Jesse Magder, faisant affaires sous la raison
sociale de Sportcam, ou Sportcam Co. (Appelant)
c.
Breck's Sporting Goods Co. Ltd. (Intimée)
et
Sportcam Co. Limited (Appelante)
c.
Breck's Sporting Goods Co. Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Thurlow et le juge suppléant MacKay—Ottawa,
les 9,10 et 11 avril 1973.
Marques de commerce—Violation—Marchandises venant
de l'étranger vendues sous une marque de commerce cana-
dienne par un distributeur canadien et des concurrents—La
marque de commerce ne distingue pas les marchandises
vendues par le distributeur canadien—Loi sur les marques de
commerce, art. 2d) et h).
Un fabricant français de leurres appliquait le terme
«Mepps» auxdits leurres pour les distinguer de ceux fabri-
qués par d'autres. A compter de 1951, on a vendu ses
leurres au Canada sous ce nom et ce nom distinguait effecti-
vement les produits du fabricant français de ceux des autres.
En 1956, le distributeur exclusif des leurres Mepps au
Canada y enregistra la marque de commerce «Mepps». En
1959, l'intimée devint le distributeur exclusif des leurres
Mepps au Canada et aussi le cessionnaire inscrit de la
marque de commerce «Mepps». L'appelante importait les
leurres Mepps de France et les vendait au Canada sous la
marque de commerce «Mepps». L'intimée a intenté une
action en violation contre l'appelante.
Arrêt: la décision du juge Gibson étant infirmée, l'action
doit être rejetée. L'enregistrement de la marque de com
merce au Canada était invalide. La marque de commerce
«Mepps» ne distinguait pas véritablement les leurres vendus
par l'intimée de ceux des autres comme l'exige l'article
18(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, compte tenu
des définitions de «distinctive» et «marque de commerce»
dans la loi. Aucune preuve ne permettait d'étayer la conclu
sion du juge de première instance selon laquelle, à compter
de 1956, la marque «Mepps» distinguait véritablement les
leurres Mepps vendus par l'intimée au Canada.
Arrêt examiné: The Hotpoint Electric (1921) 38
R.P.C. 63.
APPEL de la décision du juge Gibson.
AVOCATS:
G. F. Henderson, c.r., et K. H. E. Plumley
pour l'appelante.
W. F. Green et J. M. Shearn pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour
l'appelante.
W. F. Green, Toronto, pour l'intimée.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Cet
appel porte sur une décision par laquelle la
Division de première instance a déclaré qu'il y
avait contrefaçon d'une marque de commerce
déposée et a rejeté une demande reconvention-
nelle visant à faire annuler l'enregistrement de
cette marque ainsi qu'un contre-appel du rejet
d'une demande en réparation pour violation des
articles 7 et 22 de la Loi sur les marques de
commerce, S.C., 1952-53, c. 49.
La marque de commerce déposée est consti-
tuée par le mot «Mepps» et s'applique à «des
articles de pêche ...» Elle a été déposée initia-
lement le 29 juin 1956, au nom de la Boehm -
Sheldon Inc. Le l er septembre 1959, on a enre-
gistré la cession de cette marque de commerce à
l'intimée qui s'appelait à l'époque la Sparkling
Products Company Ltd. Le 22 novembre 1965,
l'intimée a adopté le nom qu'elle porte
aujourd'hui.
Après avoir examiné l'ensemble de la preuve,
j'en ai conclu que le mot «Mepps» est une
marque de commerce sous laquelle sont vendus
des leurres pour la pêche fabriqués par une
compagnie française et qu'une personne qui
achète au Canada des leurres pour son usage
personnel, pense simplement que les leurres
vendus sous cette marque ont été fabriqués par
ce fabricant français.'
A l'époque où elle était propriétaire enregistré
de la marque de commerce, la Boehm -Sheldon
Inc. avait conclu avec le fabricant français des
accords qui lui donnaient les droits exclusifs de
distribution des leurres de marque «Mepps» aux
États-Unis et au Canada. A cette époque, l'inti-
mée, ou son prédécesseur en affaires, était,
selon un accord signé avec la Boehm -Sheldon
Inc., sous-distributeur de ces articles au Canada.
Vers 1959, on a modifié ces accords et l'inti-
mée a acquis, en vertu d'un accord avec le
fabricant français, les droits exclusifs de distri
bution des leurres «Mepps» au Canada.
Il n'est pas contesté qu'avant l'introduction de
ces instances, les appelants achetaient les leur-
res de marque «Mepps» à des fournisseurs fran-
çais qui se les procuraient directement ou indi-
rectement du fabricant, et qu'ils les vendaient
au Canada sous la marque «Mepps». Il en
résulte que si l'invalidité de l'enregistrement de
la marque de commerce de l'intimée n'est pas
démontrée, il est bien établi qu'il y a eu viola
tion du droit exclusif que détenait l'intimée en
vertu de l'article 19 de la Loi sur les marques de
commerce. Cette loi prévoit en son article 19:
19. Sous réserve des articles 21, 31 et 65, l'enregistre-
ment d'une marque de commerce à l'égard de marchandises
ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au
propriétaire le droit exclusif à l'emploi, dans tout le Canada,
de cette marque de commerce en ce qui regarde ces mar-
chandises ou services. -
Quant à la validité de l'enregistrement de la
marque de commerce de l'intimée, ma première
réaction est que cet enregistrement est nul en
raison de la disposition suivante de l'article
18(1) de la Loi sur les marques de commerce:
18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est
invalide si
b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque
où sont entamées les procédures contestant la validité de
l'enregistrement; ..._
et quand on lit ensemble cette disposition et les
définitions qui suivent à l'article 2 de cette loi:
d) «distinctive», par rapport à une marque de commerce,
désigne une marque de commerce qui distingue véritable-
ment les marchandises ou services en liaison avec lesquels
elle est employée par son propriétaire, des marchandises
ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les
distinguer ainsi;
h) «marque de commerce» signifie
(i) une marque qui est employée par une personne aux
fins ou en vue de distinguer des marchandises fabri-
quées, vendues, données à bail ou louées ou des servi
ces loués ou exécutés, par elle, de marchandises fabri-
quées, vendues, données à bail ou louées ou de services
loués ou exécutés, par d'autres,
Si pour ce motif l'enregistrement de cette
marque de commerce est nul, il devient inutile
de statuer sur les autres moyens invoqués.
A mon avis, un examen des preuves présen-
tées fait ressortir qu'avant son enregistrement,
la marque de commerce «Mepps» était utilisée
au Canada pour indiquer que les leurres vendus
sous cette marque provenaient d'un certain
fabricant français et que c'est ce qu'entendaient
les familiers de cette marque au Canada. C'est
ce fait-là qui était important, bien que l'enregis-
trement ait été au nom des distributeurs. 2
Si mon appréciation des preuves est juste, il
s'ensuit qu'à l'époque où ont été intentées ces
actions, la marque de commerce «Mepps» ne
distinguait pas vraiment les «marchandises» en
liaison avec lesquelles elle était employée par
l'intimée (qui, en vertu de l'enregistrement de
cette marque, en était propriétaire) des «mar-
chandises» de personnes autres que l'intimée.
Et notamment, l'utilisation par l'intimée de la
marque «Mepps» pour certaines marchandises
n'aurait pas permis à cette époque de distinguer
ces marchandises des marchandises du fabricant
français.' J'en conclus donc qu'à l'époque où
ont été intentées les actions contestant la vali-
dité de l'enregistrement, la marque n'était pas
«distinctive» au sens de la loi et que, par consé-
quent, en vertu de l'article 18(1)b) l'enregistre-
ment est «invalide».
Ce n'est qu'après un examen approfondi des
conclusions du savant juge de première instance
sur cet aspect de l'affaire que j'en suis arrivé à
la conclusion que la marque de commerce
«Mepps» n'était pas à l'époque en question «dis-
tinctive». Le juge de première instance avait
conclu que «de 1956 au 7 juillet 1959, la
marque de commerce canadienne «MEPPS» a
servi à distinguer au sens de l'article 2D de la
Loi sur les marques de commerce les leurres
vendus au Canada par la société demanderesse
(mais fabriqués en France) des autres leurres,
même si la demanderesse n'était pas une utilisa-
trice enregistrée de la marque de commerce; et
du 7 juillet 1959 ce jour, la marque de com
merce canadienne «MEPPS» de même, a servi à
distinguer les leurres qu'elle vendait au
Canada». Quand il conclut qu'aux époques en
question, la marque de commerce distinguait au
sens de l'article 2d) les leurres vendus au
Canada par l'intimée de ceux fabriqués ou
vendus par d'autres, il conclut qu'à ces époques
la marque de commerce était une marque «qui
distingue véritablement les marchandises ... en
liaison avec lesquelles elle est employée par son
propriétaire des marchandises ... d'autres pro-
priétaires, ou qui est adaptée à les distinguer
ainsi». En d'autres termes, ces conclusions sem-
bleraient indiquer qu'à l'époque en question, la
marque «Mepps» apposée à des leurres indi-
quait aux acheteurs que ces appâts étaient fabri-
qués par l'intimée. Si l'on se base sur le fait
retenu par le savant juge de première instance et
amplement confirmé par la preuve qu'antérieu-
rement à 1956, la marque de commerce
«Mepps» distinguait, au sens de l'article 2d), les
leurres du fabricant français des leurres fabri-
qués par d'autres, rien n'indique qu'à partir de
1956 un effort ait été fait pour donner au public
une autre image de cette marque. Sous ce rap
port, je reprends l'opinion du juge P. 0. Law-
rence dans l'arrêt The Hotpoint Electric ((1921)
38 R.P.C. 63 à la page 71):
[TRADUCTION] Il est certain qu'une marque peut indiquer la
personne qui vend ou qui a choisi les marchandises et pas
nécessairement le fabricant, mais si c'est à travers son
utilisation par un certain fabricant qu'une marque a acquis
sa réputation et que cette marque a acquis la réputation
d'être celle du fabricant, on pourrait très bien tromper
l'acheteur en utilisant cette marque plus tard, sans aucune
modification, pour indiquer simplement le vendeur de certai-
nes marchandises qui auraient été fabriquées par quelqu'un
d'autre.
A mon sens, il est important de garder à l'esprit
qu'une marque de commerce n'est «distinctive»
au sens de la Loi sur les marques de commerce
que si elle «distingue véritablement» les mar-
chandises avec lesquelles elle est employée par
son propriétaire des marchandises d'autres
personnes . 4
J'en conclus qu'en vertu de l'article 18(1)b),
l'enregistrement était invalide et je considère
que l'on doit accueillir l'appel avec dépens car, à
mons sens, les actions en contrefaçon auraient
dû être rejetées et i' aurait dû être statué sur une
des demandes reconventionnelles en annulant
l'enregistrement.
En ce qui concerne le contre-appel, et une
fois acceptées mes conclusions quant à la signi-
fication de la marque «Mepps» sur le marché
canadien, il ne reste aucun fondement à la récla-
mation présentée en vertu de l'article 7 de la Loi
sur les marques de commerce. Si l'enregistre-
ment de la marque de commerce est invalide, il
ne peut y avoir de réclamation en vertu de
l'article 22. Je suis également d'avis qu'il con-
vient de rejeter le contre-appel avec dépens.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Il ne fait
aucun doute, d'après les faits de l'espèce, que
pendant toute la période qui va de 1951, date de
la première apparition sur le marché canadien
des leurres portant la marque «Mepps», jus-
qu'en 1969, date à laquelle furent déposées lors
de ces actions les demandes reconventionnelles
en radiation, la marque «Mepps» avait été appo-
sée aux leurres pour la pêche par la compagnie
française qui les fournissait, à savoir la Manu
facture d'Engins de Précision pour Pêches Spor-
tives. Indiscutablement la compagnie française
apposait sa marque aux leurres qu'elle fabri-
quait afin de les distinguer des marchandises
fabriquées par d'autres. Ainsi, pendant toute la
période en question, le mot «Mepps» a consti-
tué, au sens donné aux mots «marque de com
merce» par l'article 2 de la Loi sur les marques
de commerce, une marque de commerce utilisée
par cette société afin de bien marquer la prove
nance de ses marchandises.
Je considère comme également établi que
pendant toute la période en question la marque
de commerce «Mepps» a véritablement servi à
distinguer les leurres de la compagnie française
de ceux d'autrui au sens que l'article 2 donne au
mot «distinctive» et que c'est à bon droit, à titre
de propriétaire de la marque et non à titre
d'agent ou de mandataire de l'intimée, que la
compagnie française a revêtu ses marchandises
de cette marque.
Si j'ai bien compris, les arguments de l'inti-
mée ne vont pas à l'encontre de ces faits mais se
basent sur la proposition qu'au Canada la
marque de commerce «Mepps» peut à la fois
distinguer les marchandises du fabricant fran-
çais et les marchandises de leur distributeur et
que cette marque peut ainsi être «distinctive»
par rapport aux deux personnes. La loi, à mon
sens, n'est pas susceptible d'une telle interpréta-
tion et, eu égard aux faits non contestés que j'ai
exposés, il en découle que la marque de com
merce ne pouvait pas servir à distinguer les
marchandises de l'intimée, au sens qui est donné
à ce mot par la loi, à l'époque où les demandes
reconventionnelles en radiation furent déposées.
Le juge de première instance a décidé que la
marque de commerce servait à distinguer les
marchandises de la compagnie française entre
1951 et 1956 puis, après cette date, servait à
distinguer celles de la compagnie intimée. En
toute déférence, je ne peux convenir que la
marque ait eu un caractère distinctif au sens qui
est donné au mot «distinctive» par l'article 2,
c'est-à-dire que la marque était une marque de
commerce utilisée par l'intimée à titre de pro-
priétaire de cette marque afin de distinguer ses
marchandises des marchandises d'autrui et que
cette marque a véritablement servi à distinguer
ses marchandises de celles des autres. L'intimée
n'a jamais apposé cette marque sur les leurres
de la compagnie française ni sur ses propres
leurres. Et la compagnie française n'a jamais
apposé cette marque sur des leurres à titre de
mandataire de l'intimée. De plus, et selon l'ac-
cord conclu entre l'intimée et la compagnie fran-
çaise, l'intimée n'a pas le droit d'utiliser cette
marque pour des marchandises provenant d'une
compagnie autre que la compagnie française.
L'intimée n'a fait que revendre au Canada des
leurres sur lesquels la compagnie française avait
apposé cette marque en tant que propriétaire et
l'intimée n'a, à aucune époque, essayé d'indi-
quer au public que la marque avait cessé d'être
celle de la compagnie française et était devenue
sa propre marque de commerce. Je pense par
conséquent qu'on ne serait pas fondé à conclure
que la marque servait, entre 1956 et 1959,
époque pendant laquelle ni l'intimée ni son pré-
décesseur n'avait le moindre droit de propriété à
l'égard de cette marque, à distinguer les mar-
chandises de l'intimée et je ne considère pas que
l'on puisse confirmer le jugement qui a conclu
que la marque de commerce après sa cession
était distinctive des marchandises de l'intimée.
Ainsi que l'a proposé le juge en chef, il con-
vient d'accueillir l'appel et de rejeter le
contre-appel.
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à
l'avis.
' Il importe peu qu'un acheteur particulier connaisse le
nom du fabricant français—on suppose que ceux qui achè-
tent de préférence les articles vendus sous cette marque ont
pris l'habitude de faire confiance au fabricant de ces articles
quel que soit son nom. Voir dans l'arrêt Wotherspoon c.
Currie, L.R. 5 E. & I. App. 508, la décision de Lord
Hatherley, L.C. aux pages 514-515: [TRADUCTION] «Par con-
séquent le nom commercial a un caractère distinc-
tif, du moins je le pense, et un fabricant honnête ne devrait
pas l'utiliser, s'il s'agit bien d'un nom commercial, pour ses
marchandises lorsqu'un autre fabricant a acquis un droit
exclusif à l'utilisation de ce nom, pour l'avoir déjà employé
pour ses marchandises. J'entends par utilisation le fait que
ses produits ont acquis une certaine réputation sous cette
appellation de sorte que, lorsque les gens aperçoivent un
produit de cette appellation, ils comprennent tous qui en est
le fabricant s'il s'agit de personnes qui se préoccupent de
l'identité du fabricant—et les gens qui sont satisfaits de cet
article le reconnaissent tout de suite par le nom qu'il porte,
bien qu'ils puissent ignorer le nom du fabricant. Il se pour: —
rait très bien que des centaines de personnes aiment l'ami-
don Glenfield Starch et l'achètent parce qu'ils le considèrent
comme le meilleur même s'ils n'ont jamais entendu parler de
Wotherspoon. Ils demandent l'article qui porte ce nom,
l'article fabriqué de telle manière par le fabricant et, puis-
qu'il n'y a qu'un seul fabricant qui le fabrique de cette
manière, ils veulent l'article fabriqué par lui.»
z Pendant toute la période de son utilisation au Canada et
même après que ces actions aient été intentées, on utilisait
avec la marque «Mepps» certains mots qui indiquaient clai-
rement que les leurres vendus sous cette marque étaient les
leurres bien connus de fabrication française.
Comparer avec le jugement du juge Tomlin dans l'arrêt
Impex Electrical Ltd. c. Weinbaum, (1927) 44 R.P.C. 405 où
il déclare, à la page 410: [TRADUCTION] «Si un fabricant qui
possède à l'étranger une marque de commerce a fabriqué
des marchandises et les a importées dans notre pays sous la
marque de commerce étrangère, cette marque étrangère peut
acquérir ici un caractère distinctif des marchandises prove-
nant du fabricant étranger. L'existence d'une telle situation
interdirait à quelqu'un d'autre de déposer cette marque de
commerce dans ce pays soit à titre d'importateur des mar-
chandises de ce fabricant soit à quelque autre titre. Le motif
de cette interdiction n'est pas que la marque en question est
une marque de commerce étrangère déposée dans un pays
étranger mais plutôt qu'elle représente une chose utilisée
d'une manière commerciale dans ce pays de façon à devenir,
dans l'esprit des gens, associée au fabricant étranger. J'ose
conclure que cet argument constitue le fondement du juge-
ment dans l'affaire Apollinaris ([1891] 2 Ch. 186). Cet
argument me semble être aussi le fondement de la décision
qu'a rendue le juge Clauson dans l'affaire Lacteosote Limi
ted c. Alberman (44 R.P.C. 211) et cela me semble être
conforme au bon sens.» Voir en sens contraire l'arrêt J.
Ullmann & Co. c. Leuba, (1908) 25 R.P.C. 673 (P.C.) dans
laquelle une marque de commerce de Hong Kong était
associée, à Hong Kong, au détaillant des marchandises et
non au fabricant étranger qui fournissait les marchandises.
Voir aussi l'arrêt Wilkinson Sword (Canada) Ltd. c. Juda,
[196'8] R.C.É. 137.
En fait, si je saisis bien les faits, l'utilisation par l'intimée
de la marque de commerce «Mepps» sur des marchandises
vendues à des amateurs de pêche au Canada à l'époque où
furent intentées ces actions n'aurait pas constitué une utili
sation commerciale de cette marque puisque, par définition,
ainsi que nous l'avons vu plus haut, une marque de com
merce entend «une marque utilisée par quelqu'un afin de
distinguer des marchandises fabriquées, vendues (etc.) ...
par lui des marchandises fabriquées ou vendues par d'au-
tres». L'utilisation de la marque de commerce «Mepps» sur
des marchandises de fabrication française que l'intimée ven-
dait au Canada n'aurait très certainement pas servi à distin-
guer ces marchandises de celles qui étaient fabriquées en
France et, si l'intimée avait utilisé sur des marchandises qui
ne provenaient pas du fabricant français la marque de
commerce «Mepps», elle aurait été coupable de fausses
déclarations tendant à faire croire que ces biens étaient
fabriqués en France.
Dans sa présentation des faits, l'intimée prétend qu'une
marque de commerce peut dans un même lieu et à une
même époque distinguer les marchandises de deux person-
nes différentes. Je considère erronée une telle définition de
la marque de commerce.
' Il se peut que le sens du paragraphe suivant du jugement
porté en appel m'échappe, mais je dois faire part d'une
réserve quant à la justesse du raisonnement qui en découle:
A mon avis, il suffit d'établir l'origine de ces leurres au
Canada. Le fait que certaines personnes au Canada
savaient que ces leurres venaient de France où ils étaient
fabriqués n'a aucune importance dans cette affaire, en ce
sens qu'elle concerne une réclamation à l'égard d'une
marque de commerce utilisée uniquement aux fins de
vendre des marchandises au Canada.
Si j'ai bien compris la Loi sur les marques de commerce, je
ne vois aucune raison de négliger les indications fournies par
une marque de commerce qui précisent que les marchandi-
ses sont fabriquées par un fabricant étranger pour ne les
considérer que comme une simple indication que les mar-
chandises sont vendues par un Canadien qui les a importées
et les vend au Canada. A mon sens, et eu égard au libellé de
l'article 2d), c'est une question de fait que de savoir quelle
indication précise la marque de commerce transmet «vérita-
blement» au public. Je suis persuadé que c'est ce qu'enten-
dait le savant juge de première instance dans le paragraphe
que nous avons cité mais il me semble que l'on peut inter-
préter ce paragraphe d'une autre manière.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.