec «Les Signaux». D'après lui, l'appelante a déboursé ces sommes afin d'acquérir des biens de capital, savoir les actions de la compagnie les Industries Montrose Inc. et les droits de la com- pagnie «Les Signaux» à l'égard des deux con- trats de louage de matériel. On ne saurait, à mon avis, soutenir cet argument. La preuve démon- tre clairement que l'appelante a effectué les paiements en question aux seules fins de se libérer de son obligation de verser une commis sion à la compagnie «Les Signaux». L'appelante n'a jamais entendu acheter des éléments d'actif à Bastien ou à ses compagnies. Comme l'a fait valoir l'avocat de l'appelante, les divers arrange ments en vertu desquels les $60,000 furent payés ne sont qu'un mécanisme mis au point aux fins de la résiliation du contrat en vertu duquel l'appelante était tenue de verser une commission à la compagnie «Les Signaux».
L'avocat de l'intimé a également avancé que les paiements ne constituaient pas des dépenses d'exploitation, même si l'appelante les a effec- tués afin d'obtenir la résiliation de son contrat avec «Les Signaux». II a soutenu que l'appe- lante n'aurait pas pu continuer à faire affaire avec l'Office des autoroutes du Québec si elle n'avait pas rompu ses rapports avec «Les Signaux». II faudrait donc considérer que les $60,000 en question sont le prix que l'appelante a payer pour obtenir un nouveau contrat à long terme avec l'Office des autoroutes du Québec. La preuve ne confirme pas une pareille affirmation car, comme je l'ai déjà dit, elle indique que l'appelante a versé les $60,000 aux seules fins de se libérer d'un contrat à titre onéreux aux termes duquel elle était tenue de verser une commission à la compagnie «Les Signaux» .
Il n'y a pas lieu, à mon avis, de distinguer les faits de l'espèce de ceux de l'affaire Anglo-Per- sian Oil Co. Ltd. c. Dale (1929-32) 16 T.C. 253.
Pour ces motifs, l'appel est accueilli avec dépens.
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