Mittler Bros. of Quebec Ltd. (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Noël—Montréal (P.Q.), le 6 février;
Ottawa, le 28 février 1973.
Impôt sur le revenu—Plan de pension—Déductibilité des
contributions pour services antérieurs—Aucune obligation de
faire des versements en vertu du plan—Rejet de la déduc-
tion—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 76(1), 139(1)ahh).
Un plan de pension, établi par l'appelante pour ses
employés, a été dûment enregistré en 1964 en vertu de
l'article 139(1)ahh) de la Loi de l'impôt sur le revenu et le
passif relatif aux services antérieurs a été évalué à $228,-
410. En 1965 et 1966, l'appelante a versé $100,000 pour
couvrir partiellement ce passif dont $60,000 ont servi à
l'achat d'actions privilégiées de l'appelante et $40,000 lui
ont été prêtés. Les actions privilégiées ont été rachetées en
1968 et le prêt remboursé en 1967. Le plan de pension ne
contenait aucune disposition obligeant la compagnie appe-
lante à verser à ses employés un montant précis ni aucune
obligation envers les employés qui exige des versements à
l'égard des services antérieurs.
Arrêt: confirmation de la cotisation à l'impôt sur le
revenu. L'appelante n'a pas le droit de déduire les $100,000
versés pour services antérieurs en 1965 et 1966. Le droit de
faire une déduction en vertu de l'article 76(1) de la Loi de
l'impôt sur le revenu est soumis à une condition prévue par
la loi, savoir, l'existence d'une obligation envers les
employés à l'égard des services antérieurs.
Arrêt suivi: M.R.N. c. Inland Industries Ltd. 72 DTC
6013.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Maurice Régnier pour l'appelante.
A. P. Gauthier et Alban Garon pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki & Cie, Montréal,
pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE EN CHEF ADJOINT NOEL —Appel est
interjeté de cotisations à l'impôt sur le revenu
en date du 10 juin 1969, aux termes desquelles
l'intimé a refusé d'admettre la déduction des
sommes de $60,000 et de $40,000 à l'égard des
années d'imposition 1965 et 1966 respective-
ment à titre de contributions à un plan de pen
sion, et a rajouté ces sommes au revenu de
l'appelante.
La compagnie appelante, constituée en vertu
des lois du Québec le 17 décembre 1962, a créé
un plan de pension destiné à ses employés,
devant entrer en vigueur le ler décembre 1964.
Afin de mettre en application les dispositions
dudit plan de pension, l'appelante, d'une part, et
Alexander Leslie Mittler, Julius Pfeiffer et
Thomas J. Karass, d'autre part, ont souscrit un
acte de fiducie.
Le 11 décembre 1964, copie du document
constitutif du plan de pension et copie de l'acte
de fiducie ont été envoyées au Ministre pour
examen et enregistrement. Dans une lettre datée
du 18 janvier 1965, le Ministre a informé l'appe-
lante que le plan [TRADUCTION] «a été enregistré
à titre de plan de pension d'employés en vertu
de l'article 139(1)ahh) de la Loi de l'impôt sur le
revenu». Dans une lettre en date du 7 mai 1965,
l'intimé a informé l'appelante que le surinten-
dant des assurances avait accepté les calculs de
l'actuaire de l'appelante, qui établissaient le
passif relatif aux services antérieurs à la somme
de $228,410.
Le ler octobre 1965 et le 27 décembre 1966,
l'appelante, comme nous l'avons déjà --men--
tionné, a versé les sommes de $60,000 et de
$40,000 respectivement en liquidation partielle
du passif relatif aux services antérieurs._
La contribution de $60,000 a servi à acheter
60,000 actions privilégiées de catégorie «A»,
d'une valeur au pair de $1 l'une, du capital
social de l'appelante, et la somme de $40,000 a
été prêtée à l'appelante.
Les 60,000 actions privilégiées de catégorie
«A» ont été rachetées conformément à une
résolution du conseil d'administration du 2 avril
1968; de plus, l'appelante a remboursé aux fidu-
ciaires la somme de $40,000 qu'elle leur avait
empruntée, en deux versements effectués les 31
août et 22 septembre 1967.
L'appelante soutient que les cotisations ne
sont fondées ni en fait ni en droit, que le plan de
pension était réel et enregistré conformément
aux dispositions de la loi et que la déduction
relative aux contributions ayant servi à l'achat
d'actions privilégiées de l'appelante n'ont pas
réduit son revenu indûment ou de façon factice.
L'intimé reconnaît qu'un document intitulé
[TRADUCTION] «plan de pension», souscrit par
Theodore Tibor Mittler le 9 décembre 1964 et
qu'un autre document intitulé [TRADUCTION]
«acte de fiducie» souscrit par Theodore Tibor
Mittler et Alexander Leslie Mittler, Julius Pfeif-
fer et Paul Riox lui ont été envoyés, et que, dans
une lettre en date du 18 janvier 1965, il a
informé l'appelante de l'enregistrement du plan
en vertu de la loi. L'intimé reconnaît en outre
avoir informé l'appelante, dans une lettre en
date du 7 mai 1965, que le surintendant des
assurances avait confirmé les calculs exposés au
certificat de l'actuaire de l'appelante établissant
le passif à la somme de $228,410, mais il ajoute
que le certificat d'actuaire, qui porte que l'actif
du fonds de pension devra s'élever à $228,410
pour garantir l'acquittement intégral de toutes
les obligations du fonds, est nul parce que fondé
sur une conception erronée des droits et obliga
tions découlant du plan.
En ce qui concerne le paiement des contribu
tions, l'intimé fait valoir que l'appelante et les
[TRADUCTION] «fiduciaires» du prétendu [TRA-
DUCTION] «plan de pension» ont simplement
procédé à un échange de chèques.
L'intimé a attaqué la validité du plan sous un
certain nombre de chefs qui, selon moi, peuvent
se résumer de la façon suivante:
a) Le certificat d'actuaire est nul parce que
fondé sur une conception erronée des faits et
des droits et obligations découlant du docu
ment intitulé [TRADUCTION] «plan de
pension».
b) L'appelante n'a jamais fait et n'a jamais
été obligée de faire de paiements à l'égard de
services antérieurs rendus par ses employés
et, de toute façon, n'a jamais fait et n'a jamais
eu l'intention de faire de paiement spécial
irrévocablement dévolu au fonds ou plan de
pension.
c) Le l er octobre 1965, l'appelante a en appa-
rence établi un chèque de $60,000 à l'ordre de
la Banque Royale du Canada (fiducie du plan
de pension de la Mittler Bros. of Quebec
Limited), mais cette somme à immédiatement
été remise à l'appelante sous le couvert de
l'achat d'actions privilégiées de catégorie «A»
de la compagnie.
d) Le 17 décembre 1966, l'appelante a en
apparence établi un chèque de $40,000 à l'or-
dre du plan de pension des cadres de la Mit-
tler Bros. Limited, mais cette somme a immé-
diatement été remise à l'appelante sous le
couvert d'un prêt.
e) Ledit prêt ne pouvait être imputable aux
fiduciaires d'un plan de pension d'employés
mais, au contraire, devait nécessairement être
imputable aux mandataires de l'appelante, vu
que le prêt contrevenait manifestement à l'ar-
ticle 2 du prétendu «acte de fiducie».
f) Les «fiduciaires» du prétendu «plan de
pension» ont toujours agi, en fait et en droit, à
titre de mandataires de l'appelante; celle-ci
était seule chargée de l'administration du
«plan de pension» et seule autorisée à prendre
des décisions relatives à l'interprétation et à
l'application du prétendu «plan de pension».
Pour qu'un contribuable puisse légalement
réclamer une déduction en vertu des disposi
tions d'un plan de pension, les conditions sui-
vantes, stipulées à l'article 76(1)' de la loi, doi-
vent être respectées:
a) Le contribuable doit faire un paiement spé-
cial à un fonds ou plan de pension;
b) Le paiement spécial doit être fait afin d'as-
surer que toutes les obligations du fonds ou
plan envers les employés pourront être pleine-
ment acquittées;
c) Le paiement doit être irrévocablement
dévolu au fonds ou plan;
d) Le paiement doit être fait en conformité de
la recommandation d'un actuaire compétent.
L'intimé soutient que l'appelante n'a jamais
eu l'intention que les sommes de $60,000 et de
$40,000, représentées par les chèques, fassent
partie du fonds de pension ni qu'elles soient
irrévocablement dévolues à un fonds ou plan de
pension, ou dans ce but, et qu'elles ne l'ont en
fait jamais été. De plus, affirme l'intimé, les
conditions du plan n'ont jamais obligé l'appe-
lante à faire un paiement spécial à l'égard des
participants et les «fiduciaires» de ce plan n'ont
jamais été obligés de verser une pension, une
retraite ou toute autre forme de prestation.
Subsidiairement, ajoute l'intimé, si des paie-
ments ont été faits à un fonds ou plan de pen
sion, il s'agissait d'opérations factices et, par
conséquent, l'article 137(1) 2 de la loi interdit à
l'appelante de déduire, en se fondant sur l'arti-
cle 76 de la loi, les contributions de $60,000 et
de $40,000 versées au plan de pension.
Les deux seuls dirigeants de la compagnie qui
ont adhéré audit plan de pension de cadres
étaient Theodore T. Mittler, secrétaire-trésorier
de l'appelante, et M me Elizabeth Mittler, sa pré-
sidente. La pension projetée de T. T. Mittler
s'élevait au total à $20,000 par année et celle
d'Elizabeth Mittler à $14,000. Il convient de
remarquer qu'Elizabeth Mittler a vendu sa parti
cipation dans la compagnie en décembre 1966,
démissionnant du même coup de son poste d'ad-
ministratrice et cessant d'être à l'emploi de la
compagnie.
Je suis d'avis que la situation dans le présent
cas est la même que celle dans l'affaire M.R.N.
c. Inland Industries Ltd. 72 DTC 6013, où le
juge Pigeon a décidé que la compagnie intimée
n'était pas fondée à déduire les contributions à
l'égard de services antérieurs faites au plan de
pension. Le savant juge a en effet déclaré que
comme il n'y avait pas d'«obligations» du fonds
ou du plan envers le participant exigeant un
paiement spécial destiné à assurer que lesdites
obligations puissent être pleinement acquittées,
comme l'exige expressément l'article 76(1) de la
loi, il n'y avait pas lieu de permettre la déduc-
tion de la contribution.
Les dispositions du plan relatives aux contri
butions de l'employeur à l'égard de services
antérieurs sont les suivantes:
[TRADUCTION] L'employeur peut effectuer des versements
à l'égard de services antérieurs rendus par tout employé qui
participe au plan et qui a au moins effectué une année de
service ininterrompu.
La clause suivante précise le montant de pen
sion à laquelle les participants ont droit:
[TRADUCTION] Lors de la retraite d'un employé à l'âge
ordinaire de la retraite, les fiduciaires devront verser à
l'employé une pension annuelle pouvant atteindre 70% du
traitement annuel moyen de ses six meilleures années de
service sans toutefois excéder la somme de $40,000 par
année. Cette pension sera versée audit employé jusqu'à son
décès et, à la discrétion des fiduciaires, elle pourra être tirée
directement du fonds ou son versement pourra être assuré
grâce à l'achat d'une rente du gouvernement du Canada ou
d'une institution autorisée à vendre des rentes au Canada.
Il convient de remarquer que, comme c'était
le cas dans l'affaire Inland Industries Ltd. (pré-
citée), le plan ne fixe pas le montant précis de la
pension mais en fixe seulement le maximum.
Il ressort en outre des clauses précitées du
plan qu'il n'existait aucune obligation envers les
participants aux termes de laquelle la compagnie
devait faire des paiements spéciaux.
Il n'existe en effet aucune obligation du fonds
envers les participants qui rende nécessaire un
paiement spécial afin d'assurer que toutes les
obligations du fonds ou plan envers les
employés puissent être pleinement acquittées,
comme l'exige expressément l'article 76(1) de la
loi.
Ici encore les seules obligations contractées
envers les participants étaient d'utiliser les
fonds versés au plan de la façon prescrite, et ni
le fonds ni la compagnie n'étaient tenus de
verser aux participants les prestations que les
paiements spéciaux devaient couvrir.
Il me paraît évident que l'existence d'une
obligation incombant au plan de pension de la
compagnie envers les employés relativement
aux services antérieurs est une condition statu-
taire du droit de déduire les paiements spéciaux
et qu'en l'absence d'une telle obligation, on n'é-
tait pas fondé à les déduire.
Le plan n'impose manifestement pas à la
compagnie de faire des paiements spéciaux à
l'égard de services antérieurs. En voici d'ailleurs
le texte:
[TRADUCTION] L'employeur peut effectuer des versements
à l'égard de services antérieurs rendus par tout
employé ... .
En effet, en vertu du plan, il ne pouvait
exister aucune obligation envers les participants
à l'égard de services antérieurs tant que la com-
pagnie n'avait pas décidé de faire effectivement
les versements prévus au fonds. En outre,
puis-je ajouter, même si la compagnie fait les
paiements, le fonds n'est tenu de verser aux
employés qu'une pension pouvant varier entre
1% et 70% du traitement annuel moyen des six
meilleures années de service de l'employé, sans
toutefois dépasser la somme de $40,000. Il s'en-
suit donc qu'il n'existait aucune obligation du
fonds de pension envers les participants qui
rendait nécessaire le versement des paiements
spéciaux que l'appelante cherche à déduire.
Comme le vice susdit du plan suffit à empor-
ter le rejet du présent appel, je m'abstiendrai de
traiter des autres moyens invoqués contre la
validité du plan ou de l'acte de fiducie ou de
considérer le caractère prétendûment factice
des paiements effectués. Ceux-ci, il est vrai, ont
été faits en conformité du certificat de l'actuaire
et, en outre, le plan a été accepté et enregistré
par le Ministre. Cette approbation ne peut toute-
fois jouer en faveur de l'appelante, car aucune
approbation donnée par le Ministre ne peut lier
celui-ci lorsqu'une disposition statutaire n'a pas
été respectée. D'autre part, l'actuaire ne pouvait
dans le présent cas exprimer une opinion vala-
ble sur le montant dont il fallait augmenter les
ressources du fonds ou plan. En effet, il ne
pouvait exprimer une telle opinion que relative-
ment aux obligations existantes du fonds à l'é-
gard de services antérieurs des employés; or,
comme nous l'avons vu, il n'y avait à l'époque
aucune obligation de ce genre.
L'appel est rejeté avec dépens.
' 76. (1) Lorsqu'un contribuable est un employeur et qu'il
a effectué un paiement spécial dans une année d'imposition
au titre d'un fonds ou plan de pension ou de retraite d'em-
ployés à l'égard de services antérieurs rendus par des
employés, en conformité de la recommandation d'un
actuaire compétent d'après qui les ressources du fonds ou
plan devraient être augmentées d'un montant non inférieur à
celui du paiement spécial afin d'assurer que toutes les
obligations du fonds ou plan envers les employés puissent
être pleinement acquittées, et a effectué le paiement de
manière qu'il soit irrévocablement dévolu au fonds ou plan
ou pour le fonds ou plan, et que le paiement a été approuvé
par le Ministre, sur l'avis du surintendant des assurances, on
peut déduire, dans le calcul du revenu du contribuable pour
l'année d'imposition, le montant du paiement spécial.
2 137. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente
loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un
déboursé fait ou d'une dépense contractée, relativement à
une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait
indûment ou de façon factice le revenu.
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