Norman L. Wright (Requérant)
c.
La Commission des relations de travail dans la
Fonction publique (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Thurlow et Pratte —Ottawa, les 5 et 8 juin 1973.
Fonction publique—Arbitrage des griefs—Compétence—
Employé illégalement renvoyé après la période de stage—
Renvoi à l'arbitre-11 décide que le renvoi de l'employé est
justifié pour d'autres motifs—Confirmation par la Commis
sion des relations de travail—Examen judiciaire—Annula-
tion de la décision—Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 23, 91(1).
W, un «préposé au soin des enfants» dans la Fonction
publique, a été renvoyé pour un motif déterminé après
l'expiration de sa période de stage, ce qui est illégal. Il a
présenté un grief allégant l'illégalité de son renvoi. Le grief a
été renvoyé à l'arbitrage. L'arbitre a décidé que le renvoi
était nul mais que le congédiement de W était justifié car sa
personnalité était incompatible avec ses fonctions. Au cours
du renvoi introduit en vertu de l'article 23 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, la Commis
sion des relations de travail dans la Fonction publique a
décidé que l'arbitre n'avait pas commis d'erreur de droit en
statuant ainsi.
Arrêt: il convient d'annuler la décision de la Commission.
Le renvoi de W était nul car il a eu lieu une fois la période
de stage terminée et on ne pouvait pas non plus le considé-
rer comme un congédiement pour inconduite. En consé-
quence, il ne s'agissait pas «d'une mesure disciplinaire» au
sens de l'article 91(1) de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique qui pouvait faire l'objet d'un
renvoi comme grief et l'arbitre aurait donc dû rejeter le
renvoi pour défaut de compétence.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
M. W. Wright et J. L. Shields pour le
requérant.
J. E. Smith et P. Delage pour l'intimée.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Killeen et
Greenberg, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement) —La
présente demande introduite en vertu de l'article
28 1 ! vise l'examen et l'annulation d'une décision
de la Commission des relations de travail dans
la Fonction publique qui répondait à des ques
tions de droit ou de compétence soulevées à la
suite d'une décision de l'arbitre en chef à l'égard
d'un grief présenté par le requérant, lesdites
questions ayant été renvoyées à la Commission
en vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations
de travail dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, c. P-35.
Le requérant était employé à titre de «pré-
posé au soin des enfants» au foyer scolaire pour
Indiens d'Alberni quand, le l er avril 1969, le
ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien en prit la gestion.
En vertu de l'article 39 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique, son poste a été
«soustrait» à l'application de ladite loi et soumis
à un règlement dont voici un extrait:
3. Lorsque le ministère des Affaires indiennes et du Nord
canadien requiert les services d'un administrateur de foyer
scolaire ou d'un préposé au soin des enfants, le sous-chef de
ce ministère
a) doit recruter et sélectionner une personne pour fournir
ces services, en tenant compte des exigences linguistiques
du poste précisées à l'article 20 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique; et
b) peut titulariser dès sa sélection la personne qui doit
fournir ces services.
4. Une personne nommée au poste d'administrateur de
foyer scolaire ou de préposé au soin des enfants est assujet-
tie aux articles 21, 26, 27, 31 et 32 de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique et à toute disposition du Règle-
ment sur l'emploi dans la Fonction publique qui s'y rapporte.
5. (1) Une personne nommée au poste d'administrateur
de foyer scolaire ou de préposé au soin des enfants est en
stage pendant douze mois à compter de la date de sa
nomination.
(2) Le sous-chef peut, à tout moment au cours du stage,
prévenir une personne qu'il se propose de la renvoyer pour
un motif déterminé le jour précisé dans le préavis, c'est-à-
dire au moins trente jours après la remise du préavis, et
cette personne cesse d'être un employé ce jour-là.
Le requérant était à l'emploi de la Fonction
publique depuis plus de douze mois lorsque, le
25 juin 1970, le ministère lui a adressé une
lettre l'avisant de son intention de le «renvoyer
pour un motif déterminé». Le requérant a, par la
suite, présenté un grief à l'égard de son renvoi;
l'«exposé du grief» se lit comme suit:
[TRADUCTION] Le 30 juin 1970, j'ai reçu une lettre datée du
25 juin 1970 m'avisant que j'étais renvoyé en vertu des
dispositions de l'article 28(3) de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique et qu'à dater du 31 juillet 1970, je cessais
d'être employé par le ministère.
Aux termes de l'annexe «A» du règlement relatif à la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publique, ma
période de stage se terminait le ler octobre 1969 et il ne peut
être mis fin à mon emploi en vertu de l'article 28(3) de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Par la suite, le grief a été renvoyé à l'«arbitrage»
et l'arbitre en chef s'est occupé de la question.
L'arbitre en chef a réglé une objection préli-
minaire de l'«employeur», selon laquelle ce
renvoi n'était pas susceptible d'être porté «en
arbitrage», étant donné qu'est «nul ce qu'on
appelle le «renvoi» de l'employé s'estimant lésé,
décidé aux termes de l'article 28 de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique; ... que
l'employé en question doit être considéré
comme ayant terminé sa période de stage le 31
mars 1970 et qu'il avait depuis cette date été de
fait congédié.» Il a donc ordonné «qu'une audi
tion soit tenue sur le bien-fondé du grief».
Après l'audition sur le bien-fondé du grief, l'ar-
bitre en chef a expliqué son point de vue dans le
passage suivant de sa décision:
•
Naturellement et avec raison, le grief primitif contestait ce
qui est appelé le «renvoi en période de stage»; ce n'est
toutefois que quelques semaines après le renvoi de cette
affaire à l'arbitrage que l'avocat de l'employeur a admis que
le Ministère a fait erreur en se fondant sur l'article 28 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, article qui ne
s'applique pas au cas de M. Wright. Je dois préciser, toute-
fois, que je statue sur le bien-fondé, c'est-à-dire sur le fond
du différend, et non sur une question de droit ou de procé-
dure. Il s'agit de déterminer si la décision du 30 juin 1970 de
mettre fin à l'emploi de M. Wright était justifiée, peu
importe le nom dont on veut appeler cette cessation
d'emploi.
Après l'audition sur le bien-fondé du grief,
l'arbitre en chef a conclu de la façon suivante,
ainsi qu'il ressort de cet extrait de ses motifs:
Ma décision relative à la présente affaire se fonde sur des
arguments quelque peu différents de ceux que préconisent
les parties. Bien que les motifs invoqués par l'employeur ne
soient pas des infractions au sens courant du mot, la cessa
tion d'emploi de M. Wright constitue une mesure discipli-
naire aux termes de l'article 91(1)b) de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique. L'employeur
soutient que le congédiement est justifié pour raison «d'in-
compétence». L'agent négociateur affirme qu'en fait M.
Wright s'est trop bien acquitté de ses fonctions et que les
difficultés découlant de son emploi sont attribuables aux
autres employés plutôt qu'à son client.
Je pense que ni «l'incompétence» ni le «souci de perfec
tion» de M. Wright ne constitue le véritable fond de la
présente affaire. L'interaction des nombreux facteurs qui
ont abouti à la cessation d'emploi de ce dernier ne peut se
résumer en un mot ni même en une phrase.
La présente affaire concerne une institution engagée pres-
que exclusivement dans une forme très spéciale de relations
humaines. Les préposés au soin des enfants ne font partie ni
d'une industrie ni d'un commerce; on ne peut les classifier
comme enseignants, infirmiers, ou tuteurs. Leur tâche pre-
mière est décrite (pièce 10) de la façon suivante: «Le
préposé au soin des enfants essaie constamment de créer
l'atmosphère d'un véritable foyer pour les enfants dont il est
chargé.»
Il est donc évident que les relations personnelles d'un
préposé tant avec ses collègues qu'avec les enfants revêtent
une très grande importance. Quinze préposés au soin des
enfants ne peuvent s'acquitter de leurs fonctions avec
succès qu'en formant équipe et en collaborant étroitement
entre eux et avec leur administrateur. C'est un fait que les
enfants se rendent rapidement compte de toute tension chez
leurs aînés qui, pour gagner la confiance des enfants dont ils
ont la charge, doivent mériter leurs respect.
Malheureusement, la conception que se fait M. Wright du
soin des enfants diffère de celle de la plupart de ses collè-
gues et de l'administrateur. Sa compétence marquée, jointe à
sa forte personnalité, l'a graduellement amené à faire office,
en quelque sorte, de chef de l'opposition. Ses activités ont
eu tendance, peut-être sans qu'il s'en rende tout à fait
compte, à polariser les opinions chez les préposés au soin
des enfants et à créer deux camps distincts. La situation qui
existait au foyer scolaire au printemps et au début de l'été
1970 ne pouvait évidemment durer.
Je ne prétends pas le moindrement que M. Wright a tous
les torts. Comme le dit M. Andrews dans son rapport de
stage, personne n'est parfait et peu de gens sont meilleurs
que les autres. Cependant, M. Wright a réussi, étant donné
les circonstances et son caractère, à se faire des partisans et
des adversaires parmi le personnel du foyer scolaire. Des
dépositions, que j'accepte, ont établi que depuis le départ de
M. Wright, durant l'année en cours, les tensions et les
dissensions se sont résorbées.
Je ne puis croire qu'il ne se soit rien produit entre mars et
juin 1970 qui puisse justifier la décision de mettre fin à
l'emploi de M. Wright. La plainte relative à l'incident du
gymnase fermé à clé a été formulée le 20 mai par un
surveillant qui ne faisait partie du personnel que depuis la
fin de mars et qui était déjà en mauvais termes avec M.
Wright. Au début de juin certains membres du personnel ont
menacé de démissionner. Bien qu'en mars il ait été claire-
ment mis au courant de son appréciation défavorable, M.
Wright ne dit pas qu'il en reconnaît le bien-fondé ni qu'il l'a
déjà reconnu. Il demande sa réintégration, alléguant qu'il a
fait du bon travail, que ses vues et ses méthodes étaient
justes et que les motifs de son congédiement ne sont pas
acceptables.
Je ne doute pas que M. Wright soit énergique et capable et
qu'il se conforme à des normes élevées de conduite et
d'efficacité. Il pourrait rendre de précieux services dans un
autre domaine. A mon avis, la société fait tragiquement
erreur lorsqu'elle répugne à employer des hommes d'une
soixantaine d'années qui sont encore capables d'apporter
une contribution appréciable. Les hommes comme M.
Wright, physiquement et mentalement vigoureux et loin
d'être mûrs pour la retraite, devraient être plus en demande.
J'estime toutefois que les exigences du poste de préposé au
soin des enfants ne conviennent pas à M. Wright. (J'ai
moi-même souligné)
Dans ces circonstances, l'arbitre en chef a
déclaré qu'à son avis, «un renvoi en période de
stage aurait été approprié»; mais «cependant,
l'employé s'estimant lésé a, ... été congédié
trois mois après la fin de son stage».
Voici la partie de la «décision» de l'arbitre en
chef qu'on a considéré comme en étant le
dispositif :
Je conclus avec regret que la cessation d'emploi de M.
Wright était justifiée et qu'elle était nécessaire à la bonne
marche de l'institution où il était employé. A mon avis, le
Conseil du Trésor aurait dû sanctionner ce congédiement en
juin et je demande qu'il le fasse dès maintenant.
Le requérant a alors soumis les questions
suivantes à la Commission des relations de tra
vail dans la Fonction publique:
a) L'arbitre en chef a-t-il commis une erreur de droit en
n'acceptant pas l'allégation de M. Wright selon laquelle
son congédiement était illégal en ce que le ministère des
Affaires indiennes et du Nord canadien n'avait pas
demandé ou obtenu l'approbation du Conseil du Trésor,
comme le stipule l'article 106d) du Règlement sur les
conditions d'emploi dans la Fonction publique (DORS/67-
118, modifié)?
b) L'arbitre en chef a-t-il outrepassé sa compétence en
ordonnant au Conseil du Trésor d'approuver le congédie-
ment de M. Wright?
La décision de la Commission, telle qu'exposée
dans la «décision motivée» de la majorité por-
tait que [TRADUCTION] «l'arbitre en chef n'a pas
commis d'erreur de droit en ce qui concerne les
points» soulevés dans la première question. La
Commission ne s'est pas prononcée sur la direc
tive de l'arbitre en chef au conseil du Trésor.
C'est cette «décision» de la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique
qu'on demande à cette Cour d'examiner et d'an-
nuler en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale.
On demande à la Cour d'annuler la décision
de la Commission en vertu de l'article 28 au
motif que la Commission aurait «rendu une
décision ... entachée d'une erreur de droit».
Pour décider de l'accueil de la demande, il faut
donc déterminer quelles étaient, en droit, les
obligations de la Commission en l'espèce.
Le renvoi à la Commission a été introduit en
vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique qui est rédigé
comme suit:
23. Lorsqu'une question de droit ou de compétence se
pose à propos d'une affaire qui a été renvoyée au tribunal
d'arbitrage ou à un arbitre, en conformité de la présente loi,
le tribunal d'arbitrage ou l'arbitre, selon le cas, ou l'une des
parties peut renvoyer la question à la Commission, pour
audition ou décision conformément aux règlements établis
par la Commission à ce sujet. Toutefois le renvoi d'une
question de ce genre à la Commission n'aura pas pour effet
de suspendre les procédures relatives à cette matière à
moins que le tribunal d'arbitrage ou l'arbitre, selon le cas, ne
décide que la nature de la question justifie une suspension
des procédures ou que la Commission n'en ordonne la
suspension.
La partie de l'article qui se rapporte directe-
ment à la question à l'étude est la suivante:
Lorsqu'une question de droit ou de compétence se pose à
propos d'une affaire qui a été renvoyée ... à un arbitre, en
conformité de la présente ,...l'uneune des parties peut
renvoyer la question à la Commission, pour audition ou
décision ... .
Malgré l'utilisation du mot «ou» dans l'ex-
pression «audition ou décision» à l'article 23, je
suis d'avis qu'on doit interpréter cet article
comme visant le renvoi d'une question de droit
pour «décision». Un renvoi pour «audition»
seulement serait absolument inutile et ce ne
peut avoir été l'intention du législateur.
Une fois admis que l'article 23 vise le renvoi
d'une question de droit pour «décision», il me
semble que la nature d'un tel renvoi est très
semblable à celle d'un renvoi devant cette Cour
en vertu de l'article 28(4) de la Loi sur la Cour
fédérale et, à mon avis, la plus grande partie du
raisonnement que j'ai tenu dans une décision
récente relative à l'article 28 s'applique égale-
ment à l'article 23?z
Il est important de remarquer que l'article 23
ne permet pas de donner des avis consultatifs
comme le permet l'article 55 de la Loi sur la
Cour suprême, selon lequel une question peut
être soumise à la Cour suprême du Canada pour
«audition et pour examen» et la Cour est alors
tenue d'exprimer «son opinion» sur la question.
La signification, dans le contexte de l'article
23, du terme «décidé» est la clef permettant de
déterminer ce que doit faire la Commission aux
termes dudit article. A mon avis, une question
de fait est «décidée» quand, d'après la preuve,
on statue sur les faits, à la suite d'une contesta-
tion à leur égard. De même, j'estime qu'une
question de droit est «décidée» quand on statue
sur les conséquences juridiques découlant des
faits tels qu'établis ou admis, quand il y a eu un
litige sur le point de savoir quelles étaient ces
conséquences. A mon avis, il s'ensuit que, s'il y
a un litige quant à l'exactitude en droit de la
décision d'un arbitre, la première question de
droit, et peut-être la seule, que la Commission
peut «décider» est de savoir si, d'après les faits
établis par l'arbitre, ses conclusions quant aux
conséquences juridiques en découlant sont vala-
bles et, dans la négative, quelles sont les consé-
quences juridiques en découlant. Il me semble
difficile d'envisager d'autres questions de droit,
par opposition aux questions de compétence,
qui pourraient faire l'objet d'un renvoi en vertu
de l'article 23 après que l'arbitre a statué sur la
question qu'on lui a soumise. Sans aucun doute,
selon mon interprétation de l'article 23, ce der-
nier ne vise pas la solution d'une question de
droit exprimée en termes hypothétiques ou
théoriques.
Il faut examiner un autre aspect de l'article
23. Il autorise la «décision» sur une question de
droit qui se pose à propos d'une affaire ren-
voyée à un arbitre mais n'accorde aucun pou-
voir exprès à la Commission pour donner effet à
sa décision, soit en renvoyant l'affaire devant
l'arbitre, soit en substituant une décision cor-
recte à la décision de l'arbitre qui a été jugée
entachée d'une erreur de droit. Toutefois,
nonobstant l'absence de directives législatives
précises, on doit, à mon sens, interpréter l'arti-
cle 23 et l'appliquer de telle façon que le redres-
sement qu'il accorde soit efficace. Dans une
affaire telle que la présente, un tel résultat
découle naturellement de la loi. Quand la Com
mission doit décider des conséquences juridi-
ques découlant des faits tels qu'établis par l'ar-
bitre, parce que la décision définitive de l'arbitre
les reflète de façon erronée, en vertu de la loi la
décision de la Commission vient remplacer celle
de l'arbitre. En conséquence, si la Commission
décide que, vu les faits, la décision «exige» en
droit «qu'une mesure soit prise par l'em-
ployeur», ce dernier sera tenu, en vertu de l'arti-
cle 96(4), de prendre toute mesure ainsi requise
et non de prendre les mesures que la décision
incorrecte de l'arbitre demandait. En fait, aux
fins de l'article 96, la décision de la Commission
dans un tel cas remplace la décision de l'arbitre
et elle doit être rédigée en conséquence.
Selon le point de vue que j'ai exprimé quant à
l'effet de l'article 23, on peut sérieusement
mettre en doute que les questions renvoyées à la
Commission constituent un renvoi de la seule
question que, dans les circonstances, on pouvait
à bon droit soumettre à la Commission en vertu
de l'article 23. La question a) vise, en fait, à
obtenir un avis sur un problème juridique qui
influerait sur l'exactitude de la décision de l'ar-
bitre en chef en utilisant la réponse à un autre
problème juridique soulevé par les faits établis
par l'arbitre en chef. La question b) présume
aussi une solution donnée, en réponse à un
problème juridique soulevé par ces faits, et
cherche à obtenir une réponse à un autre problè-
me juridique. Je me réfère au fait que les deux
questions présupposent qu'il y a eu «congédie-
ment» du requérant. (Comme je l'indiquerai plus
loin, à mon avis, les faits ne permettaient aucu-
nement de fonder une telle présomption.) En
envisageant le problème de façon très rigou-
reuse, on pourrait donc soutenir qu'il n'y a
jamais eu renvoi à la Commission pour «déci-
sion» d'une question en la forme prévue à l'arti-
cle 23 et que la Commission aurait dû trancher
en conséquence.' Il est possible que je sois
indûment influencé par la longue période de
temps qui s'est écoulée, mais j'ai conclu qu'il est
inutile d'adopter en l'espèce un point de vue
aussi rigoureux. Manifestement le requérant
renvoyait à la Commission une question de droit
portant sur le point de savoir si la décision de
l'arbitre en chef reflétait correctement les con-
séquences juridiques découlant des faits tels
qu'il les avaient établis et je pense qu'on peut en
déduire qu'on demandait à la Commission de
rendre une «décision» qui reflète avec exacti
tude les conséquences juridiques découlant de
ces faits, compte tenu de la compétence accor-
dée à l'arbitre par les dispositions législatives.
Si l'on adopte ce point de vue, ce qu'il faut
établir en l'espèce est quelle décision la Com
mission aurait dû rendre dans un renvoi en vertu
de l'article 23, savoir,
a) La solution de l'arbitre en chef dans le
renvoi qu'on lui avait soumis est-elle entachée
d'une erreur de droit? et
b) Dans l'affirmative, quelle solution aurait-il
dû adopter?
Avant d'étudier cette question, il est néces-
saire de se rapporter à certaines dispositions
législatives relatives aux différents points
soulevés.
Le renvoi d'un grief à l'arbitrage fait partie de
la procédure des griefs établie par la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique,
dont les articles pertinents sont rédigés ainsi:
PARTIE IV
GRIEFS
Droit d'exposer des griefs
90. (1) Lorsqu'un employé s'estime lésé
a) par l'interprétation ou l'application à son égard
(i) de quelque disposition d'une loi, d'un règlement,
d'une instruction ou d'un autre instrument établi ou
émis par l'employeur, concernant des conditions d'em-
ploi, ou
(ii) d'une disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale; ou
b) par suite d'un événement ou d'une question qui vise
ses conditions d'emploi, sauf une disposition indiquée au
sous-alinéa a)(i) ou (ii),
relativement à laquelle ou auquel aucune procédure adminis
trative de réparation n'est prévue en vertu d'une loi du
Parlement, il a le droit, sous réserve du paragraphe (2), de
présenter ce grief à chacun des paliers, y compris le dernier
palier, que prévoit la procédure applicable aux griefs établie
par la présente loi.
Arbitrage des griefs
Renvoi à l'arbitrage
91. (1) Lorsqu'un employé a présenté un grief jusqu'au
dernier palier de la procédure applicable aux griefs inclusi-
vement, au sujet
a) de l'interprétation ou de l'application, en ce qui le
concerne, d'une disposition d'une convention collective
ou d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le congédiement,
la suspension ou une peine pécuniaire,
et que son grief n'a pas été réglé d'une manière satisfaisante
pour lui, il peut renvoyer le grief à l'arbitrage.
Décision de l'arbitre
96. (2) Après avoir étudié le grief, l'arbitre doit rendre
une décision à son sujet et
a) en faire parvenir copie à chaque partie et à son repré-
sentant ainsi qu'à l'agent négociateur, s'il en est, pour
l'unité de négociation à laquelle appartient l'employé qui a
présenté le grief, et
b) remettre une copie de la décision au secrétaire de la
Commission.
(4) Lorsqu'une décision au sujet d'un grief renvoyé à
l'arbitrage exige qu'une mesure soit prise par l'employeur ou
de sa part, l'employeur doit prendre cette mesure.
(5) Lorsqu'une décision au sujet d'un grief exige qu'une
mesure soit prise par l'employé, par un agent négociateur ou
par les deux, ou de leur part, l'employé ou l'agent négocia-
teur, ou les deux, selon le cas, doivent prendre cette mesure.
La différence frappante entre l'étendue des
sujets à l'égard desquels un employé peut «faire
un grief» en vertu de l'article 90(1) et l'étendue
des sujets à l'égard desquels on peut faire un
renvoi à l'«arbitrage» en vertu de l'article 91(1)
est imputable à l'omission dans cette disposition
des sujets couverts par l'article 90(1) à l'alinéa
a)(i). En d'autres mots, alors qu'il existe un droit
à l'«arbitrage» à l'égard de
a) l'interprétation ou l'application en ce qui
concerne la personne s'estimant lésée, d'une
disposition d'une convention collective ou
d'une décision arbitrale, ou
b) d'une mesure disciplinaire entraînant le
congédiement, la suspension ou une peine
pécuniaire,
il n'existe pas de droit à l'arbitrage proprement
dit relativement aux griefs portant sur l'interpré-
tation ou l'application, à l'égard de la personne
s'estimant lésée, d'une disposition d'une loi,
d'un règlement, d'une instruction ou d'un autre
instrument établi ou émis par l'employeur, con-
cernant des conditions d'emploi.
Il semble que le point de vue sur lesquel
l'arbitre en chef s'est appuyé pour se déclarer
compétent en l'espèce', se reflète dans le para-
graphe suivant tiré d'une partie de la décision
motivée de la majorité de la Commission dans
laquelle les prétentions de «l'avocat de l'em-
ployeur» étaient résumées:
9. Une question peut se poser à première vue, et cette
question est celle de savoir si un arbitre possède l'autorité
voulue pour enquêter au sujet d'une plainte présentée par un
employé et faisant suite à la cessation de son emploi aux
termes des dispositions de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique. A prime abord, la réponse peut sembler
négative. Toutefois, un arbitre a effectivement compétence
pour établir si ce qu'on prétend être une cessation d'emploi
aux termes de quelque disposition de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique est en fait une mesure discipli-
naire entraînant le congédiement. Si les faits produits
comme élément de preuve dans toute affaire en particulier
établissent que la cessation d'emploi est de caractère disci-
plinaire, l'arbitre a le droit d'entendre les deux parties et de
décider si oui ou non la peine était justifiée.
Il semble que les dispositions législatives
régissant la Fonction publique, telles que modi
fiées par la législation de 1966-67, celles portant
sur la retraite avec plan de pension exceptées,
prévoient différentes façons par lesquelles une
personne peut perdre son emploi dans la Fonc-
tion publique. Les façons suivantes font l'objet
de dispositions expresses:
1. La démission
Voir l'article 26 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, qui se lit comme suit:
26. Un employé peut démissionner de la Fonction publi-
que en donnant au sous-chef un avis écrit de son intention
de démissionner. Cet employé cesse de l'être à compter du
jour où le sous-chef accepte, par écrit, sa démission.
2. Le renvoi
Voir l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, qui se lit comme suit:
28. (1) Un employé est considéré comme stagiaire depuis
la date de sa nomination jusqu'au terme de la période que la
Commission peut fixer pour tout employé ou classe
d'employés.
(2) Si la personne nommée fait déjà partie de la Fonction
publique, le sous-chef peut, s'il le juge opportun, dans un
cas quelconque, réduire le stage ou en dispenser l'employé.
(3) A tout moment au cours du stage, le sous-chef peut
prévenir l'employé qu'il se propose de le renvoyer, et
donner à la Commission un avis de ce renvoi projeté, pour
un motif déterminé, au terme du délai de préavis que la
Commission peut fixer pour tout employé ou classe d'em-
ployés. A moins que la Commission ne nomme l'employé à
un autre poste dans la Fonction publique avant le terme du
délai de préavis qui s'applique dans le cas de cet employé,
celui-ci cesse d'être un employé au terme de cette période.
(4) Lorsqu'un sous-chef prévient qu'il se propose de ren-
voyer un employé pour un motif déterminé, conformément
au paragraphe (3), il doit fournir à la Commission les raisons
de son intention.
(5) Nonobstant la présente loi, une personne qui cesse
d'être un employé conformément au paragraphe (3)
a) doit, si elle a accédé à son poste alors qu'elle était déjà
membre de la Fonction publique, et
b) peut, dans tout autre cas,
être inscrite par la Commission sur telle liste d'admissibilité
et à tel rang sur cette liste qui, de l'avis de la Commission,
correspondent à ses aptitudes.
3. L'expiration de la période d'emploi
Voir l'article 25 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, qui se lit comme suit:
25. Un employé nommé pour une période spécifiée cesse
d'être un employé à l'expiration de ladite période.
4. L'abandon
Voir l'article 27 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, qui se lit comme suit:
27. Lorsqu'un employé s'absente de son poste pendant
une semaine ou davantage, sauf pour des raisons qui, de
l'avis du sous-chef, sont indépendantes de sa volonté, ou
sauf en conformité de ce qui est autorisé ou prévu par une
loi du Parlement ou sous son régime, le sous-chef peut, au
moyen d'un écrit approprié adressé à la Commission, décla-
rer que l'employé a abandonné le poste qu'il occupait. Cet
employé cesse dès lors d'être un employé.
5. La mise en disponibilité
Voir l'article 29 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, qui se lit comme suit:
29. (1) Lorsque les services d'un employé ne sont plus
requis, soit faute de travail, soit par suite de la suppression
d'une fonction, le sous-chef peut, en conformité des règle-
ments de la Commission, mettre l'employé en disponibilité.
(2) Un employé cesse d'être un employé lorsqu'il est mis
en disponibilité en vertu du paragraphe (1).
(3) Nonobstant la présente loi, la Commission doit, dans
le délai et selon l'ordre qu'elle peut fixer, étudier la possibi-
lité de nommer, sans concours et, sous réserve des articles
30 et 37, en priorité absolue un employé mis en disponibilité
à tout poste de la Fonction publique pour lequel la Commis
sion le juge qualifié.
6. Le congédiement ou renvoi
Il existe trois catégories de congédiement ou
renvoi, savoir:
a) Le renvoi pour incompétence ou incapa-
cité
Voir l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, qui se lit comme suit:
31. (1) Lorsque, de l'avis du sous-chef, un employé est
incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste, ou
qu'il est incapable de remplir ces fonctions, et qu'il devrait
a) être nommé à un poste avec un traitement maximum
inférieur, ou
b) être renvoyé,
le sous-chef peut recommander à la Commission que l'em-
ployé soit ainsi nommé ou renvoyé, selon le cas.
(2) Le sous-chef doit donner à un employé un avis écrit
de toute recommandation visant la nomination de l'employé
à un poste avec un traitement maximum inférieur ou son
renvoi.
(3) Dans tel délai subséquent à la réception de l'avis
mentionné au paragraphe (2) que prescrit la Commission,
l'employé peut en appeler de la recommandation du sous-
chef à un comité établi par la Commission pour faire une
enquête au cours de laquelle il est donné à l'employé et au
sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de
se faire entendre. La Commission doit, après avoir été
informée de la décision du comité par suite de l'enquête,
a) avertir le sous-chef en cause qu'il ne sera pas donné
suite à sa recommandation, ou
b) nommer l'employé à un poste avec un traitement maxi
mum inférieur ou le renvoyer,
selon ce qu'a décidé le comité.
(4) S'il n'est interjeté aucun appel d'une recommandation
du sous-chef, la Commission peut prendre, relativement à
cette recommandation, la mesure qu'elle estime opportune.
(5) La Commission peut renvoyer un employé en confor-
mité d'une recommandation formulée aux termes du présent
article; l'employé cesse dès lors d'être un employé.
b) Le congédiement en tant que sanction de
manquements à la discipline ou de
l'inconduite
Voir l'article 7(1)f) de la Loi sur l'adminis-
tration financière:
7. (1) Sous réserve des dispositions de tout texte législatif
concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur dis
tinct, mais nonobstant quelque autre disposition contenue
dans tout texte législatif, le conseil du Trésor peut, dans
l'exercice de ses fonctions relatives à la direction du person
nel de la fonction publique, notamment ses fonctions en
matière de relations entre employeur et employés dans la
fonction publique, et sans limiter la généralité des articles 5
et 6,
f) établir des normes de discipline dans la fonction publi-
que et prescrire les sanctions pécuniaires et autres, y
compris la suspension et le congédiement, qui peuvent
être appliquées pour manquements à la discipline ou pour
inconduite et indiquer dans quelles circonstances, de
quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces
sanctions peuvent être appliquées, ou peuvent être modi
fiées ou annulées, en tout ou en partie;
c) Divers
Voir l'article 24 de la Loi sur l'emploi dans
la Fonction publique, qui se lit comme suit:
24. Un employé occupe sa charge durant le bon plaisir de
Sa Majesté sous réserve de la présente loi et de toute autre
loi ainsi que des règlements établis sous leur régime et, à
moins qu'une autre période ne soit spécifiée, pendant une
période indéterminée.
«Durant le bon plaisir de Sa Majesté» est
l'expression traditionnelle utilisée pour quali
fier l'emploi des préposés de la Couronne
auquel il peut être mis fin sans avis et sans
motif déterminé.
Il convient de remarquer que toutes ces façons
de mettre fin à un emploi peuvent éventuelle-
ment donner lieu à des litiges sur le point de
savoir si les mesures nécessaires ont effective-
ment été prises et peuvent éventuellement
donner lieu à des litiges quant à l'effet de la loi.
Toutefois, ce n'est que dans le cas «d'une
mesure disciplinaire entraînant le congédie-
ment» que la méthode appropriée pour trancher
le litige est le renvoi à l'arbitrage.
En l'espèce, l'employeur a d'abord prétendu
«congédier» le requérant après la fin de la
période durant laquelle il pouvait être congédié.
Il est admis que ce prétendu congédiement était
nul.
Le grief de l'employé relatif à cette tentative
de «congédiement» a été renvoyé à l'arbitre en
chef. Ayant admis que le congédiement était
nul, l'arbitre en chef a néanmoins décidé qu'il
devait, en prenant pour acquis que le congédie-
ment nul était en fait un renvoi à caractère
disciplinaire, entendre le grief et décider si ledit
congédiement était justifié. Sans établir de
«manquement à la discipline» ni d'«inconduite»,
l'arbitre en chef a estimé que «les exigences du
poste de préposé au soin des enfants ne conve-
naient pas» au requérant et a conclu notamment
«que la cessation d'emploi ... était justifiée».
Tout en reconnaissant que l'arbitre en chef a
tenté de manière très rigoureuse de trancher le
bien-fondé de la question en toute équité, ce
pour quoi on doit le féliciter, je suis obligé de
conclure qu'il n'existe pas de fondement juridi-
que à sa décision.
Selon mon interprétation, aucun élément de
preuve ressortant des documents soumis aux
tribunaux en cause, y compris cette Cour, ne
permet de conclure que le requérant a perdu son
emploi. Les parties ont admis que le renvoi était
nul en tant que tel. Elles ne prétendent pas qu'il
s'agissait d'un congédiement et encore moins
d'un congédiement pour inconduite. A mon avis,
ayant essayé de faire perdre son emploi à un
employé en le renvoyant après l'expiration de la
période du stage, l'employeur ne pouvait, dans
ce cas, s'appuyer après coup sur le document de
renvoi pour dire que l'employé avait perdu son
emploi par suite d'un congédiement pour incon-
duite. Non seulement le document de renvoi ne
relève pas, en sa forme, des pouvoirs de congé-
diement accordés par la loi mais encore un
employé ne peut, sur le fond, être renvoyé pour
des raisons disciplinaires ou pour inconduite
sans être informé des motifs de ce renvoi de
façon à lui permettre d'y répondre, avant d'être
congédié et à chaque étape de la procédure de
grief. Je répète que d'après les éléments de
preuve soumis, à mon avis, le requérant n'a
jamais perdu son emploi. En outre, il est diffi-
cile de voir comment, étant donné les conclu
sions de fait de l'arbitre en chef, il pourrait être
question de congédiement pour des raisons dis-
ciplinaires. Ayant déterminé que «les exigences
du poste de préposé aux enfants ne convenaient
pas» au requérant, il semble que la disposition la
plus appropriée est l'article 31 qui prévoit une
procédure particulière et un choix de traite-
ments applicables à un employé qui est «incom-
pétent dans l'exercice des fonctions de son
poste».
Vu sous cet angle, aucune «mesure discipli-
naire» 5 n'était soumise à l'arbitre en chef. Ce
qu'on lui soumettait, c'était un renvoi illégal et il
ne semble pas y avoir de fondement possible
pour décider qu'il était compétent pour trancher
un grief à cet égard. A mon avis, il aurait donc
dû rejeter le renvoi au motif qu'il n'avait pas
compétence.
Il s'ensuit que la Commission, lors du renvoi
en vertu de l'article 23, aurait dû déclarer, au
lieu de décider que la cessation d'emploi était
justifiée et de demander au conseil du Trésor de
la valider, que l'arbitre en chef aurait dû rejeter
le renvoi du grief du requérant à l'arbitrage au
motif qu'il n'avait pas compétence.
En conséquence, j'estime que la décision de
la Commission doit être annulée et l'affaire ren-
voyée à la Commission pour décision prenant
pour acquis a) que ce qu'elle devait déterminer
dans le renvoi en vertu de l'article 23, c'était
quelle décision l'arbitre en chef aurait dû rendre
eu égard aux faits qu'il a établis, et b) que
l'arbitre en chef n'était pas compétent pour con-
naître du renvoi à l'arbitrage du grief du
requérant.
* W *
LE JUGE THURLOW (oralement)—En sub
stance, je suis d'accord avec les motifs de juge-
ment du juge en chef mais je préfère appuyer
mon point de vue sur un cheminement quelque
peu différent.
A mon sens, ce qu'on soumet à l'examen de
cette Cour en vertu de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, comme étant la décision de la
Commission, ce n'est ni le raisonnement de
cette dernière ni les réponses qu'elle a apportées
aux questions présentées dans le renvoi. A mon
avis, sa décision est la confirmation de l'action
de l'arbitre. J'utilise le mot «décision» parce que
c'est le mot utilisé à l'article 23 de la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique.
Dans son contexte, il me semble signifier la
décision, l'ordonnance, le jugement ou la con
clusion juridique de la Commission. En consé-
quence, ce qui est soumis à cette Cour est la
légalité de la décision selon laquelle Wright a été
effectivement congédié à la suite du prétendu
renvoi.
A mon avis, cette décision n'a aucune valeur
en droit pour plusieurs raisons. Le prétendu
renvoi de Wright était nul. Le grief de Wright ne
pouvait pas faire l'objet d'un renvoi à l'arbi-
trage. L'arbitre n'avait pas compétence pour
déclarer le renvoi nul en tant que renvoi et il
n'existait aucun fondement lui permettant de
déclarer qu'il s'agissait d'un congédiement. Ce
n'est en aucune façon un congédiement à carac-
tère disciplinaire. Il n'y a aucun fait permettant
de le considérer comme une mesure discipli-
naire quelle quelle soit. On ne peut le considérer
comme un congédiement et, a fortiori, comme
un congédiement valable.
J'annule donc la décision de la Commission et
renvoie la question à cette dernière pour qu'elle
l'examine comme l'ordonne le juge en chef.
* * *
LE JUGE PRATTE—Pour les motifs exposés
par le juge en chef, je suis d'avis que l'arbitre en
chef n'avait pas compétence pour entendre le
grief du requérant et rendre une décision. Dans
ces circonstances, la question de savoir si l'arbi-
tre en chef a par ailleurs commis une erreur de
droit en rendant sa décision à cet égard est
absolument théorique et, en conséquence, elle
ne pouvait être renvoyée à la Commission des
relations de travail dans la Fonction publique en
vertu de l'article 23 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
c. P-35. La Commission n'était pas compétente
pour trancher les deux questions de droit soumi-
ses par le requérant; elle aurait dû refuser d'y
répondre.
Pour ces motifs, je suis d'avis que la décision
actuellement contestée doit être annulée.
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de
toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre
et juger une demande d'examen et d'annulation d'une déci-
sion ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de
nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un
office, une commission ou un autre trinunal fédéral ou à
l'occasion de procédures devant un office, une commission
ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la com
mission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée
d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la
lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclu
sion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire
ou sans tenir compte des éléments portés à sa
connaissance.
2 Voir In re l'article 107 de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique [1973] C.F. 604. Comme
je l'ai indiqué en l'espèce, les pouvoirs de la Cour aux
termes d'une disposition de ce genre ne sont pas très diffé-
rents des pouvoirs d'un tribunal pour trancher une question
de droit avant le procès. Comparer avec l'arrêt Libbey-
Owens-Ford Glass Company c. Ford Motor Company
(1968) 38 Fox 76 (et les arrêts y mentionnés).
3 C'est-à-dire, rendre une décision portant que, comme les
questions posées n'étaient pas des questions de la catégorie
de celles envisagées à l'article 23, la Commission ne pouvait
les trancher.
Toutefois, je ne pense pas qu'un point de vue aussi
rigoureux ou technique soit approprié dans la mise en oeuvre
de cette législation. Ce n'est pas la chasse gardée des
avocats; une interprétation qui favorise l'exercice de la
compétence de la Commission pour trancher une question
de droit qui est effectivement soulevée dans une affaire, et
ainsi permet de corriger les erreurs de droit, semble plus en
harmonie avec l'intention du législateur.
4 Il déclarait: «Je suis obligé de considérer ce renvoi à
l'arbitrage comme portant sur un congédiement discipli-
naire».
Je n'exprime aucune opinion sur l'exactitude de certai-
nes décisions de la Commission ou des arbitres mentionnées
au dossier. Les cas auxquels je fais allusion sont ceux où un
arbitre s'est déclaré compétent bien que l'action porte, par la
forme, sur un renvoi, au motif que ce dernier, dans le cas
particulier, constitue un congédiement résultant d'une
mesure disciplinaire. Si je saisis bien ce qu'on a dit au sujet
de ces décisions (je n'ai pas eu la possibilité de les lire), dans
chaque cas le renvoi était valide, mais par ailleurs il s'est en
fait avéré que ce n'était pas un exercice bona fide du
pouvoir de renvoi ou que, de toute façon, il s'agissait en fait
d'un congédiement résultant d'une mesure disciplinaire; l'ar-
bitre se trouvait ainsi compétent dans des cas où, par
ailleurs, l'employé aurait perdu son emploi par «renvoi». On
doit trancher chaque cas d'après les faits en cause. En
l'espèce, l'employé n'a pas été valablement renvoyé et l'em-
ployeur prétend, après coup, que le renvoi était un congédie-
ment, ce qui n'était pas le cas, de façon à justifier son point
de vue selon lequel l'employé avait perdu son emploi alors
qu'aucune action valable n'avait été prise pour ce faire. En
examinant si l'on peut considérer l'action prise pour que
l'employé perde son emploi, c'est-à-dire la procédure for-
melle, en vertu d'un pouvoir comme l'ayant été en vertu
d'un autre, il faudrait tenir compte d'une décision très
récente de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bell
Canada c. L'Union internationale des employés profession-
nels et de bureau, local 131, datée du 28 mai 1973—pas
encore publiée.
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