La Compagnie Price Limitée (Requérante)
c.
La Reine (Intimée)
Division de première instance, le juge Kerr—
Ottawa, le 25 juin et le 10 août 1973.
Taxe d'accise—Vente d'une machine—Prix payable par
versements—Machine exemptée avant la fin de tous les paie-
ments—La taxe de vente est-elle remboursable—Qui a le
droit de demander le remboursement—Loi sur la taxe d'ac-
cise, S.R.C. 1970, c. E-13, art. 30(1)a)(ii), art. 46(1); mod.
1967-68, c. 29, art. 13.
En 1965, un fabricant a convenu de vendre à la Cie R, au
prix de $4,754,091, une machine à papier journal destinée à
la Cie Price. En 1966, la Cie R a convenu avec la Cie Price
d'installer la machine pour le prix de $5,721,229 à l'usine de
la Cie Price à Alma (Québec). La Cie R convint de payer la
machine au fabricant par versements étalés sur une certaine
période et le contrat passé entre eux prévoyait que le titre de
propriété de la machine ne serait transféré qu'au moment du
dernier versement. Le prix d'achat était divisé en 14 verse-
ments dont le dernier était échu en juin 1968. Le fabricant
paya la taxe de vente sur un certain nombre de versements.
En janvier 1968, un représentant de la Cie Price fit savoir
que cette dernière avait l'intention de demander le rembour-
sement de la taxe de vente au motif que, lors du transfert du
titre de propriété de la machine en juin 1968, celle-ci était
exemptée de la taxe de vente en vertu de la modification
apportée le 2 juin 1967 à la Loi sur la taxe d'accise
[1967-68, c. 29, art. 13]. Le remboursement fut refusé. Par
pétition de droit, la Cie Price demanda le remboursement de
la taxe de vente.
Arrêt: le contrat d'achat de la machine relevait de l'article
30(1)aXii) de la Loi sur la taxe d'accise et la taxe de vente
devait donc être payée sur le prix de vente de la machine au
prorata de chaque versement exigible en vertu du contrat.
La Cie Price n'a pas le droit de demander un remboursement
de la taxe versée une fois que la machine a été exemptée de
la taxe parce que la demande de remboursement n'a pas été
présentée dans les deux ans de la date à laquelle ce dernier
devenait exigible, comme l'exige l'article 46(1) de la loi. La
lettre par laquelle le représentant de la Cie Price faisait part
de son intention de demander un remboursement n'était pas
une demande du fabricant au sens de l'article 46(1).
Arrêt analysé: Le Roi c. Dominion Engineering Com
pany [1944] R.C.S. 371; arrêt suivi: La Reine c. M.
Geller Inc. (1964) 41 D.L.R. (2e) 367.
PÉTITION de droit.
AVOCATS:
Gordon Henderson, c.r., et George Hynna
pour la requérante.
Derek Aylen, c.r., et John Smith pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour la
requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée.
LE JUGE KERR—La présente action a été
entendue en même temps qu'une autre action
portant le numéro de greffe 920-71 et opposant
la Price (Nfld) Pulp & Paper Limited, requé-
rante, à Sa Majesté la Reine, intimée. Les deux
actions, instituées par voie de pétition de droit
devant la Cour de l'Échiquier, visent le rem-
boursement de montants versés à titre de taxe
de vente en vertu de la Loi sur la taxe d'accise,
S.R.C. 1952, c. 100 et ses modifications, relati-
vement à des machines à papier journal fabri-
quées par la Dominion Engineering Works Limi
ted. La machine en cause dans la présente
action devait être livrée à Alma (Québec); celle
en cause dans l'autre action devait être livrée à
Grand Falls (Terre-Neuve). Dans la présente
action, la demanderesse réclame le rembourse-
ment d'une somme de $460,899.97 versée à
titre de taxe de vente. Dans l'autre action, le
montant du remboursement réclamé est de
$267,460.22.
Un exposé conjoint des faits a été produit
dans chaque action et le témoignage de George
C. Brown vaut pour les deux actions.
Dans la présente affaire, l'exposé conjoint des
faits, qui constitue la pièce P-2, porte que:
[TRADUCTION] 1. La requérante est une corporation ayant
son siège social dans la ville de Québec (Québec).
2. Le 21 avril 1966, la requérante, dont le nom avait été
jusque-là Price Brothers & Company, Limited, est devenue
La Compagnie Price Limitée.
3. La requérante est un fabricant ou producteur s'occupant
de la fabrication ou de la production de papier journal dans
son usine Riverbend située dans la ville d'Alma (Québec).
4. Aux termes d'une offre écrite en date du 8 octobre 1965,
constituant l'annexe «A» aux présentes, la Dominion Engi
neering Works Limited, de Montréal (Québec), a offert de
fournir à la Rust Associates Ltd, de Montréal (Québec),
pour le compte de la requérante, une machine à papier
journal Dominion dont la toile métallique aurait une largeur
de 326 pouces et qui serait capable de produire du papier
d'une largeur de 304 pouces, dont la requérante devait se
servir aux fins de la fabrication ou de la production de
marchandises.
5. Le prix de ladite machine fixé au contrat s'élevait à la
somme de $4,754,091.00.
6. Ladite offre portait notamment que:
DROIT DE PROPRIÉTÉ—a) La compagnie restera propriétaire
de ladite machine jusqu'au paiement complet du prix (y
compris tous versements différés et l'acquittement de tous
billets à ordre et de tous renouvellements de ceux-ci, le
cas échéant), quel que soit le mode de fixation aux
immeubles ou à tous autres biens.
b) A défaut par l'acheteur d'effectuer, après la livraison
de la machine, tout paiement auquel il est tenu en vertu
des présentes, la compagnie aura, en sus de tous autres
droits et recours, le droit d'enlever ladite machine et de
conserver à titre de dommages et de loyer afférent à son
usage tous paiements touchés par elle jusqu'à ce jour et
de disposer de ladite machine en se conformant à la lex
situs.
7. Aux termes d'une offre écrite en date du ler septembre
1965, révisée le 12 octobre 1965, appelée offre n° MEA-
10001 et annexée aux présentes (annexe «B»), la Rust
Associates Ltd, une entreprise de technogénie, a offert
d'exécuter pour le compte de la requérante, l'acheteuse en
l'espèce, les travaux énumérés dans ladite offre au chapitre
«Nature des travaux» en contrepartie d'un honoraire fixé à
l'avance en sus du prix net de la machine.
8. Les travaux mentionnés dans la clause «Nature des
travaux» dans ladite offre comprenaient notamment les tra-
vaux suivants:
A. Fournir la totalité de la main-d'oeuvre, des matériaux,
de l'outillage, des services de sous-entrepreneurs, de la
direction de la construction, de la surveillance technique,
de la surveillance de l'exécution, des outils et du matériel
de construction nécessaires à la construction d'une
machine à papier journal capable de produire du papier
d'une largeur de 304" au rythme de 3,000 pi. p. m. devant
être installée à l'usine Riverbend de l'acheteuse située à
Alma (Québec).
9. Le 18 octobre 1965, la requérante a accepté par écrit
l'offre mentionnée au paragraphe 7 ci-dessus.
10. Aux termes du bordereau d'achat n° 59897, en date du 7
janvier 1966, annexé aux présentes (annexe «C»), la requé-
rante a acheté à la Rust Associates Ltd et l'a chargée de
l'installation d'une machine à papier journal dont la toile
métallique aurait une largeur de 326 pouces en conformité
des dispositions de l'offre n° MEA-10001 en date du ler
septembre 1965 et révisée le 12 octobre 1965, au prix et aux
conditions stipulés au contrat.
11. Le bordereau d'achat mentionné au paragraphe 10
ci-dessus précisait que la machine en question devait être
livrée à la requérante à son usine Riverbend située à Alma
(Québec).
12. Aux termes du bordereau n° AR. 100-1 en date du 13
juin 1966, annexé aux présentes à titre d'annexe «D», la
Rust Associates Ltd a commandé à la Dominion Engineering
Works Limited la livraison à la requérante à son usine
Riverbend située à Alma (Québec), d'une machine à papier
journal Dominion ayant une toile métallique d'une largeur de
326 pouces, capable de fabriquer du papier d'une largeur de
304 pouces. Le prix net était fixé à la somme de $4,945,-
840.00, en date du 1e" juin 1966 et les conditions, celles
stipulées dans l'offre de la Dominion Engineering Works en
date du 8 octobre 1965 et précisées dans le devis C 101-
36000 de la Dominion Engineering Works en date du 8
octobre 1965, sauf toutes modifications apportées à ces
documents.
13. Le coût total de ladite machine à papier journal Domi
nion s'élevait à $5,721,229.05, soit le prix initial stipulé au
contrat auquel s'ajoutent toutes les additions et modifica
tions convenues par la suite entre les parties.
14. La Rust Associates Limited devait s'acquitter du prix de
la machine à papier journal Dominion stipulé au contrat en
dix versements à la Dominion Engineering Works Limited,
dont voici les dates et les montants:
Date Montant
Le 31 décembre 1965 $500,000.00
Le 28 février 1966 500,000.00
Le 30 avril 1966 500,000.00
Le 30 juin 1966 400,000.00
Le 31 août 1966 e 700,000.00
Le 31 octobre 1966 650,000.00
Le 31 décembre 1966 700,000.00
Le 31 janvier 1967 350,000.û0
Le 31 mars 1967 200,000.00
Le 30 juin 1967 445,840.00
ou le solde dû.
15. L'expédition à la requérante des pièces composant ladite
machine à papier journal Dominion s'est déroulée entre le 6
mai 1966 et le 22 novembre 1967.
16. Ladite machine à papier journal Dominion a été montée
à l'usine même le 26 septembre 1967 et elle a commencé à
fonctionner le 4 octobre 1967.
17. Le versement final à valoir sur le prix stipulé au contrat
a été fait le 26 juin 1968. La Rust Associates Limited a fait
à la Dominion Engineering Works Limited les versements
suivants à valoir sur le prix stipulé au contrat:
Date Montant
Le 29 décembre 1965 $500,000.00
Le 17 février 1966 500,000.00
Le 27 avril 1966 500,000.00
Le 21 juin 1966 400,000.00
Le 22 août 1966 700,000.00
Le 27 octobre 1966 650,000.00
Le 28 décembre 1966 700,000.00
Le 20 janvier 1967 350,000.00
Le 20 mars 1967 200,000.00
Le 17 juillet 1967 327,914.00
Le 25 octobre 1967 200,000.00
Le 24 avril 1968 1,838.00
Le 24 avril 1968 170,463.08
Le 26 juin 1968 42,000.00
18. Au cours des années 1965 à 1968, la Dominion Engi
neering Works Ltd a fait chaque mois une déclaration au
ministère du Revenu national et a versé des acomptes à titre
de taxe de consommation ou de vente. Un chèque représen-
tant le versement pour le mois accompagnait la déclaration
du mois en question portant sur les biens qu'elle avait
fabriqués, comme en font foi les deux pages du grand livre
annexées aux présentes (annexe «E»).
19. Dans ses déclarations mensuelles au ministère, la
Dominion Engineering a fait figurer des montants versés à
titre de taxe de vente sur les versements effectués confor-
mément aux dispositions du contrat relatif à la machine à
papier journal en question pour la période visée par les
déclarations. Lesdits montants ainsi que la date de chaque
versement au ministère sont les suivants:
Le 17 janvier 1966 $55,000.00
Le 21 mars 1966 55,000.00
Le 24 mai 1966 55,000.00
Le 25 juillet 1966 44,000.00
Le 26 septembre 1966 77,000.00
Le 28 novembre 1966 71,500.00
Le 30 janvier 1967 77,000.00
Le 29 février 1967 38,500.00
Le 22 mai 1967 22,000.00
TOTAL $495,000.00
Le 10 avril 1968, ou vers cette date, le ministère du Revenu
national a remboursé à la Dominion Engineering Works
Limited la somme de $34,103.00 représentant une partie de
la taxe payée par celle-ci, suite à des modifications du taux
de la taxe au cours de la période en question.
20. Le 18 janvier 1968, K. V. Sandford, de la Foster
Business Services, a adressé une lettre au Directeur des
opérations de la taxe d'accise, où il demandait un rembour-
sement dans les termes suivants:
«Conformément aux dispositions de l'article 46 de la Loi
sur la taxe d'accise, veuillez prendre note par les présen-
tes que nos clientes, La Compagnie Price Limitée et la
Price (Newfoundland) Pulp and Paper Limited, ont l'inten-
tion de soumettre une demande écrite de remboursement
ou de déduction de la taxe de vente fédérale payée
relativement à des expéditions de pièces composant des
machines à papier journal Dominion fabriquées et four-
nies par la Dominion Engineering Works et installées aux
usines de nos clientes situées à Riverbend (Québec) et à
Grand Falls (Terre-Neuve).»
Une copie de cette lettre est annexée aux présentes (annexe
«F»).
21. Le ministère du Revenu national a refusé de rembourser
la somme de $460,899.97.
22. Conformément aux règles de la Cour, on peut utiliser et
citer l'interrogatoire préalable de George Cameron Brown,
un des dirigeants de la requérante.
23. Le présent exposé des faits est destiné à accélérer la
présente procédure et les parties ne conviennent des faits en
question qu'aux fins de la présente action. Aucun élément
de preuve incompatible avec cet exposé ne pourra être
présenté, mais des éléments de preuve nouveaux qui ne sont
pas incompatibles avec ledit exposé pourront être présentés
lors de l'audience, sous réserve de toutes les règles
habituelles.
L'exposé conjoint des faits relatif à l'autre
action constitue la pièce P-1; il a le même effet,
seuls des détails particuliers à ladite action, tels
les montants, les dates, etc., diffèrent.
Le témoin George C. Brown, est vice-prési-
dent de La Compagnie Price Limitée et adminis-
trateur de la Price (Nfld) Pulp & Paper Limited.
Son témoignage regroupait les points suivants.
C'est lui qui était chargé de la direction générale
des travaux d'installation des deux machines;
La Compagnie Price Limitée détient 99% des
actions ordinaires en circulation de la Price
(Nfld) Pulp & Paper Limited; les deux compa-
gnies ont retenu les services de la Rust Associa
tes à titre de conseiller pour l'achat des machi
nes et de leur installation; les deux compagnies
avaient convenu avec la Rust Associates qu'el-
les lui avanceraient les sommes nécessaires à
l'acquittement de la taxe de vente sur les machi
nes, ce qu'elles ont effectivement fait; chaque
compagnie se trouve donc à avoir déboursé le
plein montant de la taxe de vente.
A l'audience, les avocats des parties ont con-
venu que la Dominion Engineering Works Limi
ted n'a aucun intérêt dans le présent litige car
elle n'a aucun droit au remboursement d'une
partie quelconque des taxes de vente.
Dans sa pétition, la requérante soutient qu'à
la date de la vente de la machine et à celle où
elle en est devenue propriétaire, ce bien était
exempt de taxe de vente aux termes des disposi
tions de l'article 32 et de l'alinéa a) de la Partie
XIII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'ac-
cise et ses modifications alors en vigueur; subsi-
diairement, la requérante fait valoir qu'à la date
de la livraison de la machine, cette dernière était
exempte de la taxe de vente. La requérante
demande donc que les biens soient déclarés
exempts de taxe de vente en vertu de la Loi sur
la taxe d'accise et le remboursement de la taxe
de vente qu'elle a payée, soit la somme de
$460,899.97.
Dans sa défense, l'intimée fait valoir que la
pétition ne révèle aucune cause d'action ni motif
donnant droit à la requérante à un redressement
de la part de Sa Majesté; elle ajoute que si,
effectivement, la requérante était fondée à
réclamer le remboursement de taxe en vertu de
la Loi sur la taxe d'accise, ce que nie l'intimée,
elle a perdu tout droit à un tel remboursement
pour avoir négligé d'en faire la demande par
écrit dans les deux ans de la date à laquelle cette
remise est devenue en premier lieu exigible,
comme le prévoit la loi; l'intimée affirme enfin
que les biens n'étaient pas exempts de la taxe de
vente imposée par ladite loi.
L'article 46 de la loi porte notamment que:
46. (1) Il peut être accordé une déduction ou remise de
toute taxe imposée par la présente loi
a) lorsque le contribuable a effectué un paiement en trop;
b) lorsque la taxe a été payée par erreur;
c) lorsque la vente ou l'importation originaire était assujé-
tie à la taxe, mais que la présente loi prévoit une exemp
tion sur la vente subséquente;
(5) Nulle remise ou déduction de quelqu'une des taxes
imposées par la présente loi ne doit être effectuée à moins
que la personne y ayant droit ne produise une demande par
écrit à cet effet dans les deux ans de la date à laquelle cette
remise ou déduction est devenue en premier lieu exigible en
vertu de la présente loi ou de règlements édictés sous son
régime.
(6) Si quelqu'un, par erreur de droit ou de fait, a payé ou a
payé en, trop à Sa Majesté des deniers dont il a été tenu
compte à titre de taxes imposées par la présente loi, ces
deniers ne doivent pas être remboursés à moins que
demande n'ait été faite par écrit dans les deux ans qui
suivent le paiement ou le paiement en trop de ces deniers.
Dans sa réponse, la requérante soutient avoir
produit une demande écrite de remboursement
des sommes versées à titre de taxe, par lettre en
date du 18 janvier 1968 adressée au ministère
du Revenu national par son mandataire dûment
autorisé. Mention de ladite lettre est faite au
paragraphe 20 de l'exposé conjoint des faits.
L'intimée reconnaît avoir reçu la lettre, mais
soutient que la requérante n'était pas la partie
fondée à présenter une demande de
remboursement.
Je vais maintenant citer quelques articles de
la Loi sur la taxe d'accise.
Voici la partie de l'article 30(1) de ladite loi
qui nous intéresse:
30. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de con-
sommation ou de vente de neuf' pour cent sur le prix de
vente de toutes marchandises
a) produites ou fabriquées au Canada,
(i) payable, dans tout cas autre que celui qui est men-
tionné au sous-alinéa (ii) ou (iii), par le producteur ou
fabricant à l'époque où les marchandises sont livrées à
l'acheteur ou à l'époque où la propriété des marchandi-
ses est transmise, en choisissant celle de ces dates qui
est antérieure à l'autre,
(ii) payable, dans un cas où le contrat de vente des
marchandises (y compris un contrat de location-vente et
tout autre contrat en vertu duquel la propriété des
marchandises est transmise dès qu'il est satisfait à une
condition) stipule que le prix de vente ou autre considé-
ration doit être payé au fabricant ou producteur par
versements (que, d'après le contrat, les marchandises
doivent être livrées ou que la propriété des marchandi-
ses doive être transmise avant ou après le paiement
d'une partie ou de la totalité des versements), par le
producteur ou le fabricant pro tanto à l'époque où
chacun des versements devient exigible en conformité
des conditions du contrat; et
Le sous-alinéa (ii) faisait partie de la loi pendant
toute l'époque qui nous intéresse.
Aux fins de la présente affaire, il y a lieu de
lire l'article 30(1) en corrélation avec l'article
32(1), qui était en vigueur pendant toute l'épo-
que qui nous intéresse et est rédigé ainsi:
32. (1) La taxe imposée par l'article 30 ne s'applique pas
à la vente ou à l'importation des articles mentionnés à
l'annexe III.
Je devrais préciser dès maintenant qu'avant le
14 juin 1963, il y avait à l'annexe III une
catégorie d'objets appelée «Machines et appa-
reils devant servir à la fabrication ou produc
tion», mais que l'art. 7(6) du c. 12 des Statuts du
Canada de 1963, entré en vigueur le 14 juin
1963, a fait disparaître de l'annexe III cette
catégorie et la liste des objets la composant, et
que lesdits objets ne sont réapparus à l'annexe
III que le 2 juin 1967, comme le révèlent les
modifications suivantes.
Aux termes de l'art. 9 du c. 40 des Statuts du
Canada de 1966-67, la loi était modifiée par
l'adjonction de l'annexe V qui visait notamment
«les machines et appareils vendus aux fabri-
cants ou producteurs ou importés par eux et
destinés à être utilisés par eux directement dans
la fabrication ou la production de marchandi-
ses»; l'article 4 de ladite loi modifiait l'article
32(3) de la Loi sur la taxe d'accise, dont le texte
devenait le suivant:
32. (3) Ne sont imposés, prélevés et perçus que les trois
huitièmes de la taxe prévue par l'article 30 sur la vente ou
l'importation des articles énumérés à l'Annexe V et, à
l'égard de tous semblables articles livrés à l'acheteur ou
importés ou sortis d'entrepôt pour la consommation après le
31 mars 1968, la taxe prévue par l'article 30 ne s'applique
pas.
En outre, l'article 10 de la loi susdite prévoyait
que le nouvel article 32(3) de la Loi sur la taxe
d'accise, édicté par l'article 4 de la loi susdite,
s'applique aux articles énumérés à l'annexe V
qui sont, dans le cas des marchandises fabri-
quées au Canada, livrées à l'acheteur après le 31
mars 1967.
Peu après la promulgation du c. 40 des Statuts
du Canada de 1966-67 fut promulgué le c. 79
des mêmes statuts, aux termes duquel la taxe de
vente passait à 9%. Aux termes de l'article 2 de
cette dernière loi, l'article 32(3) de la Loi sur la
taxe d'accise était remplacé par ce qui suit:
32. (3) Ne sont imposés, prélevés et perçus que les trois
neuvièmes de la taxe prévue par l'article 30 sur la vente ou
l'importation des articles énumérés à l'Annexe V et, à
l'égard de tous semblables articles livrés à l'acheteur ou
importés ou sortis d'entrepôt pour la consommation après le
31 mars 1968, la taxe prévue par l'article 30 ne s'applique
pas.
Vint ensuite le c. 29 des Statuts du Canada de
1967-68 qui, aux termes de son article 12, abro-
geait l'annexe V et, aux termes de son article
11(10), entrant en vigueur le 2 juin 1967, ajou-
tait une nouvelle Partie XIII à l'annexe III,
incluant dans l'alinéa (1)a), «les machines et
appareils vendus aux fabricants ou producteurs
ou importés par eux et destinés à être utilisés
par eux directement dans la fabrication ou la
production de marchandises»; l'article 13 de
cette loi modificatrice portait que:
13. (1) Les articles 5 et 12 et les paragraphes (1), (3), (4),
(6) et (10) de l'article 11 de la présente loi sont censés être
entrés en vigueur le 2 juin 1967, et s'être appliqués à toutes
les marchandises y mentionnées, importées ou sorties d'en-
trepôt pour la consommation à compter de la date en ques
tion ainsi qu'aux marchandises antérieurement importées
pour lesquelles aucune déclaration en vue de la consomma-
tion n'a été faite avant ladite date.
Sur la question de l'incidence de la taxe de
vente, les avocats de la requérante ont fait
valoir qu'un contrat de vente conditionnelle, tel
le contrat en l'espèce, est un contrat imparfait et
qu'il ne constitue pas une «vente» selon la Loi
sur la taxe d'accise; tant que la propriété des
marchandises en question n'était pas transmise,
a-t-il ajouté, aucune taxe de vente n'était exigi-
ble; enfin, selon lui, une fois cette transmission
réalisée, les marchandises étaient exemptes de
taxe aux termes du c. 29 des Statuts du Canada
de 1967-68. Il a distingué la vente de la pro-
messe de vente et, à ce sujet, il a renvoyé à
Halsbury, 3e éd., vol. 34, à la page 5, où la vente
est définie comme [TRADUCTION] «le transfert,
par consentement mutuel, de la propriété d'une
chose d'une personne à une autre en contrepar-
tie d'un prix en argent»; il a aussi renvoyé à
Benjamin on Sale, 8e éd., à la p. 297:
[TRADUCTION] Une fois le contrat de vente conclu, la pre-
mière question qui vient naturellement à l'esprit est la sui-
vante: Quel est son effet? A quel moment y a-t-il véritable-
ment vente? En d'autres termes, quand le contrat cesse-t-il
d'être un contrat imparfait ou, comme on dit maintenant,
une promesse de vente?
Nous avons déjà vu que la distinction est la suivante: dans
une vente, l'objet sur lequel porte le contrat devient la
propriété de l'acheteur (en vertu du contrat) dès la conclu
sion du contrat, peu importe que les biens soient livrés à
l'acheteur ou qu'ils restent en possession du vendeur, alors
que dans une promesse de vente, la propriété n'est transmise
que plus tard ou sous réserve de l'exécution de conditions,
le vendeur restant propriétaire des biens jusqu'à la réalisa-
tion du contrat. Dans un cas, A vend à B; dans l'autre, il ne
fait que promettre de vendre.
L'avocat de la requérante renvoie en outre à
l'article 2f) des Statuts de Terre-Neuve de 1955,
c. 62, qui donne une définition de l'expression
«vente conditionnelle» et au vol. 11 du Traité de
Droit civil du Québec de Faribault, où nous
pouvons lire ce qui suit [à la page 157]:
Lorsque le vendeur conserve la propriété de la chose
vendue jusqu'à ce que le prix soit entièrement payé, l'ache-
teur n'a pas le droit de vendre cette chose puisqu'elle ne lui
appartient pas. En la vendant, il vend la chose d'autrui, et
son vendeur a alors le droit de la revendiquer contre le
second acheteur et même contre tout acheteur subséquent,
sauf le cas où le dernier acheteur l'aurait acheté d'un trafi-
quant en semblables matières. Dans cette dernière hypo-
thèse, le premier vendeur ne peut lui revendiquer la chose
qu'en offrant de lui rembourser le prix qu'il a payé.
Sur cette question, l'avocat de l'intimée a
signalé que l'article 30(1)a)(ii) a fait partie de la
loi pendant toute l'époque en question; il a
soutenu que dans le cas d'un contrat ne compor-
tant qu'un seul paiement devant être fait au
moment de la livraison des marchandises ou de
la transmission de la propriété des biens, selon
celle des deux dates qui est antérieure à l'autre,
une taxe est exigible aux termes du sous-alinéa
(i) de l'article 30(1)a), et que, dans le cas d'un
contrat prévoyant le paiement du prix par verse-
ments, une taxe semblable est exigible, sauf
qu'elle est payable pro tanto, comme le stipule
le sous-alinéa (ii); par l'article en question, pour-
suit l'avocat de l'intimée, on vise un résultat
d'ordre économique en imposant une taxe dans
les deux cas. L'avocat de l'intimée fait enfin
valoir qu'une taxe était exigible à l'égard des
marchandises dont il est question en l'espèce à
l'époque où chacun des versements est devenu
exigible conformément aux dispositions du
contrat.
Un des arrêts les plus pertinents, auxquels ont
renvoyé les avocats de chacune des parties, est
celui rendu dans l'affaire Le Roi c. Dominion
Engineering Company Limited par la Cour
suprême du Canada ([1944] R.C.S. 371) et
ensuite par le Conseil privé ([1947] 1 D.L.R. 1).
Il s'agissait d'une action instituée par la Cou-
ronne en recouvrement de la taxe de vente
réclamée relativement à la vente d'une machine
que la Dominion Engineering devait construire
pour l'acheteuse, la Lake Sulphite Pulp Com
pany. Aux termes du contrat, le prix était paya
ble en neuf versements mensuels suivis du ver-
sement du solde lorsque la machine aurait
commencé à fonctionner, la propriété ne devant
être transmise que lors du paiement complet.
Six des dix acomptes à valoir sur le prix de
vente ont été versés à la Dominion, qui a payé la
taxe de vente y afférente. L'acheteuse a ensuite
fait faillite et les trois autres versements sont
restés en souffrance. La machine n'a jamais été
livrée à l'acheteuse. Dans sa réclamation, la
Couronne cherchait à recouvrer de la Dominion
la taxe de vente afférente aux trois versements
en souffrance. Dans cette affaire, l'article assu-
jettissant à l'impôt était l'article 86(1) de la Loi
spéciale des revenus de guerre, S.R.C. 1927, c.
179, telle que modifiée, qui portait que:
86. (1) Il doit être imposé, prélevé et perçu une taxe de
consommation ou de vente de huit pour cent sur le prix de
vente de toutes les marchandises
a) Produites ou fabriquées au Canada, exigible du produc-
teur ou du fabricant à l'époque de la livraison de ces
marchandises à leur acheteur.
Toutefois, s'il s'agit, pour la vente de marchandises, d'un
contrat où il est prévu que le prix de vente doit être acquitté
par versements au fabricant ou producteur au fur et à
mesure que progresse l'ouvrage, ou sous toute forme de
convention de ventes conditionnelles, de contrat de vente à
tempérament, ou toute forme de contrat en vertu duquel la
propriété des marchandises vendues ne passe pas aux mains
de leur acheteur avant une date ultérieure, nonobstant paie-
ment partiel par versements, ladite taxe est exigible pour ce
qui, à l'époque de chacun de ces versements, devient dû et
payable conformément aux conditions du contrat, et toutes
ces transactions doivent être considérées, pour les fins du
présent article, comme ventes et livraisons.
De plus, dans le cas où il n'y a pas eu de livraison réelle
des marchandises par le fabricant ou producteur, ladite taxe
est exigible lorsque la propriété desdites marchandises passe
aux mains de leur acheteur.
Le juge Rand, qui a rendu le jugement au nom
du juge en chef et des juges Kerwin, Tasche-
reau et Rand, a notamment déclaré ce qui suit
[aux pages 375-377]:
[TRADUCTION] Les termes «ces transactions» désignent soit
les contrats eux-mêmes soit les obligations successives d'ef-
fectuer un versement. Dans les deux cas, l'expression
«devient payable» ne désigne pas uniquement l'arrivée du
jour où doit se faire le versement. Ce qu'on envisage, c'est
l'obligation de payer découlant de la valeur juridique du
contrat.
Même si l'article porte que la «transaction» est une vente
et une livraison implicite, l'opération qui justifie essentielle-
ment la taxe est un contrat imparfait devant aboutir à la
cession de la propriété. Ce contrat est conçu comme une
vente possible assujettie à une taxe globale possible: «ladite
taxe est exigible». Les tranches de la taxe sont évaluées en
fonction des acomptes versés sur le prix et, lorsque ceux-ci
deviennent payables à titre de partie d'un tout, la taxe suit le
sort du principal; toutefois, pendant toute la période en
cause, la taxe n'existe que dans la mesure où l'on prévoit
que le contrat sera exécuté. L'accord ne crée qu'une obliga
tion incomplète d'acquitter le montant total de la taxe; pour
qu'on puisse en exiger l'acquittement, il faut que le verse-
ment devenu payable le soit à titre d'obligation d'un contrat
imparfait.
Le fait d'être tenues à un moment donné d'acquitter une
partie quelconque de la taxe n'empêche en aucune façon les
parties de bonne foi de modifier le contrat à leur guise et, a
fortiori, n'empêche pas que le contrat soit modifié par le seul
effet de la loi. S'il en résulte, en droit, que la transaction
n'est plus une vente, l'assiette nécessaire à l'impôt disparaît.
Ce résultat, du moins dans les cas où la résiliation du contrat
n'opère pas rescision totale, ne fera pas disparaître le droit à
la perception de la taxe sur toute partie du prix payé au
vendeur et ne saurait avoir pour effet de faire varier le
montant des taxes déjà perçues ou fixées par jugement en
faveur de la Couronne.
Selon moi, la faillite de l'appelante fait perdre à la Couronne
le droit de poursuivre cette procédure. Lorsque l'ordon-
nance de liquidation a été rendue le 22 février, les verse-
ments à valoir sur le prix d'achat non encore effectués ont
cessé d'être «dus» et «payables» au sens de la loi. La seule
solution pour l'intimée était de prouver l'existence de dom-
mages non liquidés, sous réserve du droit du liquidateur de
choisir de parfaire le contrat. Rien n'indique que le liquida-
teur ait choisi cette solution avant le commencement de la
présente procédure. L'intimée ne pouvait exiger qu'on lui
fasse les derniers versements et la condition essentielle à
l'assujettissement, c'est-à-dire que les versements à venir
continuent d'être des obligations réelles d'un contrat de
vente, était donc absente lorsque les procédures ont été
intentées. Le fait qu'il soit toujours loisible au liquidateur
d'exercer le choix en question n'a aucun effet sur l'issue de
la présente procédure.
Cette façon d'interpréter la loi n'a pas pour effet de faire
du paiement du prix ou des acomptes sur le prix dans un tel
contrat une condition essentielle à l'exigibilité de la taxe,
mais il en découle que lorsque l'obligation créée par un tel
contrat imparfait est anéantie par l'effet de la loi, la portion
de la taxe non encore payée correspondant aux versements
non encore effectués subit un sort analogue. S'il en était
autrement, une personne ayant un bien invendu serait assu-
jettie à l'impôt sur le prix d'achat qui non seulement n'a pas
été acquitté mais au paiement duquel il n'a plus droit;
d'autre part, la revente de ce bien entraînerait une nouvelle
taxe tout à fait séparée et distincte de celle relative à la
première vente. Ce que le législateur a établi, c'est un
assujettissement fiscal adapté aux particularités d'opérations
commerciales imparfaites qui est soumis, jusqu'au moment
de l'exécution parfaite des obligations, aux effets de toute
modification contractuelle ou des vices de fond qui peuvent
apparaître par le seul effet de la loi.
Voici un extrait de la déclaration du juge
Hudson [aux pages 379-380]:
[TRADUCTION] Les faits pertinents ne sont pas contestés. Le
problème se situe au niveau de l'interprétation de l'article
applicable aux faits de l'espèce. Il y a lieu de se rappeler que
la machine a été vendue comme un tout, qu'on n'en a jamais
terminé la fabrication, que seule une petite partie de la
machine dont la valeur n'était que de $1,200 a été réelle-
ment livrée, et que la propriété de la partie de la machine qui
a été fabriquée n'a pas été transmise à l'acheteur.
Il convient de scruter cet article.
En vertu de l'alinéa a), la taxe est exigible lors de la
livraison des marchandises.
La première partie de l'alinéa susdit porte que dans les cas
où le contrat stipule que le prix sera payable par versements,
la taxe sera immédiatement exigible. Dans la plupart des cas
visés par cette partie de l'alinéa, il y a livraison réelle des
marchandises faisant l'objet de la vente. Par exemple, dans
les cas de ventes conditionnelles et de ventes à tempéra-
ment, il en est presque toujours ainsi. Dans certains cas,
toutefois, il n'y a pas de livraison réelle; l'alinéa précise que
dans ces cas, il faut présumer que, dans l'abstrait, il y a eu
livraison.
La seconde partie de l'alinéa ne vise pas les cas où il y a
livraison réelle; elle s'applique à tous les autres cas et rend
alors la taxe exigible lorsque la propriété desdites marchan-
dises passe aux mains de leur acheteur.
Il se peut que les faits de la présente affaire la fasse
relever des dispositions de la première partie de l'alinéa.
Aux termes du contrat, le prix de vente devait être acquitté
sous forme de versements correspondant à la proportion des
travaux exécutés, bien que le contrat ne stipule pas que ces
versements seraient effectués selon un rythme donné
d'avancement des travaux. Il faut cependant présumer, me
semble-t-il, que l'intention des parties était de n'astreindre
l'appelante à faire des versements que dans la mesure où les
travaux effectués par l'intimée progressaient de façon satis-
faisante. C'est l'interprétation qu'ont donnée au contrat les
dirigeants de la Lake Sulphite Pulp Company, car il ressort
de la preuve que le directeur de ladite compagnie s'est plaint
des retards apportés par l'intimée à exécuter ses obligations
et que, pour ce motif, il est même allé jusqu'à retenir le
versement de décembre pendant un certain temps.
On peut se demander si les versements sur lesquels porte
la réclamation de la Couronne sont jamais devenus dus et
payables, mais, même dans l'affirmative, j'estime que c'est
la seconde partie de l'alinéa qui s'applique en l'espèce. Sa
rédaction est catégorique et, en l'espèce, il est manifeste que
la propriété des marchandises n'a jamais été transmise à
l'acheteur. La seconde partie de l'alinéa ne prive pas la
première de tout effet, puisqu'elle ne s'applique que dans les
cas où il n'y a pas eu livraison réelle. Pour ce motif, j'estime
que la règle d'interprétation consacrée par l'arrêt Forbes c.
Git [[1923] A.C. 256] est applicable. La construction de la
machine n'a jamais été achevée et, donc, on n'a jamais pu
réellement la livrer en exécution du contrat.
Le Conseil privé a décidé que la seconde
partie de l'alinéa l'emportait et qu'en consé-
quence, étant donné qu'il n'y avait pas eu livrai-
son réelle des marchandises et que la propriété
de celles-ci n'avait jamais été transmise à l'ache-
teur, la taxe n'était jamais devenue exigible. Le
jugement, rendu par Lord Macmillan, porte
notamment que [aux pages 3-5]:
[TRADUCTION] Une des difficultés auxquelles est confronté
le législateur en matière d'imposition d'une taxe de vente est
le choix du moment de l'assujettissement et de l'exigibilité.
Dans le cas d'une vente ordinaire au détail au comptant dans
un magasin, les diverses étapes de l'opération, soit celles de
l'accord, de l'identification des biens visés par le contrat, de
la livraison, du paiement du prix et de la transmission de la
propriété, sont toutes pratiquement simultanées. Mais dans
des opérations plus complexes relatives à des biens non
encore produits ni fabriqués, ces étapes sont réparties dans
le temps de diverses façons. Le moment où, aux termes de
l'art. 86, la taxe de vente est généralement imposée, préle-
vée et perçue, est celui de la livraison des marchandises à
l'acheteur. L'assujettissement à la taxe, comme l'a souligné
la Couronne, ne dépend pas du paiement du prix, car les
marchandises peuvent être livrées à crédit et l'acheteur peut
manquer à son obligation d'en payer le prix.
Toutefois, en l'espèce, les marchandises n'ont jamais été
livrées et la règle générale est inapplicable. L'introduction
de l'alinéa est toutefois suivie de deux dispositions, toutes
deux destinées à restreindre la généralité de la règle princi-
pale en matière de livraison. La première introduit le con
cept d'une livraison théorique qui est censée avoir lieu dans
certains cas précis et dont un des éléments distinctifs est le
report de la transmission de la propriété des marchandises à
une date future. Notamment, lorsqu'il est prévu au contrat
que le prix de vente sera acquitté au fabricant ou producteur
au fur et à mesure que progresse l'ouvrage, la taxe devient
exigible pro tanto au moment où chaque versement devient
dû et payable conformément aux conditions du contrat. La
Couronne, on le comprendra sans peine, soutient que la
présente affaire tombe exactement dans le cas prévu par la
disposition susdite. Dans son jugement [[1943] 3 D.L.R. 12,
R.C.É. 49], M. le juge Angers s'indigne de cette conclusion
dont l'injustice lui paraît manifestement plus choquante
qu'elle ne le paraît peut-être à leurs Seigneuries, qu'une
longue expérience a forcées à se résoudre au caractère
arbitraire de l'imposition. En outre, en Cour suprême
[[1944] 4 D.L.R. 505, R.C.S. 371], la prétention de la
Couronne fondée sur la première disposition est contestée et
rejetée. Leurs Seigneuries n'estiment cependant pas néces-
saire de pousser plus loin ou de faire l'étude de cet argument
car, même si ladite partie semble très bien étayer les préten-
tions de la Couronne, la seconde partie leur semble consti-
tuer une réponse complète et satisfaisante auxdites
prétentions.
Cette seconde partie de l'alinéa restreint la portée de la
disposition principale en matière de livraison au même titre
que le fait la première. Elle restreint en outre la portée de la
première partie de l'alinéa. Elle porte en effet que «de plus,
dans le cas où il n'y a pas eu de livraison réelle des
marchandises», ladite taxe est exigible lorsque la propriété
desdites marchandises passe aux mains de leur acheteur.
Ainsi lorsqu'il n'y a pas livraison réelle, le concept de
livraison théorique introduit par les dispositions de la pre-
mière partie de l'alinéa n'est pas applicable. M. le juge
Angers a vu dans la seconde partie de l'alinéa un motif
subsidiaire susceptible de fonder la décision qu'il a rendue
contre la Couronne et ladite disposition constitue le motif
principal du jugement de M. le juge Hudson en Cour
suprême. Leurs Seigneuries sont d'avis que cette seconde
partie de l'alinéa constitue un argument péremptoire opposa-
ble à la réclamation de la Couronne. La compagnie Domi
nion n'a pas réellement livré les marchandises à la Lake
Sulphite. Or cette disposition porte que «dans le cas» où il
n'y a pas eu de livraison réelle, la taxe est exigible lorsque la
propriété passe aux mains de l'acheteur. En l'espèce, la
propriété des marchandises n'est jamais passée aux mains
de la Lake Sulphite. En conséquence, la taxe n'est jamais
devenue exigible. Si cette disposition est de quelque façon
incompatible avec la première, elle l'emporte, car elle figure
en dernier lieu dans la loi et, pour reprendre l'expression
employée par le juge en chef Lord Tenterden, elle «exprime
l'intention ultime du législateur»: Le Roi c. Justices of
Middlesex (1831) 2 B. & Ad. 818, à la p. 821, 109 E.R.
1347. La dernière disposition de l'alinéa va dans le sens des
prétentions de la compagnie Dominion et doit l'emporter.
Leurs Seigneuries se rendent compte du fait que leur
opinion risque de mener à des anomalies. En effet, si l'on
suit cette opinion, la compagnie Dominion n'aurait pas été
tenue de payer la taxe de vente sur les six versements
qu'elle a effectivement reçus et sur lesquels elle a payé la
taxe. Les anomalies en matière fiscale sont cependant loin
d'être rares et il appartient au gouvernement de les corriger;
il appert que depuis 1927, quelque vingt lois modificatrices
de la Loi spéciale des revenus de guerre ont effectivement
été adoptées.
Cette seconde disposition, soit celle qui, aux
termes de l'arrêt Dominion Engineering, devait
l'emporter, ne figure plus à l'article 30(1)a) de la
présente Loi sur la taxe d'accise. Une autre
différence entre l'arrêt Dominion Engineering et
le présent arrêt, c'est qu'en l'espèce l'obligation
de l'acheteur d'effectuer tous les versements ne
s'éteint pas.
Il me semble que l'article 30(1), au sous-ali-
néa (ii) de l'alinéa a), vise précisément le cas de
contrats de ventes conditionnelles de marchan-
dises stipulant que le prix de vente sera payé au
fabricant ou producteur par versements et je
suis d'avis que dans le cas de contrats pré-
voyant de tels versements, ledit sous-alinéa
impose une taxe de vente' payable à l'égard du
prix de vente pro tanto à l'époque où chaque
versement devient exigible en conformité des
conditions du contrat. En l'espèce, le contrat
relève de l'article 30(1)a)(ii) et, à mon avis, la
taxe de vente est exigible à l'égard du prix de
vente des marchandises pro tanto à l'époque où
chaque versement devient exigible en confor-
mité des conditions du contrat.
Toutefois, si une partie quelconque des taxes
payées n'était pas exigible du fait que les mar-
chandises ont été replacées à l'annexe III depuis
le 2 juin 1967, ou pour toute autre raison, il
reste à décider si la requérante est fondée à
réclamer une remise en vertu des dispositions
de l'article 46(1) de la loi.
La Couronne fait valoir que si, à un certain
moment, la requérante était fondée à réclamer
un remboursement, elle a maintenant perdu ce
droit pour avoir négligé d'en faire la demande
par écrit dans les deux ans de la date à laquelle
ce remboursement est devenu en premier lieu
exigible. Les avocats de la Couronne ont
reconnu que la lettre dont il est fait mention au
paragraphe 19 de l'exposé conjoint des faits a
été envoyée le 18 janvier 1968. Toutefois,
même si cette lettre constitue une demande, il
s'agit d'une demande faite par la requérante et
non par le fabricant; or, selon mon interpréta-
tion de l'article 46, la personne qui est fondée
en vertu du paragraphe (1) à recevoir une
«remise» de la taxe payée à la Couronne est
celle qui a payé cette taxe. En l'espèce, même si
les fonds étaient avancés par la requérante, c'est
le fabricant, et non cette dernière, qui était
tenue de payer la taxe et qui a fait les paiements
à la Couronne, comme il ressort du paragraphe
18 de l'exposé conjoint des faits.
Dans l'affaire La Reine c. M. Geller Inc.
(1964) 41 D.L.R. (2d) 367, une taxe avait été
imposée en vertu de l'article 80A de la Loi sur la
taxe d'accise alors en vigueur sur des fourrures
apprêtées au Canada; cette taxe était payable
par l'apprêteur. Le jugement de la Cour
suprême du Canada porte notamment que [aux
pages 368-369]:
[TRADUCTION] L'intimée, la M. Geller Inc., fait le com
merce des peaux de moutons; une partie de ces peaux ont
été apprêtées au Canada par la Nu -Way Lambskin Proces
sors Ltd. Les deux compagnies susdites exploitaient leur
commerce dans la ville et le district de Montréal.
En qualité d'apprêteuse, la Nu -Way était chargée du paie-
ment de la taxe en vertu de l'article 80A. Elle a donc versé la
somme de $20,011.72 à Sa Majesté la Reine et, le 8 mars
1957, la présente intimée et la Nu -Way ont présenté une
pétition de droit dans laquelle elles réclamaient à Sa Majesté
la Reine la somme de $20,956.74. On fait valoir que la taxe
imposée sur ces fourrures apprêtées au Canada est illégale
au motif que la peau de mouton n'est pas une fourrure au
sens de la loi. Toutes les parties reconnaissent que la M.
Geller Inc. a remboursé à la Nu -Way la somme de
$20,956.74 versée par cette dernière à Sa Majesté la Reine.
La Nu -Way et l'intimée, la M. Geller Inc., ont toutes deux
réclamé le remboursement de la somme payée. L'intimée en
l'espèce a fait valoir qu'elle seule était tenue de payer la
taxe, qu'elle l'a payée par l'entremise de la Nu -Way Lamb
skin et que, suite à la demande de remboursement faite par
écrit dans les deux ans de la date à laquelle cette remise est
devenue en premier lieu exigible, conformément aux dispo
sitions de la loi, elle a droit de toucher ledit remboursement.
Le savant juge de première instance [[1960] R.C.É. 512] a
rejeté ladite pétition de droit au motif que la requérante,
Nu -Way Lambskin, avait négligé de demander un rembour-
sement dans le délai prévu. L'article 105(6) porte que:
105. (6) Si quelqu'un, par erreur de droit ou de fait, a
payé ou a payé de trop à Sa Majesté des deniers dont il a
été tenu compte à titre de taxes imposées par la présente
loi, ces deniers ne doivent pas être remboursés à moins
que demande n'ait été faite par écrit dans les deux ans qui
suivent le paiement ou le paiement en trop de ces deniers.
La réclamation de l'intimée a toutefois été accueillie au
motif que toute personne est fondée à réclamer un rembour-
sement si elle a versé des sommes qui ont été considérées
comme des taxes imposées par la loi et que la preuve a
établi que l'intimée est effectivement la personne qui a versé
les sommes en question à Sa Majesté.
Il est manifeste et les parties admettent que ladite somme
de $20,956.74 a été versée à titre de taxe sans être due,
comme cette Cour l'a décidé dans plusieurs affaires et
notamment dans l'arrêt Universal Fur Dressers & Dyers Ltd
c. Sa Majesté la Reine [1956] R.C.S. 632. Dans ce dernier
arrêt, cette Cour a décidé que la peau de mouton n'était pas
de la fourrure et n'était donc pas susceptible d'être imposée
en vertu de l'art. 80A de la Loi sur la taxe d'accise. La
Nu -Way n'a pas interjeté appel devant cette Cour; par
conséquent, seul l'appel interjeté par Sa Majesté la Reine
contre la présente intimée fera l'objet de notre examen.
Je suis arrivé à la conclusion qu'il y a lieu d'accueillir le
présent appel et de rejeter en partie la pétition.
La personne tenue de payer la taxe est l'apprêteur et, si la
taxe a été payée par erreur de droit ou de fait, la personne
fondée à toucher un remboursement est l'apprêteur. En
l'espèce, la taxe a été payée par l'apprêteur, qui était la
Nu -Way, et cette dernière seule a droit au remboursement.
La pétition de droit a été rejetée à bon droit par la Cour de
l'Échiquier, vu ce que stipule l'article 105(6).
L'intimée n'est pas fondée en droit à faire une réclama-
tion. Il est vrai que la M. Geller Inc. a remboursé la
Nu -Way, mais ce paiement ne donne pas à la M. Geller Inc.
un droit d'action que la loi lui refuse.
L'appelante n'a pas à tenir compte des accords intervenus
entre les deux compagnies susdites. Ces accords sont res
inter alios acta et ne peuvent porter préjudice aux droits de
la Couronne.
Pour les motifs susmentionnés, la présente
pétition de droit est rejetée. Sa Majesté a droit
d'être défrayée par la requérante de ses dépens
taxés.
Comme les deux actions ont été entendues de
façon simultanée, les honoraires d'avocat accor
dés seront ceux qui auraient été engagés s'il n'y
avait eu qu'une seule action.
I Le taux de la taxe a fluctué au cours des années.
2 à moins que les marchandises ne soient par ailleurs
exemptées de la taxe, par exemple, en vertu de l'article
32(1).
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